les_relations_maire_cure_a_kalhausen

Kalhausen


Les relations maire–curé

à la fin du 19 ème siècle et au début du 20 ème




Sommaire

Introduction

I. L’affaire du presbytère

- Avant 1807, absence de presbytère
- De 1807 à 1890, le presbytère de la place du village
- Le nouveau presbytère de l’abbé Albert
           *le conflit curé-maire
           *les deux adversaires
           *la construction de la maison pour la fabrique
           *le presbytère, propriété de la commune ?
           *le presbytère, propriété de la fabrique

II. L’affaire du cimetière, de la parcelle en herbe et du  jardin presbytéral
      en relation avec la construction de la rue de la gare


-    le cimetière

-    la parcelle en herbe
-    le jardin presbytéral

Conclusion

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Introduction

Souvent, au cours des siècles, les relations entre le maire et le curé d’un village ont été conflictuelles, pour la simple raison que le curé, qui exerçait une autorité certaine sur les âmes mais aussi sur les personnes de ses paroissiens, avait tendance parfois à ne pas admettre l’autorité publique laïque représentée par le maire. Grâce à son instruction, il avait gravi les échelons de la vie sociale et le faisait souvent sentir à ses paroissiens en se mêlant de tout.
De nombreux conflits de personnes, qui étaient le plus souvent des conflits de pouvoir, ont alors opposé le curé à l’administration communale.


Nous avons tous en mémoire les démêlés entre don Camillo et  le maire communiste de Brescello, Peppone. Là s’arrête la comparaison, car le conflit local entre le curé Albert et le maire Fabing n’a rien de politique et les deux adversaires ne trouveront de terrain d’entente qu’après les interventions de leurs hiérarchies respectives. Dans cette lutte sans merci, il ne fallait surtout pas perdre la face.

Vers la fin du 19ème siècle et au début du 20ème, non moins de cinq affaires, imbriquées les unes dans les autres, ont ainsi opposé la commune au curé de l’époque.

Je parlerai d’abord de l’affaire du presbytère qui est à mon avis la plus significative et qui a aussi duré le plus longtemps.
Je me suis efforcé, dans les différentes affaires, d’exposer la chronologie des faits (courriers, comptes-rendus de séances) en retranscrivant parfois in extenso les délibérations et les correspondances. Cela peut paraître rébarbatif, mais il le fallait pour bien suivre l’évolution de la situation et des positions des protagonistes.

I. L’affaire du presbytère

Avant 1807, absence de presbytère

Le village de Kalhausen dispose depuis 1725 d’une chapelle construite au centre du village, mais la paroisse reste rattachée à celle d’Achen, tout comme Etting et "le fief de Hutting". L’église d’Achen est l’église-mère et la maison de cure s’y trouve également. Le curé du lieu est secondé par un vicaire qui y réside également.

Dès 1771, les habitants de Kalhausen formulent des requêtes auprès de "L’Intendant de Lorraine et Barrois" et de l’Evêque de Metz, Louis-Joseph de Montmorency-Laval, pour obtenir un vicaire résidant, prétextant l’éloignement entre le village et Achen ainsi que les mauvaises conditions de circulation, surtout en hiver, à cause des crues du ruisseau. Ils promettent de fournir au futur vicaire résidant "une maison convenable pour son logement, en attendant qu’ils seront en état d’en bâtir ou d’en acheter une…et un jardin potager…"

La présentation des comptes de la chapelle, le 6 février 1784, en présence du curé, du vicaire, des échevins synodaux, du maire et des notables a lieu au presbytère : "Fait et passé audit Kalhausen au presbitère dudit lieu… "
S’agit-il d’une maison louée par la commune à un particulier ou d’une simple chambre mise à disposition du vicaire?

Lorsque l’abbé Gapp est nommé desservant de la toute nouvelle paroisse, en juillet 1802, il est logé, faute de presbytère, chez un parent, Christian Muller, meunier à la Welschmühle.

Plus tard, dans une lettre adressée au vicaire-général Oster, il note qu’il est logé par la commune : "la commune de Kalhausen, leur maire et adjoint m’ayant procuré une maison… "

Mais l’abbé Gapp ne reste pas longtemps à Kalhausen, il se plaint dans la même lettre de la pauvreté des habitants du lieu et il quitte sans regret le village, en mai 1803, pour Hottviller, où il recrutera les premières filles qui seront la base de la Congrégation des Sœurs de la Divine Providence de Saint-Jean-de-Bassel.

En tout cas, Kalhausen semble avoir été un village difficile et les conditions de logement des curés étaient sans aucun doute médiocres.

Lors de sa visite canonique, faite le 6 octobre 1803, l’archiprêtre Salzmann de Rohrbach note : "Il n’y a point de presbytère et le desservant n’a pour son logement qu’une chambre, il y a un jardin curial, mais il n’est pas clos, la commune se propose de le remettre en ordre".

En septembre 1804, le curé Thomas se plaint de ne pas être logé par la commune, écrivant qu’elle ne contribue en rien pour sa nourriture ni ses autres besoins.

Le 19 octobre de la même année, le maire promet de faire construire un presbytère…dès que la paroisse aura obtenu le titre de succursale, c’est-à-dire quand elle sera érigée en paroisse autonome. Elle l’est pourtant depuis 1802 !

En mars 1805, le même Thomas se plaint encore de n’avoir qu’une seule chambre en guise de logement et pas de domestique.

De 1807 à 1890, le presbytère de la place du village

Mais la situation change bientôt et la commune fait enfin ériger un presbytère digne de ce nom au centre du village, juste en face de l’église.

Le curé Kremer, dans une enquête faite par l’Evêché, répond le 25 novembre 1807 : "Le presbytère est tout neuf, mais mal bâti, et il n’est pas encore tout à fait achevé. J’y demeure néanmoins depuis près de trois mois. Le jardin ne contient qu’une vingtaine d’ares. C’est plutôt un verger qu’un potager et il n’est pas même fermé".

Cette construction, à l’aspect d’une maison de maître, de style bourgeois, se trouve sur la place du village, à proximité immédiate du lieu de culte. Elle est bâtie en avant d’une ligne de maisons et ne comporte pas de jardin attenant, ni de dépendances. Elle ne présente pas la configuration, ni l’agencement intérieur de la ferme lorraine traditionnelle, mais possède pourtant à l’origine une écurie dans la partie gauche.

La façade présente des ouvertures sur deux niveaux, réparties de façon asymétrique, avec une porte piétonne un peu déportée vers la gauche.
Le chaînage d’angle, la corniche sous toit, le bandeau séparant les deux niveaux et les encadrements en pierres de taille confèrent au bâtiment un cachet certain, tout comme son toit à demi-croupes.

Le linteau-entablement de la porte d’entrée, surmonté d’une corniche qui rejoint le bandeau, et les piédroits en forme de chapiteaux, rappellent des éléments décoratifs similaires présents dans le village et issus d’un même atelier de Rahling. Un appentis bâti tardivement vient s’appuyer contre le pignon droit du bâtiment.
Il faut noter que les vues disponibles du bâtiment ne montrent pas son aspect d’origine.

 





  Vues du presbytère dans les premières décennies du 20° siècle.


Très vite, des problèmes apparaissent au sujet du presbytère.
L’ordonnance de visite épiscopale en date du 14 septembre 1858 fait remarquer dans son article VI : "Nous appelons la sérieuse attention du conseil de fabrique sur l’état du presbytère qui réclame de nombreuses réparations ou une meilleur distribution".

Le temps passe et la situation matérielle ne s’améliore pas.
Le 15 avril 1865, le curé Brunagel fait établir un devis "de restauration à exécuter par voie d’économie au presbytère" et le présente au conseil de fabrique.

Dans sa séance de Quasimodo du 23 avril 1865, le conseil de fabrique décide de faire exécuter cet article qui est déjà vieux de 7 ans.

"Vu que le conseil municipal est dans l’impossibilité de se charger desdites réparations à cause de son manque de ressources,
Vu que les dites réparations sont très urgentes et que si elles étaient différées plus longtemps, elles entraîneraient de bien plus coûteuses,
Le conseil a fait examiner la maison par deux hommes de l’art : Nicolas Lauer, maître-maçon et Henri Lenhard, menuisier, tous deux de Kalhausen, qui ont fixé les réparations que le presbytère devra recevoir d’après le plan et le devis joints à la présente délibération et dont le montant est de quatre cent soixante trois francs.
Il prie Monseigneur l’Evêque de bien vouloir accorder son approbation s’il le juge à propos, le plus tôt qu’il se pourra afin que les travaux puissent être exécutés pendant le cours de l’été".

Le devis liste les travaux à entreprendre :
-    une partie de l’écurie actuelle est à convertir en chambre de 16 m2 avec l’ouverture d’une nouvelle fenêtre donnant sur le devant,
-    des WC seront établis au-dessus de l’écurie,
-    une porte est à pratiquer au grenier pour pouvoir accéder aux WC,
-    une fenêtre est à créer au pignon pour éclairer le passage qui conduit aux WC,
-    la porte principale est à remplacer par une nouvelle en chêne,
-    le mur de façade est à recrépir,
-    les volets sont à réparer (une paire de volets neufs en bois de sapin, les autres 5 paires à réparer)
-    l’escalier devant la maison est à remanier

 




Reproduction du plan joint au devis ci-dessus.

A l’origine, le rez-de-chaussée comprenait le logement du curé et une écurie.
Des chambres se trouvaient également à l’étage. La remise de droite est tardive.



En agissant ainsi et en prenant les devants, le conseil de fabrique se lance dans des travaux qui ne sont pas de sa compétence, mais de celle de la commune, propriétaire du bâtiment. Il crée un état de fait, un usage, une coutume qui va bientôt devenir une "loi commune", mais tous les curés futurs ne seront pas d’accord avec cette pratique.

Le 28 avril 1866, le conseil de fabrique délibère pour des travaux de réparation du plancher du presbytère pour la somme de 70 F.

Le 2 avril 1871, il décide de faire construire un mur devant le presbytère.


Le 5 décembre 1875, après l’installation de l’abbé Pierron, il s’agit "absolument" de faire exécuter de nouvelles réparations à l’église (clocher et toiture) et au presbytère.


"Pour le presbytère, il y a les deux chambres du haut à planchéifier et à plafonner, la grande chambre du bas à plafonner, l’allée du rez-de-chaussée à paver ainsi que la cuisine. Les ressources de la fabrique, après les dépenses pour l’église payées, devront être affectées aux réparations à faire au presbytère".
La même délibération est confirmée à la séance de Quasimodo 1875 (23 avril) et un crédit de 750 F est voté. Il s’agit toujours de

-    planchéifier les deux grandes chambres du 1er étage,

-    plafonner les mêmes chambres ainsi que la salle à manger du rez-de-chaussée,
-    planchéifier ou daller la cuisine et faire fermer la cheminée,
-    daller l’allée du corridor du rez-de-chaussée,
-    tapisser les deux chambres du 1er étage.

Le nouveau presbytère de l’abbé Albert

Quand il est nommé en 1890 à Kalhausen, l’abbé Albert trouve, comme ses prédécesseurs, une commune qui dispose de peu de moyens financiers pour mener à bien de nombreux projets tant économiques que sociaux :

il s’agit d’entretenir et d’améliorer les chemins communaux, de construire une nouvelle école, de parfaire l’adduction d’eau aux fontaines publiques, de réparer l’église et d’entretenir le presbytère (ce qu’elle ne fait plus depuis longtemps pour le dernier point)…


Il est sûr que les conditions matérielles de logement du curé ne sont pas les meilleures et l’abbé Albert ne veut pas suivre l’exemple de ses prédécesseurs. Le curé est conscient que la commune n’a pas les moyens financiers pour construire un nouveau presbytère, ni pour rénover l’ancien.

Aussi ne cherche-t-il pas à faire réparer par la commune, ni par le conseil de fabrique, un presbytère qui ne lui convient de toute façon pas, ce serait peine perdue, mais au contraire, il opte pour une autre solution plus radicale, qui consiste à bâtir par ses propres moyens, selon son propre plan, un nouveau presbytère ou plutôt, une maison privée destinée à lui servir de presbytère et qui serait le moment venu vendue au conseil de fabrique.

L’autorité municipale serait alors complètement court-circuitée. L’abbé Albert ne se lance pas dans l’inconnu, d’autres cas de construction, par la fabrique, d’un presbytère pour le curé desservant existent et il le sait : c’est le cas notamment à Bining, Montbronn, Rahling et Rohrbach.

Et puis il a pris des assurances, il a l’autorité épiscopale de son côté : "Monseigneur Fleck (1) m’avait dit expressément de bâtir la maison pour la
fabrique ",
écrit-il au vicaire général le 23 octobre 1907.


Lors de la confirmation de juin 1899, Monseigneur Karst, vicaire général, (2) avait approuvé la promesse faite par l’Evêque, en visitant "sa" maison nouvellement bâtie et en ne tarissant pas d’éloges sur la réussite de l’entreprise.
Mais la vente du presbytère ne trouvera un dénouement qu’en 1908, après de laborieuses négociations entre les autorités civiles et les autorités épiscopales. (3)
_________________________
(1) François-Louis Fleck, évêque de Metz de 1886 à 1899. Son successeur est Willibrord Benzler (1901-1919). Pendant la vacance de l’épiscopat (1899-1901), ce sont des vicaires capitulaires, choisis par les chanoines attachés à la cathédrale, qui administrent le diocèse.

(2)
Le vicaire général est un prêtre choisi par l’évêque pour le seconder dans ses responsabilités de gouvernement du diocèse.


(3)
Un abondant courrier sera échangé entre le curé ainsi que le conseil de fabrique et les services épiscopaux représentés par le vicaire général Weislinger. L’autorité de tutelle du conseil de fabrique est l’Evêque et c’est lui qui autorise les réunions extraordinaires du conseil de fabrique, qui agrée les délibérations et transmet les dossiers aux autorités impériales (la présidence de Metz). Il a aussi un rôle de conseil des paroisses sur le plan matériel.

L’autorité de tutelle du conseil municipal est en premier lieu le Directeur du Cercle de Sarreguemines (le Kreisdirektor) qui fait remonter les dossiers à la Présidence de Metz
(le Bezirkspräsident). En cas de désaccord entre la Présidence et l’Evêché, c’est le Gouverneur de Strasbourg (le Statthalter) qui tranchera.
L’affaire du presbytère n’ira pas jusqu’à Strasbourg, elle se règlera à Metz.


Le conflit

Le curé Albert va trouver en face de lui en la personne du maire Fabing, un interlocuteur qui se fera un devoir de défendre les intérêts de la commune et de ses administrés contre les intérêts plus personnels du curé, au moins dans l’affaire du presbytère. Une longue querelle d’intérêts donc et de caractères, qui n’a rien à voir avec le "Kulturkampf" (4) va opposer le curé au maire.

Cette querelle ne concernera non seulement la vente du nouveau presbytère, mais aussi l’ancien presbytère, le cimetière, le jardin curial, une parcelle appartenant à la fabrique et incorporée en partie à la nouvelle route de la gare et le legs d’Hausen. (5)

Toutes ces affaires sont imbriquées les unes dans les autres et le dénouement des unes influe forcément sur celui des autres.

Toute la première décennie du XX° siècle sera ainsi concernée par ces affaires.


Une abondante documentation est disponible aux archives départementales (archives de l’Evêché), mais aussi en mairie de Kalhausen (délibérations du conseil municipal) et au presbytère (registre du conseil de fabrique).

La correspondance avec les services diocésains se fait curieusement en français, de la part du curé comme du vicaire général.
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(4) Le "Kulturkampf" est un conflit  qui a opposé  le chancelier allemand von Bismarck à l’Eglise Catholique Romaine de 1871 à 1878 dans le but de rompre les liens entre Rome et l’Eglise d’Allemagne et de placer celle-ci sous la tutelle de l’Etat. Dès 1880, le chancelier abandonna sa politique rigide et des lois de paix furent signées en 1886 et 1887 avec le Vatican. Au moment de ces affaires qui nous concernent, le "Kulturkampf" est donc terminé depuis une dizaine d’années et n’a pu influencer les autorités impériales.

(5) Les affaires liées à la construction de la route de la gare sont traitées plus loin, celle du legs d’Hausen est étudiée dans un dossier à part. Lien vers le "legs d'Hausen"

Les échanges épistolaires entre les différentes parties ont toujours été des plus courtois, mais par moments se laisse deviner un agacement soit de la part de la Présidence de Metz, soit surtout de la part du vicaire général, précisément lorsque le curé ne suit pas les directives de l’Evêché. Le ton est alors plutôt sec et l’abbé Albert se fait remettre en place par son supérieur qui ne mâche pas ses mots et le menace même d’une mutation, s’il ne change pas de conduite. D’un autre côté, l’abbé Albert ne se gêne pas non plus de formuler, dans sa correspondance, des critiques à l’encontre du vicaire général, lorsque ce dernier ne le soutient pas dans ses exigences vis-à-vis de la commune.

Curieusement, l’abbé Albert ne sera jamais muté dans une autre cure et il finira son ministère à Kalhausen, rattrapé par la mort en 1945.

Quand le curé n’arrive pas à se faire entendre du vicaire, il n’hésite pas à s’adresser directement à l’autorité supérieure, l’Evêque en personne. Il lui expose ainsi dans une longue lettre de 6 pages les différentes affaires, le 4 septembre 1902.

Il s’adresse aussi directement à lui, après la sévère lettre du 13 décembre, pour plaider sa bonne foi et réfuter tous les griefs qui lui sont imputés.

Le vicaire général soutient en principe le curé dans ces affaires et lui prodigue ses conseils. Le but de l’Evêché est en premier lieu d’utiliser les moyens légaux existant pour résoudre un conflit et d’éviter ainsi un procès contre l’administration, ce qui ferait désordre.

Dès 1896, le curé a maille à partir avec le maire nouvellement nommé à propos d’une donation. Le maire a apparemment refusé de signer certaines pièces se rapportant à la donation faite par le curé.

L’abbé Albert en informe par conséquent l’Evêché le 12 février 1896. On lui répond ceci : "Avant d’entamer une démarche administrative pour une chose de ce genre, je crois qu’il faut essayer des moyens ordinaires. Ce serait ou bien de faire signer l’adjoint "in Vertretung" ou bien de vous adresser au Kreisdirector dont c’est le devoir de ramener le maire à la raison. Si celui-ci peut à la rigueur demander que vous le renseigniez sur la fortune de vos héritiers, avant de signer, il ne peut pas, sans manquer gravement à son devoir, refuser simplement sa signature".

Le vicaire général Karst lui écrit le 25 août 1899 : "Oui, allez vous reposer et soigner votre santé après tous les tracas et les fatigues de la construction d’un presbytère… L’oeuvre est là et bien réussie. Le mauvais vouloir d’un maire hostile ne la renversera plus. Prenez autant de vacances que vous jugerez utile. La complaisance des confrères voisins ne vous fera pas défaut".

Mais plus l’affaire du presbytère s’enlise, plus le soutien du vicaire général Weislinger fera défaut au curé et il se rangera peu à peu du côté de la Présidence dans le but de faire accepter enfin une solution au curé.

Dans une lettre du 25 mai 1906, il parle encore "de querelles funestes et peu édifiantes" et "de l’intransigeance du conseil de fabrique et de Monsieur le curé". Il y mentionne encore une lettre adressée le 4 mai par le ministre des cultes aux Evêques de Metz et de Strasbourg et fustigeant "le luxe de certains presbytères et les torts que font aux communes les exigences de certains curés".

Quant au maire, il n’est jamais désavoué par le Directeur du Cercle, ni par le Président de Lorraine, tout au plus, le Directeur du Cercle lui rappelle-t-il parfois ses obligations, s’il laisse traîner les choses. Bien au contraire, il est soutenu par les autorités civiles et certaines délibérations du conseil municipal sont carrément dictées par la Présidence (celle du 28 août 1906 "dictée par le Gouvernement" ou celle du 4 mars 1906 "sûrement faite dans un bureau du Gouvernement" selon les dires du vicaire général (lettre du 25 mai 1906 au curé).

Les relations curé-maire ou conseil de fabrique-maire se font souvent par personne interposée : le président du conseil de fabrique ou le trésorier sont chargés par le curé de déposer en mairie les actes demandés.

Parfois les documents sont transmis par lettre "inscrite" ou lettre recommandée, ce qui évite ainsi aux principaux adversaires de se rencontrer.
La mauvaise volonté est souvent visible des deux côtés et personne ne ferait un pas en direction de l’autre pour débloquer la situation ou la faire progresser. Dans ces conflits d’intérêts, il s’agit surtout de ne pas perdre la face.

Les deux adversaires

Nicolas Fabing, appelé "de àlt Bägger Nìggel" est né à Bining, le 17 novembre 1851 et il épouse, le 21 novembre 1881, Marie Muller originaire de Kalhausen où elle est née le 11 août 1856. Le couple s’installe au village, au début de la rue des fleurs actuelle (maison Lejosne) et Nicolas, boulanger de métier, ouvre une boulangerie, tout en s’occupant d’un petit train de culture.

Le couple a quatre enfants, dont les trois premiers meurent en bas âge. Le quatrième enfant est une fille, Catherine Joséphine, née le 26 février 1885 et qui épouse le 22 avril 1907 le boucher Nicolas Muller (*24.03.1879 +25.08.1951).

Marie Fabing décède peu après la naissance de Catherine, le 9 mars 1885, peut-être des suites de couches.

Nicolas épouse alors en secondes noces, le 3 février 1890, la fille de l’instituteur, Marie Julie Bour née le 9 décembre 1867. Le couple aura trois enfants, Nicolas (9.05.1891-26.11.1967) qui reprendra le métier de son père, Anne (*27.09.1892 +15.10.1959), plus connue sous le nom de " ’s roode Ònna" et qui tiendra une épicerie sur la place du village, et enfin Joseph (*10.06.1897 +18.05.1968).

Nicolas Fabing occupe le poste de maire de 1896 à sa mort, le 17 juin 1915, à l’âge de 63 ans.

L’abbé Jean-Michel Albert est né le 6 septembre 1862 à Vahl-Ebersing de Jean Albert et Marguerite Pierre.
Il est ordonné prêtre à Metz, le 17 juillet 1887. Après un poste de vicaire à la paroisse Saint Vincent de Metz, il est nommé curé de Kalhausen et installé le 6 octobre 1890. Il reste à son poste presque sans discontinuité pendant 55 ans. Durant la guerre, il est expulsé par les Allemands le 28 juillet 1941 et assigné à résidence à Nancy. Il retrouve ses paroissiens le 15 mai 1945, pour très peu de temps, et décède le 14 juin suivant, à l’âge avancé de 82 ans. Il est inhumé au cimetière communal et la rue du presbytère actuel porte son nom.




           L’abbé Albert en 1929, lors de la bénédiction des cloches et vers la fin de sa vie.

Quand il est nommé à la cure de Kalhausen, l’abbé Albert a d’abord affaire au maire Jean Pefferkorn et les relations avec lui sont cordiales. "J’ai vécu en bonne intelligence avec le prédécesseur du maire actuel jusqu’à sa mort".  (lettre du 29 décembre 1902 à l’Evêque)

Mais un changement intervient après 1896, avec la nomination du maire Fabing. "Quand il s’est agi de nommer un nouveau maire, le commissaire de police a déclaré : "Nous ne voulons pas de maire favorable au curé".  Qu’il me soit permis encore de vous soumettre le jugement de quelques personnes compétentes sur le maire actuel. Celui-ci a été complètement monté contre le curé par l’ancien instituteur qui avait été destitué ex officio par l’évêché de ses fonctions de chantre-organiste à Hambach". (même lettre)
Si dans ses démêlés avec la commune le curé met en cause l’instituteur et le maire, il met aussi en cause le Directeur du Cercle l’accusant de ne pas tenir ses promesses.

La construction de la maison par le curé, mais pour la fabrique.

Le curé Albert n’attendra pas longtemps pour mettre son plan à exécution. Pour construire une maison privée, il n’a pas besoin de l’autorisation épiscopale, ni du conseil de fabrique. Ce dernier, bien qu’il n’ait aucun pouvoir de décision dans ce cas, sera toujours associé à l’entreprise, mis au courant des démarches et interviendra "officiellement" auprès des autorités.

Dès 1892, soit à peine 2 ans après son installation,  le curé entreprend des démarches qui aboutiront le 9 octobre 1893 par l’achat en son nom personnel d’un bien situé à proximité de l’église.

Il s’agit d’une maison inhabitée depuis 1879, dont les anciens occupants ont choisi d’émigrer à cette date en France, à Ligny, dans la Meuse, et d’un jardin, le tout cadastré Village section A n° 402 et 406.

L’abbé Albert achète les deux parcelles, la première, d’une surface de 2,60 a, dénommée "Wohnhaus" (maison), la seconde, d’une surface de 19 m2, dénommée "Garten" (jardin), pour la modique somme de 256 Marks.

La vendeuse est Anne Metzger, née Dehlinger, qui avait hérité du bien de ses parents. Lors de la signature de l’acte de vente devant le notaire Stephany de Sarre-Union, elle est représentée par Jean-Pierre List de Kalhausen qui a procuration pour agir en son nom.

Dans l’esprit du curé, il n’y a pas de doute, le terrain est idéalement situé un peu à l’écart du centre village, donc loin du bruit et de l’animation de la
rue, et se prête bien à son projet.


 

Cadastre de 1829

Il est fort probable que le bien acquis par l’abbé Albert ne corresponde pas exactement avec le tracé du cadastre de 1829. (La surface sur l’acte de vente n’est que de 279 m2.)

Le 10 mars 1905, le curé cite la somme de 3478 marks pour justifier l’achat de la maison et d’un jardin attenant.
Cette construction n’est certainement plus entretenue depuis longtemps et il n’est pas question de la rénover, au contraire, il faut la démolir et rebâtir à sa place un presbytère digne de ce nom. (6)

Dans sa séance du 13 décembre 1896, le conseil délibère pour la première fois au sujet de la maison Thinnes. (das Thinnes’chen Haus) (7)
"Là-dessus, le conseil de fabrique, se déclara prêt, sur la demande de Monsieur le curé, à acheter la maison Thinnes dans le but de bâtir un nouveau presbytère, et cela dès que les dettes actuelles auront été remboursées et que quelques milliers de Marks seront disponibles dans la caisse".  (traduit de l’allemand)

Dans la séance suivante, dite "de Quasimodo", le 25 avril 1897, le conseil de fabrique décide de commencer les travaux de démolition de la maison Thinnes et de construction du nouveau presbytère dès le printemps de l’année suivante, avec en prévision l’accueil, en 1899, de l’Evêque et de ses accompagnateurs, ce qui laisse un délai assez court pour la finition des travaux. Une confirmation est en effet prévue cette année-là et le moment est tout choisi pour faire admirer "l’oeuvre" du curé par les autorités épiscopales.

L’accueil de l’Evêque et de sa suite n’était pas possible dans l’ancien presbytère insalubre, selon le curé, et trop petit pour un pareil évènement. Un bon accueil, digne d’un hôtel haut de gamme, faisait bonne impression et valait au prêtre félicitations et bonne considération. (9)

"Le conseil de fabrique décide en outre à l’unanimité de commencer les transformations de la maison Thinnes au printemps 1898, pour que la maison puisse être occupée au cours de l’année 1899, lorsque, comme la paroisse l’espère, Monseigneur l’Evêque conférera le sacrement de la confirmation dans la paroisse. Après avoir examiné le plan imaginé et dessiné personnellement par Monsieur le curé Albert, tout le conseil de fabrique se déclara entièrement satisfait de cette réalisation et décida que Monsieur le curé Albert garderait le droit de propriété du foncier et de la construction future jusqu’au moment où l’Evêché autorisera l’achat définitif par le conseil de fabrique".  (traduit de l’allemand)

Sous le ministère de l’abbé Albert, le conseil de fabrique de Kalhausen ne décide rien, il est entièrement sous l’emprise du curé qui est l’initiateur de tous les projets et le secrétaire de fait de toutes les séances. Les membres ne sont que des prête-noms. Pour le presbytère, c’est le curé seul qui dresse le plan, qui recherche un entrepreneur et les artisans des différents corps de métier, qui tient les comptes. "Le conseil de fabrique n’a, il est vrai, commandé de plan, mais il l’a vu et approuvé ainsi que l’Evêché" (8) concède-t-il au vicaire général. (lettre du 26 mai 1905)

___________________
(6)La cave voûtée sera maintenue et incorporée à la nouvelle construction.
(7) Ce nom de maison provient certainement d’un ancien propriétaire du bien, car le patronyme Thinnes n’est pas présent dans l’ascendance des familles Dehlinger Anne-Jean Metzger.
(8) Dans sa lettre du 15 avril 1898, monseigneur Karst, vicaire général, écrit : «  Je suis bien aise de pouvoir vous communiquer que son Excellence a accueilli avec joie votre projet de construction d’un autre presbytère. Les plans supervisés par Monsieur Jacquemin nous ont été soumis pour approbation et nous pensons qu’il est temps d’entreprendre les démarches en vue de leur concrétisation. Le conseil de fabrique vous donnera sans aucun doute son accord et prendra les choses en mains de telle sorte que vous n’aurez pas de trop grandes difficultés, espérons-le. »
Ndlr : Rémy Jacquemin, architecte de Metz, avait entrepris en 1888 les transformations intérieures de l’église et lui a donné son style actuel.

(9) L’arrivée de l’Evêque était un évènement important dans la vie d’une paroisse car ce haut dignitaire se déplaçait rarement dans les villages à cette époque, faisant effectuer les visites canoniques par l’archiprêtre qui lui en rendait compte. Dans le registre du conseil de fabrique, aucune visite épiscopale n’est signalée à part celle-ci. La dernière visite épiscopale récente remonte à 1958, lorsque Monseigneur Schmitt conféra le sacrement de la confirmation aux enfants de Kalhausen.
La population toute entière participait à l’accueil de l’Evêque en décorant les façades des maisons et dressant des arcs de triomphe dans les rues que le cortège épiscopal empruntait. L’Evêque, plus tard, se déplacera en voiture et un comité d’accueil, composé de cyclistes ou de motocyclistes sur des engins décorés,  se chargera de l’accompagner dans son entrée au village. Les autorités civiles et religieuses l’accueillaient en grande pompe, avec discours du maire et haie d’honneur des pompiers.
Un observateur non averti est toujours frappé par la taille démesurée des presbytères de nos contrées, réservés d’habitude au logement de deux personnes seulement (Achen, Etting, Bining). C’est que des chambres, et non des moindres, étaient réservées à l’Evêque et ses accompagnateurs, pour leur séjour lors d’une confirmation, qui pouvait s’étendre sur 2 à 3 jours.


L’année suivante, à la séance de Quasimodo (17 avril), le conseil constate que la majorité des habitants a participé aux travaux de préparations en vue de la construction du nouveau bâtiment et à l’acheminement des matériaux.

Les paroissiens savent que la nouvelle maison, "das Albert’schen Haus", la maison Albert, servira dans un proche avenir de presbytère et ils ne se sont pas faits prier pour donner de bonnes grâces un coup de main bénévole à leur curé dans son entreprise. (10) Pour le curé, cette entraide est tout à fait normale à la campagne et habituelle entre villageois.

Dans la même séance, le conseil décide de réfléchir aux possibilités de financement de l’achat de la maison du curé et au vu des recettes engrangées annuellement par la location des bancs, de contacter provisoirement un emprunt complémentaire de 10 000 Marks qui pourrait être remboursé avec les intérêts au bout de 8 ans avec des annuités de 1600 Marks.


La réunion de Quasimodo suivante (9 avril 1899) est la dernière à se tenir dans l’ancien presbytère. L’excédent de l’exercice comptable 1898-1899 se monte à 1196,87 Marks qui sont réservés à l’acquisition de "la maison construite par Monsieur l’abbé Albert" avec l’emprunt provisoire décidé le 17
avril dernier.
Il en sera de même les années suivantes pour les excédents des exercices comptables.

_______________
(10) Le curé convient dans sa lettre au vicaire général en date du 28 décembre 1905 que les paroissiens ont contribué à la construction. Le vicaire général écrit :"Des corvées ont été faites".  (lettre du 25 mai 1906) Est-ce que l’abbé Albert forçait plus ou moins certaines personnes, surtout les exploitants agricoles, à effectuer des transports avec leurs attelages, quitte à devoir remettre leurs propres travaux à plus tard ?
Une certaine personne n’a pas du tout apprécié le bénévolat exigé par le curé et a porté l’affaire devant la justice : "La chose a été jugée par le tribunal qui a débouté de sa demande un plaignant qui réclamait le paiement de ce qu’il a fait pour cette construction".  (lettre du vicaire général au curé 25 mai 1906)




  La maison de l’abbé Albert. Début du 20° siècle.

La seconde réunion ordinaire annuelle, celle du 29 octobre 1899, voit le conseil se réunir pour la première fois dans la maison du curé Albert. (11)
Dans cette séance, le conseil décide de réserver le montant de la location des bancs (1930,50 Marks) à l’acquisition future de la maison Albert.
"Les membres du conseil de fabrique relèvent avec satisfaction que M. le vicaire général Karst a exprimé son plus grand contentement au sujet des chambres bourgeoises et de l’aménagement pratique de la nouvelle construction, lors de la confirmation tenue le 17 juin par M. l’Evêque coadjuteur Docteur Marbach de Strasbourg". (traduit de l’allemand)

Tout semble aller pour le mieux désormais :
-    le curé a une maison neuve, fonctionnelle, saine,
-    les autorités religieuses ont apprécié sa construction et l’ont soutenu,
-    les paroissiens ont apporté une aide bénévole non négligeable,
-    le conseil de fabrique soutient toujours le curé et rachètera le presbytère avec ses propres moyens,
-    le plan de financement du futur presbytère est décidé.

Le seul problème pourtant est que le curé dispose désormais de deux logements : une maison privée et un logement inoccupé et laissé à l’abandon, l’ancien presbytère, propriété de la commune et dont il a toujours l’usufruit.
En séance extraordinaire du 18 novembre 1900, le conseil de fabrique décide alors, si possible, de mettre l’ancien presbytère en location à partir d’avril 1901 pour un loyer annuel de 80 Marks. Mais cela ne se fera pas.
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(11) Il n’est pas encore question de presbytère, la maison construite par le curé, avec l’aide de nombreux paroissiens bénévoles, est toujours un bien privé.
A cette période, un autre conflit assez important oppose le curé, soutenu par le conseil de fabrique, à la commune au sujet de l’aménagement de la nouvelle route en direction de la gare : cette construction empièterait sur le cimetière, le jardin du curé et exproprierait la fabrique d’une partie d’un terrain grevé d’une fondation. Nous parlerons plus loin de ce conflit.


Le presbytère propriété de la commune ?

Après le décès en 1899 de Monseigneur Flek et une vacance de 2 années, le siège épiscopal de Metz revient en 1901 à Willibrord Benzler et un changement d’attitude apparaît.

Quelque temps après sa mort (ndlr celle de Mgr Fleck), "je suis avisé, écrit le curé en 1907 au vicaire général Pelt, que la maison sera vendue à la commune exclusivement. J’y ai consenti à la condition toutefois qu’elle paierait, comme de juste, elle seule et en entier le prix de vente".

L’achat de la maison du curé Albert par les seuls moyens du conseil de fabrique n’est de toute façon pas possible dans l’immédiat, car le budget annuel de la fabrique ne permet pas de réserver de grandes sommes dans ce but. Et il y a aussi d’autres projets, comme la nouvelle sacristie. Aussi l’Evêché préconise-t-il l’achat de la maison par la commune, chose qui devrait tôt au tard se faire pour régulariser la situation. C’est une façon de protéger le conseil de fabrique contre des dépenses qui ne sont pas de son ressort : il incombe en effet à la commune de loger le prêtre et de prendre en charge les gosses dépenses se rapportant au presbytère, comme doit le faire tout propriétaire.

L’Evêché souhaite bien sûr le règlement à l’amiable de la question du presbytère et des autres affaires qui opposent le curé à la commune. Mais le curé, fort de l’appui du conseil de fabrique, ose remettre en cause dans un rapport du 4 septembre 1902, les décisions prises par les vicaires capitulaires au moyen de l’ordonnance du 23 septembre 1901 et concernant les différentes affaires en cours, liées entre elles et dont l’issue de l’une conditionne l’issue de l’autre.

Le 13 décembre 1902, l’Evêque de Metz, par la plume de son vicaire général Weislinger, écrit en conséquence une longue lettre au curé. En voici un extrait : " Il serait utile d’obtenir de la commune qu’elle vende le presbytère et en affecte le prix de vente à l’acquisition de la maison que vous avez bâtie. En traitant de cette affaire avec la commune, on pourrait en même temps négocier le paiement d’une indemnité pour la partie détachée du jardin presbytéral; mais pour cela, il faudrait entre le curé et la municipalité de bonnes relations qui malheureusement n’existent pas à Kalhausen.
Ayant à régulariser la situation du presbytère, la prudence la plus élémentaire vous demandait de ménager la municipalité, mais par vos procédés autoritaires et vos demandes exagérées outre mesure (ndlr pour le pré et le jardin), vous ne faites que l’irriter davantage, en ne tenant aucun compte des avis ou des ordres de vos supérieurs.
Je vous ordonne, Monsieur le Curé, de changer de conduite envers vos paroissiens, moins pour sortir des difficultés de la situation matérielle, que pour le bien des âmes que votre Evêque vous a confiées. Les vexations indisposent les paroissiens et stérilisent le saint ministère.
J’attends de vous, à l’avenir, l’obéissance envers vos supérieurs et la bonté vis-à-vis de vos paroissiens. Ce n’est qu’à cette condition que je puis vous laisser à la tête de cette importante paroisse".

Cette sévère lettre ne laisse bien sûr pas le curé indifférent, au contraire, elle semble l’affecter énormément. La preuve, sa réponse à l’Evêque, datée du 29 décembre suivant :

"De ma vie de prêtre, je n’ai été aussi péniblement affecté qu’à la réception de la lettre que Votre Grandeur m’a adressée le 13 décembre courant ; je l’ai été d’autant plus que le bienveillant accueil, lors de la retraite, m’avait inspiré une entière confiance en votre haute équité…
Oserai-je encore, Monseigneur, solliciter une audience auprès de Votre Grandeur pour lui expliquer ce qu’il en est de la maison que j’ai bâtie ?
Pour ce qui regarde la municipalité, je puis donner l’assurance à Votre Grandeur que ma conduite envers elle a toujours été correcte…

Au reste, je puis dire en bonne conscience, Monseigneur, qu’en aucun temps je me suis immiscé dans des questions purement communales ; je n’ai pas épousé les querelles des différents partis et c’est en vue de la paix que je ne me suis nullement occupé des élections qui ont eu lieu cet été. Jamais, au grand jamais, je n’ai fait le moindre reproche, ni en public, ni en particulier, ne fut-ce qu’à un seul membre de la municipalité, seulement au sujet des procédés dans la question d’expropriation.

Aussi je prie Votre Grandeur de ne pas m’en vouloir si je me défends contre le reproche d’avoir brusqué mes paroissiens et de les avoir irrités par mes demandes exagérées…
Ce n’est que dans une affaire d’ordre tout à fait temporel qu’on me reproche la désobéissance, or je puis vous donner l’assurance, Monseigneur, que dans toute cette question je n’ai jamais eu autre chose en vue que de sauvegarder les intérêts de la fabrique".

En attendant une solution à ces affaires, le problème de l’ancien presbytère est en suspens et on ne trouve, dans le registre des délibérations du conseil de fabrique, nulle trace de sa location à un particulier. Pour le moment, il reste inhabité et continue à se dégrader toujours plus.

Il est probable que la location du bâtiment par la paroisse n’est pas possible dans l’immédiat à cause du mauvais état de la construction. Ensuite se pose un cas de droit, à savoir si le conseil de fabrique peut sous-louer le presbytère, bâtiment mis à disposition par la collectivité dans le but de loger le prêtre de la paroisse.

L’année 1903 est assez calme en ce qui concerne l’affaire du presbytère et ne voit aucune avancée dans les tractations. Aucune délibération n’est prise à son sujet par le conseil de fabrique. Le montant de la location des bancs est encore mis de côté en vue de l’achat du presbytère. Il en sera de même pour 1904. Ainsi un état établi par les services épiscopaux en 1904 mentionne la somme totale de 7028 Marks disponibles au 1er avril.

Dans sa réunion de Quasimodo 1904 (le 30 avril) le conseil de fabrique prend connaissance d’une réponse du Président de Lorraine aux autorités épiscopales au sujet de la remise en état de l’ancien presbytère et décide de ne pas prendre de décision définitive à ce sujet, mais de se rapprocher des autorités religieuses et d’un juriste pour avoir leur avis. (12)

Le 7 janvier 1905, dans sa lettre au Directeur du Cercle, le curé se dit donc officiellement prêt à vendre sa maison à la commune, qui en serait la seule propriétaire, et cela pour le prix qu’elle lui a coûté. L’autorisation des autorités épiscopales n’est pas nécessaire selon lui, ni la production des comptes et budgets de la fabrique, puisque c’est un bien privé.

Mais le directeur du Cercle réclame les devis relatifs à la construction et les factures payées. Pour se faire une opinion, avant d’intervenir dans les négociations, il veut connaître le coût général de la maison, l’état de paiement des factures et éventuellement quelles sommes seraient encore à payer (lettre du 9 janvier 1905).

Le curé pourtant n’est pas enclin à satisfaire cette demande et "on voudrait simplement connaître le coût de la maison nouvelle pour me créer d’autres difficultés", écrit-il au vicaire général (lettre du 17 janvier 1905).

"Pour fixer le prix, le Gouvernement a eu le toupet d’exiger de moi tous les comptes, quittances, etc, une demande que j’ai due naturellement repousser. La proposition de faire estimer l’immeuble par des experts a été rejetée par le Gouvernement et pourtant c’était la seule manière juste et légale". (lettre du 23 octobre 1907 au vicaire général Pelt)

____________________
 (12) Le curé s’est renseigné et il écrit le 23 octobre 1907 au vicaire général : "Je me permets de vous dire que de l’avis d’un juriste entendu, le Gouvernement ne peut pas forcer la fabrique à restaurer l’ancien presbytère et encore moins à faire des réparations qui dépasseraient le simple entretien in statu quo".


Le curé  fait parvenir, le 10 mars, au Cercle, un état récapitulatif des dépenses ainsi dressé :

-    achat d’une maison et d’un jardin : 3478 Marks

-    travaux préparatoires (démolition de la maison) : 750 M
-    matériaux (pierres de taille en grès et moellons) : 2188 M
-    matériaux (chaux, ciment, sable) : 1748 M
-    matériaux (poutrelles en acier, poutres, planches) : 3163 M
-    maçonnerie, crépissage, carrelage : 3061 M
-    charpente et menuiserie : 2892 M
-    plâtrage : 1235 M
-    décoration, peinture, tapisserie : 3353 M
-    ferblanterie, sanitaires : 1430 M
-    divers : 3288 M
Soit une somme totale de 26 586 M.

Le curé assure au Directeur du Cercle que pratiquement toutes les factures sont payées, qu’il n’a pas de dettes et que la construction n’est pas hypothéquée. Il rajoute que l’aménagement des abords et du jardin nécessitera encore une somme d’argent importante.

Le 10 mars, il écrit aussi au vicaire général : "Il avait été entendu entre la Présidence et moi que la commune achèterait la maison nouvelle et que la fabrique n’aurait pas besoin de concourir à cette acquisition… Du reste, j’aurai le temps de faire les conditions sous lesquelles je cèderai la maison. Il faut que la commune règle avant tout la question du pré coupé par la route (13) et de l’emplacement de la nouvelle sacristie". (14)

Le directeur du Cercle n’est pas satisfait de cet état trop général des dépenses et réclame le 11 mars encore une fois le devis et les factures individuelles. Il rajoute : "Des bienfaiteurs ont fait des dons pour la construction du presbytère. Je suppose que vous êtes d’avis que les sommes récoltées de cette manière seront déduites du prix d’achat de la maison et que, données en vue de la construction d’un presbytère à Kalhausen, elles ne sauraient être utilisée à d’autres fins contraires à la volonté des donateurs". (traduit de l’allemand)

Le curé répond immédiatement (lettre du 24 mars).
"Les renseignements fournis jusqu’à présent devraient amplement suffire pour orienter la commune sur le prix d’achat". (traduit de l’allemand)

Il rajoute que les dons mentionnés par le directeur du Cercle auraient été faits à la commune et non à la fabrique dans le but de construire un presbytère qui serait la propriété de la commune.


Le 1er avril suivant, il écrit, toujours au vicaire général :
"Vous me gronderez peut-être de n’avoir pas répondu dans le sens que vous m’aviez écrit, mais il m’est matériellement impossible d’envoyer les devis, vu que je n’en avais pas fait. Je ne puis me dessaisir de mes comptes et quittances, il s’y trouve des choses qui n’ont aucunement trait à la bâtisse de la maison".

___________________
(13) voir plus loin le dossier sur la rue de la gare
(14) La fabrique a acquis en 1896, à proximité immédiate de l’église, la maison Dier, en ruines, pour 322,90 Marks et en 1898, pour 86,40 Marks, la maison Koch qui avait été ravagée par un incendie le 7 décembre 1897.
Devant les exigences des autorités civiles qu’il ne peut ou ne veut satisfaire, le curé prend conscience que le projet d’achat de sa maison par la commune peut capoter. D’autant plus que la commune a voté des crédits pour la construction d’une nouvelle conduite d’eau et semble donc avoir d’autres priorités.

Le curé provoque, le 25 juin 1905, une réunion extraordinaire du conseil de fabrique pour débattre de la remise en état de l’ancien presbytère et de l’achat par la commune de la maison bâtie par le curé.

Voici la délibération en entier de cette séance.

"Après mûre réflexion, le conseil de fabrique arrive à l’unanimité à la conclusion qu’une rénovation radicale de l’ancien presbytère serait inutile pour les motifs suivants :

1) Le bâtiment n’est plus depuis longtemps un logement de service conforme et suffisant.
Le logement ne comporte à part la cuisine et 3 cagibis que 4 chambres basses en partie si humides que le papier de tapisserie tombait des murs même lorsque les pièces étaient encore habitées.
Dans cette situation il n’est pas envisageable de vouloir agrandir la maison.

2)
Le logement de service ne comporte aucun puits d’eau de telle sorte qu’il faut s’approvisionner auprès de particuliers pour les besoins en eau potable et pour la cuisine.


3)
Le jardin du curé, duquel la commune a détaché une partie en 1902, sans pour autant clôturer la partie restante, ne se trouve pas à proximité immédiate du presbytère. En effet, dans les conditions de la vie villageoise, c’est très gênant pour le bénéficiaire du droit d’usage".


C’est dans ce sens que le vicaire général Karst s’est déjà adressé par courrier en date du 15 avril 1898 à M. le curé :

" La maison actuelle est bien trop petite, elle laisse beaucoup à désirer en ce qui concerne l’hygiène comme j’ai pu le constater il y a 3 ans et n’est pas contigüe au jardin du curé, ce qui est un inconvénient non négligeable pour un curé rural".


Au vu des inconvénients cités, le conseil de fabrique partage à l’unanimité le point de vue qu’il ne faudrait pas faire de grosses dépenses pour l’ancien presbytère et qu’il serait plus approprié d’acquérir à l’avenir, comme presbytère, la maison d’habitation construite il y a quelques années par M. le curé Albert et qu’il occupe depuis presque 6 ans. Par son aménagement et par sa situation calme, cette maison conviendrait bien comme presbytère.
Comme il est en première ligne du devoir de la commune de fournir un logement au curé, le conseil de fabrique décide à l’unanimité de demander à la commune de bien vouloir acheter la maison du curé Albert.

En vue de cette acquisition, le conseil de fabrique est prêt à verser à la commune une contribution convenable et à laisser l’ancien presbytère ainsi que la partie du jardin du curé située derrière l’école à la libre disposition de la commune.

Le curé Albert assure le conseil de fabrique qu’il est prêt à vendre sa maison en cas de sauvegarde de ses intérêts.
Le conseil de fabrique se voit obligé de déclarer qu’il n’a commandé ni le plan ni le devis de cette maison, qu’il n’a pas pris connaissance du décompte des frais de la nouvelle construction, que la caisse de l’église n’a rien payé pour la maison, qu’il n’a réceptionné aucun don pour la maison.

A sa connaissance le curé a eu 2,80M pour ses dommages de construction.

Pendant son opération de construction, M. le curé Albert se laissa guider par l’idée d’édifier une maison qui, par sa situation et son aménagement, serait dégagée des inconvénients de l’ancienne demeure et qui conviendrait aussi comme presbytère.

C’est dans cette optique que des paroissiens ont contribué bénévolement à la construction. Bien entendu, la valeur de cette contribution sera déduite du prix d’achat de la maison.

Cette collaboration bénévole apporte la preuve que la paroisse approuve l’opération de construction du curé et le conseil de fabrique est persuadé que la demande qu’il adresse à la commune par cette délibération reçoit l’entière approbation des paroissiens.

Enfin, le conseil de fabrique décide de solliciter auprès des autorités épiscopales l’agrément de cette délibération afin qu’elles veuillent bien soumettre, en cas d’acception de cette décision, au conseil municipal de Kalhausen, la demande d’achat de la maison de M. le curé Albert par l’intermédiaire de la Présidence". (traduit de l’allemand)

Il est clair, d’après cette délibération, que le curé est officiellement prêt à vendre sa maison à la commune et qu’elle servirait à l’avenir de presbytère, que le conseil de fabrique est disposé à verser une aide à la commune dans ce sens, que la commune reprendrait l’usage de l’ancien presbytère et du jardin curial, que le conseil de fabrique n’est en rien impliqué dans la construction et enfin que la participation bénévole des paroissiens serait prise en compte dans le prix de vente fixé.

Le lendemain 26 juin, il envoie un exemplaire de la délibération au vicaire général, rajoutant : "Le conseil de fabrique est d’avis de ne pas céder de suite tout le jardin de l’ancien presbytère, vu que la commune ne l’a pas réclamé en entier, au moins jusqu’à présent et vu surtout qu’il n’y a pas encore de potager auprès de la nouvelle maison ; le potager est à créer et c’est un travail pénible et de plusieurs années. Je dois vous dire également que les fabriciens n’ont consenti à céder la nouvelle maison à la commune qu’à la condition expresse que celle-ci paiera la majeure partie du prix d’achat. Dans le cas contraire la fabrique ne tirerait aucun avantage de cette cession…
Si la commune et surtout le Kreisdirecteur (sic) étaient de bonne foi, il y a longtemps qu’il y aurait eu une entente, mais, si je ne me trompe, on ne songe même pas à l’acquisition de la nouvelle maison, car le conseil municipal a voté il y a 4 ou 5 semaines 11 000 Marks pour la construction d’une conduite d’eau".

Dans sa séance du 26 août suivant, le conseil municipal demande au conseil de fabrique des documents sur la gestion financière de la paroisse et des garanties. Le maire ne se satisfait pas de la parole du curé, il veut être sûr que la maison Albert a été payée par le curé seul, sans l’aide du conseil de fabrique et il exige des preuves écrites.

Le conseil municipal demande la copie des comptes du conseil de fabrique qui sont à fournir chaque année à la mairie.

"La dernière copie date de 1898/1899.

Les copies des années 1899/1900 et jusqu’à 1905/1906 sont à transmettre.
La commune espère avec fermeté le respect de cette demande et qu’à l’avenir les copies demandées seront fournies annuellement et automatiquement.
La commune a pleine conscience qu’elle ne peut acquérir de bien sans la production préalable d’un certificat de non hypothèque.
La garantie de M. le curé est par là superflue". (traduit de l’allemand)


Le conseil de fabrique répond à la commune dans sa séance extraordinaire du 17 décembre 1905.

Il clarifie la situation en expliquant tout d’abord que l’aspect financier de la nouvelle maison n’est pas de la compétence du conseil de fabrique puisque c’est un bien privé et que sa vraie valeur sera prise en compte pour la vente.

Il ajoute que Monsieur le curé donne la ferme assurance que l’acheteur n’aura de compte à rendre à aucun tiers, qu’il n’y a pas d’hypothèque sur le fonds, que la construction peut être vendue et achetée comme n’importe quelle maison et que l’acheteur aura les mêmes droits que l’actuel propriétaire.
Quant à l’ancien presbytère, "il pourrait être vendu immédiatement aux enchères publiques et le montant de la vente pourrait servir à couvrir en partie le prix d’achat du nouveau presbytère". (traduit de l’allemand)

Pour finir, le conseil rappelle qu’il s’était déjà avancé dans sa séance du 25 juin dernier à apporter une contribution raisonnable pour l’achat par la commune, précisant que "la commune ne devait pas trop demander à la caisse de la fabrique, puisqu’elle aura le droit exclusif de propriété de la maison et qu’il faut absolument envisager la construction par la fabrique, d’une seconde sacristie plus grande". (traduit de l’allemand)

Le curé s’adresse encore au vicaire général le 28 décembre suivant, lui faisant part d’une rumeur qui circulerait dans le village : "La commune ne voudrait donner que le prix de vente ou plutôt d’estimation de l’ancien presbytère, abstraction faite du jardin dont on veut s’emparer de suite sans donner aucune indemnité. Je ne suis pas à même de contrôler l’exactitude de ces bruits, mais je dois vous dire que dans ces conditions, le conseil de fabrique serait unanime à rejeter les propositions faites par la commune. Espérons que la nouvelle année apportera une solution heureuse à cette affaire épineuse".

Le 24 janvier 1906, il écrit encore : "L’attitude de la commune sera sans doute dictée par le Directeur du Cercle. Peut-être aurait-il mieux valu interrompre les négociations jusqu’à son départ définitif, il peut se faire que le successeur soit mieux disposé…Il y a cependant à mon avis un indice qui trahit assez le dessein de la commune, c’est la construction d’une nouvelle conduite d’eau, laquelle a été adjugée vendredi dernier, elle demandera quelques milliers de marks. En outre l’on veut faire des réparations considérables à la maison d’école, où prendrait-on alors l’argent pour l’achat du nouveau presbytère ? "
 
Le conseil municipal se réunit le 13 février 1906, pour essayer de clarifier une fois pour toutes la valeur de la maison du curé.

"Premièrement se pose la question si, à propos de l’acquisition, il s’agit d’une maison strictement privée ou d’une maison bâtie en coopération avec diverses contributions.
Dans le premier cas, une estimation est totalement superflue. En effet le propriétaire doit lui-même fixer la valeur de son bien et établir quelle somme il veut retirer de la vente. Dans ce cas, le traitement de la question n’est pas du tout de la compétence du conseil de fabrique. De la même manière, la commune n’a pas qualité d’estimer un bien privé.
S’il s’agit au contraire d’un bâtiment érigé avec diverses contributions, le traitement de la question est tout autre.

M. le curé propose de faire estimer les contributions volontaires. Par ce fait, il admet que la construction est le fruit de diverses contributions.
Les contributions volontaires, les transports et les travaux manuels ont conduit, sous le couvert de la construction d’un presbytère, à l’édification d’une maison privée.

Les demandes de paiement des transports effectués sont depuis longtemps au cœur d’un débat et ont été refusées au détriment des demandeurs. Si ces demandes avaient été prises en compte par quelqu’un, les charretiers auraient eu leur compte.
Cet état de fait seul fait de la construction un cas digne d’intérêt.
La commune a aussi eu connaissance que le conseil de fabrique verse la somme annuelle de 3000 Marks pour couvrir partiellement les frais de construction et pour l’aménagement de la maison.
En conséquence la maison de M. le curé serait un bien en copropriété. Dans ce cas, pour l’acquisition, il ne peut plus s’agir de la valeur actuelle, mais de la somme restant à payer pour couvrir tous les frais de construction.
C’est pourquoi il faut un exposé de la situation financière de la maison en question". (traduit de l’allemand)

On voit clairement les reproches faits par la commune : une maison privée édifiée sous le couvert du conseil de fabrique, avec ou sans les fonds du conseil de fabrique, on ne sait pas très bien, mais avec l’aide matérielle des paroissiens dont certains se sentent lésés, parce que le donneur d’ordres ne les a pas rémunérés.
Dans ce cas, la commune se verrait mal donner le prix fort pour l’achat d’un bien construit avec l’argent de tiers. Il est sous-entendu qu’il n’est pas question de faire payer une seconde fois les habitants.

Une autre réunion est diligentée dans la foulée, le 19 février suivant.

" La commune a pu faire valoir ses intentions pour le presbytère. Elle espère une solution amiable du problème de l’achat de la nouvelle maison comme indiqué dans la décision du 26.08.1905 qui a été prise sous la direction de l’administration et avec son accord. Le gouvernement a quand même eu une vision claire de la situation, avant de prendre une décision.

La commune doit aussi défendre ses intérêts et n’est pas dans la situation de pouvoir supporter des sacrifices inutiles. D’autres grandes réalisations l’attendent et ne peuvent trouver de solution aussi longtemps que le problème du presbytère lui barre le chemin. Le conseil municipal exige par conséquent une solution rapide du problème. La longue hésitation a empêché l’évolution de la commune. Elle doit d’abord voir clair, si la situation financière lui permet d’acquérir la maison en question. La commune ne veut pas non plus l’ancien presbytère complètement dépéri.

De plus il n’est pas raisonnable d’être toujours en conflit car les conséquences d’une telle situation sont très déplorables et peu constructives.
Il paraît impossible de trouver une solution  pacifique.

A la demande du président du conseil de fabrique en date du 8.02.1906, le conseil municipal s’est réuni le 13 février. Les écrits réclamés n’ont toujours pas été présentés au conseil municipal. Le conseil de fabrique s’est aussi réuni. Le président demanda à Monsieur le curé quels étaient les souhaits du conseil de fabrique dans cette crise. La réponse fut que le conseil de fabrique n’avait rien à voir avec la commune et que cette dernière n’avait qu’à répondre par oui ou non aux propositions qui lui avaient été faites.

Comme ces propositions n’étaient pas connues de la commune, le maire demanda si on ne pouvait pas maintenant trouver une solution sur un mode pacifique. Monsieur le curé trouva toutes sortes d’excuses, par exemple que Monsieur le Maire lui cherchait des histoires. Il voulut même mettre en avant la situation en France et la comparer au problème du presbytère. (ndlr : l’anticléricanisme)

Monsieur le maire protesta contre ces affirmations et somma Monsieur le curé d’arrêter avec de tels discours.
Le conseil de fabrique quitta alors le local pendant que Monsieur le curé s’adressa d’un air moqueur aux membres du conseil municipal, leur disant qu’il regrettait qu’on les ait faits venir pour rien, que la commune ne voulait plus avoir de pareilles scènes et il promit de bientôt résoudre le problème du presbytère pour le bien de la population.

Pour résumer, le conseil municipal décide de subordonner entièrement l’achat de la nouvelle maison aux conditions inscrites dans la décision du 26.08.1905".  (traduit de l’allemand)

Le 13 mai, le curé informe le vicaire général de l’offre proposée par la commune : "J’ai sondé le terrain chez les marguilliers et tous sont d’accord à dire que l’offre faite par la commune n’est pas acceptable. D’après eux, la valeur du vieux presbytère serait actuellement de 2000 à 2600 Marks et les 35,80 a pourraient valoir environ 600 Marks. Pour ces 3000 Marks la commune garderait tout l’ancien jardin et la nouvelle maison laquelle à elle seule a une valeur réelle de 30 000 Marks… Les fabriciens sont donc unanimement de l’avis de garder la nouvelle maison pour la fabrique, d’autant plus que les gens qui ont fait gratuitement des corvées les ont faites dans cette vue. Même en acceptant la proposition, il serait impossible de remplir la première condition exigée si impérieusement par la commune : le rendement de comptes… Je tenterai encore une visite chez le nouveau Directeur du Cercle pour voir s’il ne peut pas déterminer la commune à faire des conditions plus avantageuses à la fabrique".


Le 25 mai, le vicaire général répond au curé dans une longue lettre.

La première partie est un résumé de l’affaire, telle qu’elle se présente à ce jour :
-    malgré l’intervention de l’Evêque, la commune refuse de faire estimer la maison du curé sous prétexte que le propriétaire d’une maison privée
     doit fixer lui-même le prix, mais si c’est un bâtiment construit avec l’aide du conseil de fabrique et des paroissiens, le curé n’a droit
     qu’au remboursement des sommes vraiment déboursées et il doit prouver ce qu’il a payé et ce qu’il reste à payer

-    la commune a désormais entre les mains les copies des 7 derniers budgets de la fabrique et elle verra que le conseil de fabrique n’a pas
     contribué financièrement à la construction

-    des paroissiens ont contribué par des corvées à la construction
-    un plaignant a été débouté de sa demande de remboursement
-    le curé doit rendre compte de ses sommes déboursées, car il veut se faire indemniser par la commune et la fabrique et il ne peut se faire
     rembourser  que ce qu’il a dépensé

-    malheureusement le curé ne peut prouver toutes ses dépenses
-    la commune persiste dans sa demande des comptes
-    la Présidence approuve l’argumentation de la commune
-    la commune et la Présidence réclament maintenant la cession de la partie du jardin où un conseiller d’hygiène exige l’installation immédiate
     d’un autre canal souterrain pour l’évacuation des sanitaires de l’école


La seconde partie est une mise en garde du curé contre l’évolution possible du conflit.

"Si la solution de la vente du presbytère se fait attendre, si d’autre part la fabrique soutenue par l’Evêché refuse la cession immédiate de cette partie du jardin, l’affaire sera portée par la Présidence  devant le Statthalter. La délibération du 4 mars 1906 (15) sera l’emporte-pièce, à toutes les instances par où cette affaire passera ; elle a été rédigée dans cette vue : ses passages relatifs à la proposition faite en 1902 d’entourer de fil de fer l’ancien jardin de curé, qui tôt au tard devait cesser d’être jardin de curé – sur les dommages qu’a soufferts l’ancien presbytère par suite de son délaissement – sur la possibilité de restaurer cette maison pour continuer à être presbytère – sur la bonne volonté de la commune qui malgré cela est disposée à faire des sacrifices pour acquérir comme presbytère la maison bâtie par M. le Curé – sur les autres intérêts plus graves de la commune qui sont en souffrance par suite de la question du presbytère – sur sa volonté de ne pas laisser la maison de la commune se délabrer davantage – sur son désir de voir enfin cesser des querelles funestes et peu édifiantes – sur l’intransigeance du conseil de fabrique et de M. le Curé qui a éclaté encore le 11 février 1906, alors que la fabrique avait demandé et que le conseil municipal avait accepté une convocation au sujet du presbytère.
Je dis que toutes les déclarations contenues dans la délibération du conseil municipal seront approuvées hautement, chaleureusement dans toutes les sphères administratives, d’autant plus qu’elles sont conformes à celles d’une lettre, datée du 4 courant, que M. le Ministre des Cultes vient d’adresser à Nos Seigneurs les Evêques de Metz et de Strasbourg contre le luxe de certains presbytères et les torts que font aux communes les exigences de certains curés.
Le moment est décisif. Il faut une réponse à brève échéance, et si elle ne satisfait pas la Présidence, l’affaire sera portée à la décision du Statthalter.
On en peut prévoir la teneur : la partie nécessaire pour le canal souterrain sera distraite du jardin presbytéral, la fabrique sera obligée de faire restaurer l’ancien presbytère.
Si la fabrique demande alors d’acquérir votre maison, il faut l’avis du conseil municipal et l’autorisation du Gouvernement. La commune et le Gouvernement refuseront d’autant plus sûrement que la délibération du conseil de fabrique du 17 décembre 1905 finit en ces termes : « La commune ne devait pas trop demander à la caisse de la fabrique, puisqu’elle aura le droit exclusif de propriété de la maison et qu’il faut absolument envisager la construction par la fabrique, d’une seconde sacristie plus grande. »
Je vous invite une seconde fois à réunir le conseil de fabrique pour prendre une délibération qui détermine le prix de la maison et la part de la fabrique.
Si vous n’avez plus les quittances de quelques détails, vous avez toujours les décomptes de l’entrepreneur et les quittances essentielles pour prouver vos déboursées.
Je vous prie d’envoyer cette délibération sans tarder".
___________________
(15) Le vicaire général Weislinger dit de cette délibération qu’elle a été rédigée dans un bureau du Gouvernement.

Le 5 juin suivant, le curé écrit encore au vicaire général : "Les recherches des dépenses m’ont arrêté jusqu’à présent : je suis arrivé jusque près de 21 000 Marks et il me sera facile avec le temps d’en trouver encore… Pourvu que la commune accepte de payer 10 000 Marks, nous ne demandons pas mieux, mais j’en doute fort".

Le 10 juin, il rend compte au vicaire général de son entrevue avec le Directeur du Cercle : "J’ai eu la visite du Directeur du Cercle et j’ai profité de cette occasion pour lui donner différentes explications au sujet de l’achat de la maison et de l’affaire des pauvres. (16) Il les a écoutées avec beaucoup d’intérêt surtout lorsque je lui ai prouvé que la somme offerte par la commune était beaucoup trop petite pour être prise au sérieux par le conseil de fabrique et qu’il n’y avait pas de raison pour céder de suite le jardin entier à la commune. En outre, je lui ai soumis les comptes et quittances des fournisseurs et ouvriers et la somme totale déjà trouvée avec l’assurance que le conseil de fabrique prendrait au plus tôt une délibération dans le sens que je vous avais écrit. Il a promis de faire tout son possible pour que notre offre soit acceptée par la commune et par la Présidence… Si le Gouvernement pose d’autres conditions encore, nous verrons si elles sont acceptables. Quant à la somme qui dépassera les 20 000 Marks, il faudra trouver un moyen de la couvrir, ne serait-ce peut-être point le moyen de rappeler au Prélat la promesse faite par Monseigneur Fleck et confirmée par Mgr Karst lors de la confirmation de 1899 ?" (17)
____________
 (16) Il s’agit du legs d’Hausen.
 (17) Le prélat avait apporté son soutien moral au curé. L'abbé Albert compte peut-être maintenant sur un soutien financier de la part de l'Evêché pour réussir à boucler le plan de financement du presbytère et récuperer son investissement personnel.


Le conseil de fabrique, suite à la demande du vicaire général, est convoqué en séance extraordinaire le 10 juin suivant, pour fixer clairement le prix de vente de la maison et la part de la fabrique.

Dans une première partie, il réfute clairement et longuement les affirmations de la commune, émises le 13 février :

- L’aide apportée à la construction par des tiers n’amène pas la copropriété de la  construction, car il est d’usage à la campagne d’apporter une
  aide bénévole lors de constructions nouvelles.

- La maison se trouve exclusivement sur un terrain appartenant au curé, donc elle lui appartient tout comme le fons, et si un tiers l’avait édifiée,
  ce dernier devrait en supporter les frais de construction. Or, ce n’est pas le cas. Donc la maison n’est pas une copropriété.

- Il n’existe pas de délibération du conseil de fabrique de l’année 1896 qui réserverait chaque année la somme de 3000 Marks pour la construction
  et l’aménagement du nouveau bâtiment. Une telle délibération est impensable, car les recettes globales d’une année comptable s’élèvent à une telle
  somme et non l’excédent.

- Comme les documents comptables des années 1899/1900 à 1905/1906, versés entre temps à la commune le prouvent, aucune somme d’argent n’a
  été utilisée pour la construction, mais de l’argent a été économisé.


Puis il fait des propositions constructives à la commune :
- en vue de l’achat de la maison par la commune, le conseil est prêt à fournir la somme de 10 000 Marks, à condition que la commune en fasse autant
- dans ce cas, l’ancien presbytère et le jardin curial reviennent à la commune (et la partie qui se trouve derrière l’école reviendra à la commune
  seulement après l’aménagement du nouveau jardin du presbytère)

- le curé est prêt à soumettre ses dépenses de construction, sûrement 20 000 Marks,  à une commission composée de deux conseillers municipaux et
  de deux fabriciens. Le travail fourni bénévolement n’est bien sûr pas pris en compte.


Pour finir, le conseil (par la voix et la plume du curé) ne veut pas polémiquer plus et ne relève pas les attaques personnelles contenues dans la délibération du conseil municipal, "car une réponse adaptée ne ferait qu’envenimer encore plus la situation". (traduit de l’allemand)


Le conseil municipal se réunit aussitôt le 15 juillet suivant. Voici sa délibération :
"Le conseil municipal ne veut pas rentrer dans la querelle interminable due aux décisions du conseil de fabrique, mais il veut montrer que la
 situation  troublée n’a pas été créée par l’administration communale. La commune ne cherche que la paix, elle ne veut s’occuper que du problème
 de l’acquisition de la maison en question.


1. En vue de l’achat par la commune de la maison Albert comme presbytère, la commune vendra l’ancien presbytère et
2. les parcelles "Schniederhausewiese" (surface totale 39,70a) le tout estimé à 6 000 Marks. Il manque 4 000 Marks pour l’achat de la maison.

Propositions de la commune :
-    1/3 de cette somme (ndlr des 4 000 Marks) est à avancer par le conseil de fabrique comme nouvelle contribution.
-    Les 2/3 restant seront réclamés à l’Etat sous forme de subvention.

La commune ne peut pas faire plus d’efforts, avec la meilleure volonté possible. Elle a dû consentir beaucoup de sacrifices pour pouvoir réaliser la route vers la gare et cette année une nouvelle canalisation d’eau.
Elle a montré de la bonne volonté.

Les écoles sont bondées et la commune doit s’occuper de la construction d’une troisième salle de classe. Là aussi,  de grands efforts seront nécessaires.
La commune ne peut pas prendre l’engagement pour l’avenir d’aménager les abords de la maison Albert en cour ou en jardin.
La commune demande l’abandon sans conditions de tout le jardin alloué jusqu’à présent au curé.

Le conseil municipal demande une aide bienveillante de la part du gouvernement et l’acceptation de la décision ci-dessus pour trouver enfin une solution à l’amiable". (traduit de l’allemand)

La commune indique clairement que le conflit n’a pas été créé par elle et qu’elle a d’autres priorités encore. On perçoit clairement sa volonté de tout faire pour en finir et trouver un arrangement salutaire pour les deux parties.

Un peu plus d’une semaine plus tard, une autre réunion a lieu en mairie, le 27 juillet, avec la présence des autorités de tutelle, toujours pour essayer de sortir de l’impasse.
Assistent à la réunion le maire Fabing et les conseillers municipaux suivants : Florian Muller, André Simonin, Jean-Pierre Pefferkorn, Jean-Pierre Juving et Christian KihlEn outre assistent à la séance Albrecht, Conseiller à la Présidence de Metz, Bauer, Inspecteur au Cercle de Sarreguemines et Rheinart, Directeur du Cercle.

"Par 4 voix pour et 3 contre, le conseil municipal décide d’allouer 1 000 Marks de plus pour l’achat du presbytère (ndlr en plus des 6 000 Marks alloués par la délibération du 15 juillet)
La proposition d’autoriser un crédit de 1 200 Marks en vue d’acquérir des pavés de caniveaux pour un montant total de 3 600 Marks est rejetée à l’unanimité".  (traduit de l’allemand)

Par là on voit que la commune est obligée de faire des choix pour ses investissements et que si elle doit cofinancer l’achat de la maison Albert, d’autres travaux devront reportés à des dates ultérieures. Pour le moment, elle privilégie l’achat de la maison du curé au détriment de la voirie.

Le conseil de fabrique se réunit de nouveau en séance extraordinaire le 2 septembre 1906 et le curé porte à sa connaissance les délibérations du conseil municipal en date des 15 et 27 juillet dernier.

Sur ce, le conseil de fabrique décide de faire un pas vers la commune et s’engage à verser 1000 Marks de plus pour sa participation à l’achat de la maison Albert, soit en tout 11 000 Marks, à la condition que la commune, de son côté, rajoute 1000 Marks à sa participation et garantisse le versement intégral de la somme de 9000 Marks, qui représente sa part.
Enfin le conseil déclare que les frais de construction ne se montent pas, preuves à l’appui, à 20 000 Marks, mais exactement à 21 063.

Une énième réunion du conseil de fabrique a lieu quelques mois plus tard, le 2 décembre 1906, toujours au sujet de l’acquisition de la maison.

La fabrique se propose de rajouter 500 Marks à sa contribution, ce qui ferait désormais un total de 11 500 Marks.

En contrepartie, elle demande tant aux autorités religieuses (Evêché) que civiles (la Présidence de Metz) de faire en sorte que la jouissance de la partie de l’ancien jardin curial située à côté de l’école lui reste attribuée comme cela a toujours été le cas.

Le conseil espère que "sa demande sera acceptée, d’autant plus que la fabrique de l’église doit avec ses propres moyens aménager la cour et le jardin de la nouvelle maison et qu’un potager productif ne peut être aménagé qu’avec beaucoup de peine et de grands sacrifices financiers". (traduit de l’allemand)

Pour résumer, la fabrique est prête à verser 11 500 Marks et la commune est disposée à mettre 7 000 Marks de son côté. Le compte n’y est pas encore, car il manquerait 1 500 Marks pour arriver aux 20 000.
Les deux protagonistes prétendent ne pouvoir faire d’effort supplémentaire, car d’autres projets existent des deux côtés : écoles et conduite d’eau pour la commune, abords de la nouvelle maison et sacristie pour la fabrique.

Dans sa séance du 20 janvier 1907, le conseil municipal revient sur l’achat de la maison Albert et rappelle sa position.

" Le conseil municipal a posé ses conditions définitives concernant l’achat de la maison Albert dans sa délibération du 27 juillet 1906. L’achat de la maison Albert englobe naturellement aussi l’achat du terrain entourant la maison. Ce terrain deviendra à l’avenir jardin presbytéral et ne peut être dissocié de la maison Albert dans le cas où elle servira de presbytère, tout comme l’ancien jardin ne peut être dissocié de l’ancien presbytère.

En fin de compte, le conseil de fabrique doit être également du même avis et les propositions rejetées ne sont que des moyens pour faire reculer toujours davantage la solution du problème.

En conséquence de quoi, le conseil municipal décide : en vue de l’achat de la maison Albert comme presbytère et du terrain voisin comme jardin, le conseil municipal vote la somme ronde de 7000 Marks. Il demande une aide de l’Etat de 1500 Marks pour compléter le prix d’achat.
En outre, le conseil municipal décide : toutes les délibérations antérieures concernant l’achat de la maison Albert seront annulées et les négociations arrêtées si le conseil de fabrique refuse d’accepter les propositions faites par la commune". (traduit de l’allemand)

Le 3 mars suivant, le conseil municipal maintient sa position, rappelle ses délibérations antérieures (9 décembre 1906 et 20 janvier 1907) et rompt toutes les négociations.
"Avec la délibération de ce jour, cessent toutes les négociations concernant l’achat de la maison Albert". (traduit de l’allemand)

Le conseil de fabrique par contre espère toujours voir aboutir l’achat de la maison par la commune.
Dans sa seconde session ordinaire (27 octobre 1907), le conseil de fabrique déplore vivement que la commune n’ait pas suivi son souhait de voir conservée au curé la jouissance de l’ancien jardin, mais il maintient son offre de 11 500 Marks à condition que la fabrique ait la liberté d’aménager la cour et le jardin de la maison Albert selon son gré.
Pour finir, " Monsieur l’abbé Albert se réserve de faire dépendre sa décision finale, lors de l’arrangement, de la sauvegarde de ses intérêts".  (traduit de l’allemand)

En d’autres mots, la maison ne sera pas bradée, le curé veut récupérer sa mise de départ.

Le lendemain 28 octobre, le curé envoie au vicaire général une copie de la délibération prise et il ajoute : " Les marguilliers ont voulu retirer les 500 Marks qu’ils avaient votés en sus à la suite de la promesse faite par la Présidence de laisser la jouissance de l’ancien jardin à Mr le Curé pendant deux ans encore ; comme la commune est revenue sur cette concession, ils ont voulu faire de même. Je crois qu’il est superflu de demander davantage au conseil de fabrique qui a déjà sacrifié une grande partie de ses intérêts en vue d’une entente.
Pour le prouver, j’ai envoyé à Mr Pelt un exposé sommaire des différents points en le priant de me donner un mot de réponse avant la séance de dimanche dernier ; on n’en a rien fait. C’est pourquoi dans la délibération je me réserve l’assentiment définitif jusqu’au moment où la question des 3000 Marks sera réglée. La solution de l’affaire dépend maintenant en partie de l’Evêché car j’ai nullement l’intention de faire un cadeau à la commune".

Cet exposé sommaire est en fait une lettre de 4 pages  adressée le 23 octobre au nouveau vicaire général Pelt (18) pour le mettre au courant de l’affaire du presbytère en le priant "de peser mûrement toutes les raisons pour et contre et de  donner un mot de réponse".

"Dans ma lettre concernant la délibération à prendre au sujet de ma maison, Mr Weislinger me rappelle "que l’Evêché est pour que le conseil de fabrique concède la propriété à la commune en payant la part demandée"… Mr Weislinger avait répondu également : " Le conseil de fabrique et le curé de Kalhausen n’auront pas l’approbation d’un seul membre du conseil épiscopal s’ils persistent à vouloir la propriété de la maison. Sa Grandeur cependant m’a dit en votre présence : " Vous pouvez toujours essayer d’en rendre la fabrique propriétaire".

J’avoue que je suis fort embarrassé pour concilier ces deux choses.

Mgr Fleck du reste m’avait dit expressément de bâtir la maison pour la fabrique… La nouvelle maison étant déjà sous toit, le prélat malade a répété à Mgr Karst : "Il est temps que nous venions en aide à Mr le Curé de Kalhausen ".  Il est donc bien établi que la volonté formelle de l’Evêque était de voir la fabrique en possession de la nouvelle maison.

Quelque temps après sa mort, je suis avisé que la maison sera vendue à la commune exclusivement. J’y ai consenti à la condition toutefois qu’elle paierait, comme de juste, elle seule et en entier le prix de vente.

Pour fixer le prix, le Gouvernement a eu le toupet d’exiger de moi tous les comptes, quittances, etc, une demande que j’ai due naturellement repousser. La proposition de faire estimer l’immeuble par des experts a été rejetée par le Gouvernement et pourtant c’était la seule manière juste et légale".
 
Après ce rappel de l’évolution de la question du presbytère, le curé dresse l’état de la situation actuelle, avec les participations proposées par la fabrique et la commune.

Puis il continue : " Quel est le sacrifice qui s’impose à la commune, laquelle se réclame tant de ses actions généreuses et pacifiques ? C’est la somme de 1000 Marks, le reste n’est qu’un simple échange.

1) La fabrique au contraire dépensera 11 500 Marks sans acquérir aucun droit sur la maison.
2) La fabrique sera obligée en outre de créer et de clôturer le nouveau jardin, de faire une cour et par conséquent de sacrifier encore 3000 à 4000
    Marks, tout cela devra être exécuté fidèlement au gré de la commune.

3) La fabrique sera forcée dans la suite, comme pour le passé de faire toutes les réparations importantes du presbytère ; car d’après les
    documents, toutes les réparations de ce genre ont été faites par la fabrique depuis au moins 60 ans.

4) Par la vente de pièces de terre, le curé de Kalhausen sera privé à l’avenir et cela pour toujours d’un revenu annuel de 33 à 40 Marks sans
    recevoir aucune indemnité.

5) De plus, le constructeur de la maison doit faire une gratification d’environ 3000 Marks à la commune, car les dépenses ne s’élèvent pas seulement à
    20 000 Marks, mais bien à 23 000 et au-delà.

       
En conséquence, l’Evêché ne peut cependant pas lui imposer cette perte sans léser la justice. Je suis donc résolu de vendre la maison à la commune sous les deux conditions suivantes :

a) outre les 20 000 Marks, l’on me remboursera aussi les 3000 Marks. (Ne serait-ce peut-être pas le cas d’exécuter la promesse faite par Mgr Fleck ?)
b) on nous laissera la liberté complète pour la création  du jardin et de la cour (Il va sans dire que j’aurai fait des conditions bien plus avantageuses à
    la fabrique si elle était devenue propriétaire de la maison).

     Je fais encore observer que j’ai permis de rattacher une pompe à mon puits à la famille qui m’a vendu la maison pour y construire le presbytère ; je
   lui  ai promis également de revendre la partie du verger contiguë à sa maison actuelle et dont nous n’aurions pas besoin pour faire la cour ; si
   la commune devient propriétaire de ma maison, je ne pourrai rien tenir de tout cela".


Le curé n’aura pas de réponse de la part du vicaire général Pelt et il s’y attendait peut-être. Au vu de la situation actuelle et de la position de la commune, tout espoir de voir sa maison rachetée par la commune avec une participation financière appropriée semble perdu. Il ne reste donc plus que la solution primitive envisagée, celle de vendre la maison à la fabrique.

__________________
(18) Jusqu’à présent, le curé a toujours eu affaire avec le vicaire général Jean-Pierre Weislinger dont il a peu à peu perdu le soutien. Apparemment Jean-Baptiste Pelt est un vicaire général récemment nommé par l’Evêque et il ne semble pas être au courant de l’affaire du presbytère. Si le curé Albert s’adresse maintenant aussi à lui, c’est qu’il espère son soutien. Mais J-B Pelt ne va pas dédire son confrère Weislinger.
Pour information, J-B Pelt sera nommé Evêque de Metz en 1919 et le restera jusqu’en 1937.

Le nouveau presbytère propriété de la fabrique

Une réunion extraordinaire du conseil de fabrique a lieu le 13 décembre, et constitue le début du dénouement de l’affaire, en ce sens que le curé revient à son plan primitif de faire acheter sa maison par le seul conseil de fabrique.
Voici la délibération entière :
"Considérant
- que le vieux presbytère communal ne correspond pas aux exigences légitimes d’un logement pour le curé, conforme à son rang,
- que Monsieur l’abbé Albert n’occupe plus cette maison depuis des années à cause de ses insuffisances et de son humidité, après avoir construit
  avec beaucoup d’efforts et avec ses propres moyens, à proximité de l’église, une maison plus en rapport avec les normes hygiéniques,

- que ce dernier se déclare prêt à vendre sa maison comme presbytère au conseil de fabrique au prix de revient de 20 000 Marks,
- que le conseil de fabrique possède, suite à des économies réalisées par le passé, une bonne partie de la somme nécessaire, et qu’il est capable, grâce
  à la contraction d’un emprunt, de fournir la somme manquante et de prendre en charge par ses propres moyens les frais d’entretien futurs,

   le conseil de fabrique décide à l’unanimité ce qui suit :
- il remercie Monsieur le curé Albert pour la vente de sa maison, en tant que presbytère, au conseil de fabrique, pour le prix de 20 000 Marks et donne
  son assentiment,

- le trésorier de la fabrique, Monsieur Henri Hoffmann, reçoit la procuration et le mandat de faire établir le plus rapidement possible l’acte de vente et
  de signer celui-ci au nom de la fabrique, sous réserve de l’autorisation des autorités compétentes,

- le même trésorier reçoit la mission de faire les démarches en vue de l’autorisation d’achat de la maison et de la constitution d’un emprunt de
  8 000 Marks.


Le trésorier déclare que la caisse de la fabrique disposera d’environ 12 600 Marks en fin d’exercice comptable pour l’année en cours et qu’un emprunt de
8 000 Marks sera suffisant pour couvrir tous les frais liés à l’achat.

L’emprunt sera contracté à un taux de 4%, avec des annuités de 986,32 Marks prises sur l’excédent des recettes et remboursé au bout de dix ans". (traduit de l’allemand)

Deux mois après cette décision, le curé fait expertiser sa maison par deux habitants de Kalhausen.
Voici leur compte-rendu :

"Nous soussignés, Jean Bruch et Jean Freyermuth avons été désignés comme experts pour expertiser la maison appartenant à Monsieur le curé Albert, le premier par Monsieur le Curé et le second par le conseil de fabrique. Nous sommes tous deux domiciliés à Kalhausen et déclarons bien connaître le bien en question que le conseil de fabrique de l’église catholique souhaite acquérir.

D’après notre avis, la valeur intrinsèque du bien se monte à au moins 25, 26 000 Marks, car la construction est très solide et très bien organisée d’un point de vue pratique pour pouvoir servir de presbytère : présence d’un puits, installation de l’eau courante et excellent aménagement intérieur.
De plus, la construction est entourée d’un terrain assez vaste qui pourra être aménagé en jardin.
Mais au vu de la situation locale, le rapport annuel ne peut être que de 300 à 400 Marks, y compris le produit issu des biens ruraux". (traduit de l’allemand)

Pourquoi cette estimation maintenant ? Certainement pour prouver aux yeux de la paroisse et de la commune que le prix d’achat payé par la fabrique est bien en-dessous de la valeur réelle de l’immeuble et que l’acheteur fait une bonne affaire. Pour se donner bonne conscience aussi, de ne pas avoir trop demandé au conseil. Pour montrer aussi qu’il a fait un geste en sa faveur.

Le curé a certainement hâte que l’affaire se termine, mais il faut encore que le conseil municipal donne son avis. A-t-il peur que le maire fasse traîner le dossier ? Toujours est-il qu’il fait parvenir en mairie, au nom du conseil de fabrique, et par l’intermédiaire du président et du trésorier, une lettre "inscrite". Dans cette lettre, 7 membres du conseil municipal demandent au maire de mettre à l’ordre du jour de la prochaine réunion du conseil municipal la question de l’achat du presbytère par la fabrique.

Il en rend compte au vicaire général le 28 décembre.

"… A la première séance le 22 décembre, l’un des membres du conseil municipal a demandé au maire s’il avait reçu la lettre inscrite et pourquoi l’ordre du jour ne rappelait pas la question du presbytère. Le maire a répondu qu’il n’avait pas encore reçu copie de notre délibération. Je pense que la Présidence ne tardera pas à l’envoyer à la Kreisdirection et celle-ci se hâtera sans doute de la transmettre au maire.
La grande majorité du conseil municipal sera, dit-on, favorable à notre proposition".

Le 5 janvier 1908, le conseil municipal se réunit encore au sujet du presbytère. Il se déclare à l’unanimité d’accord avec la délibération du conseil de fabrique en date du 13 décembre dernier, mais regrette que le conseil n’ait pas évoqué la cession à la commune de l’ancien presbytère et du jardin curial.

" Le conseil municipal demande à l’unanimité la déclaration écrite de Mr le Curé qu’il cèdera l’usufruit de l’ancien presbytère et du jardin curial, le jour où l’acte de vente de la maison Albert comme presbytère sera signé…

Dès que l’écrit demandé sera présenté, le conseil municipal donnera son accord pour l’achat par la fabrique du presbytère au prix de 20 000 marks".  (traduit de l’allemand)

Le 16 janvier, le curé interroge le vicaire général au sujet de l’emprunt que doit contracter la fabrique :" Faut-il absolument faire un emprunt, si j’accordais 8 ou 4 ans à la fabrique pour me rembourser sans lui demander des intérêts ?"

La réponse de l’Evêché ne nous est pas connue, certainement préconise-t-il un emprunt en bonne et due forme, avec toutes les garanties légales exigées.


Le 5 février suivant, le conseil municipal délibère enfin au sujet de l’achat de la maison du curé.
" Le conseil municipal prend connaissance de la décision de M. le directeur impérial du Cercle, en date du 2 février 1908, et des explications de Monseigneur l’Evêque de Metz en date du 28 janvier.

1) Selon la décision du conseil de fabrique en date du 13.12.1907, l’acquisition de la maison Albert en tant que presbytère est prévue avec les
    seuls moyens du conseil de fabrique.

2) Selon les explications données par Monseigneur l’Evêque, le retour immédiat du vieux presbytère est assuré à la commune, ainsi que le jardin du
    curé qui en fait partie et sera à sa libre disposition.


En considération de ces faits, le conseil municipal décide :

1) Le conseil municipal ne soulève pas d’objection à l’achat de la maison Albert en tant que presbytère par le conseil de fabrique pour le montant de
    20 000 M et donne son accord pour la vente.

2) Le conseil municipal décide, selon le sens de la décision du conseil de fabrique en date du 13.12.1907, de n’accepter aucune obligation en ce
    qui concerne les frais d’acquisition, l’entretien futur et l’aménagement des alentours de la maison.

3) Le conseil municipal espère que l’acte d’achat sera signé dans un délai court, trois voire quatre semaines au maximum devraient suffire".  (traduit de l’allemand)

Une enquête publique de 15 jours est alors ouverte en mairie du 15 au 29 mars au sujet de l’achat de la maison du curé par la fabrique. Aucune remarque défavorable n’est actée, prouvant bien par là que l’opinion publique est favorable au projet, et surtout heureuse du dénouement tant attendu et désormais proche.

L’acte de vente de la maison est passé devant le notaire Walter de Sarreguemines le 1er février, sous condition d’obtention du décret ministériel d’autorisation d’acquisition.

Dès le 12 février, la Présidence de Metz répond à l’Evêché : " Cette affaire désagréable qui dure depuis des années a enfin trouvé un dénouement utile". (traduit de l’allemand)

Entretemps (25 février) le curé a transmis à l’Evêché le dossier concernant la vente de sa maison.

Il faut encore que le conseil municipal donne son aval pour l’emprunt à contracter par la fabrique. Ce qui est chose faite dans la séance du 29 mars suivant.

" Le conseil municipal prend connaissance qu’il doit donner son avis au sujet de l’emprunt du conseil de fabrique d’un montant de 8 000 Marks.
Les comptes annuels du conseil de fabrique montrent des recettes annuelles moyennes d’au moins 3 000 Marks.
Ces recettes doivent servir à payer avant tout les autres  dépenses. La situation financière du conseil de fabrique permet dans ce cas de contacter un emprunt de 8 000 Marks". (traduit de l’allemand)

Enfin, c’en est fini ou presque, après près de 10 ans de ce conflit d’autorité entre un maire qui s’était posé en défenseur des intérêts de la communauté
et un curé plutôt près de ses intérêts personnels.



Le 17 juin, le curé transmet à l’Evêché d’autres pièces relatives à l’achat du presbytère et déplore la lenteur de la procédure : " A Strasbourg, il y a eu un retard considérable et l’on ne m’a pas retourné le décret d’autorisation que vous réclamez dans votre lettre du 13 mai. J’espère que l’acquisition définitive pourra se faire sous peu".



 

Copie du décret publié le 15 juin et autorisant
le conseil de fabrique à acquérir la maison
du curé Albert pour la somme de 20 000 Marks.


Le décret publié, on pourrait croire que l’affaire est maintenant terminée. Il reste pourtant encore à régler le problème de l’ancien presbytère, dont le curé n’a toujours pas rendu les clefs à la mairie. Le prêtre en a toujours la jouissance, mais ne l’utilise pas.


Dans la séance du 10 juin 1906, le conseil de fabrique avait décidé de rendre l’ancien presbytère à la commune, dans le cas où la commune achetait la maison du curé.

Dans sa lettre à la Présidence de Metz, en date du 28 janvier 1908, monseigneur Weislinger, vicaire général, écrit ceci :

" Je suis convaincu en ce qui concerne le curé, qu’il ne fera pas dépendre la vente de sa maison de la condition du maintien du droit de jouissance de l’ancien presbytère et de l’actuel jardin presbytéral. Le curé admettra ma décision dans cette affaire, qui est que l’ancien presbytère et l’ancien jardin reviendront à la commune dès la signature de l’acte de vente".(traduit de l’allemand)

La balle est dans le camp du curé et de l’Evêché, puisque la désaffection du presbytère doit être autorisée et transmise à la Présidence de Metz. Cela consiste à supprimer la servitude du logement du prêtre, servitude supportée par la commune. C’est le curé qui doit renoncer à l’usufruit de l’ancien presbytère et remettre les clés à la mairie. Il pourrait déjà le faire car l’acte de vente est signé depuis le 1er février, sous condition certes. Mais le curé attend le décret officiel d’autorisation d’acheter pour le conseil de fabrique. Ce décret ne sera publié que le 15 juillet.


Le 3 juillet, la Présidence s’inquiète de l’absence de réponse de la part de l’Evêché :

" Comme le directeur du Cercle de Sarreguemines me l’a signalé, la communication du transfert de la jouissance de l’ancien presbytère et du jardin presbytéral à la commune ne m’a pas encore été adressée…
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir m’expliquer pourquoi cette communication n’a pas encore eu lieu". (traduit de l’allemand)

La pièce manquant au dossier n’a pas encore été présentée par le curé qui attend la réception par l’Evêché de l’autorisation ministérielle d’acheter, avant de rendre les clés de l’ancien presbytère.
Si les autorités de tutelle de la commune s’inquiètent du retard, c’est que la commune doit vendre dans les plus brefs délais l’ancien presbytère et investir le revenu de la vente dans les écoles. 

Le 22 juillet le vicaire général Weislinger ordonne au curé d’obtempérer et de rendre les clés, puisque le décret est maintenant publié.

" Vous venez de recevoir les autorisations concernant l’emprunt pour payer la maison de cure ! Aujourd’hui le décret d’autorisation d’acheter le presbytère, qui vient d’arriver ici.
Je vous communique aussi cette lettre-ci du 3 juillet et vous lirez à la bonne page la réponse qui y a été faite.

Portez le tout à la connaissance du conseil de fabrique le plus tôt possible et faites remettre à la disposition de la commune l’ancien presbytère et l’ancien jardin presbytéral, dans les premiers jours.
Au commencement de la semaine prochaine, j’attends le renvoi de cette lettre ainsi que l’information que la remise de l’ancien presbytère et de l’ancien jardin est un fait accompli".

Le curé n’a apparemment plus qu’à obéir à son supérieur, le style de la lettre, très direct et injonctif, ne lui laisse guère le choix de tergiverser ou de laisser encore traîner les choses. A lui de rendre enfin les clés de ce bâtiment qu’il ne voulait plus habiter pour cause de manque de confort et qu’il aurait bien voulu garder pour une autre raison.

Mais c’est mal le connaître, et il fait encore traîner les choses.

Le 26 juillet, il informe le vicaire général "que le conseil de fabrique a été unanimement d’avis que le vieux presbytère et le jardin ne seraient cédés à la commune qu’au jour où l’acte de vente aura passé devant notaire, la commune elle-même a posé jadis cette condition".
Et il rajoute : "Du reste, je vais écrire immédiatement au notaire pour lui demander le jour où il pourra faire l’acte définitif".

La réponse du vicaire général ne se fait pas attendre (1er août)

" La fabrique a virtuellement le nouveau presbytère par l’autorisation d’acheter, l’autorisation d’emprunter et l’approbation du contrat de prêt : donc il était inutile de décider autrement que ne l’avait fait l’autorité diocésaine par rapport à la livraison de l’ancien presbytère et de l’ancien jardin presbytéral. Faites cette remise au plus tôt".

Enfin, le 11 août, le curé informe le vicaire général que la remise des clés a bien eu lieu.
"Je viens de faire remettre en mairie les clefs de l’ancien presbytère par le président du conseil de fabrique. Le notaire de Sarreguemines a eu quelques difficultés à cause du cadastrage et il a fallu venir sur les lieux pour en sortir. C’est pour cette raison que j’ai tardé pour vous annoncer l’arrangement définitif de cette longue affaire".

L’affaire du presbytère se termine enfin après bien des péripéties et un nombre important de courriers entre la Présidence et l’Evêché, la Présidence et le Cercle, le curé et l’Evêché représenté par le vicaire général Weislinger.

L’abbé Albert aura donné bien du fil à retordre à ses supérieurs et n’a pas hésité à aller contre leurs conseils et même à leur désobéir pour essayer de préserver ses intérêts et ceux de la fabrique. Le soulagement doit être général, en ce qui concerne cette affaire, tant dans les services de l’Evêché, du Cercle, de la Présidence qu’à la mairie et chez le curé qui est finalement presqu’arrivé à ses fins.

A ce jour, parmi toutes les affaires qui l’opposent à la commune, seule reste non résolue celle du legs d’Hausen.
 



Le nouveau presbytère et le jardin du curé.

Année 1960.



Le presbytère construit par l’abbé Albert est une demeure imposante du style maison de maître.
il présente une façade percée d’ouvertures encadrées de pierres de taille. Un bandeau horizontal également en grès délimite les deux niveaux de la construction.

La porte d’entrée coupe curieusement la façade en deux parties asymétriques : la partie gauche, plus importante, était réservée au prêtre et à sa gouvernante, la partie droite à la paroisse (bureaux au rez-de-chaussée et chambres pour l’évêque et ses accompagnateurs à l’étage).

Le chaînage d’angle et le soubassement en trompe l’œil apportent une touche esthétique supplémentaire. Le décor est sobre. C’est la porte d’entrée en chêne massif qui est l’élément décoratif majeur.

Quelques transformations ont été faites : l’édification d’un garage avec toit en terrasse à gauche du bâtiment et la transformation du toit avec la disparition des deux chiens-assis d’origine. Le jardin du curé a encore été amputé de sa partie antérieure transformée en parking.
L’intérieur du presbytère a gardé son cachet d’origine avec ses hautes pièces, les décorations en stuc du couloir et surtout les magnifiques paysages et peintures religieuses de la salle à manger, dues au talent des abbés Pefferkorn, originaires du village.

 



 
Une des fresques murales de la salle à manger du presbytère.


Après l’aliénation de "la maison Albert" à la fabrique, la commune a désormais retrouvé la jouissance de l’ancien presbytère qui est resté inhabité depuis 1899, soit quand-même presque 10 ans. Cette longue période de perte de revenus pour la commune, de détérioration d’un bâtiment communal et de blocage de ses investissements a joué pour beaucoup dans la position de la commune dans les négociations.


Le conseil municipal délibère le 10 mars 1912 au sujet de l’ancien presbytère.
 
"Vente du presbytère.

Le conseil municipal pose les conditions suivantes :
-    La vente aura lieu au moyen d’une annonce notariale publique.
-    La date de la vente sera publiée 15 jours avant l’adjudication au village et dans le journal de Sarreguemines (Saargemünder Zeitung)
-    Le montant de la vente sera payable en 4 traites : la 1ère un an après l’entrée en jouissance, les autres pendant les 3 années suivantes,
     au même jour et au taux de 5%

-    L’entré en jouissance aura lieu après l’achèvement du bâtiment scolaire
-    L’acquéreur doit présenter un garant (un citoyen connu solvable)
-    L’ancien presbytère est vendu en l’état". » (traduit de l’allemand)

Le bâtiment sera finalement acquis en 1913 par un particulier du village, en l’occurrence le boucher Nicolas Muller, au prix de 4 000 Marks. (fixation du prix par délibération du conseil municipal du 10 mars 1912).

On ne sait pas si des travaux y ont été entrepris par le nouveau propriétaire, peut-être l’aménagement d’une cuisine à l’étage, puisqu’il n’y en avait pas.
Il deviendra un immeuble de rapport, composé d’un logement locatif à l’étage et d’un commerce au rez-de-chaussée.

La famille Jean Kormilzin-Anne Mourer (19) occupera le logement jusqu’en 1959, avec ses cinq enfants, à l’exception de la période de la guerre (1939-1945).

Au rez-de-chaussée, à droite de la porte d’entrée, sera installé ce que nous appelons un commerce de proximité, c’est-à-dire une épicerie, tenue, si l’on se réfère à des cartes postales anciennes, par Pierre Frantz (Consumgeschäft Peter Franz), puis par Anne Fabing, surnommée « ’s roode Ònna » (Epicerie et débit de tabac).

Le vieux presbytère, refusé par le curé car insalubre et non conforme à son rang, fera ainsi le bonheur d’autres personnes, jusqu’à son rachat…par la commune et sa démolition pour laisser place au bâtiment de la nouvelle mairie dans les années 60.

_______________
(19) Le couple s’est marié en 1919 et je suppose qu’ils ont emménagé peu après.
Le second enfant de la famille, Joseph, y est né en 1921. (Communication de Joseph Kormilzin)


 

A Kalhausen, en 2016, le presbytère est toujours propriété du conseil de fabrique qui a installé des locataires dans la partie gauche du bâtiment, alors que la partie droite et la grande salle à manger servent d’antenne paroissiale (salle de réunion, cuisine et bureau du prêtre pour ses permanences hebdomadaires).

Les affrontements entre curés et maires au sujet du presbytère ont été plus fréquents qu’on ne le pense en général. Les curés, forts de leur instruction et de leur ascendant sur les paroissiens, n’admettaient pas qu’on ose s’opposer à leurs vues et ils méprisaient souvent l’autorité civile représentée sur place par le maire, auquel ils reprochaient le peu d’instruction et l’illetrisme.

Je veux mentionner ici, à titre de comparaison, deux affaires de la proche région qui ont aussi opposé la commune à la paroisse, mais qui n’ont pas eu l’ampleur de celle de Kalhausen.

A Bining tout d’abord, le curé Louis Meyer, arrivé en 1881, fait construire, de son propre chef, un tout nouveau presbytère en 1892-1893, contre l’avis du conseil municipal emmené par le maire Guillaume Wagner. Lui aussi refuse le presbytère mis à sa disposition par la commune, le jugeant trop éloigné de l’église et peu conforme à son statut.
Le nouveau presbytère sera bâti par le conseil de fabrique, avec l’aide financière des paroissiens. Le curé emménage en 1905 et le conflit prend fin la même année, lorsqu’enfin la commune peut vendre l’ancien presbytère à des particuliers. Depuis, cet immeuble a été démoli en 1997 et le presbytère du curé Meyer a été acquis au franc symbolique par la commune en 1998 pour devenir une superbe mairie.


L’abbé Meyer était contemporain de l’abbé Albert et tous deux étaient en relation. Le premier paie au second en 1894 la somme de 418,40 Marks pour une fourniture de dalles de Mettlach. Peut-être une commande commune pour leurs presbytères respectifs.
(renseignements tirés de l’ouvrage Bining D’hier à aujourd’hui. Léon Meyer)

Ensuite, à Volmunster, l’affaire du presbytère oppose de 1922 à 1926 l’archiprêtre Charles Humbert au conseil municipal. Là aussi, l’ancien presbytère est jugé en mauvais état et le curé désire un presbytère neuf, si possible situé sur les hauteurs et plus grand, pour pouvoir rivaliser avec les notables de Volmunster, dont justement Victor Borsenberger, fermier à Weiskirch, propriétaire de la maison de maître appelée "château" de Volmunster, membre du conseil municipal et conseiller d’arrondissement.

Dès 1909, le curé Emile Chatelain avait trouvé le presbytère vétuste et humide. Son successeur, l’abbé Humbert, avait fait refaire la toiture en 1921. Tous deux durent se contenter de réparations urgentes et avaient conscience que la commune possédait peu de moyens pour faire édifier un nouveau presbytère.

En décembre 1922, Charles Humbert relança la commune en demandant un nouveau presbytère et la vente de l’ancien. Le conseil municipal refusa catégoriquement. En 1925, après les élections municipales et la nomination d’un nouveau maire, l’archiprêtre revint à la charge en réclamant la vente de l’ancienne maison de cure ou au moins des réparations.
Le conseil municipal se prononça en faveur des réparations et proposa,"si le conseil de fabrique construisait de son propre ressort un nouveau presbytère…une subvention à la hauteur des frais de réparation de l’ancien". La commune vota donc en 1926 une subvention de 20 000 F


et cautionna l’emprunt de 60 000 F fait par le conseil de fabrique pour la construction du nouveau presbytère. Le curé emménagea en 1927 dans son nouveau presbytère, propriété du conseil de fabrique, l’ancien fut vendu aux enchères en 1928 et l’affaire s’arrêta là. (renseignements Volmunster et
ses annexes Tome 1. Rémy Seiwert, Gérard Henner, Jean Seibert et Didier Hemmert  La quinzième station : Paix au Bitcherland. Rémy Seiwert
et ses ami(e)s


Pour ces deux "affaires", ainsi que pour Kalhausen, il est intéressant de noter que les plans des constructions ont été élaborés par les prêtres eux-mêmes et agréés par des architectes diplômés.

II. L’affaire du cimetière, de la parcelle en herbe
     et du jardin presbytéral en relation avec la construction de la rue de la gare.


Le cimetière primitif se situait autour de la chapelle, "située au milieu dudit Kalhausen, près de la fontaine du village" et construite en 1725.
La visite canonique de l’archiprêtre Salzmann de Rohrbach relève que " l’église est en bon état ainsi que la sacristie et le cimetière avec les murs et l’ossuaire".  (6 octobre 1803)

En 1846-1847, lors de la démolition de la chapelle et de son remplacement par la nouvelle église paroissiale, le cimetière, par manque de place est transféré à l’extérieur du village, au bout de la rue de l’école (de Schùùlgàss), à l’emplacement actuel.

Tout juste à côté du cimetière, vers le village, se trouve un terrain communal qui sert de jardin pour le curé. Ce jardin curial sera au centre d’un second conflit qui se superpose au conflit concernant le presbytère et qui sera réglé avec le premier.

L’évènement déclencheur du conflit concernant le cimetière, la parcelle en herbe et le jardin curial est la décision municipale de construire une nouvelle route en direction de la gare. Jusqu’à présent, une route départementale (la Kreisstrasse 109) venant de Schmittviller se rattache à une autre Kreisstrasse venant d’Achen et conduisant à la gare. Venant de Schmittviller, il faut donc emprunter la rue des jardins actuelle (de Hohléck) puis la rue des vergers (la départementale 84 actuelle appelée aussi de Rùtsch) qui passe devant le moulin de la "Wélschmihl" pour arriver à la gare. La difficulté de ce trajet réside dans la pente raide se trouvant au bout du " Hohléck ". Les nombreux transports de bois provenant de la forêt de Herbitzheim ou de sable venant des carrières de Keskastel devaient emprunter cette montée pour arriver au village.

La nouvelle voie communale projetée, appelée chemin vicinal, serait un tronçon pratiquement rectiligne, en légère pente, et permettrait de gagner un temps appréciable, car elle raccourcit le trajet.

Le tracé de la nouvelle route, telle que la commune le prévoit, passerait au bout du jardin du curé et du cimetière, qu’il faudrait amputer tous deux de quelques m2. De plus, elle dépouillerait le conseil de fabrique d’une partie d’une parcelle en herbe grevée d’une fondation et située un peu plus bas que le cimetière, vers la gare.

Le conflit débute en 1900, soit en pleine affaire concernant le nouveau presbytère et le curé tentera de lier les deux affaires pour essayer de sauver ses intérêts. Souvent des délibérations émanant du conseil de fabrique et concernant les deux cas litigieux sont prises dans les mêmes séances.

Dès avril 1896, le curé avait averti les autorités religieuses du projet de la commune.
On lui répond ceci le 18 avril: " …Quant à la route projetée, on ne peut exproprier le jardin de cure que si la route est d’absolue nécessité et que la partie du jardin enlevée peut être regardée comme superflue.

Il y a aussi de graves inconvénients en ce qui regarde le cimetière.

Quant au pré de la fabrique, s’il y a nécessité il faut le laisser exproprier mais la fabrique doit être dédommagée. Il serait bon que vous m’adressiez un plan sommaire des lieux avec indication du tracé de la route et les raisons mises en avant pour sa nécessité ; vous pourriez aussi vous renseigner sur le point de savoir qui fait cette route, l’état ou la commune".

Suite à cette réponse, le curé va bâtir son combat contre la route et toute son argumentation sur deux points principaux : la route n’est pas une absolue nécessité et la partie du jardin qui lui serait enlevée n’est pas superflue pour lui.
Quatre années vont passer jusqu’à ce que le projet commence à se matérialiser.

Le 2 avril 1900, le curé alerte une seconde fois les services épiscopaux : " Je viens d’apprendre que la commune de Kalhausen veut exécuter maintenant le projet d’une nouvelle route du côté de la gare. Cette route passerait

1)    par un pré appartenant à la fabrique et grevé d’une fondation
2)    par un bout du cimetière encore en usage, il y a en cet endroit des tombes de dates assez récentes
3)    par le jardin appartenant à la commune et donné en jouissance au curé de la paroisse (dépendant de l’ancien presbytère)
         Le plan de la nouvelle route se trouve à la mairie du 1-15 avril et l’enquête de commodo et incommodo est ouverte du 2-4 avril, temps un peu
      court et pour cela peut-être illégal.


Quelle est la ligne de conduite à tenir pour sauvegarder les différents intérêts qui sont en jeu ?"

Mais le curé a déjà ses réponses :

" Quant au N°1, il est évident que la fabrique a droit à une indemnité telle qu’elle assure pour toujours la fondation en question, mais dans le cas d’une expropriation, la somme offerte sera-t-elle assez forte pour ce but ?


Le N°2 est le plus grave à mon avis : la fabrique et les intéressés peuvent et doivent faire tous leurs efforts pour empêcher la violation des tombeaux. Outre les convenances, ils ont pour eux la loi du 31 mai 1791 art.9 et le décret du 23 prairial an XII art.899.
Quant au N°3, il faut que la partie à distraire soit réellement superflue et nécessaire pour un autre service public. Du reste, l’opposition de l’autorité épiscopale enlève la compétence au préfet et nécessite l’intervention du ministre ou de l’empereur".

Le 8 avril suivant, le curé adresse le plan de la nouvelle route prévue au vicaire général ainsi que les remarques qu’il a faites lors de l’enquête publique.
Il rajoute :
" On pourrait très bien faire passer le chemin en question par le chemin de l’école, mais pour cela il faudrait l’élargir en enlevant une partie du jardin de la belle-mère du bourgmestre. C’était du reste déjà le plan qu’avaient tracé les Français, les gens d’alors avaient un peu plus de respect pour leurs morts et leurs prêtres que de nos jours.

J’ai parlé une fois de ce projet à notre regretté prélat qui l’a complètement désapprouvé en ce qui concerne le cimetière et le jardin curial".

Dans sa séance de Quasimodo du 22 avril 1900 (1) le conseil de fabrique doit prendre position au sujet de "la construction d’un nouveau chemin vicinal par la commune car ce chemin passera par la parcelle en herbe n° 1379 grevée d’une fondation et qu’une partie encore utilisée du cimetière et bénite, ainsi qu’une grande partie du jardin curial serviront à sa construction.

Tous les membres du conseil de fabrique, à l’exception de Florian Grosz, absent, s’associent à la protestation que Monsieur le curé a adressée aussi bien aux autorités épiscopales qu’à la direction de la commune".  (traduit de l’allemand)
_______________
(1)    Cette délibération ne sera pas agréée par les autorités religieuses.

Le curé prend de suite les choses en main et adresse une protestation officielle aux autorités civiles et religieuses.

" Le soussigné déclare aussi bien en son nom personnel qu’en celui du conseil de fabrique (sous condition de l’aval des autorités épiscopales) élever la protestation qui suit contre le projet de chemin vicinal de la commune :


1) en ce qui concerne la parcelle en herbe n°1379, le fonds nécessaire au maintien de la fondation doit être dans tous les cas préservé, en conséquence le prix de base serait calqué sur celui payé par la commune pour l’aménagement du « Schindengras » (ou au lieu-dit « Mühlenfeld »)
2) aussi bien en tant que personne privée que pasteur, je m’élève contre la profanation de tombes et rappelle la loi du 31 mai 1791, article 9 ainsi que le décret du 23 prairial an XII, article 899.
Le cimetière a un intérêt public et avec un peu de bonne volonté et d’égards pour les sentiments de personnes sensées, on peut trouver une autre solution.
3) je proteste également en mon nom et en celui du conseil de fabrique contre le morcellement sans égards du jardin presbytéral. D’après l’article 10 du décret en date du 18 octobre 1790, le jardin curial « intra muros » doit avoir une superficie de 25,54 a. La surface actuelle n’est que de 18,60 a, donc la partie à utiliser pour la route n’est pas de trop, d’autant plus que le chemin vicinal à construire n’est pas particulièrement nécessaire, puisqu’une route départementale passe par le village en direction de la gare. Ainsi il n’y a pas de raisons pour une réduction du jardin.
Dans tous les cas, puisque la partie restante du jardin, que l’on soit objectif ou subjectif, perdra beaucoup de sa valeur, un dédommagement sera nécessaire pour les arbres plantés par lui ou ses prédécesseurs.

Si les inconvénients soulevés ici pouvaient être réglés par un bon arrangement, alors je n’aurais rien à objecter à la construction d’un chemin vicinal par la commune".

Le conseil de fabrique constate de plus que l’enquête de commodo et incommodo n’a eu lieu que du 1er au 4 avril, alors qu’elle aurait dû se dérouler pendant huit jours, que l’ouverture de l’enquête n’a pas été affichée règlementairement à l’entrée principale de l’église et il désigne Monsieur l’abbé
Albert comme représentant officiel du conseil de fabrique pour défendre les droits aussi bien de la fabrique de l’église que ceux du curé dans cette affaire.


En cas d’empêchement de Monsieur le curé, c’est Monsieur Henri Hoffmann qui le remplacera, mais seulement après autorisation en bonne et due forme donnée par Monsieur le curé.


Ce dernier informe encore le conseil de fabrique que la commune n’a absolument pas contacté le conseil de fabrique en tant que tel, pour l’achat de la parcelle en herbe. (traduit de l’allemand)

Pour le moment, la réponse des autorités épiscopales se fait attendre, malgré les autres courriers du curé (juin, puis fin août de la même année).

La réponse arrive enfin le 1er septembre et ne peut guère satisfaire le curé.

"1) La fabrique placera en rente le produit de la vente de la partie du pré qui sera prise par le chemin projeté. En général les fabriques gagnent à ces ventes d’immeubles.
3) L’administration devant vous indemniser pour la partie qui sera prise sur le jardin presbytéral ainsi qu’elle vous l’a promis, il n’y a pas lieu de faire opposition.
4) Pour le cimetière, une intervention de votre part ne serait pas justifiée".

Le curé essaie de mettre tous les atouts de son côté et fait signer, le 22 octobre, une lettre de protestation par ses confrères, lors d’une réunion pastorale rassemblant tous les prêtres du doyenné de Rohrbach. Cette lettre est adressée à la Présidence de Metz et à l’Evêché.

Les signataires soulignent l’existence d’une route départementale vers la gare et pointent l’inutilité du projet communal. Ils demandent que le nouveau chemin soit décalé vers le sud pour ne pas empiéter sur le jardin curial et affirment que les curés du village ont de tout temps eu la jouissance d’un jardin. Pour finir, ils demandent aux autorités de laisser le jardin au curé et de ne pas permettre à un tiers de s’en emparer.

 

La seconde réunion ordinaire de l’année (18 novembre 1900) est l’occasion pour le conseil de fabrique de remettre sur le tapis l’affaire en cours avec lecture de la réponse de la Présidence de Metz, suite à la protestation ci-dessus. (2)


D’après la Présidence, l’opposition du curé à la vente de la parcelle en herbe grevée d’une fondation n’est pas recevable, puisque le produit de la vente peut être placé de manière sûre au profit de la fabrique.
____________________
(2) La délibération de cette réunion ne sera non plus pas agréée par l’Evêché.

De même, l’opposition à la cession d’une partie du cimetière n’est pas fondée, tout comme l’opposition à la perte d’une partie du jardin presbytéral.

Il faut considérer, selon la Présidence, que la procédure en cours ne peut pas être retardée et que des négociations restent ouvertes pour un dédommagement approprié.

Le curé, bien sûr, n’admet pas ces réponses venant de l’autorité civile et s’empresse de les réfuter dans la même séance.
Voici sa réponse :

" Le soussigné déclare tant en son nom personnel qu’en celui du conseil de fabrique (sous condition d’autorisation des services épiscopaux) qu’il considère comme justifiées, dans leur globalité, les protestations émises au mois d’avril dernier et concernant le projet d’un chemin vicinal par la commune de Kalhausen, et cela malgré les décisions de la Présidence Impériale.


1) Il ne s’agit nullement du placement, mais du montant de la vente de la parcelle en herbe. Comme référence de la valeur, fut suggéré le prix payé par la commune pour le "Schindengras" ou encore le terrain du "Mühlenfeld". Dans ce dernier cas, le prix payé par are dépasse environ cinq fois le prix d’achat et pour le premier terrain, même huit fois. La vente de la parcelle et le placement du capital concernent exclusivement la fabrique de l’église et les autorités épiscopales.

2) Si un point n’est pas fondé, c’est certainement le rejet de l’opposition à l’utilisation d’une partie du cimetière, car la loi du 31 mai 1791 (article 9) et le décret du 23 prairial An XII (article 899) interdisent formellement l’utilisation d’un ancien cimetière, et à fortiori d’un cimetière encore en fonction, pendant une période de cinq ans, à compter de la date de sa désaffection. Pendant les cinq années suivantes, on est autorisé à l’ensemencer et à le cultiver et c’est seulement après cette période que l’on est autorisé à effectuer des fouilles et creuser des fondations. C’est seulement dans ces conditions, et selon les textes de lois et l’avis du Conseil d’Etat du 19 nivôse an XII que les communes peuvent donner aux cimetières une autre destination.

3) Dans chaque fonction, il faut quand-même prendre en considération les textes de loi et les décrets, par conséquent aussi mon opposition qui se base sur le décret du 18 octobre 1790 (article 10). Comme base pour une indemnisation appropriée, je prends les sommes payées par la commune pour les terrains du "Mühlenfeld " et du "Schindengras". (traduit de l’allemand)

Le curé, par la plume du conseil de fabrique, essaie ensuite de soumettre d’autres plans à la commune, pour éviter que la nouvelle route passe en bas du cimetière et du jardin curial et empiète sur ces terrains.

Il voudrait que la nouvelle route se raccorde à la rue de l’école (l’actuelle rue des lilas), ou, autre proposition, à la rue des jardins actuelle (de Hohléck).
A y réfléchir de plus près, ce sont des solutions à étudier, mais plus difficiles à réaliser techniquement à cause du terrain et de la configuration du village (étroitesse de la rue de l’école). La meilleure solution est quand-même la ligne droite, avec une légère pente.



Plan cadastral de 1829


 

1.    En gris, la route projetée par le conseil municipal.
2.    En brun, la jonction avec la rue des jardins proposée par le curé.
3.    En orange, la jonction avec la rue de l’école proposée par le curé.
4.    Le petit ravin (de Kluus), au fond duquel coule un ruisseau.
5.    Ancien presbytère de 1807.
6.    Propriété acquise par le curé Albert pour y bâtir le nouveau presbytère.
7.    Jardin curial.

La Présidence demande au Cercle, dans sa lettre du 23 mars 1901, d’étudier la possibilité de construire la route de telle sorte qu’elle n’ampute pas le cimetière, ni le jardin du curé.
Cette solution est techniquement difficile, car un profond ravin (de Kluus) passe depuis le village, au bout des deux parcelles.

Dans sa réunion en date du 21 avril 1901, le conseil municipal répond aux propositions faites par le conseil de fabrique.

"D’après la proposition faite au Conseil municipal, la route doit être déplacée, non par la ruelle de l’école, mais par les jardins à gauche derrière la maison Seltzer. (ndlr l’ancienne maison Taesch)
Après délibération, le conseil municipal maintient le projet actuel pour les raisons suivantes :
- le passage de la route par la ruelle de l’école nécessite l’acquisition de jardins, de cours et d’une maison d’habitation avec grange et étable, ce qui cause une plus-value de 10 000 M sans compter une partie du jardin du curé

- le passage de la route par l’autre partie du village (ndlr par la rue des jardins) présente une pente difficile à gravir, il nécessite la construction d’un pont et l’achat de diverses parcelles (des jardins), ce qui cause une plus-value d’au moins 9 000 M.

- il restera encore un peu moins de 11m de sol non consacré. Si l’on prend encore 2 m, plus bas, sur l’autre côté, la route aura à cet endroit 5 à 6 m et après 4 à 5 ans, elle aura une largeur normale.

- Le jardin du curé en question est propriété de la commune et se trouve non pas près du presbytère, mais à 40 - 50 m d’éloignement de ce dernier. M. le curé ne cultive que 7 à 8 ares, le reste (soit 8 à 10 ares) est un verger pour lequel il verse un loyer modéré. Pour la partie du jardin qu’il doit céder, il ne verse pas de loyer, c’est un terrain en pente et un ravin.

Le conseil municipal agit dans cette affaire pour le bien commun de la population, pour lui éviter de grosses dépenses et croit que toute la commune n’a pas à pâtir à cause d’une seule personne. Il s’est avéré que cette personne ne recherche pas le bien commun.
Le conseil municipal prie l’autorité impériale de bien vouloir agréer cette décision pour pouvoir mettre en chantier la construction de la route".  (traduit de l’allemand)

On voit que le conseil municipal opte pour la solution la moins onéreuse et aussi la plus pratique. Il prétend agir pour le bien général de la communauté, alors que le curé ne défendrait que ses intérêts particuliers, en ne voulant rien lâcher de son jardin. D’ailleurs, s’il doit céder ici une partie du jardin, il récupèrera un nouveau jardin potager à côté de sa maison. Sauf que le futur jardin n’est pas encore aménagé.

Le curé ne baisse pas les bras et avertit le 17 novembre suivant, le vicaire général, que le conseil de fabrique est bien décidé à " maintenir énergiquement ses objections à la construction d’un nouveau chemin vicinal, et cela malgré les décisions prises, et à défendre, le cas échéant, ses droits".  (traduit de l’allemand)

La construction de la route se fera dans l’intérêt général et les problèmes soulevés par le curé et le conseil de fabrique seront résolus l’un après l’autre au détriment des protestataires.


Le cimetière

L’affaire du cimetière sera réglée assez rapidement. Le principal souci du curé et du conseil de fabrique était la préservation des tombes et de leur contenu.
Au printemps de l’année 1901, les travaux préparatoires à la construction de la nouvelle route commencent, notamment les exhumations sur la partie basse du cimetière, représentant une surface de 2 a 10 devant être incorporée à la route.
Le 18 juin 1901, le maire informe le Cercle que les exhumations et le transfert des ossements viennent de se terminer et que le mur d’enceinte du cimetière est achevé.
Les travaux de construction de la route peuvent donc démarrer.

L’information remonte à la Présidence qui la transmet aux autorités épiscopales le 17 juillet :

" En ce qui concerne la bande de terrain du cimetière tombant dans l’emprise de la route, les tombes qui s’y trouvaient ont été soigneusement déplacées et les ossements qui ont été exhumés ont été transférés dans l’autre partie du cimetière.
La partie concernée du cimetière formait un angle saillant et se trouvait en dehors du mur du cimetière qui présentait à cet endroit un grand vide. Maintenant le mur du cimetière est rebâti et la bande de terre tombée dans l’emprise de la route n’a plus rien à voir avec le cimetière".  (traduit de l’allemand)

Le 11 août, le conseil de fabrique se réunit et délibère entre autres sujets sur les travaux réalisés au cimetière.

" En ce qui concerne les travaux au cimetière, ceux-ci paraissent pour partie incompréhensibles, pour partie futiles au conseil de fabrique.
Il faut remarquer que le vieux cimetière dans toute son étendue a toujours servi de dernier lieu de repos aux défunts et exception faite pour l’emplacement réservé aux suicidés, la terre du cimetière doit être considérée comme une terre bénite".

Il demande ensuite à la commune :


-  "Le rassemblement soigneux des ossements des morts et leur inhumation dans une terre bénite selon les prescriptions légales.
-  L’aménagement de l’extension du cimetière, c’est-à-dire du nouveau cimetière selon les prescriptions de l’Eglise". (traduit de l’allemand)

Le 28 août suivant, le vicaire capitulaire Weislinger s’adresse à la Présidence.

"Le conseil de fabrique fait remarquer que la partie cédée du cimetière servait jusqu’en 1900 de lieu de sépulture et que les exhumations n’ont pas été réalisées de façon complète; il demande que le délai légal pour une autre utilisation soit respecté.
Nous nous référons à votre courrier du 17 juillet dernier, qui assurait que les tombes concernées par le transfert ont toutes été déplacées et que les ossements qui s’y trouvaient ont été inhumés dans l’autre partie du cimetière, en conséquence, nous n’avons pas d’objection à l’utilisation immédiate de la partie amputée par la commune.
Nous voudrions quand-même vous faire remarquer qu’il serait utile pour la paix des esprits, que vous recommandiez aux autorités municipales la plus grande précaution lors de la construction future de la route, dans le cas où des ossements seraient encore découverts, et que ces derniers soient portés de suite en terre bénite". (traduit de l’allemand)

Pour calmer les esprits, le conseil municipal donne des assurances au sujet des exhumations dans sa séance du 13 octobre.

" Les exhumations ont été faites avec le plus de soin possible, sous la surveillance de la police et si par hasard des restes humains sont encore découverts lors de la construction du nouveau chemin, ils seront rassemblés et portés en terre bénite".  (traduit de l’allemand)

Le curé pourtant n’est pas d’accord avec les procédés de l’Evêché et le fait savoir dans sa lettre du 14 octobre au vicaire général : "MM. Les vicaires capitulaires se sont entendus avec vous pour l’emploi de l’ancien cimetière, donc nous n’avons plus besoin de nous préoccuper du reste, nous exproprions et après expropriation on règlera c.à.d. que l’on donnera ce que l’on voudra ; or, c’est précisément pour pouvoir exproprier qu’on aurait besoin de l’autorisation de MM. Les vicaires capitulaires ; la translation des ossements ayant déjà eu lieu, l’Evêché n’avait aucune autorisation à donner".

Les travaux à l’ancien cimetière et l’aménagement du nouveau ne se font pas assez rapidement au gré du curé et il en avertit l’Evêché en octobre 1902, reportant à plus tard la bénédiction et donc l’utilisation de l’extension du cimetière.

La direction du Cercle alors demande des explications au curé au sujet du blocage de la situation et l’abbé Albert lui répond le 1er décembre 1902.

"Il m’est permis de vous faire remarquer que l’obstruction n’a pas été créée par les autorités religieuses… Cette obstruction, comme vous avez pu le constater d’après les faits que je vous ai exposés, s’est bornée à la défense légitime de certains intérêts.

Si des bases justes devaient être trouvées en vue d’un règlement à l’amiable des difficultés, il me semble que la justice aussi bien que l’honneur du conseil de fabrique exigent que le courrier du 12 ou plutôt du 14 juillet 1898 destiné à la mairie soit pris en compte. Dans ce cas, et je n’en doute pas, le conseil de fabrique donnera son avis loyal au sujet de l’aménagement et de l’agrandissement du cimetière d’autant plus que, comme vous me le faites savoir, vous avez un intérêt particulier pour que le cimetière puisse être utilisé prochainement.

Mais je me permets encore de vous poser la question, s’il est vrai que l’on a dans l’intention d’aménager, après la bénédiction du cimetière, une autre allée à partir de la nouvelle entrée et qui passerait sur les tombes qui se situent à cet endroit.

Si cela devait être le cas, je me dois de vous exprimer malheureusement la crainte que ce fait pourrait compromettre l’attribution par Monseigneur l’Evêque de l’autorisation de bénédiction". (traduit de l’allemand)

La situation se décante heureusement rapidement puisque dès le 3 février 1903, le curé peut informer le vicaire général de la situation:
"Le 29 janvier 1903, j’ai eu la communication


a) qu’on ferait la séparation demandée pour les non catholiques (3 m x7),
b) que le nouveau chemin du cimetière ne passerait point sur les tombes,
c) qu’on mettrait le cimetière dans un état convenable.
Ces conditions une fois remplies, je ne vois plus de raison pour retarder la bénédiction ; j’en demande dès à présent l’autorisation".

Le 8 février 1903, le conseil de fabrique prend connaissance "avec satisfaction" des décisions prises le 19 janvier dernier par le conseil municipal et communiquées au curé.

L’état d’avancement des travaux est envoyé à l’Evêché le 17 mars :

"On est en train de créer les chemins, de rebâtir le mur et de mettre le tout dans un état convenable".

Le 8 mai, un nouveau courrier informe le vicaire général que "le maire a enfin disposé le nouveau cimetière comme l’exigent les lois ecclésiastiques. La partie réservée aux protestants est donc à l’entrée du cimetière, à droite de la porte principale donnant sur la nouvelle route et elle a une superficie de 21 m2. Comme nous aurons lundi prochain (18 mai) un service solennel pour les défunts de la paroisse, je profiterai de cette circonstance pour bénir le cimetière à l’issue de la messe, si toutefois l’autorité diocésaine juge à propos de m’en accorder l’autorisation".



  Plan du cimetière dessiné par l’abbé Albert.
(Pour agrandir le plan, cliquez sur la photo)

On reconnaît en haut l’ancienne porte principale menant au grand calvaire central ainsi que les espaces réservés à l’inhumation
des non-catholiques et des suicidés, et en bas la nouvelle porte donnant sur la nouvelle rue de la gare.
L’extension du cimetière est à droite (partie non bénite)
avec une nouvelle allée créée. Le curé réclame encore des allées transversales (à créer).


La nouvelle partie du cimetière sera donc solennellement bénite le 18 mai en présence de nombreux paroissiens et de quelques prêtres venant de villages voisins. Le curé en rend compte dans le registre des délibérations du conseil de fabrique. Le cas du cimetière est provisoirement réglé, bien qu’il n’y ait pas encore de place pour les enfants décédés sans baptême. Cette lacune sera soulignée lors des visites canoniques de 1909 et 1913.

Dans cette affaire, le maire Fabing a fait son possible pour ne pas froisser le curé ni les paroissiens, le cimetière étant un sujet délicat. Bien sûr, il n’a pu éviter que la nouvelle route empiète un peu sur le cimetière et fasse disparaître quelques tombes. Le transfert d’ossements était un sujet sensible et toutes les précautions ont été prises de la part des autorités civiles pour que tout se passe bien. Le curé et la paroisse peuvent se sentir soulagés et satisfaits, puisqu’une seconde entrée a été aménagée, de nouvelles allées créées et le mur d’enceinte refait.




La parcelle en herbe

Le conseil de fabrique qui est propriétaire de la parcelle  n° 1379 ne peut rien faire contre l’emprise de la nouvelle route. Pour se raccorder à la route passant dans la vallée du ruisseau d’Achen, à proximité du moulin de la Wélschmihl, la nouvelle route, longue de 1010 m et large de 6 m,  qui sera appelée plus tard "rue de la gare" scinde de nombreuses parcelles en deux. L’emprise totale de la route est de 108,69 a et concerne 80 propriétaires qui seront tous indemnisés pour la partie cédée. Les surfaces individuelles expropriées sont dans leur très grande majorité inférieures à 1 a.

Dans cette affaire, le conseil de fabrique entend pouvoir continuer à honorer à l’avenir la fondation qui se rattache au pré et il craint, à cause de la prétendue perte de valeur de la parcelle, une diminution du rapport annuel qui le forcerait à réduire la fondation, ce qui serait contraire à la volonté des fondateurs.




  Plan de situation dressé par le curé et envoyé aux services épiscopaux.
(pour agrandir le plan, cliquez sur la photo)

Le 11 août 1901 se tient une réunion extraordinaire du conseil de fabrique, à propos du "Rosengarten". Il s’agit de prendre position au sujet du courrier adressé par la Présidence de Metz à l’Evêché et dont une copie est destinée au conseil de fabrique.


"Le conseil de fabrique conteste "la nécessité urgente du chemin en vue du développement de la commune ".

Arguments :

a) une large route départementale conduit du village à la gare de Kalhausen.
b) Un sentier plus court passe devant l’école et se raccorde près du moulin de Kalhausen à la route départementale nommée plus haut.

Ces deux voies sont par conséquent des voies d’accès existantes, vers la gare et vers le village, nécessaires au développement de la commune et il ne peut absolument pas être question d’un besoin urgent.
Si l’administration communale recherchait la facilité, ce but serait largement atteint si on utilisait la ruelle de l’école et son prolongement en direction de la rue départementale.
Ce projet ne présente aucune difficulté technique, au plus il y aurait une plus grande montée.
Ce plan présente les avantages suivants :
1)    Il évite des frais de restructuration, en particulier de recreusement du profond fossé d’évacuation de l’eau du village.
2)    Il épargne le jardin du curé et les autres jardins.
3)    Il épargne le cimetière.
4)    Beaucoup de parcelles en herbe et les meilleures d’entre elles ne seront raccourcies qu’à leur extrémité supérieure où existe déjà un chemin carrossable dans le prolongement de la ruelle de l’école, et non démembrées.

Le conseil de fabrique exprime son étonnement sur le fait que l’administration communale ne mentionne nullement la parcelle en herbe n°1379 lui appartenant et grevée d’une fondation bien qu’aucun  accord n’ait été trouvé au sujet du prix de la partie à céder en vue du chemin.
De plus, le conseil de fabrique n’a pas été sollicité pour prendre position au sujet du chemin, ni par l’administration communale, ni par la direction du Cercle et il n’y a eu seulement une enquête de commodo et incommodo de 4 jours.
Pourtant pour répondre le mieux possible aux souhaits des autorités, le conseil de fabrique décide ce qui suit : contre la construction du nouveau chemin vicinal, il n’y a pas d’objection si l’administration communale paie une indemnisation pour la perte de jouissance du fonds, des arbres, des fruits, etc… »

Puis il demande

" 2) concernant la parcelle en herbe
-    une compensation de 44, 50 a pour la partie à céder
-    une indemnisation de 40 Marks pour chaque prunier à abattre

Selon l’administration foncière, le chemin vicinal englobera totalement une parcelle appartenant au meunier Nicolas Lang.
L’administration communale a pourtant accordé à Lang le triple du prix d’achat, soit 20 Marks.

Comme le prix d’achat de la parcelle en herbe n°1379 s’est élevé à 53 Marks/l’are, selon le document de la fondation, et que la parcelle restante subira après son amputation une moins-value, une somme équivalent au quadruple du prix d’achat n’est pas excessive". (traduit de l’allemand)

Pour essayer de régler l’affaire, une ordonnance épiscopale est rendue par les vicaires capitulaires concernant la parcelle 1379 et le jardin.
Cette ordonnance rejette tout d’abord les délibérations du conseil de fabrique prises les 22 avril et 18 novembre 1900, ainsi que celle du 11 août 1901 au sujet du pré, mais aussi du jardin curial.
Il est demandé au conseil de fabrique et en particulier au curé de trouver à l’amiable un compromis avec la commune, en temps opportun, en vue de faire les démarches voulues pour arriver légalement à la vente du terrain.
Les autorités diocésaines font remarquer que le rapport annuel de la parcelle grevée d’une fondation n’est pas suffisant pour exécuter la fondation : cela provient du fait que la location des terrains appartenant à la fabrique ne se fait pas publiquement à intervalles réguliers et donc que le montant du bail n’est pas actualisé périodiquement.
Le conseil de fabrique devra donc pour la prochaine année adjuger la location des terres au plus offrant et cela pour une période de 6-9 ans.

Le vicaire capitulaire Weislinger (3) répond à la Présidence et précise la situation actuelle (lettre en date du 28 août 1901)

Voici la partie concernant le pré :


"Parcelle en herbe : Un accord n’a pas encore pu être trouvé entre le conseil de fabrique et la commune pour la partie à céder de la parcelle en herbe n° 1379 qui appartient au conseil de fabrique et qui est grevée d’une fondation assurant un office religieux annuel.
Nous demandons au conseil de fabrique d’exiger le même prix que celui donné aux propriétaires des parcelles voisines".  (traduit de l’allemand)

__________________
(3). Le vicaire capitulaire est un prêtre élu par le chapitre cathédral (c’est-à-dire les chanoines attachés à la cathédrale) pour administrer le diocèse en cas de vacance du siège épiscopal. Jean-Pierre Weislinger remplit la fonction de vicaire capitulaire de 1899 à 1901, puis de vicaire général.


Le 10 septembre, le curé précise la position du conseil de fabrique à propos du pré:

" Il s’agit de la fondation faite par Marie-Eve Dehlinger sur un pré de 3,10 a estimé consciencieusement par le conseil de fabrique (de 1854) à la valeur locative annuelle de 8 Marks (4), laquelle valeur supposait alors un capital de 160 Marks et aujourd’hui 266 Marks. Or 266 Marks : 3 ares fait 88,00 Marks l’are (5); c’est cette dernière somme qu’il importe de connaître, quel que soit le nombre de centiares qu’on prendra. L’on ne nous a jamais communiqué combien de centiares on enlèvera, je crois que ce seront 19 ou 21 centiares.


Il faut considérer en outre ainsi qu’il a été dit dans la délibération du 12 août que par suite du morcellement la partie restante souffrira nécessairement une diminution de valeur.

En se basant donc sur le prix (trois fois le prix d’achat) que la commune elle-même offre à Nicolas Lang dont on prend la pièce entière, nous aurons 4 x 88 Marks = 352 Marks l’are ; en supposant qu’on enlève 0,21 a on aura 0,21 a x 352 = 73,92 Marks lesquels placés à 3% rapporteront 0,03 x 73 = 2,19 Marks, ce qui avec un revenu de 4 Marks pour le reste de l’herbe ferait 2,19 Marks x 4  = 6,19 Marks au lieu de 8 Marks ; or le conseil de fabrique n’a demandé que 44,50 Marks pour les  0,21 a.

De plus, mon prédécesseur a planté sur ce pré 16 à 18 arbres (en plein rapport actuellement) qui ne sont pas et qui n’ont pu être compris dans l’estimation susdite. Tout arbre abattu doit être payé à part.

Ainsi vous voyez par cet exposé que nous ne faisons que défendre les intérêts de la fabrique et des fondateurs en assurant autant que c’est possible le capital donné pour la fondation.

En disant à la fabrique de vendre au même prix que les propriétaires des pièces voisines, vous enjoignez la fabrique à faire cadeau des 0,21 a à la commune (6) car les châtelains de Weidesheim cèdent leur terrain gratis (7) ou bien vous l’engagez à ne pas accepter le prix offert si le propriétaire de la pièce voisine appartient à ceux qui protestent contre l’estimation faite par la commune ; dans ce dernier cas le conseil de fabrique se trouverait d’accord avec vous". (8)
Le curé informe le conseil  de fabrique qu’un courrier adressé le 23 septembre dernier par le vicaire capitulaire Weislinger lui est parvenu, l’avisant qu’un rapport concernant la parcelle en herbe a été transmis par les autorités supérieures du Reichsland à Strasbourg à la Présidence.

La position des autorités est répercutée le 26 septembre par la Présidence au Cercle qui la fait suivre à la mairie le 2 octobre.
_____________
(4) Le vicaire a écrit en marge : " La valeur locative est de 10 F comme en 1853".

(5) Nouvelle remarque du vicaire: " C’est inexact".
(6) Le vicaire général note en marge :" La fabrique ne peut pas faire cadeau".
(7) Il s’agit de deux parcelles respectivement de 3,42 a et 9,15 a.
(8) Une dernière remarque du vicaire : « Dans le cas présent, nous ne permettrons pas à la fabrique de courir les chances d’un procès. »
Les services épiscopaux ont toujours considéré que l’indemnisation demandée était exagérée : la fabrique demande 44 Marks pour 20 centiares expropriés et 40 Marks en plus pour deux arbres fruitiers. Dans ce cas la valeur de l’are serait de 220 Marks, sans les arbres au nombre de 17 sur la parcelle.

Le conseil municipal se réunit alors le 13 octobre, pour délibérer entre autres, au sujet du pré et définir le prix d’achat.
  "Après avoir pris connaissance du courrier en date du 2.10.1901 provenant de la direction impériale du Cercle concernant la construction du nouveau chemin du village vers la gare de Kalhausen et après délibération, le conseil municipal décide ce qui suit :
1. Comme mentionné dans le registre d’acquisition, la somme payée pour le pré du conseil de fabrique (parcelle située au Rosengarten) est le même (70 marks/are) que celui payé pour les parcelles voisines". (traduit de l’allemand)


Le lendemain 14 octobre, le curé s’adresse immédiatement au vicaire général pour lui faire grief de son attitude qu’il n’apprécie pas.

" Je viens d’apprendre que dimanche dernier pendant les vêpres !!!! (par conséquent avant la fin de l’enquête), le conseil municipal a pris une délibération par laquelle il déclare maintenir le prix offert par la commune c.à.d. 0,21 a de pré 14,70 Marks. (9)


Un des membres du conseil municipal m’a dit qu’on a lu en entier votre rapport à la Présidence dans la séance de dimanche et l’impression a été telle qu’on n’a pas hésité un instant à prendre la délibération susdite.
D’après lui vous auriez eu soin de dire que vous aviez recommandé (enjoint !) au conseil de fabrique d’accepter le prix offert par la commune pour les pièces voisines. (10)

Tandis que vous m’aviez écrit à moi en date du 23 septembre : «  Je n’ai porté aucune estimation du prix que la commune de Kalhausen aurait à payer pour la cession d’une partie d’un pré de la fabrique !!! »
Vous m’écrivez dans la lettre du 23 septembre : "Dans l’ordonnance n’est-il pas dit que vous avez à entrer en pourparlers avec la commune pour faire le prix ?

Or moi, dans ma simplicité j’ai compris les mots "zur gehörigen Zeit" : lorsque la commune fera connaître à la fabrique ou au curé ce dont elle aurait besoin pour faire la route. Elle a négligé de le faire jusqu’ici et elle préfère la force, la fabrique ne cèdera qu’à la force".

Le 15 mars 1902, le conseil de fabrique constate que " l’estimation de la valeur de la parcelle en herbe, effectuée par deux membres du conseil municipal, est trop faible et en particulier que la perte de valeur due à l’amputation d’une partie n’a pas été prise en compte.
__________________
(9) En réalité, 0,37 a seront enlevés au pré.
(10) Les autorités épiscopales ont toujours soutenu que l’indemnisation demandée par la fabrique était trop élevée.

Cela provient clairement du fait que le conseil municipal paie à un de ses membres, Nicolas Lang, dont la parcelle tout entière a été incorporée au chemin, le triple du prix d’achat et que, depuis la construction du chemin vicinal, l’aliénation de la parcelle en herbe n’est plus possible.

Le conseil de fabrique insiste tout particulièrement sur le fait qu’il est constamment prêt, selon sa délibération en date du 20 avril 1900, à trouver un arrangement amiable.

Une nouvelle demande dans ce sens fut faite auprès de l’administration communale, après la consultation de l’avis de la direction du Cercle et il en ressortait que ni la commune, ni le Cercle n’y pouvait rien, mais que cela était de la compétence seule de la Présidence.
Par conséquent, le conseil de fabrique demande aux autorités épiscopales de rechercher auprès de la Présidence l’attribution d’une indemnisation équitable".  (traduit de l’allemand)

Le curé fait alors estimer la parcelle par deux personnes choisies par lui, Henri Hoffmann et Jean Bruch.
" Considérant
1)    que la commune a payé 20 Marks l’are pour des terrains acheté 5 Marks l’are,
2)    que depuis la construction de la route, la vente de la parcelle n’est plus possible,
3)    que la parcelle a été morcelée,
4)    que la fondation doit être assurée coûte que coûte et que le rapport annuel a été fixé en 1850 à 8 Marks,
les soussignés estiment comme capital la somme de 360 Marks pour une rente annuelle de 8 Marks". (traduit de l’allemand)

La part cédée par la fabrique pour la construction de la route mesure à peine 37 centiares ou m2 et la perte de valeur du bien semble minime. Le conseil de fabrique argue du fait que désormais la parcelle est invendable, ce qui ne paraît pas être la vérité, un voisin direct pouvant toujours l’acquérir. De plus, l’accès aux deux parties de la parcelle peut se faire depuis la nouvelle route ou le cas échéant, depuis la rue de l’école (de Schùùlgàss) pour celle située sur la partie haute.

Déjà en 1900, le conseil de fabrique avait demandé que la commune achète la totalité de la parcelle, mais la Présidence dans l’arrêté du 18 juin avait rejeté cette demande comme non justifiée, l’exploitation future n’étant pas rendue plus difficile suite à la construction de la route.

Après 1903, le curé semble avoir baissé les bras et accepté, comme les autres propriétaires concernés, l’indemnisation de la mairie. Chaque propriétaire concerné aura reçu la même indemnisation par are exproprié, ce qui est juste. Dans cette affaire, la commune, soutenue par les autorités impériales et même par le vicaire Weislinger, ne pouvait agir autrement et surtout pas proposer une plus grande indemnisation au conseil de fabrique.

L’affaire du pré est donc terminée, mais les démêlés du curé avec la commune et l’Evêché continuent au sujet du jardin curial, du presbytère et du legs d’Hausen.


 
(pour agrandir la lettre, cliquez sur la photo)


La fameuse parcelle en herbe cadastrée section A "Rosengarten", refait surface en 1934.
André Freyermuth, (11) originaire du village, désire acquérir la parcelle en vue de pouvoir construire une maison d’habitation.

__________________
(11) Sa demande provient de Cleebourg. Cela s’explique par le fait qu’il travaillait en déplacement pour l’entreprise Dietsch de Sarreguemines à la construction des ouvrages de la ligne Maginot.

Il s’adresse donc en premier lieu à l’abbé Albert qui le renvoie à l’Evêché, puisque le terrain est grevé d’une fondation.

Il se dit prêt à payer le prix fort, bien plus que la valeur du terrain et le cas échéant à faire un échange de terrain avec la fabrique pour pouvoir acquérir la parcelle dont il a absolument besoin pour construire, puisqu’il lui manque 3,80 m de largeur.

Il rajoute : "Je ne pense pas par là, en tant que bon chrétien, causer un dommage à notre Sainte Eglise Catholique, bien au contraire et j’aimerais encore vous donner des renseignements sur mes parents. Mon père se nomme Eugène Freyermuth. Ma mère, Agathe Jung, est la sœur d’André Jung, le grossiste en œufs, habitant Metz, lequel est également mon parrain.
Je vous prierais de bien vouloir prendre en considération ma demande et d’accepter mes remerciements anticipés. J’aimerais avoir le plus rapidement possible une réponse de votre part". (traduit de l’allemand)

Mais la vente de la parcelle ne se fera pas dans l’immédiat peut-être à cause de la fondation et André Freyermuth construira quand-même sa maison.
La vente de la parcelle ne se fera qu’en 1970 sous le ministère du curé Ichtertz : en effet, le conseil de fabrique de l’époque la vend à André Freyermuth au prix de 500 F l’are. Ce dernier l’acquiert "pour pouvoir agrandir les dépendances de sa maison pour pouvoir remiser des machines".
Le conseil décide de placer l’argent en rente sur l’Etat au taux de 5% et les intérêts annuels serviront à acquitter les charges de la fondation. (voir aussi le dossier sur les fondations pieuses. LIEN  )


Le jardin presbytéral

Un petit différent était déjà apparu en 1860, entre la commune et l’abbé Brunagel, lors du projet de construction de sanitaires pour les écoles de la rue des lilas, la "Schùùlgàss" .

Le jardin du curé se trouve dans cette ruelle et s’étend à côté et derrière le bâtiment de l’école des garçons, à l’emplacement de la cour actuelle.
Le conseil de fabrique est invité par la sous-préfecture à donner son avis. C’est Nicolas Brunagel, le prêtre de la paroisse, concerné dans ce projet, qui donne son avis, sous le couvert du conseil de fabrique (séance du 24 février 1860) :

"Le conseil de fabrique de l’église de Kalhausen, invité à donner son avis sur le projet d’établir des lieux pour les écoles dans le jardin du presbytère a l’honneur de vous soumettre les observations suivantes : le jardin du curé est d’une contenance assez minime et on ne pourra en rien retrancher sans fournir un autre jardin.

Comme la commune est dans l’impossibilité de fournir un autre jardin, le conseil pense qu’en exécutant le premier plan pour adosser les lieux à la maison d’école, on pourra laisser le jardin tel qu’il est. En exécutant le second plan qui éloigne les lieux de la maison pour établir une cour intermédiaire inutile, on enlèverait au prêtre l’entrée dans son jardin qui serait alors obligé de faire un détour pour suivre la voie publique d’où il n’est pas facile d’établir une entrée commode à cause que le niveau du jardin est plus bas que celui de la route.

Le conseil observe en outre que les lieux construits d’après le second plan se trouveraient rapprochés d’un ravin profond où chaque année des orages viendraient les miner. L’année dernière, les mêmes eaux ont emporté tout le mur du jardin du presbytère et entamé le mur du cimetière qui se trouve plus bas et qui aurait été emporté de même sans un noyer robuste qui le protège du côté supérieur. Comme le curé de la paroisse a été le premier promoteur du projet d’établir des lieux pour les écoles dans une vue de santé et de moralité pour les écoles et qu’il a soumis le premier plan, il lui serait pénible de voir ses intentions méconnues, en se voyant frustré d’une partie notable du jardin.

Le conseil demande enfin que l’administration communale ait soin que les lieux ne laissent aucune ouverture sur le jardin et qu’on établisse des conduits inclinés qui passent sous le jardin pour aboutir au ravin qui passe en bas du jardin.

De cette manière, les lieux pourront être établis dans le jardin du presbytère jusqu’à ce que la commune soit en état d’y pourvoir plus convenablement".

Les sanitaires seront bâtis contre l’école et le jardin presbytéral sera préservé.

Dans cette affaire le curé Albert va surtout plaider une perte de revenus pour lui, car le jardin se composait d’un verger et d’un potager.

Au début de l’affaire, suite à la construction de la route, le curé doit céder une bande de jardin qui est plus ou moins un talus. Les autorités épiscopales demandent une indemnisation pour la partie déduite qui représente 6,55 a.
 



Croquis effectué par le curé et récapitulant tous les éléments du conflit.

L’on discerne très bien les parties du cimetière et du jardin cédées pour la construction de la route.
(Pour agrandir le plan, cliquez sur la photo)

Mais le conseil municipal, avec l’appui du Cercle et de la Présidence refuse toute indemnisation. La Présidence en informe l’Evêché le 17 juillet.
" Le jardin en question, qui ne se trouve pas à proximité du presbytère, mais à une distance de 40-50 m, est propriété de la commune.
En outre, le conseil municipal fait remarquer que  Monsieur le curé ne cultive que 7-8 a du terrain en question, alors que le reste représentant 8-10 a est recouvert herbe et n’a qu’un faible rapport annuel. De plus, la partie incorporée à la route n’est qu’un talus sans valeur.

Dans cette affaire, j’envisage, selon les prescriptions légales, de donner l’autorisation d’ouverture de la route, l’autorisation d’exécution des travaux et, le cas échéant, l’autorisation d’expropriation des terrains nécessaires". (traduit de l’allemand)


La délibération du conseil de fabrique en date du 11 août 1901 fait partie des trois délibérations non agréées par l’Evêché, qui reproche au conseil de fabrique des demandes d’indemnisation exagérées.

Voici les extraits concernant le jardin :


" En ce qui concerne le jardin du curé, ce dernier, bien qu’il soit un peu éloigné du presbytère, a toujours fait partie intégrante de la maison du curé. Depuis qu’on s’en souvient, les curés successifs en ont eu la jouissance, l’ont convenablement aménagé et planté d’arbres.
De plus, selon l’article 72 de la loi du 18 germinal au X, la commune doit mettre à disposition du curé une maison d’habitation conforme à son état et un jardin.
La commune n’a donc pas le droit de soustraire arbitrairement le jardin de la jouissance du curé.

Le décret du 18 octobre 1790 qui permettait la vente des biens d’église propose dans son article 10 la conservation de 25, 54 a de jardin intra muros.
L’arrêté du préfet de la Moselle en date du 22 avril 1866 fixa, en cas d’impossibilité d’aménagement d’un jardin pour le curé, la compensation à hauteur de 40 a de terres cultivables ordinaires. Et même si aucune loi n’existait en faveur du curé, l’usage existant depuis de nombreuses années veut que le presbytère soit doté d’un jardin convenable.

Le terrain est la propriété de la commune, ainsi le curé doit être indemnisé pour la perte de jouissance même si elle ne concerne qu’une partie de la parcelle. L’art et la manière de cultiver le jardin ainsi que le montant du bail sont finalement de la compétence du curé. La volonté de l’administration communale de ne pas indemniser le curé pour la partie du jardin qui tombe dans l’emprise du chemin est d’autant plus inacceptable que se trouvent sur la partie à déduire les plantations suivantes : 24 quetschiers (pruniers), 5 pruniers, 1 noyer, 6 pommiers, 60 ceps de vigne, 1 allée en herbe bordée d’une haute tonnelle de hêtres, 1 planche d’asperges (dont on n’enlèverait qu’une infime partie), 1 planche potagère (dont une partie seulement serait enlevée).
L’herbe à cet endroit peut être fauchée trois fois en cas d’année pas trop sèche".

Le conseil réclame ensuite ce qui suit :

"concernant le jardin du curé


- une rente annuelle et perpétuelle de 100 Marks à verser au conseil de fabrique
- l’édification d’un mur en moellons recouvert des deux côtés d’un bon crépi à la chaux et sur le dessus sur une longueur de 10 m 05 recouvert de dalles de grès débordant du mur à la hauteur de 1,75m à partir du caniveau et cela avant le début des travaux de construction de la route.
- une porte large d’1m dans le mur (en particulier une passerelle d’accès)
- une somme unique de 100 Marks pour l’indemnisation de l’aspergeraie et autres frais.

La commune ne verse que 32 Marks annuellement au curé, en plus de la mise à disposition du presbytère et du jardin. Même l’Etat a reconnu que le traitement du curé était trop bas et l’a augmenté.

Dans ces conditions la perte de jouissance d’une partie du jardin serait justement une provocation de l’opinion publique d’autant plus que la gestion de la paroisse est la plus difficile dans tout le décanat et n’est pas très florissante du point de vue financier.
Le comble est que l’administration communale, par son comportement, a pris une position singulière en face de la présidence impériale et de son ordonnance en date du mois d’août 1900 art.6 qui dit : " …décider une indemnisation convenable pour la cession d’une partie du jardin du curé et poursuivre les pourparlers ".

Si contre toute attente aucun accord ne pouvait être trouvé, le conseil de fabrique prie les autorités épiscopales de bien vouloir préserver ses droits, de l’autoriser à s’associer aux 10 propriétaires en vue de faire valoir ses droits devant un tribunal contre l’administration civile de la commune".  (traduit de l’allemand)

 


Plan de situation dressé par l’abbé Albert.
Les toilettes sont visibles à l’arrière de l’école.

(Pour agrandir le plan, cliquez sur la photo)


Le lendemain 12 août, le curé informe le vicaire général qu’il a fait estimer le jardin : " J’ai fait estimer le tout par quatre hommes auxquels j’ai adjoint le jardinier de Weidesheim. L’estimation a été faite en mon absence, et je crois consciencieusement. A Redingen, il y a eu un cas analogue et l’abbé Huver a demandé 120 Marks de rente, etc pour 5 ares 60. (12) J’aime à croire que l’Evêché soutiendra la demande non pas de l’abbé Albert, mais du curé de Kalhausen présent et futur pour ne pas sacrifier les intérêts de la paroisse aux rancunes du maire et d’un instituteur".

Le vicaire capitulaire Weislinger intervient auprès de la Présidence et précise les positions défendues par l’Evêché et le curé. (lettre en date du 28 août 1901)

" Jardin curial : Bien que le jardin en question se trouve à une distance de 40 à 50 m du presbytère, qu’il soit propriété de la commune et que le mur d’enceinte ait été payé par elle, ce jardin est quand-même au sens propre un jardin curial qui a été donné de façon irrévocable en jouissance au curé.

Bien plus, la commune a laissé ce jardin au curé selon l’usage commun qui veut que les paroisses de la campagne mettent un jardin à disposition du curé, usage qui a été confirmé par la loi du 18 octobre 1790 concernant les biens d’Eglise et stipulant qu’une parcelle de 25 a doit servir de jardin curial.
Le conseil de fabrique et le curé demandent qu’un mur d’enceinte avec porte soit construit par la commune après l’amputation de la partie basse.
Cette exigence nous paraît raisonnable. Pour la partie cédée, une indemnisation appropriée est demandée,  pour la simple raison que le chemin n’est pas absolument nécessaire, surtout dans sa direction.

Il est souhaitable d’accorder une indemnité dans l’intérêt de la paix sociale".  (traduit de l’allemand)

Le 10 septembre, dans une longue lettre au vicaire général, le curé fait le point et communique l’estimation du jardin.

" Quant au jardin, il faut à mon humble avis distinguer entre la nue-propriété, l’usufruit et les plantations faites par le curé. Il est évident que la nue-propriété appartient à la commune et celle-ci peut obtenir l’expropriation sans aucune indemnité puisqu’à vrai dire il n’y a aucune expropriation, la commune ne faisant qu’usage de son droit de propriété, mais l’usufruit et les revenus des plantations appartiennent au curé et il a le droit de réclamer une indemnité dans le cas où on voudrait l’en priver.

Le conseil de fabrique a argumenté dans sa délibération, abstraction faite de toute loi en faveur du curé en invoquant l’usage universel et il a prié l’Evêché ainsi que la Présidence de ne pas se prêter à la spoliation de la cure de Kalhausen, d’autant plus qu’il a démontré qu’il n’existe pas de
"dringende Notwendigkeit" puisqu’il y a une route et un chemin à la gare.

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(12) Le curé parle ici de Rédingen (Réding, près de Sarrebourg) et plus loin de Rédange (près de Thionville), en citant les mêmes faits. Ce ne sont pas les mêmes communes, il fait une confusion


Vous trouvez qu’il y a une exagération dans la demande d’indemnisation, pour vous démontrer combien le conseil de fabrique a été consciencieux et modéré, permettez-moi de vous exposer en détail l’estimation telle qu’elle a été faite par le jardinier de Weidesheim qui vend des fruits au marché de Sarreguemines et qui par conséquent est à même de connaître exactement les prix. 

- 1 pommier reinette du Canada 120 pommes à 0,16 pièce = 19,20 Marks

- 1 pommier en espalier  (calville d‘été) 50 pommes, 7 pour une livre, 0,30 x 7 = 2,10 Marks
- 1 noyer 4 Marks de noix par an = 4 Marks
- 24 quetschiers 100 livres l’un dans l’autre, à 4 Marks le quintal = 96 Marks (13)
- 1 prunier (reine-claude) 50 livres à 0,15 la livre = 7,50 Marks
- 1 prunier (prune de Sarreguemines) 54 livres à 0,12 = 6,40 Marks
- 2 cognassiers 250 coings à 0,08 pièce = 20,00 Marks
- 2 pommiers (reinette grise) à 100 livres chacun 20 Marks le quintal = 40,00 Marks (13)
- 2 mirabelliers à 80 livres chacun à 0,20 la livre = 48 Marks
- 2 pommiers (espaliers) 15 livres chacun à 0,20 = 6,00 Marks
- Vigne 60 pieds à 5 livres chacun à 0,20 = 60,00 Marks
- Charmille 16,00 Marks
-  Valeur locative annuelle de l’herbe 9,75 Marks
-  Total 324,95 Marks

Sur ces 324 Marks, le conseil de fabrique ne demande que 100 Marks, est-ce une exagération ?

Si nous demandons encore autres choses, c’est que nous savons bien qu’avec la meilleure volonté du monde, on ne pourra pas empêcher les dégâts dans le reste de la vigne, aux arbres, etc en faisant la route et en élevant le mur.
Je vous ferais remarquer que dans le compte fait ci-dessus il n’est pas question du carreau d’asperges qui sera pris quoique très peu par la route, mais durant la construction, toute cette plantation sera forcément abîmée. Or il y a 94 plants à une livre par an et à 0,70 Marks la livre, cela ferait 65,80 Marks par an, or il faudrait au moins 5 ans pour replanter et avoir le même rapport, donc 5 x 65,80 = 329 Marks sans parler des frais de replantation.
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(13) Le curé traduit la mesure allemande Zentner par quintal, alors qu’elle ne représente que 50 kg, soit un demi-quintal. Il faut lire respectivement 4 Marks et 20 Marks le demi-quintal
et non le quintal


Je termine en accentuant de nouveau notre modération, le conseil de fabrique de Rédange a demandé 120 Marks de rente pour cession de 5,60 a du verger de la cure et avec un mur de 2 m de haut, une somme de 150 Marks pour différents frais et l’Evêché, si je suis bien renseigné,  a approuvé cette délibération".

Le conseil municipal se réunit le 13 octobre, pour prendre connaissance d’une lettre  émanant de la direction du Cercle et pour délibérer.

Voici ce qui concerne le jardin :


1. Le jardin du curé, propriété de la commune, situé le long du nouveau chemin, sera clôturé.

2. Jusqu’à présent sont mises à disposition du curé de Kalhausen comme terres utilisables les parcelles suivantes :
      -  jardins : 18,50 a
      -  terres labourables : 8,95 a
      -  prés : 35,10 a
    Total : 65,55 a
    Déduction pour le nouveau chemin : 6,95 a
    Restant : 56 a

Par là, il est clair que les terres du curé ont une contenance de 56 a et non de 25a. L’indemnisation pour les 6,55a utilisés pour le chemin est refusée.
3.    ….
4.    L’aménagement du nouveau chemin est souhaité par tout un chacun, pour le bien de tous et non pour l’intérêt de quelques-uns.
Le déplacement du chemin à un autre endroit aurait été peu pratique et aurait exigé, comme les études l’ont souligné, une dépense supérieure de plus de 10 000 Marks". (traduit de l’allemand)

Le 16 octobre, le curé adresse une copie de cette délibération au vicaire général et laisse apparaître son mécontentement, car le rapport du vicaire à la Présidence a influencé la délibération prise au niveau du conseil municipal.

"Je m’empresse de vous communiquer le texte de la délibération du conseil municipal de dimanche dernier, vous serez à même de juger de l’effet de votre rapport à la Présidence.


Vous voilà donc renseigné par le texte authentique, mais je vous ferai remarquer que la dernière phrase contient un mensonge fieffé.

Vous m’obligeriez beaucoup, si de votre côté, vous vouliez me communiquer le texte de votre rapport à la Présidence, il m’est indispensable pour juger jusqu’à quel point je puis invoquer la décision du Conseil d’Etat du 29 juillet 1858 et l’avis du même Conseil du 1er août 1873.

De par la loi, la fabrique est propriétaire du pré et le curé de Kalhausen possède depuis bien 90 ans le jardin presbytéral ; n’est-ce pas un devoir de conscience d’assurer cette propriété et cette possession par tous les moyens légaux ? "

Le 17 novembre, le curé fait part au conseil de fabrique que dans une lettre du vicaire général, qui lui est parvenue le 11 octobre, le souhait est exprimé de régler le conflit à l’amiable, proposition que le curé a déjà exprimée en avril 1900 et à laquelle il se dit prêt à tout moment.

Il poursuit : " A défaut d’arrangement amiable et dans l’hypothèse d’une opposition du vicaire capitulaire, le soussigné se permet de rappeler ceci : le conseil municipal ne peut refuser, contre la volonté des autorités religieuses et sans l’autorisation de l’autorité civile suprême, l’indemnisation due par suite de l’utilisation d’une partie du jardin pendant plusieurs années successives.

Dans ce cas, l’autorisation de l’autorité supérieure ne peut pas, malgré la loi sur les chemins du 21 mai 1836, articles 15 et 16, être remplacée par l’autorisation de la Présidence". (traduit de l’allemand)

La Présidence  répond au curé le 14 janvier 1902, avec copie de la lettre au Cercle. La position de la Présidence est catégorique :

" Je réponds à votre lettre d’octobre dernier que l’amputation de 6,55 a du jardin curial a été nécessaire à la construction du chemin vicinal allant de la gare au village de Kalhausen et que la surface détachée fait désormais partie intégrante du chemin.


Le jardin, dont une partie a aussi été cédée, est un bien communal. Les terres restantes à votre disposition ont une superficie de 56 a. D’après la loi, la commune n’est pas tenue, lors de l’utilisation pour un autre besoin communal, du jardin curial lui appartenant, d’accorder une indemnité, si le jardin restant suffit aux besoins du curé.

Ce qui est le cas, d’après les autorités communales et le Cercle.
Une opposition des autorités épiscopales contre la cession de la partie du jardin en question n’est pas justifiée". (traduit de l’allemand)

Dans sa copie au Cercle, la Présidence  précise que "puisqu’il s’agit d’un bien communal, il n’y a pas lieu à d’autres formalités concernant l’amputation du jardin curial ; pourtant le maire devra avertir le plus tôt possible le curé du début des travaux". (traduit de l’allemand)

Le maire répond au Cercle le 1er février : "J’ai chargé dans les premiers jours de décembre l’entrepreneur Dorckel d’informer le curé du début des travaux. Les travaux eux-mêmes ont débuté vers le milieu du mois de décembre". (traduit de l’allemand)

Le curé n’a pas obtenu d’indemnisation pour les 6, 55 a enlevés au jardin, mais il ne baisse pas les bras et ne s’avoue pas encore vaincu. La construction de la route l’intéresse toujours, d’autant plus qu’il découvre des anomalies qu’il s’empresse de signaler au vicaire général le 5 février.

"Je ne veux pas vous laisser ignorer qu’on a à peu près terminé les travaux de  terrassement de la nouvelle route. La direction et les limites ont été déterminées et fixées par la Présidence en date du 26 septembre 1901. C’est le plan qu’on vous avait envoyé dans le temps qui devait être exécuté, mais malgré la signature du Président qui y est apposée, l’on a fait dévier la route du côté du jardin presbytéral et ce qui plus est, on y enlève toute une partie non indiquée sur le plan et par conséquent non comprise dans l’expropriation autorisée par le Président et l’Evêché ".

Le surlendemain 7 février, le curé fait part au vicaire général de sa réaction suite à cet abus constaté.
" En réponse à votre honorée d’aujourd’hui, par laquelle vous m’engagez à faire prendre une délibération relative au chemin, j’ai l’honneur de vous dire que j’ai protesté contre cette violation du droit dès que j’en ai eu connaissance et cela 1° auprès de l’autorité communale par lettre recommandée et 2° à la Présidence de Metz en y joignant une copie de ma protestation au maire.

Ci inclus je vous envoie la transcription de cette pièce. Une délibération du conseil de fabrique me semble superflue, les membres du conseil pourraient tout au plus déclarer qu’ils approuvent en tous points la protestation faite par le curé de la paroisse".

Le 17 février 1902, le curé convoque le conseil de fabrique pour le mettre au courant de la nouvelle situation.

 "Eut lieu immédiatement la communication d’une lettre de protestation adressée par M. le curé le 3 février aux autorités de la présidence de Metz  et à la commune de Kalhausen. Ces protestations ont été discutées publiquement et approuvées par tous les membres du conseil de fabrique comme le montrent leurs signatures.

Les protestations sont les suivantes :

- A la présidence de Metz


  Le soussigné se voit obligé, vu les raisons évoquées dans la présente protestation et la perte de confiance dans l’objectivité et l’impartialité des  autorités du Cercle de s’adresser à la Présidence dans le but de se prémunir contre les interventions illégales lors de la construction du nouveau chemin vicinal, et demande très humblement à M. le Président de faire scrupuleusement analyser la situation par des personnes neutres.
 
- A la commune de Kalhausen

La décision de la Présidence en date du 26 septembre 1901 ne devrait pas être inconnue des autorités communales. Selon cette décision concernant le plan et la construction du chemin vicinal, les arrêtés suivants ont été pris :

Arrêté 1 : Les limites du chemin prévu de Kalhausen jusqu’à la gare sont fixées selon la ligne rouge comme indiqué sur le plan parcellaire joint à la décision et signé par mes soins.

Arrêté 2 : D’après le plan dont il est question plus haut, les fonds situés à  l’intérieur des limites du chemin sont destinés  à la réalisation du chemin et cédés à partir d’aujourd’hui à la commune de Kalhausen qui en devient propriétaire.

Mais l’emplacement du chemin ne semble pas suivre le plan qui m’a été soumis, au contraire il a été décalé dans le Rosengarten. Les 69 centiares du jardin appartenant à Dominique Jung, contrairement au plan d’acquisition, n’ont pas été incorporés au projet alors que le chemin devrait avoir à cet endroit la largeur prescrite.

En outre d’autres travaux sont actuellement en chantier dans le jardin du curé en dehors des limites fixées par la Présidence. Bien que la commune soit propriétaire foncière du jardin du curé, elle devient effectivement propriétaire du terrain situé à l’intérieur des lignes rouges qui sont  les limites sur le plan agréées par M. le Président.

L’administration du Cercle, les autorités communales ainsi que l’inspecteur des ponts et chaussées ne sont pas habilités à modifier de leur propre initiative la situation des chemins ou à prélever pour la construction du chemin la partie du jardin qui n’est pas incorporée à la route selon la décision du Président.

Pour expliquer cette singulière tentative, on pourrait admettre qu’un nouveau plan, non soumis aux intéressés, existe, ce qui n’est sans doute pas le cas. Ou bien, au contraire, que les décisions communiquées en date du 26 septembre 1901 par la Présidence (affaires religieuses) n’ont pas été prises en considération, ce contre quoi je proteste énergiquement au nom d’intérêts justifiés.

Je demande aux autorités de la commune de bien vouloir communiquer sans délai ce qui est écrit ci-dessus aux personnes chargées de l’exécution de la décision de la Présidence du 26 septembre 1901, à l’entrepreneur et à l’inspecteur des ponts et chaussées".  (traduit de l’allemand)


Le mois suivant (14 mars), le curé  précise au vicaire général d’autres faits qui lui semblent abusifs : " Je viens d’apprendre que le géomètre envoyé par la Présidence a été obligé de constater qu’on a enlevé un bon coin de terre pour faire le talus de la nouvelle route. Cette terre a été prise dans le jardin en dehors des limites indiquées sur le plan approuvé et d’un côté on a coupé complètement les racines de quatre arbres qui périront nécessairement.

Que devons-nous faire ? A qui appartiennent les arbres coupés pour faire la route ? Troncs et branches ont été jetés pêle-mêle dans le bout du jardin qui reste et plusieurs arbres ont été, par là, endommagés. Je ne puis rien planter cette année vu que la jardin endommagé est rempli de débris et ouvert aux quatre vents".

Le 17 juin, le curé relance le vicaire général : "Je me permets de mon côté de vous rappeler que le jardin curial n’est pas encore clos et que je n’ai pas eu de réponse à ma question touchant les arbres abattus".

Le conseil municipal répond au curé le 14 juillet 1902.

"Après lecture des réclamations de Monsieur le curé Albert et les explications de Monsieur le maire, le conseil municipal décide ce qui suit :
1.    Le mur d’enceinte réclamé par Monsieur le curé est tout à fait inutile car il existe un talus d’une hauteur de 1m à 1.5 m, le long du jardin, entre le chemin et le jardin du curé.

2.    Les arbres qui soi-disant ont été endommagés par l’enlèvement de terre ne l’ont été d’aucune manière. Tous les 5 sont encore debout et la commune ne versera pas de dédommagement pour des dommages ultérieurs.

3.    Le terrain situé dans l’alignement avec l’école et en pente vers la nouvelle route sera à partir de maintenant séparé du jardin.
Dans un temps proche, l’école devra avoir une autre perspective vers la nouvelle rue de la gare et une porte d’entrée sera pratiquée de ce côté. Le terrain en question est absolument nécessaire dans ce but.

4.    Le restant du jardin du curé sera clôturé avec un grillage de fil de fer, ce qui constitue une séparation suffisante.
Le restant de jardin sera laissé en tant que jardin du curé, dans la mesure où après une clôture grillagée, Monsieur le curé le cultivera et l’utilisera.
Si, après la pose du grillage, le curé ne l’utilise pas, le jardin sera utilisé comme cour d’école. Il ne doit pas rester inutilisé.

5.    Les arbres abattus à cause de la construction de la nouvelle route gisent sur un tas.
La commune n’a pas à s’occuper de les débiter. Il n’est pas connu non plus que du bois ait été enlevé par l’entrepreneur ou quelqu’un d’autre.
Si le bois en question n’est pas enlevé jusqu’au 1er septembre de cette année, la commune l’utilisera pour ses propres besoins". (traduit de l’allemand)

Les décisions du conseil municipal sont cette fois catégoriques et l’on sent l’agacement des autorités municipales devant les exigences du curé et la mauvaise volonté exprimée.

Le conseil municipal avait prévu initialement, sur le budget de 1902,  un crédit de 500 Marks pour la construction d’un mur autour du jardin, mais il se ravise donc et décide d’utiliser une partie de la somme, soit 300 Marks pour aménager le long du talus, une protection, depuis le village jusqu’ après le cimetière. Les 200 Marks restants serviront pour le grillage en fil de fer prévu autour du jardin.

Dans la délibération ci-dessus, un ultimatum est même posé au curé par le conseil municipal et il fallait oser le faire !
D’ailleurs, ce n’est pas le premier : déjà en mai 1899, le maire Fabing, fort d’une pétition signée par dix habitants du village,  avait demandé "poliment" au curé de libérer sous 24 heures le chemin barré de sa propre initiative.

Je pense qu’il s’agissait du chemin, en fait un sentier, passant devant sa nouvelle maison dont la construction avait lieu à cette époque et qui devait encore être encombré de matériaux de construction.

Voyant que le vicaire général ne réagissait pas, le curé expose dans une longue lettre de 6 pages les différentes affaires à l’Evêque (14) en personne. (4 septembre) Mais il n’aura pas de réponse du prélat.


Le 3 février 1903, dans une lettre adressée au vicaire général et concernant le cimetière, le curé termine en citant l’exemple de Creutzwald : " Je prends la liberté de vous dire à simple titre de curiosité que le conseil municipal de Kreutzwald a demandé à l’unanimité 3 000 Marks pour la cession de 120 m2 (simple chemin de passage droit communal), soit une rente annuelle de 90 Marks.

De notre jardin (plantations, droit d’usufruit) on a enlevé 650 m2, cela fait, calculée au prix susdit la somme de 19 500 Marks ou une rente annuelle de 585 Marks. Nous n’avons donc pas été trop " exigeants" en ne demandant que 100 Marks".

Le 6 février, le vicaire lui répond que Creutzwald et Metz ne prouvent rien pour Kalhausen et qu’il faut comparer Kalhausen à Kalhausen. Il lui pose ensuite la question suivante : combien aurait coûté à la commune l’ensemble des terrains achetés pour la nouvelle route s’il avait fallu payer suivant la demande du curé du 11 août 1901 ? Il n’aura pas la réponse.
 
Le 17 mars, le curé transmet au vicaire général la délibération du conseil municipal prise le 14 juillet dernier.
Il rajoute :
"On a fait la demande au maire de faire clôturer la partie du jardin qui reste encore ; "oui, dit-il, si l’on cède la partie derrière la maison d’école pour rien ; quant à mon indemnité pour la partie distraite à l’effet de faire la route, le conseil municipal ne veut pas payer les intérêts pour un terrain qui est propriété communale". 
Vous êtes obligé, M. le vicaire général, de convenir vous-même que dans ces conditions une entente devient presque impossible".
__________________
(14) Il s’agit de Monseigneur Benzler nouvellement nommé et non informé peut-être du dossier.

Dans une autre longue lettre en allemand cette fois, écrite le 24 octobre, le curé expose l’affaire du jardin presbytérial au vicaire général Weislinger en personne.

"Selon un arrêté de la Présidence en date du 26 septembre 1901, 6,55 a du  jardin de cure appartenant à la commune furent cédés à la commune pour la construction d’un chemin vicinal soit disant indispensable. Au mois de novembre de la même année, les travaux de construction débutèrent et effectivement les 6,55 a furent déduits. Depuis ce temps, la partie restante du jardin située le long de la nouvelle route n’est pas clôturée ; la clôture de la partie du jardin qui se trouve le long de la rue de l’école est aussi défectueuse.

En outre, lors de la construction de la route, de la terre végétale a été irrémédiablement prise dans le verger et une plainte concernant ce fait a été adressée à la Présidence, avec la demande que la commune rétablisse la situation antérieure avec un apport de terre végétale et un ensemencement avec de l’herbe.

La terre végétale utilisée pour remblayer  a cependant été prélevée à  d’autres endroits du jardin et mon tas de compost devant servir à amender la terre a été utilisé.

Le remblaiement avec la terre végétale a été insuffisant et un ensemencement n’a pas eu lieu. De plus, lors de la prise de terre végétale dans le verger, plusieurs arbres ont été endommagés de telle sorte que les uns ont dépéri, les autres sont en train de dépérir.

Parce que la clôture manque sur un côté et qu’elle est défectueuse sur un autre, toute plantation est impossible, vu que le jardin est situé dans le village.
En conséquence, mes besoins en légumes, etc, pour l’alimentation ne pourront être satisfaits qu’auprès d’un jardinier ou ailleurs. La commune, qui est responsable des dommages, ne veut rien savoir d’une indemnisation de la perte de revenus ni des dégâts aux arbres.

Concernant la distraction des 6,55 a et  la perte de jouissance en résultant, la Présidence avait préconisé dès août 1900 la fixation d’une indemnité équitable.

Cette indemnité est maintenant d’autant plus justifiée que le jardin de cure n’a plus que 12 a et que les autres terres attribuées au curé, qui ne se prêtent pas à des cultures potagères, sont trop éloignées.

Le soussigné demande donc aux autorités épiscopales d’intervenir auprès de la Présidence pour que le jardin de curé soit clos le plus rapidement possible et que les demandes d’indemnisation soient exaucées dans une juste mesure". (traduit de l’allemand)

Le 1er novembre, le conseil municipal se réunit et prévoit d’entreprendre des travaux dans la partie du jardin située entre l’école et la nouvelle route.
Il décide " d’agrandir les cabinets du logement de l’instituteur situés près de l’immeuble Gross et de faire évacuer les effluents par une conduite enterrée. Dans ce but, la commune a absolument besoin du terrain situé le long de la maison d’école et qui servait de jardin curial jusqu’à présent. Monsieur le curé ne sera pas lésé par cette cession car cette portion du jardin n’a jamais été propice à la culture et n’a produit que de mauvaises herbes et des orties. Sans ce terrain, la commune ne peut pas entreprendre une amélioration des cabinets de la maison d’école. Cette cession est du plus haut intérêt pour la commune, en particulier pour des raisons d’hygiène". (traduit de l’allemand)

Le 8 juin 1904, le directeur du Cercle informe le curé du projet communal en question.

" La maison d’école des garçons a absolument besoin de remaniements en ce sens que la canalisation à ciel ouvert qui évacue les effluents des cabinets de l’instituteur doit être enterrée et que les cabinets et "pissoirs" (15) des élèves qui sont dans un état vétuste doivent être remplacés par de nouveaux.

D’après une ordonnance de la Présidence, cela ne peut se réaliser que dans l’ancien jardin de cure, dont une partie sera en même temps aménagée en cour de récréation pour les enfants…


Je vous prierais de bien vouloir me faire savoir par écrit sous 15 jours si vous êtes d’accord avec l’utilisation de cette partie du jardin dans ce but". (traduit de l’allemand)

Le 7 janvier 1905, le curé s’adresse de nouveau au vicaire général au sujet du jardin " qu’on voudrait avoir sinon en entier, du moins en partie pour pouvoir y bâtir au printemps prochain des latrines et peut-être encore une grange et une nouvelle écurie. La commune a donc de l’argent et elle prétend ne pas en avoir quand il s’agit de clôturer le jardin curial qui est ouvert aux quatre vents depuis la nouvelle route".

Le vicaire général répond au curé le 25 mai  et lui fait comprendre que les questions du jardin et du presbytère sont intimement liées :

"La commune et la Présidence réclament pour maintenant la cession de la partie du jardin de cure où un conseiller d’hygiène exige l’installation immédiate d’un autre canal souterrain.
Si la solution du presbytère se fait attendre, si d’autre part la fabrique soutenue par l’Evêché refuse la cession immédiate de cette partie du jardin, l’affaire sera portée par la Présidence devant le Statthalter". (16)

Pour la commune, l’ancien presbytère et l’ancien jardin de cure sont indissociables et le curé, qui s’est construit un nouveau presbytère, doit céder les deux biens, car la commune a le projet de vendre l’un et d’utiliser l’autre pour aménager l’école.

Le 26 juin, le curé écrit de nouveau au vicaire général :
"Le conseil est d’avis de ne pas céder , vu que la commune ne l’a pas réclamé en entier, au moins jusqu’à présent et vu aussi qu’il n’y a pas encore de potager auprès de la nouvelle maison ; le potager est à créer et c’est un travail pénible et de plusieurs années".

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(15) En français dans le texte.
(16) La lettre est reproduite plus haut dans l’affaire du presbytère.




Le 2 décembre, le conseil de fabrique demande tant aux autorités religieuses que civiles de bien vouloir laisser au curé l’usufruit de la partie de l’ancien jardin curial située à côté de l’école, car l’aménagement du nouveau jardin lui demandera beaucoup de travail et d’argent. De plus la fabrique fait beaucoup d’efforts actuellement, surtout en ce qui concerne l’achat du presbytère, puisqu’elle se propose de donner maintenant 11 500 Marks.

Le 8 décembre 1905, il adresse un autre courrier au vicaire :

"J’ai l’honneur de vous expédier une copie de la délibération du conseil de fabrique au sujet des conditions posées par la commune ou plutôt par le directeur du Cercle. Elles me confirment une fois de plus que les soi-disant avances faites par le Gouvernement ne sont pas bien sérieuses ; pour le moment l’on voudrait simplement s’emparer de tout le jardin. Les raisons alléguées ne sont que des prétextes. Je cultive le jardin depuis 15 ans et je n’ai jamais été incommodé par une mauvaise odeur. S’il y a des émanations fétides maintenant, la faute en est uniquement à la commune, car depuis la création de la nouvelle route, l’eau qui passait par le fossé et entraînait les immondices n’a plus son cours par suite d’une construction défectueuse".


Le 28 décembre, le curé lui fait savoir "qu’on veut s’emparer de suite du jardin, sans donner aucune indemnité".

Dans sa séance du 4 mars 1906, le conseil municipal fait remarquer que le jardin n’est pas clôturé depuis 1902, car le curé a toujours refusé le grillage de fil de fer proposé.

Il rajoute : " La question du jardin se règlera avec l’achat de la nouvelle maison…Monsieur le curé regrette les dommages occasionnés depuis 1902, mais il ne relève jamais les dommages subis par la commune suite à l’inoccupation de l’ancien presbytère. Cette situation n’a pas été provoquée par la commune".  (traduit de l’allemand)

Le 2 décembre, le conseil de fabrique demande aux autorités diocésaines et aux autorités impériales "de prendre en considération les grands sacrifices consentis par la fabrique et de bien vouloir lui laisser, comme c’est le cas jusqu’à présent, la partie du jardin située à côté de la maison d’école". (traduit de l’allemand)

Le 20 janvier 1907, le conseil municipal réfute la délibération du conseil de fabrique prise le 2 décembre 1906.

" Les autorités épiscopales ont fait savoir dans leur lettre du 12 janvier 1906 que l’ancien jardin de cure n’était pas à dissocier de l’ancien presbytère. La délibération du 2 décembre 1906 est en contradiction avec la position de l’Evêché en ce sens que la fabrique veut garder le jardin presbytéral en tant que tel. Puisque la commune destine l’ancien presbytère à la vente, l’ancien jardin restera nécessairement propriété de la commune. Elle en a besoin pour des projets futurs et il sera utilisé dans ce but". (traduit de l’allemand)

Le 3 mars 1907, le conseil municipal précise clairement sa position :

"La demande de laisser encore pendant quelques années au curé l’usufruit du jardin n’est pas acceptable. Bien plus, le conseil municipal se réfère à ses délibérations du 9 décembre 1906 et du 20 janvier 1907.

En outre le conseil municipal rappelle ceci : Le jardin de cure n’est plus planté depuis des années et il se trouve actuellement en friches. La demande de garder l’usufruit est superflue et inutile, car plusieurs années seraient nécessaires pour le remettre en état en vue de le rendre productif.
En conséquence, le jardin restera selon la délibération du 20 janvier 1907 propriété de la commune. Il sera utilisé pour l’agrandissement de l’école et pour la création d’une cour". (traduit de l’allemand)

Les négociations entre les autorités civiles et les autorités religieuses dureront encore un an jusqu’à l’achat du presbytère par la fabrique. Pendant cette période, le problème du jardin est lié à celui du presbytère et il n’y a pas d’avancée. (voir plus haut la partie sur le presbytère)

La commune réclame la cession du jardin en entier, sans indemnité pour le curé. Mais le curé, tant que le presbytère n’est pas vendu, refuse de rendre le jardin à la commune.

Finalement, les clés de l’ancien presbytère sont rendues à la mairie le 11 août 1908 et la commune reprend possession en même temps de l’ancien jardin dans sa totalité. Elle pourra en user à sa guise : la partie située entre l’école et la nouvelle route ainsi que celle située entre l’école et le cimetière deviendront cour d’école.

Dans cette affaire, le curé pourtant n’a pas pu préserver ses intérêts particuliers. Puisque la commune n’a pas daigné l’indemniser pour le jardin, il va s’indemniser lui-même en 1911, par le biais du conseil de fabrique.

En effet, dans la séance de Quasimodo, le curé explique que 50 Marks figurent au budget pour "un prédicateur étranger".

"Tous les ans, jusqu’à présent, un prêtre étranger au village venait seconder le curé pour des occasions exceptionnelles.
La loi accorde également une compensation financière au prêtre, si ce dernier prononce lui-même les sermons du Carême ou de l’Avent.
La somme prévue pour cette occasion doit être une petite indemnité pour le jardin curial confisqué par la commune".  (traduit de l’allemand)

Les années suivantes, il n’est plus fait mention d’une telle somme dans le registre des délibérations, cela ne veut pas dire non plus qu’elle n’a plus été versée au curé.




Début de la rue de la gare.
Photo prise en 1929 lors de la bénédiction des cloches.

Entre la grange Lett et le cimetière s’étend un terrain clôturé d’un grillage qui représente une partie de l’ancien jardin presbytéral.
Il ne semble pas que ce soit la cour de l’école. Cette dernière devait se trouver à côté de l’école et des sanitaires
y ont été implantés plus tard, comme le montre la photo.




Conclusion


Sans prendre parti, personne aujourd’hui ne peut contester l’utilité de la voie de communication, la "Nòuschdròòss" ou nouvelle route, qui relie le village à la gare et le bien-fondé de son implantation.

Dans toutes les affaires qui ont opposé le curé à la commune, le maire s’est toujours targué de défendre les intérêts de la collectivité.

Le curé, de son côté, a constamment prétendu défendre les intérêts de la fabrique, ce qui est vrai en partie. Pourtant dans les affaires du presbytère et du jardin, il a également défendu des intérêts plus personnels, car le nouveau presbytère a été construit avec ses fonds propres et il ne pouvait pas le brader. Pour le jardin, il est vrai qu’il subissait une perte de revenus au moins pendant la période de transition pendant laquelle le jardin près du nouveau presbytère n’était pas encore aménagé.

Le comportement intransigeant du curé et ses exigences ont sans aucun doute irrité les autorités tant civiles que religieuses. La preuve en est que, dans ces affaires, le vicaire épiscopal a peu à peu arrêté de soutenir le prêtre, allant dans le sens de la Présidence et du Cercle qui étaient du côté de la commune. Le maire Fabing, sûr de son bon droit et soutenu par le Cercle et la Présidence, n’a rien cédé et le curé, malgré tous ses efforts, est le grand perdant dans ces différentes affaires.

Les affrontements entre le curé et le conseil municipal ont forcément eu un impact sur la vie du village. Dans ce genre d’affaire, on ne peut pas rester neutre. Dans le village, deux clans se sont certainement formés : les partisans du curé et ceux du maire. En général, les plus jeunes soutiennent le maire alors que les femmes sont du côté du curé. Il n’y a pas eu d’affrontement ouvert entre les deux clans, mais des rancœurs sont nées souvent entre des familles, entre des membres d’une même famille ou encore contre le curé.

Certains ont pu jalouser le curé pour "sa maison" dotée de tout le confort et si magnifiquement décorée, alors que la majorité des villageois vivaient dans des conditions moins favorables. Peu ont osé s’élever ouvertement contre lui.

Mieux valait vivre en bons termes avec le curé, lui qui avait connaissance, par la confession, des moindres faits et gestes de ses paroissiens et qui pouvait facilement les vouer à la damnation du haut de la chaire.


Et que dire du maire Fabing, " la cause de tous les maux du curé", lui qui a osé s’opposer à son autorité ? En supposant qu’il ait fréquenté l’église au début de son emménagement au village, a-t-il continué, au plus fort de l’affrontement, d’assister aux offices tenus par son ennemi ? Contrairement au curé, le maire n’a jamais été désavoué par sa tutelle. La preuve que les autorités impériales l’estimaient beaucoup se trouve dans un article de la
"Saargemûnder Zeitung" , paru le 22 juin 1915. (17)


La querelle maire-curé a certainement détourné plus d’un habitant de la fréquentation de l’église et cela se vérifiera pour les descendants des personnes directement impliquées dans les conflits ou ayant eu des griefs envers l’abbé Albert pour d’autres affaires. (18)

Quel était l’état d’esprit du curé Albert lors des obsèques du maire Fabing ? Le prêtre a-t-il pu faire abstraction des rivalités passées et prier pour son ennemi ? J’espère que oui.

Comme je l’ai déjà dit, le conflit resta une affaire purement locale, même si elle est remontée jusqu’à la Présidence ou au Gouverneur de Strasbourg. Il n’a jamais été une affaire politique, comme d’autres auraient pu l’être à la même époque en France, opposant par exemple un maire républicain au clergé. Il n’y a jamais eu d’anticléricalisme : les  habitants du village étaient dans leur grande majorité croyants et pratiquants, ils avaient besoin du curé et ne prenaient pas ouvertement partie pour l’un ou pour l’autre, à quelques rares exceptions près.
Il n’a pas eu non plus la même répercussion que l’affaire Pinck en 1908. (19)

La querelle eut certainement aussi des répercussions financières sur le budget de la fabrique. Le montant de la location des bancs afficha des baisses pendant cette période et le curé s’en était plaint devant le conseil de fabrique.

Pour finir, on peut se poser fort logiquement la question pourquoi le curé Albert est resté si longtemps à Kalhausen. Les autorités allemandes n’ont pas jugé utile de le faire muter, car les conflits qui l’opposaient à l’administration communale étaient des conflits locaux.
L’Evêché a bien menacé de le déplacer s’il persistait dans son attitude intransigeante et dure envers ses paroissiens. Mais le curé s’était expliqué sur son attitude et s’est assagi après le décès du maire Fabing.

L’abbé Albert semble avoir trouvé ici un bon poste, et depuis qu’il est installé dans "son" presbytère, et que les démêlés avec la commune sont terminés, il n’a certainement pas envie de partir.

Le successeur du maire Fabing a été sans doute plus conciliant, plus "malléable". Et puis les projets à venir de la commune ne toucheront plus les intérêts de la fabrique ni du curé.

La preuve que le curé tenait à ses paroissiens, est le fait que lors de son assignation à domicile à Nancy, pendant la seconde guerre mondiale, il n’a pas oublié ses paroissiens et leur a fait parvenir un texte de sermon qui sera lu en chaire le 23 avril 1944 et qui les exhortait à communier dignement à Pâques.

Disons qu’il vaut mieux garder comme souvenir du curé Albert, la construction du magnifique presbytère, plutôt que ses démêlés avec la commune. Ce presbytère, remarquable par sa décoration intérieure, fait désormais partie de notre patrimoine et il faut savoir le préserver. Gageons qu’une solution puisse être trouvée entre le conseil de fabrique actuel et la municipalité dans ce sens.

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(17) Cet article traduit ci-dessous relate les obsèques du maire.
"Kalhausen, 22 juin. Le directeur du Cercle de Sarreguemines a personnellement assisté aux obsèques de notre maire Fabing et il a rappelé dans son éloge funèbre les services rendus par le défunt, pendant son mandat de 24 ans, pour le bien de la commune et par là de la patrie. Le gouvernement impérial gardera un souvenir reconnaissant du défunt".

(18) Une lettre de dénonciation anonyme et une autre écrite par un parent d’élève, toutes deux adressées à l’Evêché, sont conservées aux Archives Départementales.

(19) L’abbé Louis Pinck, prédicateur à la cathédrale de Metz, rédacteur et directeur de deux journaux catholiques (die Lothringer Volksstimme et Metzer katholisches Volksblatt)
s’attira les foudres de l’Empereur Guillaume II en critiquant sa politique vis-à-vis des provinces annexées et la reconstruction du Haut-Koenigsbourg. Il fut muté, sur intervention personnelle
de l’Empereur, à Hambach où il entreprit de collecter les chansons traditionnelles lorraines qu’il publia dans les 5 volumes des Verklingende Weisen.



Gérard Kuffler
2016

Sources
Registre des délibérations du conseil municipal
Registre des délibérations du conseil de fabrique
Archives départementales 16Z177