Insigne de la 44e Division d'Infanterie.
La 44e Division d'Infanterie est activée le 15 septembre
1940 à partir d'unités de la Garde Nationale du
New Jersey et de l'état de New York. Elle débarque
à Cherbourg en Normandie le 15 septembre 1944 et est incorporée
à la 7e armée du Général Patch. Le
baptême du feu se fait à l'est de Lunéville
le 18 octobre 1944. En décembre, rodée au combat,
la division atteint la ligne Maginot et prend l'ouvrage du Simserhof
près de Bitche.
Le 16 décembre, coup de théâtre, les Allemands
déclenchent l'offensive des Ardennes. Peu après
la 3e Armée du Général Patton évacue
le front de Lorraine, prend la direction du Luxembourg afin de
renforcer les forces engagées dans ce secteur.
La 7e Armée du Général Patch relève
la 3e Armée le 20 décembre 1944 comme suit : La
100e Division du Général Burress a en charge le
secteur entre Bitche et Rimling, la 44e Division du Général
Dean tient le secteur entre Rimling et Sarreguemines et la 103e
Division a la responsabilité du flanc gauche en direction
de Sarrebruck.
Le poste de commandement divisionnaire de la 44e est installé
le 22 décembre 1944 à Siltzheim, puis transféré
à Herbitzheim (Bas Rhin) le 24 décembre où
il reste jusque mars 1945. Le Brigadier Général
William F Dean prend le commandement de la division le 29 décembre
1944.
En 1944, une division d'infanterie a un effectif d'environ 14000
hommes et est composée de 3 régiments. Pour la 44e,
ce sont le 71e Régiment d'Infanterie, le 114e et le 324e.
Un régiment a un effectif de 3200 hommes. Des unités
de soutien dépendant de la division sont assignées
aux régiments : bataillon d'artillerie, de génie,
de reconnaissance, bataillon médical. Il y a aussi les
" special troops " regroupant une compagnie de transmission,
d'intendance, de matériel, la police militaire et l'orchestre
divisionnaire.
Les premiers éléments de la 44e Division arrivent
dans le secteur Kalhausen, Achen, Woelfling, Gros Réderching
le 23 décembre 1944. Les premiers graffitis relevés
à l'école de Kalhausen datent du 23 décembre
1944.
Les GI's basés à Kalhausen font partie des services
du quartier général de la 44e division: police militaire,
musiciens de l'orchestre, services médicaux
1945. Un policier militaire règle la circulation, il est
posté en face du pont à Wittring.
La police militaire.
Anthony Hasnik est membre de l'unité de police militaire
dépendant de la 44e Division. Originaire de Trenton dans
le New Jersey, c'est un Américain d'origine polonaise.
Le détachement est logé à l'étage
chez les Thinnes.
A partir de juillet 1943, la section de police militaire au niveau
divisionnaire est organisée de manière suivante
: elle est commandée par un first Lieutenant, ayant pour
adjoint un second Lieutenant. Les effectifs sont de 70 hommes
dont 14 sous officiers, 24 private first class (1ere classe) et
30 private (2e classe). Leur dotation en véhicules est
de 15 jeeps et de 3 camionnettes Dodge.
Les missions dévolues à la police militaire sont
: assurer le maintien de l'ordre, faire appliquer les règlements
militaires, rechercher et arrêter les déserteurs
et criminels, escorter et garder les prisonniers de guerre, garder
et protéger les postes de commandement et contrôler
le trafic routier. Ils sont peu appréciés par les
GI et sont très service-service.
Marcel Thinnes nous conte la mésaventure arrivée
à son père Florian en mars 1945.
" Fin mars 1945, les habitants des villages de Bliesbruck
Woelfling, Wiesviller…, réfugiés à Kalhausen,
aspiraient à rentrer chez eux, l'offensive américaine
vers l'Allemagne avait repris. Mon père avait un laissez-passer
délivré par les autorités américaines
lui permettant de circuler sur certains axes. Le couvre feu était
en vigueur, interdiction de circuler avant 8 heures du matin.
Un jour, avec son attelage de chevaux et sa calèche, il
partit plus tôt, bien mal lui prit, il fut contrôlé,
la réaction de la police militaire ne se fit pas attendre.
Ils vinrent le chercher à la maison et il fut assigné
à résidence à la prison de Sarreguemines
une huitaine de jours pour violation de couvre- feu. Bien que
le détachement de police militaire logeait chez nous, il
n'y eut pas de pardon. "
L'orchestre de la 44e.
Norman Sataloff, né
en 1916 est un des musiciens de l'orchestre de la 44e.
La " band " (orchestre)
de la 44e Division est formée en aout 1943 à Fort
Lewis, Washington par la réunification des orchestres du
71e et du 114e Régiment. 56 hommes font partie de cet orchestre.
Sur le théâtre des opérations en Europe, d'autres
taches leur sont assignées. Ainsi 8 hommes sont affectés
aux compagnies de sépulture de la 7e Armée, chargés
d'identifier et d'enregistrer les soldats américains tués.
La plupart des musiciens sont affectés à des tâches
de garde, notamment la protection des postes de commandement,
d'autres musiciens deviennent chauffeurs. Deux autres, associés
à 3 hommes du bataillon de génie s'occupent de la
maintenance électrique du poste de commandement divisionnaire.
Achille Guinebert, âgé de 6 ans se blesse en utilisant
une porte de camion GMC en guise de luge.
" Cet hiver 1944-1945 fut particulièrement froid,
il fallait briser la glace au niveau des caniveaux. Avec ma luge,
j'ai malencontreusement tapé dans un bloc de glace et je
me suis cassé la jambe, occasionnant une fracture ouverte.
Un médecin américain m'a soigné, je n'eus
aucune séquelle. Le plus cocasse dans l'histoire fut l'ordonnance
faite par le médecin : du cacao, du lait en poudre, des
œufs en poudre, à percevoir à l'intendance
américaine … "
Pendant les difficiles journées de janvier 1945, lors de la contre-attaque allemande, nos musiciens ont pour mission de garder les ponts de la Sarre et de faire des patrouilles afin de contrer les éventuelles tentatives d'infiltrations allemandes.
La finalité d'un orchestre
est de jouer de la musique, deux formations musicales sont crées.
Le maintien du moral des troupes est important. Près de
Siltzheim existe une " rest and recreation "(zone de
repos) . Une installation sanitaire avec des douches y fonctionne,
des films sont projetés, des concerts sont organisés
et des artistes se produisent. C'est ainsi que nos musiciens jouent
pour Marlène Dietrich.
Annie Starck de Siltzheim 17 ans à l'époque et son
amie ont entendu parler d'une représentation de Marlène
Dietrich pour les Américains. Avec beaucoup d'appréhension,
elles décident d'assister à ce concert, ce furent
les seuls habitants du village à y aller.
Ray Lauinger, à gauche en 1941, à
droite en 2007, à 90 ans. Il fut un des musiciens de l'orchestre
de la 44e. Il a passé une partie de l'hiver 1944-1945 à
Kalhausen.
Ray Lauinger a gravé son nom et son instrument
de musique sur les murs de l'école de Kalhausen.
(Photo Star Ledger)
L'orchestre de la 44e joue
à Hambach pour le 324e Régiment d'Infanterie.
A noter que Marlène Dietrich fut nommée membre honoraire
du 71e Régiment d'Infanterie.
La vie quotidienne.
Janvier 1945. Kalhausen. Un soldat américain inconnu
en compagnie de Marie Louise Freyermuth et André Freyermuth.
(collection privée)
La
cohabitation avec les militaires américains engendre parfois
des situations cocasses.
C'est ainsi que quelques GI cantonnés chez les Pefferkorn
à la "Shùlgàss " entreprennent
la fabrication d'un dessert glacé. Joseph Pefferkorn raconte
: " Un beau jour, vers la fin janvier ils viennent chez ma
mère en disant dans un allemand hésitant : dann
wir wollen icecream machen. (Nous allons fabriquer de la glace).
Nous étions étonnés. Ils lui demandèrent
du lait et je les vis faire un mélange de lait, de cacao
et de neige ramassée à l'extérieur, ça
n'avait pas l'air très appétissant, nous avons goûté
sans enthousiasme. Eux ont mangé cette mixture. Le soir
venu, après que tout le monde fut au lit, nous les entendîmes
dévaler quatre à quatre les escaliers pour se soulager
les intestins à l'extérieur, leurs estomacs n'avaient
pas supporté ce dessert original. Nous en rions encore
aujourd'hui. "
Autre anecdote peut être moins drôle.
L'hiver 1944-1945 est un des hivers les plus froids de la décennie,
le thermomètre descend à -15,-17 certains jours
de janvier 1945. Dans toutes les armées du monde le simple
fantassin compte parmi les moins bien lotis, il faut se débrouiller.
Joseph Pefferkorn raconte : " Trois Américains se
présentent chez nous en demandant à mon père
s'il avait un fourneau à leur donner, il leur répondit
que non, qu'il l'avait promis à d'autres militaires. En
réalité nous avions un poêle émaillé
tout neuf, il n'avait jamais servi. Mon père se dit qu'en
le donnant, il ne le reverrait jamais ou serait abimé.
Une autre équipe vint et découvrit le poêle.
C'est sous la menace des armes qu'il dut le laisser. Je le vis
blêmir. Nos gaillards n'allèrent pas loin avec leur
butin, dans la cour de l'école ils rencontrèrent
la première équipe qui les vit sortir de chez nous
avec l'objet convoité. Une négociation s'en suivit.
Evidemment nous ne comprîmes pas leur conciliabule. Toujours
est-il que la première équipe récupéra
le fourneau et l'installa chez nous à l'étage. Narquois
l'Américain dit à mon père à l'intention
de l'équipe qui repartit bredouille : Sagen sie ihnen
einen schönen Gruss. (Passez-leur le bonjour). "
La 44e quitte la région le 25 mars 1945 et entre en Allemagne,
l'offensive alliée avait repris le 15 mars. A Kalhausen,
l'impression mitigée laissée par les libérateurs
du 6 décembre 1944 (voir Kalhausen à l'heure américaine)
est estompée par le comportement des GI de la 44e Division.
Il y eut une bonne entente avec la population, dans l'ensemble
la cohabitation se passa bien. Malheureusement du fait surtout
de la barrière linguistique, on peut regretter l'absence
de liens tissés avec ces soldats venus de si loin.
Bernard Zins. Avril 2008.
Sources et bibliographie.
SANNER (Richard L), Combat Medic Memoirs, Rennas Productions,
Clemson USA, 1995.
ENJAMES (Henri-Paul), Government Issue, Histoires et Collections,
Paris, 2003.
Témoignages divers et documents personnels