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De l’Armée du Kaiser à la Drôle de Guerre.

Par André FISCHER





Le grand-père maternel de mon épouse était un personnage bien connu au village. Combattant de la Grande Guerre, il dut encore une fois servir dans l’armée française en 39-45. Il m’a raconté à maintes reprises ses souvenirs militaires en "feld grau" et je me suis souvent déplacé sur les champs de bataille de la Somme, à la rencontre des villes, des villages et des paysages qu’il évoquait dans ses narrations.

C’était chaque fois pour moi un pèlerinage émouvant, un retour sur images et je m’imprégnais totalement de l’atmosphère de la guerre, avec ses tragédies et ses trop rares moments de joie et de camaraderie.

Le grand-père n’est pas mort pour moi, il est bien vivant dans ses souvenirs et dans toutes les photos de la Guerre.

Charles DEMMERLE naquit à Etting, le 1er novembre 1897, dans une modeste famille d’agriculteurs. Son père, Jean Hilaire et sa mère Anne tenaient, parallèlement à leur travail de la terre, une petite épicerie-mercerie où ils vendaient des produits de première nécessité.


Charles et derrière lui son épouse,
à sa droite, sa mère, Marie.


Photo  Collection Hubert KIMMEL

 


Collection Hubert KIMMEL

La maison se trouvait dans la rue principale, un peu plus bas que l’épicerie SCHREINER, appelée "Schoonasch".
Elle fut détruite pendant la dernière guerre, lors du dynamitage du pont, par l’armée française, en 1940 et a été reconstruite.

A la déclaration de la guerre 1914-1918, "Karl" n’avait pas encore 17 ans et il savait que son tour viendrait bientôt, inexorablement, d’être incorporé à l’Armée du Kaiser Wilhelm II. Il savait qu’il aurait à prendre les armes, comme ses camarades, pour défendre sa patrie, le Reich Allemand, contre la France et ses Alliés.


Charles a conservé pieusement son livret militaire, appelé "Militärpass", et il est facile de suivre son itinéraire sur une période de 2 ans et demi, de mai 1916 à décembre 1918.

Le parcours militaire de Charles :

-Mobilisation le 31 mai 1916 au 3° Rekruten Depot. Ersatz-Bataillon. Fuss-Artillerie-Regiment 14 de Strasbourg. (3°  dépôt de recrues,    bataillon de réserve, 14° régiment d’artillerie à pied)
- Mutation au 1°Depot le 22 juin 1916
- Incorporation à la Bespannungsabteilung le 12 juillet 1916 (détachement d’attelage)
- Déclaré apte à servir le 24 août 1916, après son instruction
- Départ en train pour le front de l’est
- Séjour au Kriegslazarett 3 XI Armee-Korps à Arad  du 26 septembre 1916 au 5 novembre 1916 (hôpital militaire)
 



Photo de la Werder Kaserne (Strasbourg) en 1941.

www.archi-strasbourg.org


La caserne du régiment est la Werder Kaserne située au centre-ville de Strasbourg et qui sera dénommée Quartier Sénarmont en 1919.

Arad est une ville de l’ouest de la Roumanie, près de la frontière hongroise.

L’artillerie à pied, "Fussartillerie", est en fait l’artillerie lourde par opposition à l’artillerie légère appelée "Feldartillerie".

Le 14° régiment d’artillerie à pied fait partie du XIV° Corps d’armée et son siège se trouve à Karlsruhe dans le land de Bade, mais il est stationné à Strasbourg, sur le territoire du 15° Corps d’armée. Sa dénomination officielle est  1. Badisches Fussartillerie Regiment 14.

C’est une section d’attelage formée de conducteurs ("Fahrer"). Charles est dans son élément puisqu’il est fils d’agriculteurs et connaît bien les chevaux.

Le bataillon de réserve sert de bataillon d’instruction des jeunes recrues du régiment.

- Séjour au Vereinslazarett Aalen (3) du 6 novembre 1916 au 16 décembre 1916 (rapatriement pour convalescence)

Aalen se trouve en Allemagne, à l’est de Stuttgart, dans le Bade-Wurtemberg. L’hôpital militaire y est géré par la Croix Rouge allemande.

- Muté au 3° Bataillon Fuss-Artillerie-Regiment 14 le 6 janvier 1917

- Affecté à la 3° Batterie. 3° Bataillon. Badisches Fuss-Artillerie-Regiment 14 du 7 janvier 1917 au 19 août 1917
   Charles est désormais sur le front de l’ouest.

Participation aux batailles suivantes :
- du 7 janvier au 27 février 1917 combats de sauvetage ("Rettungskämpfe") près de Verdun
- du 8 avril au 13 avril 1917 "Rettungskämpfe" dans le Sundgau
- du 14 avril au 27 mai 1917 bataille d’Ay en Champagne
- du 28 mai au 10 juillet 1917 "Rettungskämpfe" en Champagne
- du 12 juillet au 16 août 1917 "Rettungskämpfe" en Argonne
- du 16 août au 19 août 1917 bataille près de Verdun

Appréciation de l’officier commandant de la batterie : ("Oberleutnant und Batterieführer") :
-conduite (Führung) : bien
-moral : bien
-condamnations : aucune

- gazé (gaskrank) et transféré le 19 août 1917 à la compagnie sanitaire 29 à Loison

Loison se trouve au nord-est de Verdun, à une trentaine de km.

- Transféré le 20 août 1917 à la Bespannungs-Abteilung. Ersatz-Bataillon. Fuss-Artillerie-Regiment 14

-Incorporé  du 23 janvier  au 26 janvier 1918 au Fuss-Artillerie-Regiment 24. Erste Bespannungs-Abteilung.
- Affecté du 26 janvier au 3 décembre à la 2° Batterie Ersatz-Bataillon 151 Königliches Preussisches Fuss-Artillerie-Regiment 13

Participation aux combats suivants :

- du 8 mars au 11 mars 1918 temps de préparation de la grande bataille de France
- du 11 mars au 20 mars 1918 combats sur la position Siegfried et temps de préparation de la grande bataille de France
- du 21 mars au 26 mars 1918 grande bataille de France dont contre-attaque dans la région de la Somme du 23 au 26 mars 1918
  (" Verfolgungskampf ")

- du 27 mars au  27 mai 1918 combats sur l’Ancre et entre la Somme et l’Avre dont combat près de Villers-Bretonneux du 18 avril
   au 26 avril 1918

- du 27 mai au 8 août 1918 combats entre la Somme et l’Ancre
- du 8 août au 15 août bataille défensive ("Abwehrschlacht") entre la Somme et l’Ancre
- du 16 septembre au 27 septembre 1918 retenu pour motif de service dans le secteur de la guerre
- du 27 septembre au 11 novembre 1918 "Abwehrschlacht" en Champagne et sur la Meuse
- démobilisé le 3 décembre 1918

   Appréciation de l’officier :
- conduite : bien
- condamnation : néant

Séjours au Reserve Feldlazarett n°3, au Etappen-Lazarett de Pierrepont et au Vereinslazarett de Edenkoben.

Pierrepont est au sud-est de Longuyon, dans le département de la Meurthe-et-Moselle.
Edenkoben est située dans le sud de la Rhénanie-Palatinat, entre Landau et Neustadt.




  Charles est debout, le troisième à partir de la gauche.

(Photo prise à Strasbourg, pendant la période d’instruction).




 
Verso de la photo ci-dessus.


Sur cette carte postale envoyée de Strasbourg, le 14 juillet 1916, à ses parents, Charles les rassure sur sa santé, leur adresse un petit souvenir (photo en compagnie de camarades), envisage de se faire photographier seul quand il en aura le temps et leur annonce une prochaine permission.


Je n’ai pas trouvé de photo individuelle et je pense que Charles, versé sur le front, n’a plus eu l’occasion de se faire photographier en tenue. Ses parents auraient certainement été fiers d’avoir le portrait de leur fils en uniforme.

Les souvenirs militaires de Charles, tels qu’il me les a racontés,  sont fidèles à son livret militaire.

Il m’a parlé de sa mobilisation à Strasbourg, puis de son départ en train pour le front de l’Est.

Il faut savoir qu’à partir de 1915-1916, les Alsaciens-Lorrains étaient envoyés systématiquement sur le front de l’Est, en Prusse Orientale, en Roumanie.

L’Etat-Major allemand n’avait aucune confiance en ces "Franzosenköpfe"(littéralement têtes de Français, c'est-à-dire sales Français) et préférait les affecter loin de leur foyer pour éviter les désertions. Il avait fait de mauvaises expériences en 1914 lorsque le 99° Régiment de Réserve composé aux 4/5 d’Alsaciens s’était rendu aux Français près de Saint Blaise, dans les Vosges.


Après l’armistice germano-russe de 1917, Charles fut rapatrié sur le front de l’Ouest, via la Belgique, Sedan et Charleville-Mézières.
Beaucoup de noms de localités étaient clairement présents dans sa mémoire. Souvent il mentionnait Verdun et le fort de Douaumont, la Somme avec les villes de Péronne, Bapaume, Albert.

Il me parlait, avec son accent d'ici, de Courcelette, de Thiepval et de Hamel, qu’il prononçait "Kurzelett", "Thiebfal" et "Hàmmel" à l’allemande, et j’ai eu beaucoup de mal à trouver ces localités sur la carte.

Il citait Pozières, Raucourt, Cléry et bien d’autres noms de villages que j’ai visités par la suite.

Il me détaillait son armement, le fusil Mauser modèle 1898 qui équipait l’armée allemande, la baïonnette-couteau qu’on fixait au bout du canon. L’ensemble dépassait les 2 m et il fallait tenir le fusil à bout de bras lors des assauts. Je ne pense pas qu’il ait eu à se servir de son arme puisqu’il était artilleur.

Il me racontait qu’on distribuait généreusement de l’eau-de-vie avant les assauts qui avaient toujours lieu tôt, le matin. Ainsi les fantassins, grisés par l’alcool, ne se posaient pas de questions et sortaient de leur abri pour se ruer à l’assaut des tranchées ennemies.

Il me disait qu’en Somme, immense plaine, les soldats anglais et américains se faisaient tuer comme des lapins lorsqu’ils attaquaient par vagues successives.

De petits détails de la vie quotidienne lui sont restés en mémoire, comme le fait de manger la viande des chevaux tués pendant la bataille, ou de la viande de rat, ces rats qui pullulaient et qui étaient bien grassouillets, nourris des cadavres du champ de bataille.
Comme l’histoire du petit caniche blanc du capitaine qui disparut un jour, dévoré par les rats.

Des visions d’horreur sont aussi restées bien présentes comme les arbres déchiquetés, la terre labourée par les obus, les cadavres de soldats et de chevaux en décomposition, comme ces paysages lunaires où plus aucun brin d’herbe ne restait debout.

Il m’a aussi parlé du gazage, dont il a été victime près de Verdun. Les soldats devaient souvent porter un masque, par peur des  attaques au gaz. Mais c’était très pénible parce qu’on suait beaucoup sous le masque et de la buée se formait sur les verres.

Il fallait parfois soulever le masque pour évacuer l’eau de condensation et ce petit geste faillit lui être fatal. Charles, victime de l’attaque aux gaz, tomba inconscient. Il reprit connaissance plus tard dans le chœur d’une église en ruines qui servait d’hôpital de campagne. Ce ne fut heureusement pas trop grave et il se rétablit vite.

C’est à Verdun qu’il gagna la Croix de Fer de 2° classe, "das E.K.II", pour avoir secouru et ramené dans ses lignes un camarade blessé. Mais le malheureux succomba à ses blessures.

Il me parlait aussi de l’As des as, le fameux Baron Rouge, Manfred von Richthoffen qui survolait journellement les lignes allemandes de la Somme dans son triplan peint en rouge. Il se souvenait du jour de sa mort, le 21 avril 1917, et me dit que son décès porta un grave coup au moral des combattants allemands.

Il me raconta l’histoire de ce cratère toujours visible à côté de Pozières, dans la Somme et qui peut facilement contenir 4 à 5 maisons. Les Anglais voulaient détruire un nid de mitrailleuse allemande installé sur une colline et décidèrent de creuser un tunnel long de 2 km pour arriver sous la position allemande et la faire sauter au moyen de mines. En fait toute la colline sauta.

L’artillerie allemande de la Grande Guerre :

Pour exemple, le VII° Corps d’armée comprend 5 brigades d’Artillerie à pied. Chaque brigade comporte plusieurs régiments.  Ainsi, le 19° régiment d’artillerie à pied, le "Schleswig-Holsteinisches Fussa 19", est composé de trois bataillons. Chacun d’eux comprend 2 à 4 batteries et chaque batterie se compose de 4 mortiers de 21 cm ou de 4 obusiers de 15 cm.

Ainsi il peut y avoir 8 batteries par régiment, soit un total de 32 pièces.

L’obusier lourd de campagne modèle 1902, appelé "Schwere Feldhaubitze", en abrégé SFH 02, est un canon Krupp de 15 cm. L’obusier mis en batterie pèse 2035 kg. Prêt à marcher, c’est-à-dire avec l’avant-train, il pèse 2710 kg.

C’est le premier canon de l’armée allemande à avoir reçu un frein de recul. 416 pièces sont en service au début du conflit. C’est une arme de bonne conception, avec un châssis plus équilibré, un tube plus long que sur le modèle 93 et une culasse moderne. Mais il n’y a pas de bouclier protecteur pour les servants. Le poids du projectile est de 42 kg et la portée de l’obusier est de 7 450 m.

 




  l’obusier en état de marche, avec son avant-train.



La version modernisée en est la SFH 13 dont 1350 sont en service en 1914. Le calibre reste le même, mais la portée est augmentée de 15 % (8 500m) et un bouclier protecteur, bien utile en cas de tir de contre-batterie, a été ajouté.

Le mortier de 21, modèle 10, appelé couramment "der Mörser", est une arme importante composée de 3 fardeaux :
-    l’affût seul
-    le tube sur chariot (4065 kg)
-    un chariot avec les accessoires, appelé "Gürtelwagen".

Le poids du mortier mis en batterie, avec le chariot d’accessoires pèse 7380 kg. Le projectile pèse 120 kg dont 17,58 kg de charge explosive. La portée est de 9 400 m. 216 exemplaires sont en service en 1914.


 


 
 
 

La version modernisée du "Mörser" est le modèle 16, appelé "lange Mörser"(long mortier), à cause de l’allongement du canon. Le poids représente 7 550 kg et un bouclier protecteur a été rajouté. La portée passe à 10200 m et fait de ce mortier un des fleurons de l’artillerie allemande.

 



Les pièces d’artillerie, malgré leur masse importante, étaient mobiles sur le champ de bataille grâce à des sections d’attelage spécialement créées, composées de chevaux de trait et de conducteurs.

Vers la fin de la guerre, quelques tracteurs d’artillerie firent leur apparition pour prendre le relais des chevaux.

Mettre en place, déplacer les obusiers et surtout les mortiers n’était pas une chose facile. Les  chevaux d’attelage ne suffisaient pas sur les terrains détrempés et de nombreux soldats devaient aider pour tirer et pousser les pièces.

 






 

Mortier en action, avec sa foule de servants et le chef de pièce à gauche


VERDUN

le 21 février 1916 débutait à Verdun, l'une des plus terrible bataille de notre histoire.
C'est le destin de toute un génération qui s'est joué ici. Nos grand parents et arrières grand parents qui sont allés de battre à Verdun au nom de la liberté, ont vécu cet enfer impitoyable . Ne les oublions pas !

La bataille de Verdun
(youtube)

Ce film est destiné à garder la mémoire des lieux où moururent entremêlés tant de jeunes hommes, français et allemands, avant que la nature ne recouvre tout du grand manteau de l'oubli.
Il a été réalisé à l'initiative de Mémorial de Verdun et des Gueules Cassées.

La bataille de Verdun (wikipedia.org)


L’après-guerre
:

Malgré son gazage, Charles rentra sain et sauf de la guerre et trouva du travail à Kalhausen, dans la boucherie MULLER de la rue des jardins, "ìm Hohléck".



 
 Charles fut invité en 1934 au mariage d’Anne MULLER (la fille du boucher) et Jacques LALUET.
(Dernier rang 3 ième en partant de la gauche)


L’agriculture ne payait pas suffisamment et il fallait trouver un salaire d’appoint. Je ne pense pas qu’il travaillait tous les jours à la boucherie, peut-être seulement les jours de sacrifice des bêtes et de découpe de la viande.


C’est là qu’il rencontra sa future épouse, Marie-Catherine PEFFERKORN, de 6 ans sa cadette, auprès de la fontaine située devant la maison Greff. Tous deux venaient se ravitailler à la fontaine, l’un pour le compte de la boucherie et l’autre pour le ménage paternel.

Ils se marièrent le 20 avril 1925. Le jeune couple s’établit après son mariage dans la maison paternelle de Catherine et Charles put s’adonner à l’agriculture, comme il l’avait déjà fait à Etting. Et il devint pour tout le village "de Éddìnger Kàrl"(le Charles originaire d'Etting).
 

(Devant la maison du Hohléck)
Charles, son épouse Marie-Catherine, leur fille Lucie, son beau-père Blaise et le jeune Pietro.


Il continua à donner un coup de main  dans la boucherie MULLER-LALUET lorsqu’il fallait tuer des bêtes et les découper, même après le déménagement de la boucherie dans la nouvelle construction de la rue de la gare.

Il mettait aussi ses dons de boucher au service de ses concitoyens en allant dans les maisons pour tuer le cochon et le découper. C’est à cet effet qu’il disposait chez lui d’outils de boucher.

Sur un inventaire établi en 1940 et listant le matériel disparu pendant l’évacuation, il mentionnait, entre autres, 8 couteaux de boucher, 1 fusil à aiguiser, 1 scie de boucher, 1 tranchoir, 1 poussoir à saucisses d’une capacité de 4 litres ainsi qu’un hachoir à viande.


 

La famille MULLER en 1940. Charles est à l’extrême droite.


Le couple DEMMERLE avait deux filles, Marie-Agnès, née le 19 janvier 1926 et Lucie-Adèle, née le 21 juillet 1928. L’aînée décéda, hélas, le 9 juin 1935 à l’âge de 9 ans.

Charles et Catherine auraient bien aimé avoir un descendant mâle. Après le décès de Marie, ils songèrent à adopter un garçon. La sœur de Charles, Adèle, avait épousé un légionnaire qui connaissait bien Metz. Elle suggéra à son frère de s’adresser à un orphelinat de cette ville. En ce temps-là l’adoption était chose aisée et il n’y avait pas tous ces dossiers à remplir comme aujourd’hui, ni de délais d’attente.


C’est ainsi que le jeune Pietro LAZZAROTTO, arriva au foyer DEMMERLE. Fils d’immigrés italiens, né le 18 mars 1925 à Homécourt, Pietro fut, paraît-il, mal accepté par les habitants du village et par le curé, l’abbé ALBERT. Il n’aimait pas être appelé Pietro, mais Pierre. Charles et Catherine s’occupèrent de lui, comme s’il s’était agi de leur propre fils.

La seconde guerre mondiale :

Réintégré de plein droit dans la nationalité française après 1918, Charles dut servir dans l’armée française lors de la déclaration de guerre de septembre 1939. Il fut mobilisé le 23 août 1939 au 2° Bataillon du 204° (R)égiment (R)égional de (P)rotection et affecté à la défense de la gare de Saverne.



Les RRP ou Régiments Régionaux de Protection, comme les RRT (Régiments Régionaux de travailleurs) ont été créés par la loi de recrutement du 1er avril 1923, en remplacement de l’ancienne armée territoriale. Ils sont formés en 1939, des plus vieilles classes rappelées, donc des hommes de 35 à 45 ans, qui ont tous déjà combattu lors de la première guerre mondiale. (Charles a 42 ans en 1939)
Les RRP sont chargés, dans la zone arrière, de garder les points sensibles (voies ferrées, ouvrages d’art, câbles souterrains…) et les établissements importants (usines, dépôts…) contre d’éventuelles attaques ennemies.


Le terrible hiver 39-40 de la Drôle de Guerre l’occupa à des travaux de défense et de construction d’abris. Il fut plusieurs fois de "corvée de bois" : il s’agissait de couper des troncs d’arbres dans la forêt de Lutzelbourg, sur les pentes abruptes de la vallée de la Zorn, et de les acheminer jusqu’à Saverne pour consolider les caves des maisons.

C’était un travail physique, rendu pénible par les mauvaises conditions climatiques.



 
Le soldat de 40 avec ses camarades.
Charles est à gauche.






 

Dans la vallée de la Zorn, entre route et canal.


Pendant cette période, Charles souffrit d’une bronchite qui s’était déclarée le 9 février 40 et il dut se faire soigner à l’hôpital de Saverne. Son état ne s’améliora pas et le 29 février il fut hospitalisé à l’hôpital de Lavault-Sainte-Anne dans l’Allier. Il souffrait de bronchite récidivante et de troubles gastro-hépatiques, d’après le médecin-chef.


Une convalescence de 15 jours lui fut accordée le 22 avril et il rejoignit son régiment au cours du mois de mai.

 
 
 

L’attaque allemande qui suivit obligea le régiment à battre en retraite et Charles fut fait prisonnier avec ses camarades, comble de l’absurdité, par ceux qu’il avait servis auparavant.


Les Allemands libérèrent rapidement les Alsaciens-Lorrains et Charles put regagner son village, retrouver sa famille, reconstruire encore une fois sa vie et se dévouer tout entier à sa petite famille.

L’histoire de Charles illustre bien la situation particulière des Alsaciens-Lorrains, ballottés d’une nation à l’autre, selon le cours de l’histoire.

Allemand à sa naissance, Charles devint Français en 1918 pour redevenir Allemand en 1940 et de nouveau Français en 1945.
On lui avait appris à aimer et servir une Patrie pour l’obliger à la haïr quelque temps après. Les gens simples comme Charles faisaient leur devoir sans se poser trop de questions. Ils subissaient leur sort et étaient plus ou moins résignés. Leur vie se passait au village, dans le travail quotidien de la terre, entre ferme et église, entièrement au service de la famille. Charles peut être fier de son passé militaire et du devoir accompli.


         

Charles DEMMERLE



Marie Catherine PEFFERKORN


Souvenirs racontés par André FISCHER
Texte de Gérard KUFFLER.
Avril 2012



Sa fille Lucie SCHREINER est décédée le 7 septembre 2011.




Lucie SCHREINER.



Photos Collection personnelle
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Photos  extraites des sites www.landships.freeservers.com, www.clham.org et humanbomb.free.fr.
Sources sur l’artillerie allemande www.passiocompassion1418.com.
                                                   www.memoire-des-alpins.com.