Le Lien entre KALHAUSEN et le NEW JERSEY par Bernard Zins. |
Le 11 novembre 2007 paraît
aux USA, dans l'état du New Jersey plus précisément,
un article de presse relatant la découverte des graffitis
à l'école de Kalhausen.
Tom Hester, journaliste au Star Ledger, premier quotidien du New
Jersey a mené son enquête et a retrouvé un
soldat ayant séjourné dans notre village fin 1944,
début 1945.
Un des objectifs de l'Association Historique de Kalhausen est
de retrouver un ou plusieurs GI, parmi la trentaine ayant laissés
leur nom à l'école. La difficulté est de
trouver le bon interlocuteur, plus de 60 ans ont passé,
beaucoup sont décédés. Quelques inscriptions
parmi les graffitis ont permis d'orienter mes recherches vers
la 44e Division d'Infanterie US. Elle a été créée
en 1923 à partir d'unités de la Garde Nationale
des états de New York, du New Jersey et du Delaware.
Après quelques pérégrinations sans succès
sur la toile, j'ai eu un écho favorable de la part du musée
de la Garde Nationale du New Jersey, en la personne de Joe Bilby,
spécialiste de la guerre de Sécession, auteur de
plusieurs ouvrages et articles sur ce sujet.
Le musée de la Garde Nationale du New-Jersey Sea Girt USA.
Le musée est enthousiasmé à la vue des photos de graffitis, en effet une exposition parlant des différentes unités de la Garde Nationale engagées en Europe durant le second conflit mondial est en préparation et nos photos tombent à pic. Je leur fais part de notre intention de retrouver un vétéran encore en vie et reçois leur appui.
cliquer sur le lien pour accéder au site du musée
collection privée
Exposition photo dans le musée de la Garde Nationale du New Jersey à Sea Girt USA.
Le panneau est consacré à Kalhausen et à
l'orchestre de la 44e Division d'Infanterie. En haut à
droite, quelques membres de notre association : Gabriel Freyermuth,
Jean Meyer, Bernard Zins.
Le musée se met en quête, par l'intermédiaire de ses contacts avec la presse et autres, de trouver un média pour mener l'enquête et écrire l'histoire. Une chaîne de télévision new-yorkaise est intéressée, finalement Tom Hester, journaliste au Star Ledger fait les recherches et écrit la " story ".
Sunday Ledger.pdf
Ce fut tout simplement de la curiosité. Un instituteur
a arraché le revêtement mural décoloré
du grenier de l'école dans le village français de
Kalhausen et a découvert des traces de la période
dramatique de la 2e guerre mondiale.
Des noms, des dates, des dessins apparurent sur le plâtre
craquelé et jauni. Ce sont des graffitis laissés
par des douzaines de soldats américains qui prirent quartier
ici durant ce froid hiver 1944-1945.
Les soldats, dont beaucoup sont originaires du New Jersey, étaient
membres de la 44e Division d' Infanterie qui fut mêlée
aux durs combats pour repousser les Allemands vers le Rhin. Les
noms de 46 soldats (en réalité une trentaine NDLR)
apparurent quand le papier fut enlevé. Cette découverte
raviva certains souvenirs à ceux qui avaient vécu
cette période et donna une impulsion à un groupe
d'habitants pour créer l'Association Historique de Kalhausen
dont le but est de rechercher et de préserver l'histoire
du village.
Un infirmier de 27 ans a écrit son nom et a souligné
chaque mot " Steve Mayoski Cliffton, N.J. ".
Une autre inscription " Bob Trout Vineland, N.J. 24 Dec.1944
". C'était un soldat du corps des transmissions âgé
de 28 ans. On peut lire aussi : " George Jackson Handel,
Gloucester City, New Jersey" "Pete Monty, West New York,
New Jersey" et " Leo Brunetti, Garfield, N.J. Jan. 28,
1945".
" Ray Lauinger,
Philly, Myk, " était sergent et musicien, âgé
de 28 ans, originaire de Mayanuk, un quartier de Philadelphie.
Il a rejoint l'orchestre de la Garde Nationale alors qu'il était
stationné à Camden. A côté de son nom,
Lauinger a gravé un trombone, son instrument de musique.
" Je ne me rappelle pas l'avoir fait " dit Lauinger,
maintenant âgé de 90 ans et résidant dans
une maison de retraite médicalisée à Whitemarsch,
Pennsylvania, quand on lui a montré la photo de son graffiti.
" Je me rappelle d'eux, de tous " disait-il quand nous
évoquions les noms de ses copains décédés
qui ont laissé leurs marques sur le mur de grenier.
Un de ses camarades musiciens a écrit " Camden, New
Jersey, Norman, Sadie Sataloff 44th Div. Band, bassologist ".
A côté de son nom, il a dessiné un personnage
jouant de la contrebasse.
Anthony Hasnik, un policier militaire de Trenton a esquissé
un croquis du centre du village vu d'une fenêtre de l'école
(en réalité vu de la maison Thinnes NDLR).
Durant la période de Noël et de Nouvel An, passée
dans le grenier, ils ont aussi exprimé leur nostalgie du
pays. Il y a un cur traversé d'une flèche,
des oiseaux, une tête de cheval avec une bride, un singe
jouant de l'orgue de Barbarie. Une des mentions dit : " Cpl
Morris Passarella Hope to be in good USA very soon ". (Le
caporal Morris Passarella espère être très
rapidement de retour dans son bon vieux pays NDLR).
Des soldats originaires de Boston, de Brooklyn, du Bronx, de Cleveland
et de Youngtown, de l' Indiana et du Michigan ont aussi laissé
leurs noms. Mais la plupart furent laissés par la 44e de
la Garde Nationale du New Jersey.
Il s'avère que Trout, Handel, Brunetti, Sataloff et Hasnik
sont décédés. Toutefois 103 vétérans
de la 44e tous âgés de plus de 80 ans vivent toujours
dans le New Jersey.
Le lien avec la France
Kalhausen est un village, avec des maisons couvertes de tuiles
rouges, de plus de 400 ans d'existence parmi 4000 autres de la
province Alsace-Lorraine. Il est situé dans une région
rurale vallonnée de l'Est de la France à 20 km de
la frontière allemande.
En 1940, Kalhausen a 750 habitants, quand l'Alsace-Lorraine fut
annexée par l'Allemagne de Adolf Hitler. Le village a vécu
sous le joug nazi jusqu'à ce qu'il fut libéré
par les Américains en décembre 1944.
Lauinger assurait la fonction de brancardier, garde, poseur de
lignes téléphoniques et électricien à
l'époque où la 44e se battait dans la neige sur
une longueur de front d'environ 20 km. Ce fut un des hivers les
plus froids répertoriés dans le pays.
Lauinger se souvient que lui et 2 autres soldats se serrèrent
la main au milieu d'une rue du village de Kalhausen. Il était
minuit, c'était à Noël. Leur attention fut
attirée par un avion allemand qui volait au ras des toits.
Le vétéran dit qu'il pouvait voir l'insigne allemand
et les pilotes dans le cockpit. " Nous aurions sûrement
été morts " dit-il " Mais il n'a pas tiré.
Je pense toujours qu'il ne l'a pas fait, parce que c'était
le soir de Noël ".
A la Saint Sylvestre, il en fut autrement, les Allemands ne montrèrent
pas autant de considération. En 1945 à minuit, les
chars et l'infanterie lancèrent une attaque surprise appelée
" Nordwind " juste à l'Est de Kalhausen.
L'infanterie allemande s'élançait, en rangs serrés,
vêtus d'uniformes d'hiver blancs, ressemblant à des
fantômes. Ils lancèrent des imprécations en
attaquant : " Bonne Année, bande de bâtards
américains ".
Ils chargèrent de manière tellement téméraire
que les Américains pensaient qu'ils étaient soit
ivres ou drogués. Cela ressembla au carnage de la charge
de Pickett à Gettysburg en 1863. (Guerre de Sécession
NDLR). Quand les combats furent terminés, les Américains
épuisés, avaient repoussé 20 attaques.
Dans les 5 mois qui suivirent, la 44e a été la première
division à traverser le Rhin. Elle s'est battue à
travers l'Allemagne jusqu'en Autriche. A un moment elle fut engagés
dans les combats pendant 144 jours d'affilée. En mai, les
Allemands capitulèrent et le vu du caporal Passarella
se réalisa. La 44e retournait à la maison.
Le bâtiment de l'école de Kalhausen fut rénové
après-guerre et le grenier est utilisé comme lieu
de stockage des affaires de l'école maternelle située
au rez de chaussée. Les graffitis ne seront plus recouverts
de papier peint.
" L'école est toujours en service et j'espère
que les graffitis seront préservés " dit Bernard
Zins, 47 ans, un historien (amateur NDLR) de Kalhausen. "
Nous faisons tout pour cela. C'est unique dans notre région.
C'est de l'Histoire maintenant ".
L'Association Historique de Kalhausen essaie de collecter les
souvenirs des vétérans de la 44e.
" Malheureusement, le temps passe et beaucoup sont décédés
" dit Zins "Dans notre village, nous essayons de préserver
les souvenirs des anciens, nous enregistrons des témoignages,
collectons des photos anciennes, faisons de la recherche généalogique
et ce genre de choses. Pour les graffitis, c'est la même
démarche. En français, nous appelons cela le devoir
de mémoire. Ne pas oublier ".