Les champs cultivés prédominaient
encore largement au milieu du XX° siècle et les prairies
étaient insuffisantes pour nourrir le bétail. Chaque
famille possédait en effet au moins une tête de bétail
et à défaut de bovins, on élevait des chèvres
pour le lait. Les herbages étaient limités aux bords
des rivières et des ruisseaux, là où les
terres humides et inondables n'étaient pas cultivables.
Aussi fauchait-on, en plus des prairies naturelles, tous les endroits
herbeux disponibles ou y laissait-on paître le bétail.
C'était notamment le cas des talus des voies ferrées,
du canal et des accotements des routes départementales
et des chemins communaux.
La vaine pâture (" Hèrbschtwèèd
") participait aussi à la nourriture du bétail.
Cette activité que l'on appelait
" usfahre ", littéralement sortir, était
d'ordinaire réservée aux jeunes enfants d'âge
scolaire et aux vieilles personnes encore valides. C'était
un droit ancestral maintenu après la Révolution
Française parce qu'il était profitable à
la population rurale.
Les troupeaux (vaches, chèvres et moutons), pouvaient parcourir
toutes les parcelles sans que le propriétaire de celles-ci
puisse s'y opposer. On laissait les bêtes aller, après
la récolte, sur les prés, les champs, les friches,
les bords des chemins et même dans les forêts. Mais
elles étaient en principe toujours surveillées.
Dans nos villages, et à Kalhausen en particulier, le droit
de vaine pâture s'exerçait après la récolte
du regain, c'est-à-dire fin août, début septembre,
jusqu'aux premiers froids, et exclusivement dans les prés.
On ne laissait pas les bêtes s'aventurer dans les champs
encore remplis de leur récolte, comme les betteraves ou
les pommes de terre, ni dans les parcelles labourées ou
déjà ensemencées.
Cette pratique pouvait facilement se dérouler dans les
parties en herbe du ban de la commune, car les parcs à
bestiaux étaient rares et le parcours libre.
A cause de quelques abus - des propriétaires ayant laissé
divaguer leur troupeau sans aucune surveillance et certains troupeaux
devenant importants - la municipalité de Kalhausen abolit
le droit de pâture dans sa délibération du
16 novembre 1974. Une enquête publique tenue en mairie le
19 octobre avait laissé apparaître quelques remarques
verbales que le conseil municipal avait décidé de
déclarer non fondées. Il faut noter qu'un seul conseiller
municipal était opposé à la suppression de
la vaine pâture.
La majorité des petits agriculteurs, ceux qui avaient vraiment
besoin de l'usage de ce droit, avaient d'ailleurs disparu et la
vaine pâture était devenue inutile. Aujourd'hui les
bestiaux sont parqués dans des enclos électrifiés
et facilement démontables selon les besoins et plus personne,
en ce XXI° siècle de stress et de profit, ne veut sacrifier
son temps à surveiller des bêtes qui broutent.
François Freyermuth, né en 1940, se rappelle très bien de sa jeunesse et de son activité de petit berger. Laissons-le parler.
" Tous les enfants du village devaient
garder les bêtes, le soir, après l'école,
ou encore le jeudi et pendant les vacances scolaires.
Nous aimions cette activité car nous étions toujours
entre copains et nous passions de bons moments ensemble. Les parents
nous confiaient leurs bêtes et nous rendaient responsables
d'elles. Le soir, nous étions fiers de les ramener à
l'étable, à l'heure de la traite et de notre nourrissage
efficace ou non dépendait le volume de lait donné
et par là même une partie de l'alimentation de toute
la famille.
Le repas du soir était toujours le même : des pommes
de terre rôties et de la salade verte, quand il y en avait,
et un grand bol de lait fraîchement trait, cru ou parfois
bouilli.
Nous nous sentions utiles. Les parents nous faisaient confiance dès 8 ans et jusqu'à notre sortie de l'école, à 14 ans, nous essayions de tout faire pour mériter cette confiance.
D'ailleurs, ceux qui n'aimaient pas cette activité étaient forcés de la pratiquer quand même. Il fallait de toute façon mener les bêtes à la pâture, ce travail incombait aux jeunes et les parents n'avaient pas le temps de le faire. Et puis l'époque était à l'obéissance !
Mon père achetait tous les trois ans, lors d'une adjudication publique par l'office des Ponts et Chaussées, et pour une modique somme, le droit de pâture sur les accotements de la route départementale menant du village jusqu'à la gare. Il partageait son droit avec ses deux frères Philippe et Chrétien. Chacun d'eux avait une vache et nous avions une vache et une chèvre.
Nous n'aimions pas trop faire paître
les bêtes le long de la route départementale, car
il fallait tenir les animaux à la corde pour les empêcher
d'aller n'importe où et surtout de traverser la route.
Mais nous y allions quand-même, bien que cette activité
fût ressentie un peu comme une corvée. Je partais
en compagnie de ma cousine Marie-Jeanne et de mon cousin Etienne,
tous deux du " Guggelsbèrsch. Marie-Jeanne menait
" Faro ", Etienne " Hirsch ", et moi, j'avais
ma vache " Finette " et ma chèvre " Biquette
".
Le soir, après l'école, du mois de mai jusqu'en
juillet, pendant deux ou trois heures, nous partions ensemble
en direction de la gare. Les jeudis et pendant les vacances, je
faisais deux sorties, l'une le matin et l'autre l'après-midi.
Au bout d'une heure de broutage, il fallait changer de côté
et prendre le chemin du retour pour être à l'heure
à la maison.
Dès la sortie de l'école, je jetais mon cartable
dans un coin de la cuisine, j'empoignais la tartine que ma mère
m'avait préparée et je sortais mes bêtes de
l'étable. Elles semblaient attendre ce moment de semi-liberté
avec impatience. Je les sentais avides de liberté, de lumière,
d'air pur et d'herbe fraîche après une journée
d'enfermement dans l'étable sombre et du foin au menu.
Il fallait freiner leur ardeur, elles tiraient sur la corde et
ne pouvaient pas arriver assez vite sur leur pâture. Le
retour était autre chose, les bêtes ne voulaient
plus rentrer et il fallait souvent les motiver par la parole,
tirer sur la corde ou leur donner de petits coups de fouet pour
les forcer à avancer. L'allure n'était plus la même
qu'à l'aller, elles traînaient littéralement
leurs sabots.
La fréquentation de la route départementale
n'était pas très dangereuse pour nous, dans les
années cinquante car il y avait alors peu de circulation
et nous nous tenions bien sagement au bord lors du passage d'une
rare automobile ou d'un camion.
Le plus embêtant pour nous était le fait de devoir
rester à côté de nos bêtes et de ne
pas pouvoir nous amuser entre nous.
Parfois j'emportais avec moi mon manuel de catéchisme et
j'apprenais la leçon pour le lendemain, tout en surveillant
d'un œil les bêtes et en les accompagnant dans leur
lente quête de nourriture. Le curé, l'abbé
Nicolas Ichtherz était sévère avec nous et
il fallait savoir sur le bout des doigts et sans aucune hésitation,
les questions et les réponses du manuel, au mot près.
Il ne fallait pas rentrer trop tard, car maman attendait pour
la traite et nous avions encore des devoirs scolaires à
faire à la grande table de la cuisine. Aucune excuse n'était
admise le lendemain par l'instituteur et il ne serait venu à
l'idée de personne de ne pas effectuer les devoirs.
De nos jours, plus personne ne voudrait l'herbe des accotements
pour ses bêtes à cause de la pollution due aux gaz
d'échappement des véhicules routiers, et puis ce
serait beaucoup trop dangereux, voire suicidaire de se promener
avec des bêtes sur la route.
Mais ce que je préférais
le plus, par-dessus tout, c'était le fait de pouvoir emmener
les bêtes en automne, dans les prés. Les vacances
scolaires se terminaient le 1er octobre et nous avions encore
tout le mois de septembre pour nous. Cette activité se
poursuivait en octobre et nous attendions alors avec impatience
les jeudis pour nous retrouver entre enfants du même âge.
Nous étions toute une bande de jeunes du " Wélschebèrsch
", l'actuelle rue des roses : Florine Seiler, Adrien Simon,
Guy et Noël d'Andréa, Joséphine Philipp et
moi. D'autres venaient du " Hohléck " (la rue
des jardins) comme Rose Stephanus ou encore du " Làngenéck
", comme René et Marcel List ou Cécile
Koch.
Chacun avait plusieurs bêtes à
charge et nous les conduisions au bout de la rue du " Wélschebersch
", aux lieux-dits " ìn de Wies ",
" Klàrer Brùnne ", et même
plus loin, du côté de Schmittviller, sur les prés
du " Krìschènner " et de la "
Thìewelswies ". Il n'était pas question
que nos bêtes franchissent le petit ruisseau qui s'écoulait
de la source du
" Klarer Brùnne " et qui délimitait les
bans de Kalhausen et d'Etting
Les enfants d'Etting veillaient sur leur territoire et nous, sur
le nôtre. Chaque animal qui franchissait la frontière
était repoussé de l'autre côté avec
force cris et coups de bâton ou de fouet. Nous étions
intransigeants et nous défendions notre territoire en bons
soldats. Mais la guerre s'arrêtait là, nous nous
limitions aux intimidations, aux invectives et aux gesticulations
vis-à-vis de nos ennemis et il n'y eut jamais de bagarre.
Nous ne nous gênions pas de les agresser verbalement et
les surnoms de " Eddìnger Blodtzàde "
répondaient aux
" Kalhuuser Rùsse ". C'était assez
gai et nous les provoquions souvent avec nos chansonnettes :
" Eddìnger Mohre, (1)
Mìt de lànge Ohre,
Mìt de schbìtze Schùh,
Géhn zùm Déiwel zù. "
Ce qui pouvait se traduire ainsi : " Fous d'Ettingeois,
avec de longues oreilles, des chaussures pointues, allez au diable
! "
Il y avait aussi une variante tout aussi provocatrice :
" Eddìnger, ùnner'm Loch,
Hànn de àlde Judd geschtoch,
Hànn ne gebròòt,
Hànn ne gesòòst,
Hànn ne gefräss
Bis ùff's kààhle .……. loch
! "
La traduction est plus délicate : " Les Ettingeois,
dans leur trou, ont tué le vieux Juif, l'ont rôti,
l'ont arrosé de sauce et dévoré, ne laissant
que le trou du c…
Les enfants d'Etting nous répondaient et scandaient de
leur côté :
" Ìn Kalhuuse ìsch nìx se schmuuse."
" A Kalhouse, il n'y a rien de bon à trouver. "
C'était tout ce qu'ils trouvaient contre nous et ce n'était
pas bien fameux. La rivalité était bien réelle
entre les deux villages et nous les battions largement avec nos
chansonnettes. De guerre lasse, nous arrêtions tous seuls
de nous égosiller et nous reprenions notre activité
de petits pâtres.
Parmi les enfants d'Etting, il y avait Bernadette Stephanus, l'actuelle
propriétaire du restaurant " Chez Bernadette
", Denise Steffanus, décédée et Joseph
Dehlinger, qui habite avec son frère Bernard à la
" Gàllemihl ". Ce dernier m'épatait
par ses dons de sourcier. Il prenait une fourche de noisetier
et me montrait comment rechercher les eaux souterraines. J'ai
essayé plusieurs fois de l'imiter, mais j'ai arrêté
assez vite, car je n'étais pas doué pour cet exercice.
Nous avions tous, qui un fouet, qui un bâton et ces objets
nous étaient très utiles pour forcer les bêtes
récalcitrantes à avancer ou pour ramener les fugitives.
Les bêtes étaient libres de leurs mouvements et elles
avançaient à leur guise tout en broutant. Il fallait
pourtant les avoir de temps en temps à l'œil pour
qu'elles n'aillent pas causer de dégâts dans un champ
de betteraves, dont elles étaient très friandes,
et qu'elles restent bien sur les prés de la commune.
Pendant qu'elles broutaient paisiblement et parcouraient les prés, nous organisions des jeux collectifs appris dans la cour de récréation : nous jouions au jeu du " Déiwell ànn de Kétt (2) ", à attrape, à colin-maillard ou même à l'épicerie avec des emballages vides de boîtes de camembert ou de sardines.
(2) Ce jeu consistait à
s'emparer d'un objet (le trésor) gardé par un joueur.
Pendant que l'ensemble des joueurs prenait place sur un cercle,
le gardien du trésor tenait d'une main la lanière
d'un fouet planté au centre et, de l'autre, essayait de
toucher le joueur qui voulait s'emparer du trésor disposé
au pied du fouet. La tactique était d'attirer le gardien
d'un côté pour que les joueurs placés de l'autre
côté puissent se saisir du trésor. Le joueur
touché par le gardien devenait à son tour gardien
du trésor.
Nous squattions le blockhaus du " Klàrer Brùnne
", les abris bétonnés qui dominaient les prés
" ìn der Wies " et nous nous nous amusions
à jouer aux petits soldats.
Nous allumions souvent un feu, non pour
nous réchauffer, mais pour y faire cuire des pommes de
terre ou des pommes dans la cendre. Nous chipions quelques tubercules
dans un champ proche et quelques belles pommes rouges sur un pommier.
C'était excellent et nous attendions tous, pendant toute
l'année, ces moments privilégiés de pouvoir
faire notre propre cuisine et de savourer des mets simples et
succulents.
Les plus téméraires d'entre nous, surtout les garçons,
s'exerçaient à fumer leurs premières cigarettes
pour jouer aux grands et épater la galerie. On pouvait
se le permettre, loin des parents qui n'auraient pas manqué
de nous réprimander s'ils avaient été au
courant.
Les garçons avaient souvent dans leur poche un petit canif
qui leur servait à couper de fines branches de noisetier
ou de saule. Ce bâton avait de nombreux usages : il servait
à faire cuire les pommes ou les pommes de terre sur le
feu, à gauler les noix, à stimuler les bêtes
récalcitrantes, à jouer à la guerre.
Certains s'amusaient à décorer leur bâton
en incisant l'écorce au moyen de leur couteau et de belles
spirales apparaissaient ainsi sur toute la longueur.
Une de nos occupations favorites était aussi de nous amuser
sur les meules de foin ou de paille qui se dressaient parfois
dans un pré. Nous grimpions au sommet en faisant la courte-échelle
et nous nous laissions glisser en bas au risque de nous rompre
le cou.
Les bottes de paille, sommairement liées, se défaisaient,
mais nous n'avions pas de retenue, pourvu que nous nous amusions
comme des fous. Une de ces meules s'élevait au lieu-dit
" Ìn de Wies " et appartenait à
Jean-Pierre Lang, appelé " Schdoffels Schàmm
Pièèr ". Lorsqu'il découvrit les dégâts,
il a sans doute dû pester contre ces garnements qui ne respectaient
rien. Mais nous étions trop jeunes pour nous soucier de
cela.
Nous aimions tous ces moments d'intense liberté et de folles
aventures, loin de l'autorité pesante des parents, de l'instituteur
et du curé. Nous pouvions faire ce que nous voulions, nous
n'avions de compte à rendre à personne et les bêtises
que nous ne manquions pas de faire restaient impunies.
J'ai toujours été attiré par la nature et
j'avais devant moi un formidable terrain d'aventures et de découvertes.
J'apprenais à reconnaître les plantes des champs,
les herbes des prés, les arbres, les oiseaux. Les champignons
de l'automne n'avaient plus de secrets pour moi et nous croquions
à pleines dents les rosés des prés ou les
boules de neige.
Je fouillais systématiquement les haies à la recherche
de nids d'oiseaux, de fruits comestibles, mais aussi de tout ce
qui traînait encore par ci, par là et qui datait
de la guerre : des cartouches, des douilles et toute ferraille
qui pouvait se revendre et rapporter un peu d'argent de poche.
Mais pendant tout ce temps, nous oubliions souvent nos bêtes
qui n'en demandaient pas tant. Nous comptions sur leur compréhension,
pensant qu'elles resteraient sagement là, à brouter
la bonne herbe que nous avions choisie pour elles, pendant que
nous vaquions à nos occupations de gamins débridés.
Elles ne l'entendaient pas de cette oreille et prenaient souvent
leurs aises. Elles se vengeaient de notre manque d'attentions
à leur égard et osaient rentrer seules à
la maison, beaucoup plus tôt que prévu, sans penser
aux conséquences fâcheuses pour nous.
Plus d'une fois aussi, pris par nos jeux et nos aventures, nous
dépassions l'heure de rentrée et au retour, maman
nous attendait déjà, l'air furieux, sur le seuil
de l'étable, le seau à la main, prête pour
la traite du soir.
Nous rentrions tous les soirs, sales et crottés, les vêtements
déchirés à cause des buissons épineux
et des premiers parcs clôturés par du fil de fer
barbelé.
Nos parents se lamentaient sur leur sort, maudissant le Ciel de
leur avoir donné une progéniture aussi dure et montrant
en exemple les enfants des voisins, si sages et obéissants.
Nous étions toujours quittes pour de bonnes remontrances
de leur part et nous promettions sincèrement, la larme
à l'œil, que l'on nous reprendrait plus à manquer
de surveillance et que nous prendrions désormais un peu
plus soin de nos habits.
En général, nos parents étaient compréhensifs,
eux-mêmes avaient été jeunes et avaient eu
à s'occuper des bêtes avant nous. Ils avaient vécu
avant nous notre vie de petits bergers. Il fallait bien se fâcher
un peu pour marquer le coup.
Nous nous limitions toujours à notre secteur de pâture.
Les enfants qui habitaient l'autre côté du village,
parcouraient les prés au-delà de la côte du
" Guggelsbersch ", au lieu-dit " Pàffedéll
".
Une année, je crois que c'était en 1947, nous fûmes
obligés, à cause de la sècheresse et du manque
d'herbe dans notre secteur, d'aller jusqu'à Hutting, sur
les prairies plus humides et plus fournies du bord de l'Eichel.
Mais là, il n'était plus question de rentrer pour
le déjeuner et je me rappelle que quelqu'un nous apporta
les gamelles que nous mîmes à réchauffer sur
notre feu.
J'ai toujours aimé les animaux, et plus particulièrement
les chevaux. Un cultivateur de notre rue, Jean-Pierre Freyermuth,
connaissait mon attirance pour les bêtes et j'allais souvent
lui rendre visite dans son étable, au moment de la traite.
J'entendais distinctement le bruit du lait qui giclait dans le
seau, au rythme régulier de la traction sur les trayons,
mais je ne le voyais pas immédiatement dans l'obscurité.
Quand je m'approchais de lui, un jet de lait tiède en pleine
figure m'accueillait et m'aveuglait. Je pestais intérieurement,
mais je ne lui en voulais pas. Il s'amusait et moi je venais pour
caresser ses chevaux et leur parler.
Maintenant encore je connais par cœur les noms des chevaux
qu'il avait eus : Coquette, Grisette, Chita, Fauvette, Normand,
Max et Loulou.
Un jour il me confia ses vaches pour que je les emmène
par la route paître sur les prés qu'il possédait
au lieu-dit
" Thìewels Wies ". Ce trajet par la route
départementale de Schmittviller était long, mais
je n'eus aucun mal à m'acquitter de ma tâche, aidé
en cela par le bon chien Rex de Jean-Pierre. J'arrivais facilement
à faire marcher la dizaine de vaches, à la queue
leu leu, sur le bord de la route et j'en étais très
fier.
Je pense souvent avec nostalgie à
cet heureux temps de ma jeunesse, où nous croquions à
pleines dents la vie, où nous découvrions la nature,
où nous nous sentions libres et utiles.
Les jeunes d'aujourd'hui n'ont plus l'occasion de vivre nos aventures
et d'apprendre par là à connaître la nature
comme notre génération pouvait encore le faire.
Les jeux électroniques les coupent du monde réel
et ils se replient sur eux au lieu de s'ouvrir aux autres.
Nous faisions des bêtises, mais nous étions utiles
car nous aidions nos parents et nous apprenions à travailler.
Aujourd'hui, les jeunes ne savent plus s'occuper, surtout pendant
les vacances, et ils traînent, désœuvrés
et inutiles, dans le village. Si c'est cela le progrès
! "
Texte de Gérard Kuffler. D'après
les souvenirs de François Freyermuth.
Illustrations : Peinture de Julien Dupré (1851-1910) -
Photos AHK
Octobre 2010.