saint-florian
Saint Florian




Les ouvrages qui traitent de la vie des saints ou des prénoms ne s’étendent pas beaucoup sur saint Florian, pour la simple raison que ce prénom porté par un ancien soldat romain converti au christianisme n’était pas très en vogue en France.

Pourtant, pour des raisons historiques liées à l’immigration issue du Tyrol, Florian a eu son heure de gloire dans notre village, plus particulièrement au cours du 19° siècle, au point de devenir le patron de l’église paroissiale et d’être donné plus de 200 fois jusqu’au 20° siècle.

J’ai voulu savoir un peu plus sur l’origine du prénom, sur la vie et la mort, encore largement méconnues, de saint Florian et sur le culte du saint qui se perpétue encore de nos jours dans certains pays.

Mes recherches m’ont tout naturellement mené à des sources autrichiennes et allemandes et permis de connaître un peu plus ce saint, protecteur du village, invoqué par nos ancêtres, mais malheureusement retombé dans l’oubli.



 


Statue de Saint Florian
se trouvant dans le chœur
de l’église paroissiale de Kalhausen.

1. Le prénom

       Origine :

D’origine romaine, comme d’autres prénoms (Antoine, Jules, Emile, Claude …), le prénom Florian, en latin Florianus, a comme racine le substantif flos, floris, la fleur ou encore l’adjectif florus qui signifie florissant et donc magnifique, brillant, splendide.

Florian veut donc dire celui qui resplendit, qui est brillant, magnifique.

Ses variantes sont Florent, Florentin, Florien, Florin et au féminin, Florentine, Florine, Florienne, Florence, Flore et bien sûr Floriane.
Florian se retrouve aussi dans le patronyme Flory.

Sa couleur est l’orange, sa pierre précieuse la topaze.

     Fréquence :

Le prénom Florian fut utilisé dans les premiers temps de la chrétienté, puis il disparut peu à peu à partir des VI° et VII° siècles, au moment des grandes invasions,  pour laisser  place à des prénoms germaniques comme  Bernard, Ernest, Guillaume, Edouard…
Il réapparut progressivement à partir du XIV° siècle et se répandit en Autriche, en Pologne et en Allemagne. Il resta pourtant très discret en France jusqu’à la vogue des prénoms terminés par –an vers 1970. (Tristan, Gaëtan, Alban…)

En 1995, selon l’INSEE, il occupait la 10° place des prénoms masculins (6979 naissances en 1991). En 2007, il a été donné 1274 fois, ce qui le place en 61° position des prénoms donnés. Il y a donc un net recul de ce prénom.

Actuellement, la mode est aux Lucas, Thomas, Théo, Hugo pour les garçons et aux Léa, Manon, Chloé pour les filles.

Mais contrairement aux statistiques nationales, Florian avait une grande popularité dans notre village.
La première apparition du prénom Florian est attestée sous sa forme féminine Floriane avec la naissance à Weidesheim d’une certaine Floriane Thron en 1725.

Le prénom sera donné 197 fois en premier prénom et 12 fois en second prénom pendant les siècles suivants. C’est le 19° siècle qui détient le record des Florian avec 163 naissances, contre 12 au 18° siècle et 22 au 20° (jusqu’à 1936).

Actuellement le prénom est passé de mode, également en ce qui concerne le village et il n’y a plus que 4 personnes portant ce prénom  originaires du village : Florian Demmerlé, né en 1927, Florian Freyermuth né en 1954,  Florian Herrmann né en 1964 et Florian Freyermuth né en 1979.

Le prénom Florian est intimement lié à l’histoire du village et ne se rencontre pratiquement pas dans les villages alentours, surtout pas à la même fréquence au 19° siècle.

Il a été rencontré moins d’une dizaine de fois à Achen dans la période de 1725 à 1936.

Il faut savoir qu’une forte immigration autrichienne issue du Tyrol a eu lieu après la guerre de Trente Ans (1618-1648) dans le but de repeupler nos régions dévastées. De 8 000 à 11 000 Tyroliens migrèrent ainsi de 1680 à 1730 et vinrent s’installer dans nos régions.

Parmi eux, un certain Michel Lauer, originaire du Vorarlberg, est attesté à Kalhausen en 1713. D’autres s’établirent dans les communes voisines d’Achen, comme Christian Tamerln, décédé en 1728 et originaire de Zams, qui sera à l’origine de la dynastie des Demmerlé ou encore de Rohrbach-lès-Bitche, comme Etienne Pefferkorn, décédé en 1774, originaire de Ludesch, dans le comté de Bludenz, dont un descendant, Henri, né en 1768,  s’établira à Kalhausen.

Les immigrants du Tyrol apportèrent, entre autres, dans leurs bagages, le culte de saint Florian, très répandu en Autriche.

Déjà la chapelle bâtie au milieu du village en 1725 avait comme patron primaire saint Florian et comme patronne secondaire sainte Agathe, comme nous l’apprend un procès verbal de visite canonique effectuée par le curé de Rohrbach, Jean Salzmann, le second jour complémentaire de l’an 11 de la République Française. (1803)

Le curé Staub qui a fait construire  l’église actuelle en 1847 n’a pas manqué de reprendre les mêmes saints comme patrons de la nouvelle église.




 


La bénédiction  de la nouvelle église ainsi que de la nouvelle grande cloche baptisée Florian, a eu lieu le 24 février 1848, par le curé de Rohrbach.

A cette époque, le prénom était déjà bien implanté dans le village (depuis 1725 jusqu’à 1847 il a été donné 86 fois) et il continuera à se développer pendant la seconde moitié du 19° siècle et le début du 20°.

Si saint Florian fut choisi comme protecteur de la paroisse, ce n’est pas sans arrière-pensée : il était en effet invoqué contre les dangers du feu et plus spécialement contre les incendies.

Sainte Agathe, la seconde patronne de l'église, fêtée le 5 février, est aussi invoquée contre les incendies.

Les incendies devaient être assez fréquents et dévastateurs à l’époque.

La mitoyenneté des maisons, surtout au centre du village, n’arrangeait pas les choses.

Certains toits étaient encore couverts de chaume et le corps des sapeurs-pompiers n’était pas encore créé.

On raconte même que certains tas de fumier prenaient feu, non à cause de la fermentation, comme on pourrait le croire, ce qui est d’ailleurs impossible, mais sans doute, parce que certaines personnes y jetaient leurs cendres encore chaudes. La paille sèche placée en périphérie du tas de fumier pouvait ainsi aisément se consumer. Mais je ne sais pas si l’intervention d’un saint pouvait remédier à l’imprudence de certains.





Cachet de la paroisse
.


2. L’histoire de saint Florian

Nous parlerons exclusivement de Florian l’Autrichien, celui de Lorch, canonisé en l’an 1138 par le pape Lucius III, qu’il faut différencier de Florian de Gaza, martyr, tué en 637, lors de l’invasion de la Palestine par les Musulmans et fêté le 17 décembre.

Un autre saint Florian figure encore dans le martyrologe chrétien, il s’agit du père Florian Stepniak, tué en 1942 par les Nazis dans le camp de concentration de Dachau et fêté le 12 août.




Saint Florian de Lorch
d’après Francesco del Cossa (1436-1478).






2.1. L’origine de la légende

La légende de Saint Florian se base sur deux textes :

  -  la Passio Sancti Floriani ou Passion de Saint Florian, c’est-à-dire le récit de sa mort.
  -  le Martyrologium Sancti Hieronymi ou martyrologe hiéronymien (de Saint Jérôme) qui est un livre liturgique comprenant des notices sur la mort des      saints à fêter sur le calendrier.

La Passion est un texte historique en latin, daté de la fin du VIII° siècle-début du IX°. Deux versions sont connues, l’une longue et l’autre plus courte. La Passion ne relate pas seulement des évènements historiques, mais contient également des citations bibliques, des prières et des faits merveilleux, surtout dans sa seconde partie.

Ce récit se base sur des écrits primitifs relatant des faits réels qui se sont passés au IV° siècle, à savoir les persécutions des chrétiens par les empereurs romains Dioclétien et Maximien, l’emprisonnement de 40 chrétiens de Lauriacum et la mort de Florian, le 4 mai 304.
L’auteur de la Passion a « romancé » son texte en y incorporant des dialogues : Florian avec les soldats, Florian avec le gouverneur Aquilinus, dans le but d’édifier le lecteur.

Les prières faites par Florian sont des textes pouvant être utilisés par les chrétiens dans leur dévotion.

Il existe des similitudes entre la Passion de Florian et celle d’Irénée de Sirmium qui a aussi été jeté dans une rivière. On peut se poser la question si des éléments d’un texte n’ont pas été insérés dans l’autre.

Le Martyrologe Hiéronymien est un bref résumé de la mort de Florian. Lequel des deux textes est alors la source et lequel est le dérivé ? Les historiens semblent d’accord pour dire que la Passion précède le Martyrologe qui en serait une copie.

L’un des manuscrits du martyrologe, le Codex Bernensis, relate les évènements du 4 mai, en latin, de la façon suivante :

« In Nurico ripense loco Lauriaco natale Floriani ex principe officii praesidis ex cuius iussu ligato saxo collo eius de ponte in fluvio Aniso missus   est oculis crepantibus praecipitatum (corpus) videntibus omnibus  circumstantibus. »

Traduction :
(4 mai)  Jour du décès à Lauriacum, dans le Norique ripuaire, de Florian, ancien chef de service du gouverneur.
Sur son ordre, Florian fut jeté du haut du pont dans la rivière Enns, une pierre au cou, tandis que ses yeux s’éteignirent. Toutes les personnes présentes l’ont vu.


2.2. Le drame


           Contexte :

Les persécutions contre les chrétiens, suite au 4° édit de l’empereur romain Dioclétien (284-305), publié en février-mars 304 ne concernent pas tous les chrétiens, mais seulement les soldats qui ont embrassé la foi chrétienne. Il s’agit en fait d’une épuration militaire de la légion.

L’auteur de la Passion de Florian mentionne ces persécutions. Selon lui, certains chrétiens se cachèrent dans la montagne, d’autres dans des cavernes pour échapper aux poursuites.

Eusèbe de Césarée, dans son Histoire Ecclésiale, dit ceci : « On put voir alors un très grand nombre de militaires rentrer joyeusement dans la vie privée plutôt que de devenir renégats de la religion du Dieu de l’univers. Aussitôt que celui qui commandait alors à l’armée eut commencé les opérations de la persécution contre les troupes, il classa et épura ceux qui servaient : il leur donnait le choix ou bien d’obéir et de continuer à jouir de leur grade ou bien au contraire d’en être privés s’ils faisaient le contraire de ce qui était ordonné. Un grand nombre de soldats du Christ préférèrent sans hésitation la confession de leur foi à l’honneur apprécié et à la situation avantageuse qu’ils possédaient. Il arriva alors rarement que l’un ou l’autre d’entre eux eut à supporter non seulement la perte de sa dignité, mais la mort pour sa résistance religieuse. »
 Historia Ecclesiae VIII.4


         Lieux :

  - la province romaine du Norique ripuaire (Noricum Ripense en latin ou Ufernorikum en allemand), située entre le Danube et les Alpes.
Le Norique, situé au sud du Danube, correspondait aux états fédéraux actuels de la Haute et  de la Basse Autriche, avec la plus grande partie de la Styrie et de la Carinthie et des fragments de Salzbourg, du Tyrol et de la Carniole, soit pratiquement la superficie de l’Autriche actuelle.
Il fut divisé par les Romains en Norique ripuaire (ce qui signifie le long du fleuve) au nord et en Norique méditerranéen (ou alpestre) au sud.

   -  le camp militaire de Lauriacum, situé au confluent de l’Enns et du Danube, actuellement Lorch, un quartier de la ville d’Enns
   -  la ville d’ Aetium Cetium, actuellement Sankt Pölten


        Personnages :

  -   le consul Aquilinus, qui occupe la fonction de préfet ou gouverneur de la province du Norique ripuaire

  -   Florian, né vers 250 à Cannabiaca, actuellement Zeiselmauer, située à 25 km de Vienne dans l’état de Basse-Autriche. Ancien légionnaire romain, il avait occupé un haut poste dans l’administration de la région à Ovilava (actuellement Krems). Il avait peut-être été mis à la retraite d’office, sans pension, à cause de sa foi chrétienne. Il s’était retiré à Aetium Cetium où il vivait discrètement.

-    le groupe des 40 chrétiens. Ce sont des soldats romains qui ont refusé de renier leur foi chrétienne et de sacrifier aux dieux. Ils furent emprisonnés à Lauriacum, sur l’ordre d’Aquilinus. Des ossements furent découverts en 1960 lors de travaux dans la basilique Saint Laurent de Lorch, ainsi que les fondations d’une église primitive et les restes d’un temple païen. Après authentification en 1962, les restes des 40 chrétiens furent placés dans le nouveau maître-autel de la basilique en 1968.






   Plaque scellée dans l’autel en 1968
       et rappelant l’évènement.




     -    une pieuse veuve nommée Valérie
     -    des soldats romains cantonnés à Lauriacum
     -    un jeune homme impétueux

   Scénario :

Lorsque Florian apprit l’arrestation, sur ordre du préfet Aquilinus, et l’emprisonnement de 40 soldats chrétiens, qui étaient d’anciens collègues, il se décida de sortir de sa réserve et de se rendre à Lauriacum, où ils étaient détenus, pour les réconforter.




 
Le départ de Saint Florian
d’après Albrecht Altdorfer (1480-1538)
.



En chemin, il rencontra une patrouille de légionnaires et il reconnut en eux d’anciens compagnons d’armes.
« Si vous cherchez des chrétiens, leur dit-il, arrêtez-moi et conduisez-moi au gouverneur, car je suis chrétien et je le reconnais publiquement. »

Il fut amené au gouverneur. Ce dernier, qui le connaissait bien, s’adressa à lui : « Florian, qu’est-ce qu’on me rapporte à ton sujet ? Viens et sacrifie aux dieux, comme moi et tes camarades, pour que tu puisses continuer à vivre parmi nous et que tu ne sois pas puni comme ceux qui refusent d’obéir aux ordres de l’empereur. »
Florian répondit : «  Je n’ai nullement l’intention de le faire. Mais toi, fais ce qui t’est prescrit. »


 

Devant le préfet Aquilinus
d’après Albrecht Altdorfer.



Le gouverneur éleva alors la voix et lui conjura d’obéir.

Mais Florian s’adressa ouvertement  à Dieu : « Mon Seigneur et mon Dieu, j’ai toujours placé ma confiance en Toi et je ne peux te renier maintenant, bien au contraire, je suis à ton service et je t’offre un sacrifice de louanges. Que ta main droite me protège, car ton nom est béni dans le ciel et sur la terre.
Seigneur, donne-moi la force d’endurer les souffrances, accepte-moi parmi tes saints combattants, ceux qui se sont convertis avant moi et qui ont pris parti pour Toi. Seigneur, revêts-moi de l’habit immaculé de ta puissance et fortifie ton esprit en moi. » 
 « Pourquoi profères-tu des absurdités et te moques-tu des ordres des rois ? » lui demanda le gouverneur.

Florian répliqua : « Déjà, lorsque j’étais à l’armée, j’honorais en cachette mon Dieu, c’est pourquoi le diable ne peut plus me reprendre en son pouvoir. Toi, tu as le pouvoir sur mon corps, mais tu ne peux pas  atteindre mon âme, Dieu seul a la priorité de la souveraineté en elle.
J’obéis à tes ordres comme soldat. Mais personne ne peut me forcer à sacrifier aux idoles. Je n’adore pas leurs images trompeuses. »

En entendant ces mots, Aquilinus fut pris d’une violente colère et ordonna aux bourreaux de le frapper avec des gourdins.




 

Supplice de Saint Florian
d’après Albrecht Altdorfer.



Florian répondit avec calme : « Tu peux me faire autant de mal que tu veux, car tu as le pouvoir sur mon corps, et cela je te l’ai déjà accordé. Si tu veux être sûr que je ne crains  pas tes tortures, alors allume un bûcher et au nom de mon Dieu j’y monterai. »

Aquilinus donna l’ordre de le frapper à nouveau et lui dit : «  Sacrifie aux dieux et je te délivrerai des douleurs de la torture. »
Mais Florian resta inflexible. Il ajouta : « Je sacrifie à mon Seigneur et Dieu, Jésus-Christ, lui qui m’a jugé digne de me conduire jusqu’à cet instant et jusqu’à cette exultation dans laquelle je me trouve en ce moment. »

Le gouverneur ordonna alors de le frapper encore. Florian accueillit les coups avec une joie évidente. Voyant cela, Aquilinus ordonna de lui fracasser les épaules avec des barres de fer.

Puis, voyant qu’il n’arriverait à aucun résultat, il donna l’ordre aux soldats de le noyer dans l’Enns. L’escorte conduisit alors le condamné à mort jusqu‘au pont sur la rivière. Pendant tout  le trajet, Florian rayonnait d’une grande joie intérieure suscitée par l’espérance de la vie éternelle promise par Dieu à ceux qui l’aiment Il était comme quelqu’un qu’on conduit tranquillement au bain.
On lui attacha une lourde pierre au cou, mais personne n’avait le courage de le pousser dans l’eau, du haut du pont.


 


Le martyre de Saint Florian
d’après Albrecht Altdorfer.



Florian se tenait, tourné vers l’est, les bras étendus, et priait : «  Seigneur Jésus, je remets mon esprit entre tes mains.»
Un jeune homme de passage sur le pont, exaspéré par l’hésitation des soldats et rempli de colère, s’écria : « Qu’avez-vous à attendre ainsi et pourquoi n’exécutez-vous pas les ordres du gouverneur ? »

Il prit alors l’initiative de pousser Florian dans la rivière. Pendant qu’il suivait des yeux Florian qui disparaissait dans le courant, ses yeux se rompirent et il devint aveugle.

Depuis 1989, une grande croix de 12 m de haut se trouve au pont de l’Enns, à l’endroit où Florian fut précipité dans les flots.

Peu de temps après,  le cadavre de Florian refit surface et vint s’échouer sur des rochers qui dépassaient de l’eau, au bord de la rivière.

Un grand aigle surgit alors du ciel, vint se poser à côté du cadavre et déploya ses ailes en forme de croix pour empêcher une mutilation du corps par les soldats romains.

Pendant la nuit suivante, Florian apparut en songe à une pieuse veuve du nom de Valérie et lui demanda de l’enterrer décemment sur sa propriété.

Les boeufs utilisés pour le transport du cadavre eurent à souffrir de la forte chaleur et n’eurent plus la force d’avancer, car ils étaient épuisés par la soif. Valérie se désolait. Alors elle implora le Ciel de venir à son aide et aussitôt une source miraculeuse jaillit à proximité.
L’attelage put se désaltérer à volonté et reprendre la route.

La veuve cacha d’abord le cadavre sous une couche de branchages et de feuilles avant de pouvoir l’enterrer en secret.



 

Ensevelissement de Saint Florian
d’après Albrecht Altdorfer.



La source miraculeuse existe toujours sous le nom de « Florianibründel » ou petite fontaine de Florian. Cette eau est sensée guérir les affections oculaires (comme la source du Mont Sainte Odile, en Alsace). Les pèlerins viennent encore de nos jours s’asperger le visage et y puiser de l’eau.
Cette eau serait à l’origine de nombreux miracles : des esprits mauvais auraient été chassés, des personnes guéries de la fièvre, des malades exaucés.


2.3. Après sa mort

       La tombe :

L’endroit exact de l’inhumation de Florian est inconnu.

Une chapelle en bois y aurait été construite, puis de petits monastères. Après la  construction d’une abbaye en 1071, et l’installation des Augustins, le culte du saint se développa à l’endroit présumé de sa tombe, dans la ville de Sankt Florian, à 13 km de Linz, et un pèlerinage prit forme.

L’abbaye (Augustiner Chorherrenstift) fut reconstruite aux XVI° et XVII° siècles dans le style baroque flamboyant et demeure l’un des édifices religieux baroques les plus beaux d’Autriche.

Dans la crypte de l’église abbatiale est conservée la meule de pierre qui aurait servi à noyer Florian.




 
 




Abbaye baroque des Augustins à Sankt Florian.

 
Les reliques :

Lors des invasions des Vandales, puis des Huns, au 5° siècle, les chrétiens s’enfuirent vers le sud et emportèrent avec eux les objets sacrés et les reliques de leurs saints. Ainsi des reliques du saint (en général ce sont des fragments d’os) auraient été transportées en Italie et plus précisément à Rome où elles auraient été conservées dans l’église Saint Laurent.

Cela est possible, mais non certain. Le culte de Saint Florian est toutefois réel en Italie du nord (Vérone, Modène, Milan, Vicenza, Jesi).
Des reliques provenant d’un saint Florian et datant du 6° siècle sont aussi visibles à Ravenne, mais s’agit-il du même saint ?

En 1184, des reliques du saint furent transférées de San Lorenzo, à Rome, jusqu’à Cracovie, en Pologne. L’authenticité de ces reliques n’a pas été prouvée.


 

Statue de Saint Florian
sur la porte Saint
Florian de Cracovie (1307).



De là des fragments de reliques furent donnés à différentes églises : à la nouvelle église Saint Florian d’Aigen dans la vallée de l’Enns, à l’église San Floriano d’Illegio, près de Tolmezzo (Italie), à l’église Saint Laurent de Lorch.

Dans le dernier cas, c’est le cardinal Karol Wojtyla, futur pape Jean Paul II, qui transféra les reliques en 1968. Ces reliques furent inhumées avec les restes des 40 martyrs de Lorch dans le maître-autel de la basilique.

 


Basilique saint Florian de Cracovie.

  Le culte :

Saint Florian est le premier martyr autrichien et aussi le premier saint autrichien canonisé. De nombreuses églises lui sont dédiées, non seulement en Autriche, et plus particulièrement dans le Tyrol,  mais aussi en Bavière et en Bohême.
Il n’est pas seulement présent dans les églises, mais aussi sur les façades des maisons et dans l’espace public, sous forme de peintures et de statues.

Depuis le 12° siècle, il est vénéré en Pologne dont il est l’un des patrons et depuis le 15° siècle en Hongrie.

Depuis 1971, il est le principal patron du diocèse de Linz.
Depuis 2004, il est, à côté du margrave Léopold d’Autriche, le patron officiel de l’état fédéral de Haute Autriche.

         
                 



Belle façade de maison à Kastelruth (Tyrol du sud)
     Saint Florian y est représenté en compagnie
         de la Vierge à l’Enfant et de Saint Luc



 

Si le culte de saint Florian s’est développé au Moyen Age, c’est que le saint était l’exemple typique pour des chrétiens vivant dans des périodes troubles et difficiles, de celui qui reconnaît sa foi malgré les dangers, de celui qui va vers la mort avec courage et détermination.
Florian devint alors celui qu’on invoquait pour avoir une bonne mort : il devait éteindre le brasier intérieur allumé par le fardeau des péchés et d’une mauvaise conscience, et apporter aux âmes exposées au feu de l’Enfer, réconfort et secours.
Il donnait aussi l’exemple du soldat fidèle, consciencieux et courageux.

Vers le milieu du 15° siècle, dans la tradition des saints auxiliaires, il devint, au moins en Autriche, celui qu’on invoquait contre les dangers de l’eau et du feu.
N’avait-il pas, selon la légende, dans son jeune âge, circonscrit l’incendie d’une église, au moyen d’une seule cruche d’eau et sauvé des flammes un charbonnier tombé dans une meule enflammée ?
Le recours à Saint Florian devint alors une sorte d’assurance contre les incendies et les inondations.
De là, il n’y avait plus qu’un pas à franchir pour faire de Saint Florian le patron universel des pompiers.
On le représente toujours en habit de soldat romain (avec manteau, casque, armure, parfois lance et étendard), jetant de l’eau sur une maison en flammes, au moyen d’une cruche ou d’un seau, avec quelquefois une meule à ses pieds. Il peut encore être accompagné d’un ange qui tient la cruche ou le seau.


        
 
                         



A gauche, image pieuse et à droite, statue de Saint Florian
dans l’église paroissiale de Matrei, dans le Tyrol de l’est (Osttirol).





Des médailles, des autocollants, des croix de Saint Florian, des images pieuses sont accessibles sur Internet.

                                   








     


Timbres postaux autrichiens représentant Saint Florian.



         Le patronage :

A cause de son courage et de sa résistance, Saint Florian est devenu le patron de tous ceux qui travaillent avec le feu ou ont affaire à lui :

  - les pompiers
  - les ramoneurs, les charbonniers
  - les boulangers, les brasseurs
  - les vignerons, les distillateurs
  - les forgerons, les potiers d’étain
  - les potiers, les tonneliers, les savonniers

Il protège aussi ceux qui sont en danger d’être noyés. On le prie contre les inondations, et même contre les tempêtes.
Il est encore invoqué contre la sécheresse et l’aridité des champs et en cas de brûlures.

En cas de conflit armé, il est également sollicité pour apporter une aide

 


  Saint Florian d’après Adam Brenner (1800-1891)






Fontaine publique Saint Florian à Lienz (Osttirol).



Contrairement aux pompiers français qui ont pris Sainte Barbe comme patronne (fête le 4 décembre), les pompiers allemands, autrichiens (les Florianijünger ou disciples de Florian) et américains (les fameux Firefighter) vouent un vrai culte à saint Florian.

Certains se font  tatouer l’effigie du saint sur le bras.

Ils lui érigent des statues dans leurs casernes, organisent une  Florianimesse  le 4 mai et y assistent en tenue de sortie.
D’ailleurs le plus grand musée autrichien des sapeurs pompiers se trouve, comme par hasard, à côté de l’abbaye des Augustins de Sankt Florian.

Un grand tableau peint sur toile, de dimensions respectables (4 m de haut sur 3 m de large), et représentant saint Florian, avait trouvé autrefois place au fond de l’église de Kalhausen, au-dessus de la porte d’entrée, de telle sorte que les fidèles sortant des offices ne pouvaient manquer de le voir et de s’en imprégner. (achat effectué auprès d’un peintre de Metz pour 550 F selon délibération du conseil de fabrique en date du 16.12.1860, sous la présidence du curé Brunagel)

Ce tableau a malheureusement disparu pendant la période d’évacuation du village en Charente (1939-1940) et aucune photo n’est disponible.

Saint Florian, «soldat martyr», était encore représenté sur le vitrail de droite du chœur de l’église, avant les transformations effectuées en 1888. (Délibération, en date du 4 juillet 1870, du conseil de fabrique passant commande de deux vitraux auprès de M. Pierron, marchand d’ornements de Nancy)

Parmi les quatre cloches de l’église paroissiale, la plus petite porte aussi le nom de  saint Florian. Elle fut acquise par le curé Antoine Stab et bénite le 29 juin 1980 par l’évêque missionnaire Monseigneur Lingenheim. Son achat  résulte d’un don anonyme.

Les deux patrons de l’église, Saint Florian et Sainte Agathe avaient droit à des honneurs exceptionnels le jour de leur fête.
Quand ce jour tombait en semaine, tout le village chômait et assistait aux offices solennels : grand messe le matin et vêpres l’après-midi.

Le 31 août 1911, l’abbé Albert obtint des services de l’Evêché et plus spécialement du vicaire général Pelt l’autorisation de faire suivre les vêpres d’un salut solennel avec exposition du Saint Sacrement, lorsque ce jour tombait en semaine.




 
Représentation de Saint Florian sur la croix située à Kalhausen,
à l’angle de la rue des roses et de la rue des jardins et datant de 1805.

Le saint n’est pas encore représenté versant de l’eau sur une maison en feu.
         


                



Il est curieux de noter que les pompiers de Kalhausen arborent Saint Florian sur leur drapeau, alors qu’ils fêtent Sainte Barbe comme leur patronne.








A gauche, tatouage de Saint Florian et à droite, autocollant.



3. Textes


        Proverbes :

S’il neige à la saint Florian,
Les récoltes seront en excédent.

Der Florian, der Florian,
Noch einen Schneehut setzen kann. (Il peut encore neiger à la saint Florian.)

Florian und Gordian
Richten oft noch Schaden an. (Il peut encore faire mauvais à la saint Florian, le 4 mai, et à la saint Gordian, le 10 mai.)

War’s am Ambrosius schön und rein,
Wird’s am Florian um so wilder sein. (Beau temps à la saint Ambroise (4 avril)  mauvais temps à la saint Florian)



       Prières :


Heiliger Sankt Florianus, verschon mein Haus,
Zünd andre an.

Bon saint Florian, épargne ma maison,
Allume-s-en d’ autres.  (Où est l’amour du prochain dans cette invocation ?)

Hèèlischer Floriànus
Jaih de Wìnd dàà nuss.
 
Saint Florian, chasse le vent vers là-bas. (cité par Elisabeth Freyermuth, originaire de Kalhausen 1906-1990)


Es brennt, o heiliger Florianus, heut aller Ort und Enden :
Du bist der rechte Mann, solch Unglück abzuwenden.
In Haüsern und in Herzen
Entzünde schnell und himmelschnell des Friedens Kerzen.


Il y a le feu, Saint Florian, aujourd’hui, à l’entour :
Tu es la personne idéale pour le détourner.
Dans les maisons et dans les cœurs,
Allume vite, très vite, les feux de la paix. (Prière en cas de guerre)

Sankt Florian, o schirm mit Kraft
Die vollen Lagerfässer.
Giess Feuer in den Rebensaft
Und halte fern die Wässer.

Saint Florian, protège énergiquement
Les fûts remplis.
Verse du feu dans le jus de raisin
Et éloigne l’eau. (Inscription sur un tonneau dans la cave de l’abbaye des Augustins)


Cantique (Annette Thomas)


O heiliger Sankt Florian
Mit frommen Sinn wir kommen an.
Lass’deine Führsprach uns erfahrn
In Wassersnot und Feuergefahrn.
Und wenn im Herzen sich entzündt
Das Feuer schwerer Schuld und Sünd,
Dann lösch das Feuer, steh uns bei
Auf dass uns Gott sein Gnad verleih.
Geht es dereinst zum letzten End,
Mach, dass das Herz in Lieb verbrennt
Zum Vater der Barmherzigkeit,
Der uns schenkt die ewig’  Seeligkeit.



Bon saint Florian,
Nous te prions avec ferveur,
Protège-nous
Des inondations et des incendies.
Si dans nos cœurs brûle le feu
De fautes graves et de péchés,
Eteins-le et aide-nous
Pour que Dieu nous accorde sa grâce.
Quand notre dernière heure viendra,
Fais en sorte que notre cœur
Se consume dans l’amour
Du père miséricordieux
Pour qu’il nous accorde le repos éternel.




Hymne en l’honneur de saint Florian :

Ce cantique était chanté par la chorale paroissiale de Kalhausen, lors de la grand-messe célébrée pour la fête du saint, le dimanche après le 4 mai.
Le texte et la partition ont été aimablement transmis par Lucie Schlegel.
 




Le Ciel pousse des cris de joie, la terre exulte d’allégresse
Pour toi, le guerrier et le vainqueur, le héros chrétien.
O saint Florian, que ton chant de louanges
Soit pour nous lumière et réconfort
Dans notre combat contre le monde !

Refrain :

Conserve en nous ces deux qualités :
La foi vivante et le courage chrétien !

Enflamme aussi d’autres cœurs pour une foi ardente,
Pour le cachot et la torture.
Quelles précieuses œuvres !
Tu t’es laissé prendre tes biens et ta vie.
Rends-nous toujours forts pour te suivre fidèlement !

Toi, le Dieu unique en trois personnes,
Nous te louons et te célébrons, nous te remercions
Pour les honneurs que tu as voulu accorder
A ceux qui t’étaient fidèles.
O saint Florian, sois pour nous protection et défense !




     Inscriptions sur le linteau de la porte d’entrée de maisons :



Dies Haus steht in Sankt Florians Hand
Verbrennt’s, so ist’s ihm seine eigne Schand.

Cette maison est placée sous la protection de Saint Florian.
Si elle brûle, ce sera son déshonneur à lui.
(C’est purement du chantage !)

Das Haus stand einst in Gottes Hand
Und ist doch dreimal abgebrannt.
Zum Viertel Mal hab’ ich’s gebaut,
Doch nun Sankt Florian angetraut.
Und hoffe, dass er besser danach schaut.

Cette maison était jadis placée sous la protection divine,
Pourtant elle a brûlé trois fois.
Je l’ai reconstruite une quatrième fois
Et confiée désormais à Saint Florian.
J’espère qu’il la surveillera mieux.
(Comme quoi on a tendance à faire moins confiance à Dieu qu’à ses saints. Mais l’histoire ne dit pas si Saint Florian a été efficace.)
 




Saint Florian moderne,
patron des brasseurs et des pompiers.



4. Conclusion

La lourde meule accrochée au cou de Saint Florian devait engloutir à jamais, dans les flots tumultueux de l’Enns,  le corps du vétéran romain converti au Christ et par là, empêcher tout souvenir de se perpétuer.

Mais il en fut tout autrement. Florian ne fut pas anéanti, même si son corps disparut par la suite et son culte se développa jusqu’à le rendre très populaire.

Ceux qui avaient placé leur confiance dans le saint ne purent jamais voir, ni toucher des reliques quelconques authentiques.
Mais ils lui gardèrent sa confiance, lui qui est l’exemple de la solidarité, du courage et de la persévérance dans la foi.

Florian est aujourd’hui bien vivant dans l’imagerie populaire de certains pays et chez les soldats du feu, même si on frise un peu la superstition.
Dans notre village pourtant, il est un peu tombé dans l’oubli. Le 4 mai n’est plus, comme autrefois jour chômé avec messe solennelle le matin et vêpres l’après-midi en l’honneur du saint. La fête patronale, c’est-à-dire la fête du saint qui protège la paroisse et qu’on appelle ‘s Féscht ou encore ‘s Maikäferféscht, la fête des hannetons, bien qu’ils aient disparu depuis quelques décennies à cause de la pollution, n’est plus, pour la grande majorité des habitants, l’occasion de célébrer le culte du saint. Tout au plus évoque-t-on son nom et le prie-t-on au cours de la messe du dimanche suivant sa fête.

C’est devenu surtout une fête païenne où l’on parle plus de manèges, d’autos tamponneuses, de stands de confiserie et de marché aux puces que de Saint Florian. Ainsi vont les choses…

Gérard Kuffler
Avril 2011


Sources consultées :

Le livre des familles d’Achen et de Kalhausen (Jean Meyer)
Les bâtisseurs tyroliens en Alsace et Lorraine sous l’Ancien Régime  (Roland Walck)
Registres paroissiaux de Kalhausen
Registre des délibérations du conseil de fabrique
www. linternaute.com
www. heiligenlexikon.de
www. saintflorian.net
www. diekelten.de
www. heiligen.de
www. stift-sankt-florian.at
http:// de.wikipedia.org
http:// feuerwehr-mackenzell.de
http:// cms.ttg.at

Crédit photographique :

http:// fr.academic.ru
http:// saints.sqpn.com
http:// image.shutterstock.com
http:// fr.wikipedia.org
www. saintflorian.net
www. 2heattsnetwork.org
collection personnelle

Traduction personnelle des dialogues de la Passion, des proverbes, prières, cantiques et inscriptions.