l_alimentation_paysanne_traditionnelle

L’alimentation paysanne traditionnelle



Sommaire

A.    Considérations générales
B.    Les composantes de l’alimentation

1.    Les légumes
Les potagers
Les légumes cultivés
Les recettes à base de légumes
-    Les soupes
-    Les légumes crus
-    Les légumes cuits
-    Les légumes en conserves
2.    Les fruits
3.    Les pommes de terre
4.    Le lait et les laitages
5.    La farine

-    Les gâteaux
-    Les biscuits
-    Le pain
6. Les œufs
7. La viande
-    Le tuage du cochon
-    La viande de lapin
-    La viande de volaille
8. Les boissons
9. Les desserts
10.Les sucreries


C.    Les menus
D.    La cuisine


Le monde paysan a depuis toujours vécu en autarcie, replié sur lui-même et sans grands contacts avec la ville, dans une économie d’autosuffisance.
L’alimentation rurale est une alimentation de subsistance, riche quantitativement, mais carencée, contrairement à l’alimentation urbaine qui correspond à une économie de marché, plus diversifiée et recherchant la qualité.

Mal nourris, suite à l’insuffisance des apports protéiques d’origine animale, les habitants des campagnes eurent encore à souffrir de la pénibilité de leurs conditions d’existence.

Le grand changement alimentaire n’apparaît qu’à partir des années 1950, avec l’avènement des réfrigérateurs et des congélateurs. De nouvelles habitudes alimentaires se créent alors, favorisées par l’expansion des transports : moins de pain, plus de viande et de poisson, plus de corps gras et de sucre, apparition de produits nouveaux et exotiques. L’alimentation se diversifie et recherche la qualité au détriment de la quantité. De traditionnelle et artisanale, elle devient nationale, voire mondiale, et industrielle.

Cette étude veut brosser le tableau de l’alimentation traditionnelle paysanne, celle que l’on pouvait encore rencontrer dans nos villages au sortir de la seconde guerre mondiale. Dans la transcription des recettes, je me suis basé essentiellement sur les souvenirs et les habitudes alimentaires de ma propre famille. J’ai pu consulter également un cahier de recettes ayant appartenu à Marie-Louise Borsenberger (1902-1989). Cette dernière a vécu dans la région messine et a recopié beaucoup de recettes "urbaines" qui n’étaient pas appliquées dans le monde rural.

A.    Considérations générales

L’alimentation paysanne traditionnelle est tout d’abord presque entièrement dépendante de la production agricole propre à chaque région : pour une raison purement économique, l’on n’utilise que les ressources du milieu naturel, l’on ne mange que ce que l’on produit.

De Buur èsst nùmme wàs e kènnt. Le paysan ne mange que ce qu’il connaît.

Les rares produits achetés à l’épicerie villageoise se résument à du poisson (des harengs salés, des rollmops), à l’huile, au sucre, au sel et aux épices.

Cette loi de l’autosuffisance alimentaire, de l’autoconsommation, a des incidences directes sur l’alimentation : puisqu’on ne peut manger que ce qui est disponible dans le jardin, à un moment donné de l’année, puisque les ressources sont limitées,  la nourriture sera forcément saisonnière, peu variée et monotone, sauf en été, et par conséquent déséquilibrée.


Végétarienne par nécessité- la consommation de viande n’est qu’épisodique- l’alimentation paysanne demeure abondante, consistante et nourrissante : il faut trouver assez de calories pour pouvoir fournir l’énergie nécessaire, surtout pendant les périodes de travail en pointe, comme la fenaison, la moisson et le façonnage du bois de chauffage.

C’est pourquoi l’on va privilégier des aliments caloriques, qui "tiennent au corps", qui permettent de tenir le coup, qui maintiennent une constitution vigoureuse. Il faut manger pour vivre, pour pouvoir travailler, il faut manger beaucoup pour pouvoir travailler beaucoup.

L’alimentation est ainsi quantitative et non pas, comme de nos jours, qualitative. La recherche du plaisir, du confort alimentaire n’est pas du tout une préoccupation quotidienne, les notions de diététique, de ligne, d’apports caloriques et de repas équilibrés ne sont pas encore d’actualité.

Le repas n’est pas fait pour converser ou prendre du bon temps, ce serait alors perdre son temps, car le travail attend. La nourriture rapidement absorbée est destinée à reprendre des forces dans le but de reprendre le plus rapidement possible le travail.

Wie mer èsst, so schàfft mer. Comme on mange, on travaille.

Èss, dàss de èbbes wèrrsch. Mange et tu deviendras quelqu’un.

Gùtt èsse ùnn gùtt drìnge hàllt Léib ùnn Séél zòmme. Bien manger et bien boire, ça vous cheville l’âme au corps.

Cette alimentation, toute axée sur le besoin de manger et non sur le plaisir, est de fait plutôt grossière, peu raffinée, souvent insipide, elle est simple
et sobre, pas toujours très saine, car trop grasse, et rarement innovante.


Peu équilibrée, trop grasse, carencée en apports protéiques, l’alimentation traditionnelle, qui fait la part belle à la farine tamisée, pauvre sur le plan nutritionnel, et à la pomme de terre, a des effets pervers sur la santé (hyperglycémie, hyperinsulinisme)

Les cas d’obésité, de diabète et de maladies cardiovasculaires sont fréquents et la mortalité importante.

Les recettes culinaires traditionnelles se transmettent oralement de mère à fille et les livres de recettes sont rares. Les recettes ordinaires et courantes, qui reviennent périodiquement, n’ont pas besoin de support écrit. Par contre les recettes de biscuits ou de gâteaux, plus rarement mises en pratique dans l’année, se retrouvent parfois au sein d’un carnet-répertoire où la maîtresse de maison les a soigneusement recopiées.

Le monde paysan est caractérisé autrefois par son immobilité, l’on ne sort que rarement du cercle du village, tout au plus pour aller au chef-lieu de canton, à la ville-marché ou pour répondre à une invitation de la famille éloignée, lors d’une communion ou de la fête patronale. Cette pauvreté des relations extérieures au village ne favorise pas l’innovation culinaire, puisque l’on retrouve les mêmes recettes ailleurs. Les jeunes gens qui vont faire leur service militaire à la caserne de la ville et qui goûtent à une autre cuisine peuvent rapporter des recettes nouvelles, qui ne seront pas appliquées, faute de moyens.

C’est aussi une alimentation de récupération, où rien ne se perd, où tout se récupère  et se ressert sous la même forme ou sous une autre : les restes de repas sont toujours réaccommodés le lendemain, le pain rassis est servi sous forme de croûtons, les légumes reviennent sur la table dans un potage.

Dépendante d’une agriculture essentiellement vivrière, l’alimentation paysanne subit encore l’influence de la religion, dont personne ne songerait à transgresser les préceptes. Ainsi les périodes de jeûne et d’abstinence, principalement le Carême et les vendredis dits maigres, apportent leur lot de restrictions à une alimentation déjà limitée économiquement.

Si l’on voulait faire un bilan annuel, l’on pourrait dire que l’année se résume à une alternance de périodes maigres et de jours gras. Les périodes maigres sont non seulement édictées par la religion, mais aussi la conséquence de l’épuisement de certaines ressources alimentaires à la sortie de l’hiver.

Les jours gras se trouvent principalement en été, lorsque le potager et le verger produisent abondamment, mais aussi au début de l’hiver, lorsque le cochon a été sacrifié et qu’il y a abondance de viande.

Et puis il y a au cours de l’année de nombreuses fêtes religieuses ou civiles où la table est mieux garnie qu’à l’ordinaire et où l’on se permet des repas plantureux et donc quelques excès de nourriture et de boisson. Je pense à la fête patronale et à la Kirb, aux communions, aux mariages et aux enterrements, fêtes pendant lesquelles la maîtresse de maison se fait un honneur de choyer ses invités.

Pour éviter de devoir dépendre trop fortement d’une production saisonnière et en vue de pouvoir manger toute l’année, la nécessité de faire des réserves et des conserves s’est imposée très tôt : encavement des pommes de terre, pasteurisation ou séchage des fruits, salage et fumage de la viande… Absolument tous les ménages pratiquaient l’art de la conservation.

Lien vers les techniques de conservation

Voyons tout d’abord quelles sont les composantes de l’alimentation paysanne traditionnelle, selon leur ordre d’importance.

B.    Les composantes de l’alimentation

1.    Les légumes.


Les potagers

Chaque famille possède un jardin potager proche de sa maison, e Plònsgààrde, situé soit à l’arrière, dans le prolongement de l’habitation, soit à proximité, de telle sorte que la ménagère n’a que quelques pas à faire pour récolter ce dont elle a besoin journellement : persil, poireaux, carottes, salades…

En plus de ce potager de proximité, elle cultive encore une ou plusieurs petites parcelles plus éloignées, Gààrdeschdìggere, souvent uniquement accessibles à pied, et qui produisent choux, haricots, petits pois, pommes de terre…

Les jardins et vergers situés à l’arrière des maisons forment ce que l’on appelle la ceinture verte du village. Les petites parcelles, d’une contenance de 1 à 2 a en général, font partie de cantons bien délimités sur le ban communal et dont le sol sablonneux se prête bien à la culture maraîchère.

Selon un recensement établi en 1907 (Ermittelung der Anbauflächen im Jahre 1907), la surface dévolue aux jardins atteint 36 ha sur un total
de 896 ha de terres arables pour la commune de Kalhausen, soit un pourcentage de 4%. Si l’on prend en compte une superficie moyenne de 2 a par parcelle, l’on aurait, au bas mot, un nombre impressionnant de parcelles potagères.


Sur le cadastre communal de 1829, j’ai pu recenser 14 noms de cantons intégrant le suffixe garten (Langgarten, Grossgarten, Bruchgarten, Naugarten, Freigarten, Rosengarten, etc...).

Il va de soi que ces jardins sont abondamment fumés chaque année et tous bêchés à la main au printemps. La production de légumes y est toujours abondante. La motorisation et les traitements chimiques n’y ont pas encore cours, toutes les interventions sont manuelles.

Le fumier utilisé est bien sûr le fumier de vache ou de cheval, fortement décomposé, mais aussi le contenu des toilettes sèches situées dans la petite cabane du jardin. La fosse est vidée chaque printemps au moyen d’un seau à douille emmanché et son contenu ensuite enfoui par bêchage.

Les légumes


-    les betteraves rouges, Rotrààne
-    les carottes, Gèllerìwwe
-    les choux (chou rouge, root Krutt, chou blanc, wiss Krutt, chou frisé, Kéhl, chou de Bruxelles, Roosekéhl, chou de Milan, Wìrschìng Krutt)
-    les choux-raves, Kollrààwe
-    les haricots nains, Schdockbohne, et les haricots à rames, Schdèggebohne
-    les navets, Rìewe
-    les petits pois, Èrbse
-    les poireaux, Purrèdde
-    les pommes de terre, Grùmbèrre (essentiellement des Binje et des Krasawa)
-    les salades, Salààt (laitue, Koppsalààt, scarole, Ònndiwisch, mâche, Miisèr)

Quelques légumes ne proviennent pas du jardin, mais sont récoltés à l’état sauvage, il s’agit du pissenlit cueilli au printemps dans les champs retournés à l’automne dernier ou poussant dans les taupinières, Béttsèèscher, et de la mâche sauvage. Il faut y ajouter les champignons récoltés dans les prés, Drììschlìnge : les tricholomes de la saint Georges, poussant au printemps dans les ronds de sorcières, les rosés des prés et les boules de neige de l’automne.
Joseph Pefferkorn m’a montré un jour un endroit au lieu-dit Pàffedéll où poussait du cumin sauvage.

Les recettes à base de légumes

Le potager est un immense garde-manger et la ménagère vient s’y approvisionner pratiquement tous les jours, pendant la belle saison. Les légumes sont une composante essentielle du déjeuner et du souper pendant toute l’année, même en périodes maigres et pendant l’hiver, grâce aux conserves faites en été. Ils se mangent en soupes, en potées, en salades, crus ou cuits, souvent enrichis de crème.



Les soupes

-    de légumes frais : petits pois (Èrbsesùpp), julienne de haricots (Léffelbohnesùpp ou Schnìbbelbohnesùpp), légumes en mélange (Gemìessùpp) ou légumes de saison (quéér dùrsch de Gààrde ou à travers le jardin), oignons (Zìwwelsùpp)

-    de légumes secs : haricots secs (Ussgeblìggdebohnesùpp), lentilles (Lìnsesùpp)


Les légumes crus

-    salades de carottes (Gèllerìwwesalààt), de céleri (Séllerisalààt), de radis (Rèddischsalààt), de chou (Kruttsalààt)
-    salade verte (grììner Salààt)
Aussi longtemps qu’elle est disponible, elle est quotidiennement au menu des repas et de toute façon, du dîner qui se compose  invariablement de pommes de terre, de salade verte et de lait.



Les légumes cuits

-    carottes avec  pommes de terre et navets (Gèllerìwwegemìes)
-    petits pois sauce Béchamel
-    haricots verts avec pommes de terre (grììne Bohne)
-    poireaux en vinaigrette, en farce, Pùrèdde
-    chou-fleur, Blùùmekéhl
-    choux-raves avec pommes de terre et carottes
-    choux rouges, root Krutt
-    choux blancs avec pommes de terre et carottes, wiss Krutt
-    choux frisés avec pommes de terre, Kéhl
-    choux de Bruxelles, Roosekéhl

Les légumes en conserve

-    choucroute (Sùùrkrutt)
-    navets salés (sùùre Rìewe)
-    haricots verts salés (sùùre Bohne)

2.    Les fruits

Les vergers s’étendent à l’arrière de la maison, dans le prolongement du jardin potager ou dans certains cantons du ban, comme le Rébbèrsch jadis dévolu à la vigne.

Les fruits de verger les plus cultivés sont les pommes (Ébble), les poires (Bìere) et surtout les quetsches qui servent à la distillation. Il faut y ajouter les prunes (Brumme), les reines-claudes, les mirabelles (Mirabèlle), les cerises (Kìrsche), les coings (Kidde) et les noix (Nìss).

Les petits fruits du jardin sont les groseilles rouges ou blanches (Hònnsdrììwle), les groseilles à maquereaux (Grooschle), le cassis (schwààrze Drììwle) et en quantité moindre, les framboises (Hìmmbéére).

Les fruits sauvages sont les mûres (Bròmbéére), les noisettes (Hàsselnìss), les prunelles (Schlééwe) et les cynorrhodons (Àrschkràdzede).

Les fruits sont consommés en confitures (Kònfidùùr), en gelées, en compotes, en sirops, sur des tartes, déshydratés, mis en conserves dans des bouteilles ou distillés. La conservation des fruits frais se fait dans la cave, sur des clayettes (Hùùrde).

Les pommes cuites au four avec un peu de beurre et du sucre sont un excellent dessert.
Une spécialité de notre région est la marmelade de quetsches, de Quétscheschlèggel, appelée aussi la confiture du pauvre, car cuite sans sucre.


3.    Les pommes de terre

Les pommes de terre ne sont pas cultivées dans les potagers, mais dans les champs car elles occupent une superficie importante, puisqu’elles servent aussi à l’alimentation du cochon familial. Les variétés existantes ne sont pas aussi nombreuses qu’actuellement : il y a les Àckersääje, les Bintje, les Krasawa
Un recensement des surfaces cultivées effectué en 1915 (Ernteflächeerhebung Anfang Juli 1915) mentionne une superficie de 11,19 ha consacrée aux pommes de terre, avec des parcelles allant de 5 a jusqu’à 60 a.

Les pommes de terre sont toujours présentes au dîner et font partie de nombreuses préparations, associées à des légumes.

Elles sont servies
-    cuites à l’étuvée (gedämt), en robes des champs (Quéllgrùmbèrre), mangées avec du fromage blanc, des harengs ou simplement à la croque-en-sel, toujours accompagnées d’un bol de lait.
-    rôties dans du saindoux (Bròòtgrùmbèrre)
-    en purée
-    farcies (gefìllde Grùmbèrre)  avec une farce à base de poireaux, de persil, d’œuf et de pain
-    en galettes (Grùmbèrre-Kìeschle)
-    en quenelles allongées (Bùùweschbätzle, littéralement zizis de garçons, dénommés encore Zäpple ou suppositoires, Schdubbede et Schnuggewèlle. Ces quenelles sont servies avec une sauce faite de crème fraîche, de croûtons et de lardons fumés que l’on a fait revenir dans une poêle. Façonnées en boules, elles peuvent être garnies d’une farce, comme les pommes de terre.
-    en quenelles rondes (Schnéébàlle, littéralement boules de neige) également accompagnées d’une sauce à la crème, comme ci-dessus.
-    en potage, seules (Grùmbèrresupp) ou avec d’autres légumes
-    en plat principal, associées à d’autres légumes (carottes, Gèllerìwwe-Gemìes ou haricots, grììne Bohne)

Quel délice de pouvoir savourer aussi les rondelles de pommes de terre posées à même sur les plaques de la cuisinière à bois, saupoudrées d’un peu de sel et rôties !
Le barbecue avant l’heure !


4.    Le lait et les laitages

Par la force des choses, le lait, considéré comme un aliment, est une des principales composantes de l’alimentation paysanne traditionnelle.
La grande majorité des habitants d’un village, sinon la totalité, élèvent un animal produisant du lait pour la consommation familiale. Il s’agit de vaches laitières, employées également comme bêtes de trait, et de chèvres.

Un recensement du bétail, établi en 1924, mentionne le total de 222 vaches laitières présentes dans 115 élevages, non comprises les 66 vaches laitières des 2 fermes de Weidesheim.
Le nombre des caprins s’élève à 60  pour la commune, répartis dans 39 élevages.

Le lait est consommé
-    cru, bouilli ou caillé (Dickmìllìsch), au petit-déjeuner et au dîner
-    en bouillie, avec des flocons d’avoine (Hàwwerfloggebrèi) ou de la semoule (Grìesbrèi)
-    en soupe, avec des raisins secs et du sucre (Mìllìschsùpp)
-    sous forme de crème pour enrichir les potages pauvres et les plats de légumes
-    sous forme de fromage blanc (wìsser Kääs) ou affiné (fuller Kääs)
-    sous forme de beurre
-    exceptionnellement sous forme de bonbons caramels ou de chantilly pour fourrer les choux à la crème (Wìndbéile)



Egouttage du caillé    

Fromage blanc
                                                                                                                                                                   



Fromage affiné


5.    La farine

Parmi les céréales produites par les agriculteurs, le blé est réservé à l’alimentation humaine et à la basse-cour. C’est la céréale la plus cultivée, avec l’avoine réservée aux chevaux.

Le recensement de 1907 (Ermittelung der Anbauflächen im Jahre 1907) mentionne une superficie de 220 ha consacrés à la culture du blé,
contre 284 ha pour l’avoine, 30 ha pour le seigle et 1 pour l’orge, par rapport à une superficie totale des terres arables de 896 ha.


Le blé est consommé sous forme de farine
-    dans certaines quenelles (Knépple)
-    dans les crêpes (Pònnkùùche), les gaufres (Wààfle), les beignets (Fààsenàchtskìeschle)
-    les nouilles (Nuudle)
-    dans les pâtisseries
-    dans le pain (Broot) et les petits pains (Dòmpnuudle)

Les gâteaux

Les tartes cuites dans le four de la cuisinière à bois sont surtout des tartes aux fruits de saison (rhubarbe, cerises, quetsches, prunes, mirabelles, pommes et poires).

Il y a encore les tartes flambées (Flòmmkùùche), la tarte à la crème sucrée (Ròhmkùùche), la tarte au fromage (Kääskùùche).
Les autres gâteaux sont les gâteaux à la cannelle (Zìmmetkùùche), les Streusels (Schtreuselkùùche ou Riwwelkùùche), la brioche en forme de couronne (Krònzkùùche) et le biscuit des jours de fête (Bisquikùùche).

Les biscuits

Il s’agit des traditionnels biscuits de Noël (Winnàchtsbréédle) : à la cannelle (Zìmmetbréédle), au beurre (Bùdderbréédle), à la semoule (Grìesbréédle), à la vanille (Vanilleschdànge) et les fameux spritzs (Schbrìtzgebàggene) façonnés au hachoir à viande (de Flèèschmaschinn).

Le pain

Jadis, produit de base de l’alimentation, le pain est resté longtemps "un objet de survie" et a permis à de nombreuses familles d’échapper à la famine. Mais à partir du 20° siècle, il perd de sa prépondérance sur les tables et devient un produit d’accompagnement. La quantité moyenne consommée par jour et par habitant était de 600 g en 1900, pour tomber à 130 g de nos jours.

Pourtant, la consommation de pain reste importante dans l’alimentation traditionnelle paysanne : l’on consomme du pain au petit-déjeuner sous forme de tartines (Schméére) ou tout simplement avec du lait dans un grand bol (ìnngebrockt), l’écolier emmène sa tartine au beurre à l’école, le paysan qui part dans les champs emporte un morceau de pain et du lard, la tartine du goûter est accompagnée de café au lait (Mìllìschkàffé) et le pain se retrouve à tous les autres repas.

Quel délice la simple tartine au beurre saupoudré de sucre semoule ou de copeaux de chocolat ! Et que dire de la simple tranche de pain trempée dans de l’eau et saupoudrée ensuite de sucre (Geiseschméér) ! Les tartines au fromage blanc ou au saindoux (Schmàlsschméér), tout comme celles à la confiture étaient souvent d’actualité.

Et le pain au lièvre (Hààsebrot), ce reste de pain que le grand-père ou le père nous rapporte des champs, déjà un peu desséché, que nous guettons et dévorons avidement!

Le pain, fruit du travail des hommes, a ce caractère sacré que tout un chacun respecte. Aucune miette de pain n’est jamais gaspillée, le pain rassis est resservi en croûtons, celui qui entame un pain trace un signe de croix sur la miche, cette dernière n’est jamais placée à l’envers sur la table.

Au début du 20° siècle, le pain de tous les jours se cuit encore dans le four à pain familial, à raison d’une fournée par semaine. Le pétrissage du pain est le travail de la maîtresse de maison, alors que le père s’occupe de la chauffe du four et de la cuisson. Le pétrissage demeure un travail pénible, car il faut travailler 10 à 15 kg de farine dans le grand pétrin rectangulaire en bois, puis on laisse lever la pâte dans des corbeilles en osier. Le pain lève grâce au levain (Dääsùm) que l’on incorpore à la farine dès le départ et que l’on conserve au frais d’une semaine à l’autre. Selon la capacité du four, une fournée peut comporter entre 3 et 9 grosses miches affichant un poids d’environ 4 kg chacune.

Chaque fournée de pain est suivie par une fournée de tartes ou de gâteaux qui cuisent encore avec la chaleur résiduelle emmagasinée par les briques réfractaires. Cette chaleur restante sert encore en automne à déshydrater les fruits, comme les quetsches, les pommes et les poires.




Krònzkuuche

Deux couronnes tressées cuites après le pain


Les restes  de pâte, lors de la confection de tartes ou de gâteaux, servent à envelopper une pomme épluchée que l’on fait cuire dans le four

(e Àbbelmìtschel) et que l’on réserve aux enfants.

 

Un ancien pétrin en bois, "e Mùùl".
Une petite raclette en fer, "e Lùùs",
servait à racler les restes de pâte collés au bois.



La pâte lève dans les corbeilles tressées, "de Kùùrwle".




Une miche de 4 kg environ sort du four.


Les boulangers de métier qui s’installent dans les villages commencent à cuire un pain différent du pain paysan (Buurebrot), différent par son goût et
par sa forme. C’est surtout un pain long appelé Drèipìnder ou pain de 3 livres.

Le four familial est alors peu à peu délaissé car le boulanger cuit du pain frais chaque jour, alors que les grosses miches paysannes devaient se garder pendant une semaine entière et durcissaient inévitablement.

Le boulanger ne se fait pas payer en monnaie par les paysans, mais en farine. Il tient une comptabilité, dans un petit carnet, pour chaque client, et la valeur de la farine livrée équivaut au quota du pain à acheter.

Certaines ménagères apportent parfois, surtout en été, pour ne pas avoir à chauffer leur cuisinière, leurs tartes ou gâteaux au boulanger, pour qu’il les cuise dans son four.

6.    Les œufs

Les animaux de basse-cour, présents également dans presque toutes les familles, fournissent les œufs nécessaires à la confection des repas et des pâtisseries.

Les œufs de poules sont consommés
-    crus : gobés (ussgesuggelt) ou avec des mouillettes de pain (getubbt), à la coque, mollets (gesìed), durs (gekocht), cuits en omelette au lard (Schbèck),à la ciboulette (Schnìttlàch) ou au pain et au lait. L’omelette est d’ailleurs un mets vite préparé au retour des champs.
-    dans les réalisations à base de farine (crêpes, gaufres, quenelles)
-    dans les pâtisseries
-    en salade (Eiersalààt)


7.    La viande

La consommation de viande n’est qu’épisodique au cours de l’année et nullement journalière. Elle reste un luxe, surtout la viande bovine qui n’est consommée que le dimanche ou les jours de fête.

Le reste de l’année, les protéines animales sont fournies par la viande porcine, consommée pendant l’hiver et le début de l’année, par la viande de basse-cour (poules pondeuses réformées, poulets, canards et lapins).

Le tuage du cochon

L’élevage du cochon familial est tout aussi important et essentiel dans l’alimentation paysanne que l’élevage d’une vache laitière ou d’une chèvre. C’est lui qui fournit principalement les protéines animales nécessaires.

Chaque famille élève donc un ou deux porcelets et les engraisse pour pouvoir les tuer, le premier vers la fin de l’automne et le début de l’hiver et parfois le second à la fin de l’hiver. Ainsi les provisions de viande et de gras suffisent à passer quasiment les 3 /4 de l’année, si l’on sait économiser.

Les porcelets sont achetés au marché du chef-lieu de canton ou auprès des éleveurs locaux. Plus tard, après 1945, un marchand de porcelets professionnel les proposera dans le village et fera des tournées automobiles dans le secteur. C’est le cas d’Emile Freyermuth appelé de Fèèrkel Emile
ou de Fèèrklé.




Emile Freyermuth


* 15/05/1913

+ 08/06/1985


Les porcs sont abondamment nourris pendant leur courte existence, pour qu’ils prennent rapidement du poids et fassent beaucoup de gras. Leur nourriture consiste en restes de repas, en l’eau de vaisselle journalière (Geschèrrwàsser) -La vaisselle est lavée sans produits détergents !-, en pommes de terre cuites, en petit lait (Bùddermìllìsch), en farines de céréales (Schroot) et en légumes (betteraves, potirons…).


Le tuage annuel du cochon obéit à un rite immuable où chaque acteur, père de famille, maîtresse de maison et boucher, a un rôle bien défini. C’est un moment convivial attendu par tous et il donne lieu à des repas spécifiques, comme l’estomac farci (Sòumaawe), les abats (Suurèsse) ou les boulettes de foie (Lèwwerknépple).

Pendant une ou deux semaines, une fois n’est pas coutume, la viande de cochon figurera tous les jours au menu, car il s’agit de consommer assez rapidement certaines parties du cochon qui ne seront pas conservées.

Les membres de la proche famille ou même les voisins ont droit à un morceau de viande, à charge pour eux de rendre la pareille plus tard, lorsque ce sera leur tour de tuer le cochon.

Même monsieur le curé, l’instituteur et les sœurs enseignantes ont droit eux aussi à leur morceau de viande.

Le matin du premier jour, le père de famille fait très tôt chauffer l’eau qui servira à ébouillanter le cochon et prépare le matériel nécessaire : l’auge rectangulaire en bois (de Mùùl), l’échelle (de Lèèder) et le jamberet (’s Hèèseholz).

Il fait sortir le cochon de la porcherie et le maintient au moyen d’une corde passée à une jambe, pendant que le boucher le tue d’un coup de hache, le tranchant vers le haut.

Une fois que le boucher a tranché la gorge, la maîtresse de maison intervient et recueille du sang dans une bassine, tout en le remuant avec une cuillère en bois, pour éviter la coagulation. Ce sang servira à la confection du boudin (Blùùtwùrscht).

Le cochon est ensuite placé dans l’auge en bois, arrosé d’eau bouillante, ni trop chaude, ni trop froide, il est tourné et retourné au moyen d’une chaîne et ses soies sont raclées avec un grattoir qui servira également à arracher les ongles. Le rasage des soies se termine au couteau de boucher.

L’échelle est ensuite passée sous le cochon, le jamberet est glissé sous les tendons des pattes arrières et attaché à un barreau de l’échelle. L’ensemble est alors soulevé et dressé contre un mur ou la porte charretière de la maison. Le cochon est maintenant éventré par le boucher qui éloigne immédiatement le cœur, les poumons, le foie, l’estomac et les intestins.

Ces derniers sont recueillis dans un panier garni d’une étoffe. Les abats sont suspendus à l’arrière de l’échelle, de même que la tête. Quelques seaux d’eau sont maintenant projetés sur le cochon pour le laver du sang résiduel.


Le cochon va rester ainsi suspendu à l’échelle, jusqu’au soir, pour que la viande refroidisse. Parfois on le recouvre d’un vieux drap pour protéger la viande des chiens et chats errants.

         

Les familles Lauer et Simon ont été les dernières au village à tuer le cochon.

On reconnaît la chaîne à poignées servant à retourner le cochon,
le grattoir, le fendoir et le jamberet.




L’après-midi est occupé à laver, racler avec une cuillère et nettoyer les boyaux et l’estomac. Ce travail minutieux et pénible est réservé à la maîtresse de maison qui l’effectue sur le rebord de la pierre à eau de la cuisine (de Wàsserschdèèn). Il s’agit surtout de ne pas trouer l’intestin grêle qui servira à la confection du boudin.

Le soir est réservé à la découpe de la viande. Le boucher est de retour et découpe les différents morceaux : poitrine, côtelettes, jambon…sans oublier de vider son verre d’eau-de-vie.

La cervelle (’s Hìrn) est dégustée le soir-même avec des œufs.
Les  morceaux à saler sont mis au saloir (de Sàlsbitt) et recouverts de sel ou de saumure. Plus tard, ils seront fumés dans le fumoir (de Rààchkàmmer).

Le second jour est dédié à la mise en bocaux de certains morceaux, à la confection du boudin (Blùùtwùrscht), du pâté enveloppé de la crépine (’s Nétz) et de la saucisse de campagne (Sèlbschtgemàchder).

Les morceaux de graisse sont chauffés dans une cocotte en fonte en vue d’obtenir du saindoux après refroidissement. Ce précieux saindoux est conservé dans des pots en grès et constitue la réserve de graisse pour toute l’année. Les grattons (Grìewe) sont mis de côté, ils serviront pour la confection du  boudin et la cuisson des pommes de terre.

 

 

Le lendemain est jour de ragoût (Suurèsse) et l’on déguste les abats : cœur, poumons, foie…
Le surlendemain est jour de choucroute garnie avec notamment des boulettes de foie.

Plus tard, la maîtresse de maison confectionnera encore du fromage de tête (Gàlerèi ou Schwinnekääs) avec des parties moins nobles du cochon sorties du saloir (les oreilles, le museau, les joues, la queue…).
Et puis l’on savourera aussi l’estomac farci (Duddelsàck ou Sòumaawe et Grùmbèrre-Wùrscht).

Le dicton dit que tout est bon dans le cochon, et que rien ne se perd. Même la vessie séchée et gonflée servait de ballon aux enfants. On pouvait aussi y enfermer quelques haricots secs et elle devenait, une fois séchée, un hochet pour le nourrisson.

La viande de lapin

Les lapins du clapier sont faciles à nourrir avec des produits du jardin, de l’herbe, des graines, du foin ou des betteraves. Chaque famille élève donc quelques lapins pour la consommation personnelle.

Les peaux de lapins, séchées, sont revendues pour quelques centimes à une personne qui en fait le ramassage dans les villages, ’s Réésel, une sorte de bohémienne venant périodiquement au village avec sa carriole tirée par un cheval malingre.

Les recettes à base de lapin
-    lapin mariné au vin rouge (ìnngebeizt)
-    lapin à la moutarde
-    lapin cuit à la cocotte

La viande de volailles

Les volailles, poules et canards, étaient également faciles à élever, d’autant plus qu’elles pouvaient s’égayer sur l’usoir et y rechercher leur nourriture.
Seuls les coqs en surnombre et les poules pondeuses réformées finissaient sur la table.

Les vieilles poules (Sùbbehìnkle) se consommaient cuites comme un pot-au-feu et accompagnées d’une soupe au riz avec des carottes (e Risssùpp).


8.    Les boissons

Elles sont avant tout économiques et peu diversifiées.

L’eau de la fontaine communale ou du puits privé est la boisson ordinaire servie à table, avec le lait caillé bien frais pris entre les repas ou au dîner.
Un seau d’eau trône toujours sur la pierre à eau ou sur le rebord de la fenêtre et une louche est mise à disposition de celui qui veut se désaltérer entre les repas.

Le café servi après le repas dans un grand bol qui fait le tour de la table est un mélange de café et de chicorée.

Les enfants apprécient le sirop préparé avec les fruits du jardin et la limonade maison préparée pour les repas festifs de mariage ou de communion.

Les pommes et les poires broyées, puis pressées, donnent un excellent jus de fruit consommé frais ou pasteurisé. On fabrique du cidre de pommes, mais aussi de poires (le poiré).

 
A table, les adultes boivent du cidre, du vin aux grandes occasions et parfois de la bière, lorsque les travaux agricoles en pointe finissent. Cette bière est achetée au restaurant local et rapportée à la maison dans un petit bidon à lait (Mìllìschblèsch).


La consommation de vin est rare,  localisée dans certaines familles un peu plus aisées et réservée chez la plupart des habitants aux fêtes familiales. Pour l’occasion, l’on commande un tonnelet de vin d’Algérie, livré par le chemin de fer. Ce vin doit ensuite être transvasé dans des bouteilles pour qu’il se conserve.

Les boissons fortement alcoolisées sont le vin de groseilles (Driiwelwinn), le vin de rhubarbe (Rhubattwinn) et surtout l’eau-de-vie (de Schnàps),
dont on fait une grande consommation tout au long de l’année et à la moindre occasion.


La bouteille de Schnaps est sortie au Nouvel An, lors des vœux, et à l’occasion de la venue d’un invité, aux repas de fêtes, aux enterrements, aux baptêmes et aux mariages. Le verre de gniole est servi systématiquement à toute personne adulte de sexe masculin accueilli dans une maison. Il est le signe de l’accueil réservé à l’ami comme à l’étranger, de la convivialité, il permet de faire plus facilement connaissance, d’engager davantage la conversation, voire de blaguer de façon plus débridée. Bref, le verre d’alcool offert joue un rôle éminemment social.

Dans la pharmacopée, l’eau-de-vie est aussi devenue une panacée universelle et elle sert à l’automédication systématique : pour une bonne digestion, contre le fait de suer, en cas d’infection dentaire, pour soigner les contusions, les entorses, les crampes, les lumbagos, les torticolis ou tout endroit douloureux du corps (en friction -ìnnriiwe ou en compresses -Ùmschlààch).

Pris le matin, le verre d’alcool réchauffe le corps et autorise un meilleur rendement journalier. Quelques gouttes rajoutées au biberon du nourrisson favorisent le sommeil et le frictionnement de ses gencives à l’alcool apaise la douleur lors de la poussée des dents.

En cas de refroidissement, un "brûlot", (Schnàps brènne), accélère la guérison.
On verse de l’alcool dans une assiette, on y place 2 ou 3 morceaux de sucre et on fait flamber. A l’extinction du feu, le liquide doit être bu très chaud.

Pendant les grands travaux champêtres de l’été, la soif est étanchée au moyen de café coupé avec de l’eau (Kàfféwàsser) ou d’eau du puits aromatisée avec un peu d’alcool et sucrée (Schnàpswàsser). Ces boissons sont emportées aux champs dans des bidons à lait. Si le bidon est vide, l’on peut toujours se ravitailler à une source, comme par exemple à Hutting.

Diverses liqueurs sont encore élaborées à base d’eau-de-vie, dans laquelle on fait macérer des fruits ou des plantes: coings, cassis, cerises, mûres, mirabelles, framboises, prunelles (Schlééwe), noix vertes, aspérule (Wàldmèèschder), bourgeons de sapins, pétales de roses, bouillon blanc
(Kùnggle)… et que l’on sucre. Ces liqueurs (sììser Schnàps) sont surtout réservées aux femmes.


De nombreuses plantes médicinales sont aussi utilisées dans les tisanes : queues de cerises (Kìrscheschiele), sauge, menthe (Pèffermìns), camomille (Kamìlle), fleurs de tilleul (Lìnneblììjde)…

9.    Les desserts



En général, le dessert n’est pas une composante du repas paysan. Le seul vrai dessert des repas festifs est le gâteau, le biscuit fourré et décoré de sucre glace ou de crème au beurre.

Les bouillies à la semoule (Grìesbrèi), au riz (Rissbrèi) et aux flocons d’avoine (Hàwwerfloggebrèi) peuvent se ranger dans les desserts, de même que les choux à la crème.

10.    Les sucreries

Les seules sucreries ou friandises étaient les caramels cuits avec un reste de crème. La glace était bien sûr inconnue, aucun ménage n’étant capable d’en fabriquer. L’épicerie locale (Maiébs Tilsche ou encore Schmétts Léné) offrait après guerre  des sucettes et des caramels Lolly à 1 centime pièce, présentés dans de grands bocaux sur le comptoir.



Maiébs Tilsche


Mathilde Laurent née Jansem

* 26/03/1902

+ 18012/1985


 Schmétts Léné

   Madeleine Lett née Jung


  * 15/02/1913
  + 30/10/1990



Les écoliers en profitaient souvent à la sortie des classes.


Une recette de bonbons (Hùùschdebonbons) contre la toux a encore été répertoriée dans le cahier de Louise.
De temps en temps, en été, pour marquer la fin de la fenaison, la famille avait droit à une glace en cornet achetée auprès du marchand de glaces ambulant qui venait le dimanche après-midi de Herbitzheim avec son triporteur (de Issmànn).

C.    Les menus


En général le menu de tous les repas ordinaires, à l’exception des repas festifs, est un menu unique, à un seul plat. Pas d’entrée, pas de dessert.

Le petit-déjeuner (’s Mòrje-Èsse) consiste pour les grandes personnes, surtout les hommes, en un grand bol de lait chaud, sucré, dans lequel on a mis à tremper de petits morceaux de pain, même rassis. On parle de innbrogge. La mère de famille et les enfants préféraient le café au lait et les tartines de beurre ou de confiture.

Le déjeuner (’s Mìddaa- Èsse) consiste en un plat de légumes, enrichi souvent d’une sauce à la crème et agrémenté parfois d’un morceau de viande ou de lard bien gras.
Si le repas débute par une soupe, il est suivi ensuite par un mets à base de farine (gaufres, crêpes) ou de pommes de terre (galettes). Dans ce cas il n’y a pas de viande.

Le goûter (’s vìer Uhr-Èsse) est surtout servi aux enfants qui reviennent de l’école. Il se compose invariablement d’un bol de café au lait (Mìllìsch-Kàffé) et d’une tartine (confiture, beurre, fromage blanc). Mais toute la famille, au retour des champs, peut aussi prendre le goûter avant de reprendre le travail (ramener les bêtes du parc, traire et changer la litière des animaux).

Le dîner (’s Nààcht-Èsse ou ’s Òòwed-Èsse) consiste invariablement en un plat de pommes de terre rôties dans une poêle (ìn de Pònn gebròòt) ou cuites à l’étuvée dans une grande cocotte en fonte ovale (gedämpt). L’accompagnement se résume à de la salade verte, en saison, à du lait (bouilli-gekochdi Mìllisch, cru-rohi Mìllìsch, caillé-dick Mìllìsch) ou à du fromage blanc (wisser Kääs).

Les repas de fêtes (communion- ’s Komjoons-Èsse, mariage- ’s Hochzitts-Èsse, fête patronale-’s Féscht-Èsse, fête du village-’s Kìrwe-Èsse) sont plus copieux et servis avec un dessert qui est le fameux biscuit (Bisquikùùche), cuit et décoré avec de la crème au beurre par la maîtresse de maison. Le plat principal est souvent le pot-au-feu avec son bouillon (Rìnnflèèschsùpp) et plus tard les bouchées à la reine garnies de viande de poulet (Paschdééde).

Les repas pris en dehors de la maison ne sont pas très fréquents et concernent souvent toute la famille. Ce sont des repas de midi pris lors de travaux qui s’étalent sur une journée, comme le repiquage de betteraves (Dickrìewe sétze) ou l’arrachage de pommes de terre (Grùmbèrre ussmàche) et qui se déroulent dans un endroit du ban éloigné du village (Hutting, par exemple).

Ces repas pris en plein-air étaient beaucoup plus fréquents lorsque la traction animale imposait des délais de route longs. Dans ce cas on perdait énormément de temps pour rentrer manger et il valait mieux se restaurer dans les champs, en s’installant sur la charrette. L’avènement de la traction mécanique a considérablement réduit les délais de route et les repas champêtres n’avaient alors plus de raisons d’être.

Le menu de ces repas se réduisait à du lard ou des tartines de beurre et de fromage blanc, accompagnés d’un verre de rouge pour les hommes.


                            
           

  Pause-repas pendant les travaux aux champs

En hiver, pendant le façonnage du bois de chauffage, le repas de midi était aussi souvent pris en forêt, autour d’un bon feu, pour le plus grand plaisir
des enfants accompagnateurs.

C’était l’occasion de savourer un bon morceau de lard grillé au bout d’une tige de noisetier, avec des pommes de terre cuites dans la cendre. Le dessert était immanquablement une pomme cuite également dans la cendre. Un verre d’eau-de-vie était réservé aux hommes.


Quand les enfants n’étaient pas de la partie, ils avaient droit, au retour des parents ou grands-parents, à un morceau de pain, souvent déjà un peu déséché, gardé spécialement pour eux et ramené à la maison : c’était le fameux Hààsebroot, le pain au lièvre, si délicieux et si mystérieux. Et chaque enfant avait droit à un petit morceau qu’il savourait.

Les ouvriers d’usine (faïencerie de Sarreguemines, cheminots, ouvriers du bâtiment) mangeaient à la gamelle sur leur lieu de travail. Le repas était cuit la veille et comportait souvent des légumes du jardin avec un morceau de lard ou de saucisse à cuire (Kochwùrscht).


D.    La cuisine


Tous les repas se préparent et se prennent d’ordinaire dans la cuisine de la maison (ìn de Kìsch), à l’exception des repas de fêtes servis dans la belle chambre donnant sur la rue, de Schdobb.

La principale source de chaleur est la bonne cuisinière blanche émaillée, fonctionnant avec du bois ou du charbon pour les ouvriers-mineurs et qui offre de nombreuses possibilités : le chauffage de la pièce, le séchage du linge, la cuisson des repas sur les plaques du dessus, la cuisson des pâtisseries dans le four, le chauffage de l’eau pour la vaisselle. (de Kìsche-Oowe)

Le feu ne s’éteint jamais en journée pendant la saison froide et on le fait durer pendant une absence de quelques heures avec des briquettes de lignite.

 

Maison des arts et traditions. Rouhling.


Les récipients servant à cuire ou à rôtir sont en fonte noire, en aluminium, ou encore en tôle émaillée.

 

On reconnaît entre autres une grande passoire et une gamelle





Cafetière, pot à lait et cruche à eau.

Les seules machines utilisées sont le hachoir à viande présent dans toutes les familles (qui sert aussi pour former les biscuits de Noël, les Spritz), la râpe à pommes de terre, le batteur mécanique, la baratte ou encore la centrifugeuse servant à écrémer le lait.

 


  Un récipient d’un litre servant à mesurer le lait après la traite,
un bol à manche destiné à puiser de l’eau et une râpe à fromage.
 




De gauche à droite, 2 hachoirs à main, un moulin à légumes,

un presse-purée, un fer à cannelés, 2 fourchettes et 2 batteurs mécaniques.

 
Conclusion

L’apparition de nouveaux produits, la disparition des petites exploitations agricoles et l’offre des supermarchés ont radicalement transformé nos habitudes alimentaires dans la seconde moitié du 20° siècle.
Les nouveaux ménages dont les deux conjoints travaillent ne peuvent plus ou ne veulent plus s’investir dans un potager. Leur jardin de légumes et leur verger se trouvent dans les rayons du supermarché. La diversité et l’exotisme des légumes et des fruits proposés, les plats cuisinés, les surgelés leur offrent d’innombrables possibilités de cuisiner.

La diététique les guide aussi dans leurs choix. La cuisine peu variée et " lourde " de grand-mère est bel et bien révolue. Mais les produits naturels qui étaient à la base de la cuisine traditionnelle sont malheureusement souvent remplacés par des produits industriels, peu goûteux et pas toujours très sains.


La maîtresse de maison, qui a délaissé sa cuisine pour le bureau ou l’usine, a vu sa fonction dévalorisée avec l’apparition du "prêt-à-manger" alimentaire servi dans la restauration collective et les plats cuisinés.

L’alimentation moderne standartisée et à l’image du modèle nord-américain des fastfoods envahit insidieusement nos foyers. Ce mode alimentaire n’est pas très sain non plus et l’Organisation Mondiale de la Santé dénonce depuis 1997 les 3 fléaux qui nous guettent : l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires. Rien de nouveau sur la planète !

Mais contrairement à nos ancêtres qui subissaient leur sort et ne savaient pas mieux, nous sommes informés par les médias et pouvons réagir.

Nous qui habitons à la campagne, qui avons l’avantage de pouvoir cultiver un potager et de soigner un verger, nous pouvons encore très souvent lutter localement et individuellement contre cette uniformisation alimentaire et honorer les excellents mets de la cuisine paysanne traditionnelle.
La cuisine paysanne traditionnelle fait partie de notre patrimoine, elle est un fait culturel qu’il faut préserver.


Heureusement, les traditions culinaires et gastronomiques de nos aïeux ne se perdent pas complètement dans nos villages et des associations mettent souvent à l’honneur certains plats pour un large public. Citons pêle-mêle le Knébbel-Féscht de Waldhambach, le Grùmbèrre-Féscht de Diemeringen et de Woelfling, le Zìwwel-Féscht d’Oermingen, le Schlèggel-Féscht d’Ormersviller, le Schlàcht-Féscht de Rimling, le Schbutznudel-Féscht de Rahling…

Des restaurateurs organisent également des journées à thème, sur les cochonnailles par exemple ou proposent certains plats traditionnels sur leur carte (galettes de pommes de terre, quenelles…). Des traiteurs remettent à l’honneur certaines préparations…

Si un renouveau se fait sentir et si la cuisine traditionnelle se maintient quelque peu dans nos villages, c’est malheureusement le savoir-faire qui se perd chez les jeunes, par manque de pratique évident. Et les quelques plats traditionnels que l’on peut acquérir au supermarché ne sont que des plats industriels qui manquent souvent de saveur, de bien pâles imitations des plats goûteux de nos grands-mères.

Pour illustrer et compléter ce dossier, les principales recettes traditionnelles sont explicitées dans un dossier complémentaire, accessible en cliquant sur ce lien.



Gérard Kuffler.
Décembre 2016