Opération_Nordwind
Opération Nordwind à Achen et Gros-Réderching
Bernard ZINS
(Paru en 2015 dans la revue de la Shal, section de Bitche)
En 1945, Nordwind est la dernière
offensive allemande sur le territoire français. En Moselle-Est, les
opérations militaires s'essoufflent au bout de quelques jours, mais
pour beaucoup de soldats américains inexpérimentés, débarqués depuis
peu en Europe, ce sera un baptême du feu terrible.
Des éléments de la
2e Division Blindée du général Leclerc, engagés à leurs côtés, vont
être confrontés à un adversaire très déterminé. A l'issue des
engagements, un spectacle de désolation s'offre aux yeux des habitants
des villages touchés par les combats: maisons soufflées par les
explosions, cheptel décimé...
Le contexte général.
Le 16 décembre 1944, à 5h30 du
matin, Hitler déclenche l’opération Wacht am Rhein, plus connue sous le
nom de Bataille des Ardennes. L’objectif est de reprendre le port
d’Anvers par lequel transitent la majorité des approvisionnements
destinés aux armées alliées.
Considéré comme calme, destiné à
l'entraînement et au repos des troupes, le secteur des Ardennes est
défendu par des forces dérisoires : quatre divisions d'infanterie. De
gros moyens sont mis en œuvre par les Allemands : 10 divisions
blindées, 200 000 hommes prennent part à l’assaut. A ce moment,
l'effort allié se situe dans la Ruhr et dans la région de la Sarre.
Devant l’urgence de la situation,
les forces du général Patton engagées en Sarre stoppent leurs
opérations et volent au secours des unités engagées dans les Ardennes.
A partir du 19 décembre, la 3e armée américaine fait un virage de 90°
et se dirige vers le Luxembourg. La portion de territoire allemand
conquise ainsi que les villages lorrains libérés sont abandonnés et un
no man’s land se crée, vite réoccupé par les Allemands.
Général Patton
(photo internet)
En fin d'après-midi du 24 décembre,
les premiers réfugiés en provenance de Bliesbruck arrivent à Kalhausen
dans le sillage d’une colonne américaine. La population ne comprend pas
pourquoi les Américains reculent et les abandonnent! Ces convois de
blindés et de véhicules de la 87th Infantry Division, entrés en Sarre
quelques jours plus tôt, se dirigent vers un point de rassemblement
situé à Munster (Moselle). La prochaine étape est Reims; leur objectif
est la ville de Bastogne encerclée par les forces du maréchal von
Rundstedt.
Maréchal von Rundstedt
(photo internet)
La 7e armée du général Patch prend
la relève des troupes envoyées vers le nord. Les lignes du nouveau
front sont très étirées (135 km). La 44th Infantry, Division, commandée
par le général Dean, arrive dans le secteur vers le 20-21 décembre et
s’installe en position défensive. Le secteur tenu par l’unité s’étend
le long de la Blies jusqu’à Bliesbruck, suit la ligne de chemin de fer,
passe devant Niedergailbach, Obergailbach, Guiderkirch. La Century
Division flanque la 44th sur sa droite vers Bitche, tandis que la 103rd
est déployée à l’ouest de Sarreguemines. Un plan de retrait est prévu
en cas d’offensive ennemie majeure.
Général Patch
(photo internet)
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Général Dean
(photo internet)
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Vers le 22 décembre 1944, Hitler se
rend compte que l’offensive en Belgique n’aboutit pas et commence à
planifier l’opération Nordwind. L’objectif est de détruire la 7e armée
américaine en la prenant en tenaille. Une attaque doit percer le front
dans le secteur de la Ligne Maginot, entre Sarreguemines et Rimling,
une autre attaque a pour objectif le débouché des vallées de Wingen et
Niederbronn.
D’autres forces allemandes doivent traverser le Rhin au
nord de Strasbourg et celles de la poche de Colmar établir la jonction
avec les troupes engagées dans le secteur Nord, ainsi l’Alsace serait à
nouveau allemande et le drapeau à croix gammée flotterait à nouveau sur
la cathédrale de Strasbourg.
Le 25 décembre 1944, le plan est
approuvé par Hitler. Une série de réunions avec les officiers généraux
a lieu le 28 décembre. Finalement dans la soirée, le groupe est conduit
au quartier général à l’Adlerhorst dans le Taunus (Land de Hesse) où
Hitler tient une conférence.
L’accent est mis sur l’importance de cette
offensive pour la poursuite de la guerre. Des promesses relatives à
l’attribution de moyens aux unités concernées par l’opération sont
faites. Pour donner le maximum de chances à la réussite de l'opération
et bénéficier de l'effet de surprise, le Generaloberst Blaskowitz,
commandant en chef de l'Heeresgruppe G (groupe d'armées G), interdit
toute reconnaissance des zones d'attaque. Les communications radio sont
bannies, les ordres doivent être écrits et transmis par messagers.
Seuls les officiers généraux, les commandants de division et leurs
aides connaissent les détails du plan.
Generaloberst Blaskowitz
(Photo internet)
Dès le 26 décembre, malgré les
précautions allemandes, le service G2 (service de renseignements) de la
7e armée américaine soupçonne l’imminence d’une offensive. Le 27
décembre, le général Eisenhower annule les ordres pour la réduction de
la poche de Colmar. Aussitôt, la 2e DB (Division Blindée
du Général
Leclerc) est mise à disposition de la 7e Armée du général Patch.
Général Eisenhower
(Photo internet)
Général Leclerc
(Photo internet)
Des
photos aériennes mettent en évidence la préparation de positions
d'artillerie dans le secteur de Bitche, des patrouilles relèvent des
concentrations de troupes inhabituelles... Quarante-huit heures avant
le début de l'offensive, le service G2 de la 7e Armée déclare qu'une
attaque serait imminente dans le secteur de Bitche-Sarreguemines.
En cas d’une attaque massive
allemande, un plan de repli stratégique est prévu par les Alliés en
direction des Vosges. Il concerne la 7e Armée de Patch et la Première
Armée Française. Le 1er janvier 1945, l’ordre est donné et doit être
effectif le 5 janvier 1945. De Gaulle réagit promptement : hors de
question d’abandonner Strasbourg et l’Alsace.
Le 3 janvier a lieu une conférence
au sommet entre de Gaulle, Eisenhower et Churchill. Au moment de la
conférence, les Allemands sont arrêtés à Achen et la situation
militaire dans les Ardennes s’améliore. A Wingen-sur-Moder où est
engagée la 6. SS Gebirgs Division Nord, unité très expérimentée qui a
combattu en Carélie sur le front de l'Est, la situation est devenue
précaire pour les Américains. Eisenhower se range toutefois à l’avis
émis par de Gaulle et fait suspendre le mouvement de retrait.
Préparatifs et ordres allemands pour l’opération Nordwind dans la région de Sarreguemines
L’attaque est prévue le 31 décembre
1944, à 23 heures. Les instructions pour la mission Achen, "Aufgabe
Achen" (nom que donneront les Allemands plus tard à Nordwind au
niveau local) sont données le 29 décembre. Le XIII SS Infanterie Korps
doit pousser vers Rohrbach. Les missions des unités sont les suivantes :
- La 19. Volksgrenadierdivision
attaquera entre Habkirchen et Bliesbruck, traversera la Blies, tiendra
le secteur des fermes du Viesing et poussera jusque Zetting.
- La 36. Volksgrenadierdivision
attaquera, en direction d’Achen, les forts de la Ligne Maginot et
continuera vers le Sud. L’objectif est d’être maître de la Ligne
Maginot le 1er janvier au matin.
- La 17. SS Panzergrenadierdivision
Götz Von Berlichingen percera les lignes alliées à l’Ouest d’Erching,
traversera la Ligne Maginot, puis, avec l’aide d’un groupe blindé,
avancera vers Diemeringen et Drulingen.
Arrivée des renforts américains et du détachement de la 2e DB.
Insigne de la 2e Division Blindée
(Photo internet)
Des renforts américains issus de la
63rd Infantry Division, les 253rd Infantry Regiment et 255th Infantry
Regiment sous l'appellation de Task Force Harris, sont acheminés dans
la nuit du 31 au 1er janvier 1945 depuis Haguenau en Alsace vers les
secteurs de Hambach, Siltzheim, Wittring et Achen. Les soldats de ces
régiments, rattachées au XV Corps, récemment arrivés en Europe, sont
inexpérimentés et mal entraînés; ils n'ont jamais connu le combat.
Le matériel lourd est encore aux
Etats-Unis. Un certain nombre de ces hommes proviennent d'unités
antiaériennes dissoutes, de l'Army Specialized Training Program
(programme destiné à fournir des ingénieurs et des techniciens pour
l'armée US) dont les effectifs ont été réduits... Ces unités doivent
stopper les Allemands au cas où les premières lignes américaines
seraient enfoncées. Une grande confusion règne lors de la recherche et
de l'installation des positions de combat. Le terrain n'est pas
familier, le sol gelé ne permet pas de creuser des positions de combat.
Achen, janvier 1945.
Ces soldats américains, issus de régiments de la 63rd Infantry Division récemment
débarquée en Europe, vont connaître le baptême du feu lors de l'opération Nordwind.
(Collection 63rd Div assn historian)
Mis en alerte le 29 décembre 1944,
le GTL (Groupement Tactique Langlade), formé de différentes unités de
la 2e Division Blindée du général Leclerc, prend position le 2 janvier
dans des localités de l’Alsace Bossue et dans quelques villages du pays
de Bitche. Un détachement conduit par le capitaine Fonde du 2e RMT
(Régiment de Marche du Tchad) quitte Bourgheim en Alsace, le 30
décembre 1944, à 13 heures. La colonne traverse Molsheim, Saverne,
Phalsbourg, puis est dirigée sur Mittelbronn, sans connaître sa mission.
Une halte est faite à Baerendorf,
dans le Bas-Rhin. Beaucoup de soldats français sont frappés par le
contraste existant entre les villages alsaciens relativement opulents
et les villages lorrains plus modestes. La population de ces derniers
semble plus réservée à leur égard. Ce sentiment ne les quittera pas
durant leur court séjour en Moselle-Est.
La mission du GTL est de stopper
toute infiltration ennemie sur la ligne Wittring, Achen, Bining. Le 2
janvier au matin, le sous-groupement Minjonnet, dont fait partie
Fonde, reçoit ses ordres : rejoindre Kalhausen, Oermingen, Dehlingen
par Wolfskirchen et Sarre-Union. Il fait très froid ( -17°), certains
half-tracks (véhicules semi-chenillés) ne démarrent pas; de l’eau
contenue dans l’essence a gelé dans les canalisations. Des lampes à
souder sont utilisées pour dégeler. Instruction est donnée de maintenir
les moteurs chauds en les faisant tourner à intervalle régulier de jour
comme de nuit.
A Postroff, le sous-lieutenant de
Miscault, commandant un peloton de chars du 4e escadron du 12e RCA
(Régiment de Chasseurs d’Afrique), est lui aussi confronté aux rigueurs
climatiques. Parmi les cinq chars Sherman sous ses ordres, deux sont du
modèle M4A3, équipés d’un moteur à essence Ford V8 de 500 CV, tandis
que les trois autres sont des M4A2 équipés de moteurs diesel.
A l’origine, seuls la 2e DB,
l’Armée Rouge et les Marines américains dans le Pacifique sont équipés
de ce modèle de char, fonctionnant avec du carburant diesel. Pour
remplacer les matériels perdus, la 2e DB perçoit les mêmes modèles de
chars que les divisions blindées américaines en Europe, équipés de
moteurs à essence.
Dans les unités, le panachage d'engins utilisant
deux sortes de carburant va poser de gros problèmes de maintenance.
Lors d’une révision par manque de pièces détachées, les réchauffeurs
sur les chars équipés diesel du peloton n’ont pas pu été remontés. Pour
démarrer ces engins par temps froid, le sous-lieutenant de Miscaut n'a
qu'une solution : les démarrer en les tirant avec les chars Sherman
équipés de moteurs à essence. Etre débrouillard et savoir improviser
sont des qualités essentielles dans les unités de la 2e DB.
L’attaque allemande.
En alerte depuis le 29 décembre,
les Américains ont retiré leurs avant-postes et organisé des
patrouilles. L’attaque débute le 31 décembre 1944, vers 23 heures.
L'objectif initial du XIII SS Infanterie Korps est la prise de Rohrbach
et l'ouverture d'un passage suffisant pour permettre le déploiement de
la 21. Panzer-Division et la 25. Panzer-Grenadier Division vers la
Plaine d’Alsace.
Aucune préparation d’artillerie n'a lieu, mais très
vite les Allemands se rendent compte que l’effet de surprise escompté
n’a pas lieu. Le commandant en chef de la 7ème armée américaine, le
général Alexander Patch, s'est rendu le soir même à Fénétrange, au
poste de commandement du XV Corps (44th Infantry Division, Century
Division, 103rd Infantry Division) et a ordonné aux commandants de
faire annuler toutes les festivités, car cette nuit une attaque
allemande est attendue.
Cette inscription paraphée par trois soldats américains de la
44th Infantry Division a été apposée le soir même du déclenchement
de l'opération Nordwind sur un mur de l'école de Kalhausen.
Les troupes américaines de la 44th
et de la Century situées en première ligne se battent avec acharnement,
mais cèdent du terrain sous la pression ennemie. La bataille fait rage
sur les hauteurs d’Obergailbach et autour des fermes de Morainville et
de Brandelfing.
Pour enrayer l’avance allemande, l’artillerie
américaine effectue des tirs de barrage qui se révèlent très efficaces.
De l'infanterie soutenue par des chars Sherman bloque l'avance
allemande au sud du bois de Bliesbruck. Un régiment de la Century
Division contient la poussée ennemie à l'ouest de Rimling.
Alors que la bataille est engagée,
un calme trompeur règne à Achen. Dans une lettre datée du 2 janvier,
Philipp L Baker, un lieutenant américain du 255th Infantry Regiment,
âgé de 23 ans, exprime son ressenti à Achen: « J’ai passé le premier
jour de l’an dans un village français en partie démoli. La messe avait
été célébrée, les gens sortaient de l’église. Ils avaient l’air
pathétiques en descendant la rue encombrée de matériel militaire,
jeeps, camions, chars, canons et de soldats américains. Leurs habits
étaient vieux, mais en bon état. La silhouette de leur église en partie
détruite se découpait dans le ciel hivernal. J’avais le son de leurs
chants en tête, s’en dégageait une impression de tragédie et d’espoir
qu’il sera difficile d’oublier ». C’est la dernière lettre écrite par
cet officier tué le lendemain à Achen.
Un sous-officier et quelques hommes
du 1er Régiment de Marche des Spahis Marocains, l’unité de
reconnaissance de la 2e DB, sont détachés à Achen pour faire la liaison
avec les troupes américaines. En soirée, à l’issue de la patrouille
vers Woelfling, ils rapportent aux civils que tout est calme et qu’il
ne faut pas s'inquiéter. Toutefois, l’incertitude sur l’issue des
combats donne lieu à des mouvements de panique. A Schmittviller, le
chauffeur d’un camion GMC benne son chargement composé de
ravitaillement dans la rue et prend le large.
Insigne 1er régiment de spahis marocains
(Photo internet)
Dans la nuit du 2 au 3 janvier, les
lignes américaines sont percées. Les forces allemandes atteignent la
voie ferrée Sarreguemines-Bitche. La route nationale 410 est coupée.
Gros-Réderching est à nouveau occupé. La situation est très confuse.
Dans la matinée, c’est au tour d’Achen d’être investi par la
Stossgruppe Kaiser, composée d’éléments du 38. SS Panzergrenadier
Regiment et d’éléments de la 17. SS Panzer Abteilung. Le 2
janvier, un peu avant minuit, le groupement Kaiser estimé à 150 hommes,
soutenu par trois blindés Sturmgeschütz s’avance venant de
Gros-Réderching en direction d’ Achen, par la vallée du ruisseau
d’Achen.
Le 3 janvier vers 4h30, la lisière
Nord d’Achen est atteinte. Surpris par la soudaineté de l'incursion
allemande, les occupants du blockhaus de la ligne Maginot près de la
route de Wiesviller n'ont pas le temps de réagir et sont capturés. Vers
9h, Achen insuffisamment défendu est entre les mains allemandes.
L'avancée allemande à la date du 3 janvier 1945
(Infographie Alain Behr)
Comme dans les villages
environnants, de nombreux déserteurs et réfractaires à l’armée
allemande sont cachés dans les fenils et greniers. Charles Rimlinger de
Kalhausen, caché chez Petri à Achen, raconte :
« Le 3 janvier très tôt,
je trayais l’unique vache qui nous restait, les autorités allemandes
ayant réquisitionné le cheptel. Il y avait des bruits inhabituels. Dans
l’obscurité, je vis des fusées de signalisation. Ayant été soldat
allemand, je compris tout de suite. Ils étaient de retour.
J’enfourchais mon vélo, mais dans le village, je fus arrêté par des
soldats américains. Ils n’avaient pas compris ce qui se passait ; après
quelques palabres, ils me laissèrent repartir. Je repris mon vélo. Près
du pont, j’entendis les balles siffler et je partis en direction
de Kalhausen. Un camion GMC venant de la petite route d’Etting
s’encastra dans la maison d’en face. Le chauffeur fut tué. D’autres
rafales de mitrailleuses claquaient, je vis les impacts de balles non
loin de moi, me jetai dans le fossé et traînai mon vélo comme je pus.
Au Val d’Achen, je réveillai les gens, ils n’avaient pas pris
conscience des évènements. Arrivé à Kalhausen, depuis les hauteurs, je
vis les maisons d' Achen en feu. »
Réveillés par la famille Jung, les
Spahis qui ont patrouillé la veille en direction de Woelfling, quittent
précipitamment le village et rejoignent in extremis le détachement du
GTL à Kalhausen. Peu après, un convoi de véhicules américains cherche à
évacuer Achen. Deux camions avec leurs remorques, chargés d’explosifs
et de munitions de la antitank company du 255th Infantry Regiment, sont
stoppés par un char allemand au croisement de l’actuelle rue du Haut
Poirier et de la rue de Wiesviller.
Le "Sturmgeschütz" ouvre le feu et
incendie un véhicule. Depuis l'étage d'une maison voisine, un soldat
américain met le tank en joue avec un bazooka, mais l'engin antichar ne
fonctionne pas. A cause du froid, la pile électrique nécessaire à la
mise à feu est déficiente. Dans un grand fracas, les munitions
explosent et soufflent tout le quartier. Par chance, il n’y a qu’un
blessé à déplorer parmi la population civile réfugiée dans les caves.
Les chauffeurs des camions, légèrement blessés, ont pu quitter les
véhicules et se mettre à l’abri.
A droite, une vue des dégâts occasionnés à Achen au matin du 3 janvier 1945 par les tirs d’artillerie et l’explosion
de 2 camions américains chargés de torpilles Bangalore, de munitions et de mines. A gauche, une photo du même pâté de maisons,
datant d'avant-guerre. Ces bâtiments étaient situés face au croisement de l'actuelle rue du Haut-Poirier et de la rue de Wiesviller.
(Collection privée et Ecpad)
Les deux bataillons du 255th
Infantry Regiment de la Task Force Harris rejetés d'Achen, prennent
position de part et d’autre de la petite route reliant Achen à
Gros-Réderching qui est l’unique voie de communication vers l’arrière
pour les Allemands.
Ces unités se regroupent vers 9h45 entre Singling
et le ruisseau d’Achen, protégées par l'artillerie tirant sur Achen
depuis Oermingen. Les Américains se réorganisent et vers midi, la
souricière se referme sur les Allemands. Coupés de leur ravitaillement
et de leurs renforts, ils n’ont pas les moyens de poursuivre leur
avancée.
Les blindés français du 4e escadron
du 12e RCA, en alerte à Oermingen, se dirigent sur Kalhausen. Ordre
leur est donné de bloquer toutes les voies de communication. Un peloton
de chars est positionné sur les hauteurs d'Etting, d’autres chars
surveillent la coulée entre Etting et Schmittviller. Des renforts sont
acheminés à Oermingen. Vers 9 heures, le sous-groupement Minjonnet
reçoit l’ordre de contre-attaquer et de nettoyer Achen. Il est aussitôt
annulé, en raison de la confusion possible entre troupes amies et
ennemies à cet instant. Quelques Allemands montent jusqu’au cimetière
d'Etting. Arrêtés par les chars français, ils refluent. Un blindé
allemand fait une reconnaissance jusqu’à la Oligmühle, puis fait
demi-tour. Les fantassins de la compagnie du capitaine Fonde reçoivent
l’ordre de s’installer sur les crêtes dominant le village de Kalhausen.
Le sol est gelé, impossible de creuser des trous. Depuis peu, un
contingent de jeunes recrues inexpérimentées a rejoint la compagnie.
Connaissant la réputation de l'adversaire, l'encadrement ne cache pas
son inquiétude. De loin, ils voient les premiers villageois d'Achen
fuir la zone des combats.
Le Bigorre est le char de
l’aspirant Catala. On retrouve souvent cette photo dans les ouvrages
relatant l’épopée de la 2e DB, ceci sans explications ou fantaisistes.
Cette photo a été prise au "Làngenéckerkritz", au niveau du croisement
Kalhausen, Oermingen, Schmittviller, Ritterstròss bien après la fin des
combats.
Le char s’engage sur le chemin de terre en direction d’Etting.
Il est du type Sherman M4A2, avec un canon de 75 mm, équipé d’un
jumelage de moteurs diesel développant une puissance de 410 cv. Ce
modèle n’est pas utilisé par l’armée américaine en Europe. (Ecpad)
Achen est repris
Vers 11h30, de nouvelles
instructions sont transmises aux Français. L’ordre est donné de prêter
main-forte aux Américains, la 1ère section du lieutenant Salbaing de
la 7e compagnie ainsi que 2 pelotons de chars du 4e escadron sont
désignés.
Michel de Miscault, chef de
peloton, raconte : « Le 3 janvier au matin, nous vîmes un petit
détachement US, automitrailleuses M8 et quelques véhicules à roues
traverser à vive allure Kalhausen vers l’Est. Le peloton Dufour fut
envoyé en observation sur la crête qui nous séparait du village
d’Achen. Vers 12 heures, je reçus l’ordre d’aider le commandant d’un
bataillon US à reprendre le village d’Achen. Mon chef de corps (le Chef
d’Escadron Gribius) me rejoignit au PC de ce bataillon, mais il
m’interdit de m’engager avec la totalité de mon peloton. J’ai donc
envoyé le MDL/C (Maréchal des Logis-Chef) Quéffelec avec son groupe de
2 Sherman. Il fut malheureusement tué ainsi que le maréchal des logis
chef de Vaumas. »
Peu après 12 heures, l’attaque
démarre, les blindés français appuient les Américains qui progressent
de maison en maison. Dans l’après-midi, les chars du peloton de
Miscault démolissent deux "Stumgeschütz" qui apportent leur soutien aux
unités allemandes. Le compartiment moteur des blindés est touché. Les
tirs fusent de toute part. Un tankiste SS est abattu lors d'une
tentative visant à récupérer la radio du char devant la maison Jung, en
passant par la fenêtre de la maison. Un tireur embusqué américain
interdit aux SS de traverser la rue devant la maison de Joseph
Rimlinger. Des mitrailleuses mises en batterie sur les lignes de crêtes
surplombant les rues transversales du village tirent sans discontinuer.
A la nuit tombée, les troupes
françaises rejoignent Kalhausen et laissent aux Américains le soin de
parachever le nettoyage et la reconquête d’Achen. Les Allemands
retranchés dans l’extrémité nord du village reçoivent l’ordre de
décrocher et se replient en direction de Gros-Réderching. Le
Hauptsturmführer Toni Eichner, à la tête du III.Bataillon du 38.
Panzergrenadier Regiment, raconte : « Le village était toute la
journée sous le feu ennemi, les communications radio étaient
difficiles, nos munitions étaient presque consommées, les renforts ne
suivaient pas. L’opérateur radio fit une crise de nerfs, il nous fut
possible de traverser les lignes américaines au cours de la nuit ».
Appuyés par le 3e Sturmgeschütz
intact, les SS percent l’encerclement et parviennent à rejoindre leurs
lignes en franchissant la nationale Sarreguemines - Rohrbach au nord de
Gros-Réderching.
Alors que le 3 janvier les combats
se poursuivent à Achen, le général de Langlade * donne
l’ordre au
lieutenant-colonel Massu de reprendre Gros-Réderching par l’est. Parti
aux alentours de 14h de Rahling, le sous-groupement progresse par la
vallée de l’Altkirch en pleine tempête de neige, n’arrive que vers 16
heures de l’après-midi. L’infanterie et les chars investissent le
village par le sud et l’est après un vif combat près du cimetière et
aux lisières sud. A la tête du 2ème escadron du 12ème
R.C.A., le lieutenant Rives Henrys chargé de l’action principale, est
grièvement blessé d’une balle dans la nuque, dans la tourelle du char
"Maurienne". Il décéda le 5 janvier 1945 à l'hôpital de Lorquin sans
avoir repris connaissance. (Citation à l'ordre de la Division (O.G. N° 66 du 1er novembre 1944) -
Chevalier de la Légion d'Honneur à titre postume).
Général de Langlade
(Photo internet)
Le lieutenant Rives Henrys dans la tourelle de son char
du 2ème Escadron à Gros-Réderching
(Collection Musée GAL LECLERC de HAUTECLOCQUE & Musée Jean MOULIN-Paris Musées)
Le nettoyage du village est
entrepris par 2 sections de la 6ème compagnie de 2ème R.M.T. du
capitaine Langlois mais l'unité ne parvient pas à se rendre
complètement maître des lieux. De nombreux foyers de résistance
subsistent et sont renforcés d’une manière continuelle par des éléments
retraitant d’Achen. Pour cette raison, le général De Langlade demande
avec insistance à ses homologues américains de la 44th Infantry
Division de relever au plus vite le sous-groupement Massu dont
l’infanterie n’est pas assez nombreuse pour tenir le village.
Un char Hetzer lance-flamme de la Flamm Kompanie 353 à court de carburant,
abandonné dans la grange de la maison Schmitt à Gros-Réderching.
Le jet enflammé a une portée de 50 mètres. Ces engins devaient contribuer au succès
de Nordwind en perçant la Ligne Maginot dans le secteur d'Achen.
Seuls 20 exemplaires de ce modèle ont été construits.
(Collection mairie de Gros-Réderching)
Le commandement américain donne
suite, mais les liaisons radio et le manque de coordination avec les
troupes américaines vont faire échouer l'opération. Le second bataillon
du 71th Infantry Regiment chargé de cette mission rapporte que dans
l'obscurité et la confusion, des chars français les ont pris sous leur
feu, les obligeant à faire demi-tour.
Du côté français, il est rapporté
que le 4 janvier vers 1 heure du matin, ce n’est pas la relève
américaine attendue qui entre à Gros-Réderching, mais ce serait un
groupement SS vêtu d'uniformes américains, utilisant l’itinéraire
prévu, appuyé par un char Sherman arborant l'étoile américaine!
La confusion est totale. En désespoir de cause, le lieutenant-colonel
Massu fait évacuer les rescapés français sous un tir de barrage
d’artillerie. Le bilan de cette nuit est lourd et fait état de 4 chars
français détruits ainsi que de 10 tués. Le capitaine Langlois est
capturé. Le village est de nouveau entre les mains allemandes.
Par un froid glacial, le 4 janvier
vers 6h30, à la demande des Américains, le tandem infanterie-blindés du
12e RCA, commandé par le lieutenant Salbaing et l’aspirant Catala
reprend la direction d’Achen.
Les Français sont accueillis par des
Américains croyant dans un premier temps entendre des blindés ennemis.
Certains embrassent les chars. Le nettoyage final commence, il ne reste
que des Allemands isolés qui se rendent pour la plupart. Une douzaine
de prisonniers sont faits, pour la plupart des SS tchèques et polonais.
Vers 10h, le dernier point de résistance est un blockhaus de la ligne
Maginot. Vers 17h, les Français retournent sur Kalhausen. L’offensive
allemande est endiguée, Gros-Réderching est repris le 5 janvier.
Comme son frère Henri, Hubert de Hautecloque s’engage dans la 2e DB.
Ils sont les fils aînés du général Leclerc. Leclerc est le nom de guerre
que le capitaine de Hautecloque prend en Angleterre, en juillet 1940.
Après la victoire de 1945, Leclerc de Hautecloque sera le
patronyme familial pour lui et ses descendants. Hubert de Hautecloque
est photographié au Làngenéck (rue de la libération) au niveau du jardin Muller.
Il est âgé de 17 ans et porte le grade de brigadier.
L’équipage de 5 hommes du char Sherman Bordelais II
du sous-lieutenant de Miscault, dont il fait partie, loge chez Nicolas Lenhard. (Ecpad)
Robert Velut, du 4e escadron du 12e
RCA, se souvient: « J’ai été volontaire avec quelques autres pour aller
rechercher le corps du MDL/C Quéffelec qui était un ami, tué la veille
(3 janvier). Son char était le "Saintonge" un Sherman M4A2. Au cours
d’une reconnaissance à pied, il avait été tué par une grenade. Les
Allemands tiraient toujours sur Achen. C’était un spectacle désolant,
les maisons étaient en feu, les tas de fumier étaient répandus sur la
route qui n’était plus qu’un sentier. Partout des cadavres d’hommes et
d’animaux mêlés. Ça et là des vaches blessées, pour achever l’une
d’elles, l’arrière écrabouillé, je dus lui tirer 7 balles dans la tête.
Nous avons enfin trouvé notre copain étendu. Sous le feu ennemi, nous
avons salué sa dépouille et l’avons mis à l’abri dans l’attente d’un
moment de calme. »
Le MDL/C Quéffelec, originaire de
Benodet dans le Finistère, est inhumé au cimetière de Kalhausen par le
curé Schilt. Après-guerre, son corps est transféré en Bretagne
Jean Queffelec, chef de char du 12ème RCA
Le maréchal des logis-chef Jean
Queffelec, chef de char du 12ème RCA, a été tué à Achen, le 3 janvier
1945. Engagé en 1938, il a fait partie du 507ème régiment de char, puis
19e BCC sous les ordres du colonel de Gaulle. Jean Queffelec a déjà
effectué un séjour en Moselle-Est en 1939-1940 pendant la drôle de
guerre dans le secteur Sarreinsberg, Althorn, Goetzenbruck. (AHK)
Le capitaine Jean Julien Fonde
Le capitaine Jean Julien Fonde,
commandant la 7e compagnie du 2e régiment de marche du Tchad (2e RMT),
pose devant son PC à Kalhausen. Des câbles téléphoniques courent depuis
le bâtiment. En remerciement de l’aide apportée à Achen les 3 et 4
janvier, un officier américain cède à Fonde un central téléphonique de
campagne ce qui permet au capitaine de rester en contact avec ses
hommes répartis dans les maisons du village. (Ecpad)
Le chef du 2e char, le maréchal des
logis-chef de Vaumas, voulant remplacer Quéffelec tué par une grenade,
est blessé par balle, le chef d’escadron Gribius, voulant suivre de
près l'action, bloqué à Achen, le transporte dans une maison voisine
qui prend feu. Il aura toutes les peines du monde à faire évacuer le
blessé par les Américains. De Vaumas décède des suites de sa blessure à
l’hôpital américain de Dieuze, le 10 janvier 1945.
Les civils dans la tourmente
Dès le 3 janvier et les jours
suivants, des civils originaires de Bliesbruck, Woelfling, Wiesviller,
Gros-Réderching, Achen quittent la zone de combat et trouvent refuge à
Kalhausen et dans les villages environnants. 292 hommes, femmes,
enfants, originaires des villages pris dans la tourmente de l’offensive
Nordwind sont officiellement enregistrés par la mairie de Kalhausen
pour la journée du 3 janvier. (Ce chiffre est à prendre avec
précautions, puisque des réfugiés de Bliesbruck enregistrés à la
journée du 3 janvier sont présents à Kalhausen depuis le 24 décembre
1944.)
D’autres sinistrés suivent dans les
jours à venir. La présence d’une compagnie de la 2e DB rassure les gens
et stoppe le flux de réfugiés. Les soldats français leur garantissent
que l’offensive allemande est jugulée. Dans beaucoup de maisons, les
propriétaires doivent se contenter de 2 pièces habitables. En plus des
réfugiés, le village abrite une compagnie de la 2e Division Blindée
jusqu’au 18 janvier, ainsi que des soldats américains.
Des réfugiés de Gros-Rédeching se dirigent vers Achen.
Ils empruntent le même chemin que les SS de la 17. SS Panzergrenadierdivision
Götz Von Berlichingen quelques jours plus tôt. En arrière plan la Walckmühle. (Ecpad)
Bernard Obry, de Wiesviller, dont
la famille a trouvé refuge à Kalhausen le 3 janvier 1945, se souvient
de cette journée:
« J’avais 10 ans à l’époque. Le bruit s’était propagé
que les Allemands étaient de retour. Nous sommes partis, mes parents,
mes frères et sœurs (nous étions quatre enfants), ainsi que mes
grands-parents dans une voiture tirée par un attelage de chevaux. Nous
y avons entassé ce que nous avons pu, y compris deux cochons venant
d’être tués. Il faisait très froid.
Mon père a pris la route menant à
Achen. Arrivés sur les hauteurs avant la descente vers le village, nous
avons été stoppés par la police militaire américaine. C’est là que nous
avons compris qu’il se passait quelque chose à Achen, une bataille avec
des chars à ce qu’on nous a dit. Refoulés, nous n’avions plus qu’à
faire demi-tour et revenir à Wiesviller.
Mon père a décidé alors de
passer par Wittring en empruntant la route s’appelant actuellement rue
de la libération. Arrivés sur les hauteurs avant la descente vers
Wittring, nous avons été face à un nouveau barrage établi par la police
militaire américaine. Un soldat nous arrêta, mais mon père, excédé,
continua son chemin. Le policier militaire braqua son pistolet sur la
tempe de mon père, pour finalement ranger son arme et nous laisser
passer. La route était verglacée.
Dans la descente vers Wittring, la
voiture fit un tête-à-queue. Plus de peur que de mal, il n’y eut pas de
blessés. Nous avons poursuivi notre chemin par Weidesheim. Arrivés à la
patte d’oie en contrebas de Kalhausen, nous sommes montés vers le
village. C’est là que nous avons entendu la déflagration d’un obus.
Nous avons appris un peu plus tard que Laluet, le boucher du village,
avait été tué dans l’explosion. Arrivés sur la place du village, nous
avons cherché à nous loger. Finalement, c’est la famille Neu habitant
la rue menant à Oermingen qui nous a accueillis. Nous ne sommes
retournés chez nous que vers la fin mars. »
Une famille de réfugiés, originaire de Bliesbruck,
est hébergée au " Langeneck "
(rue de la libération) à Kalhausen.
La percée allemande vers Rohrbach a
échoué, cependant l'Armeegruppe G a encore une carte à jouer dans le
secteur nord de l'opération Nordwind. A l'instar de ce qui a été tenté
dans le pays de Bitche, l'objectif allemand consiste à créer un couloir
où pourraient s'engouffrer la 21. Panzerdivision et la 25.
Panzergrenadierdivision. L'action se déroule dans la zone de 16 km
comprise entre la Century Division à l'est de Bitche et Neunhoffen dans
le Bas-Rhin où commence le secteur tenu par la 45th Division.
La Task Force Hudelson, composée
d'unités de reconnaissance mécanisées et d'infanterie motorisée cède du
terrain le 1er jour de l'attaque, ce qui permet à la 6. Gebirgs
Division Nord d'atteindre Wingen-sur-Moder. La plaine d'Alsace pourrait
être atteinte via Ingwiller. Conscients des enjeux, les Américains
défendent âprement la route de Lemberg-Goetzenbruck. Le 7 janvier, la
reprise de Wingen marque la fin de la première phase de l'opération
Nordwind. Le centre de gravité de la bataille se déplace vers
Wissembourg et atteint son paroxysme à Hatten-Rittershoffen où 2000
soldats allemands et 1200 Américains vont laisser leur vie. Sur ordre
de Hitler, l'offensive est stoppée le 25 janvier.
Le capitaine Fonde et le lieutenant Baillou sont photographiés devant le Sturmgeschütz abandonné
par les Allemands dans un bosquet en contrebas de la route menant de Kalhausen à Oermingen.
Notez le gilet en peau de lapin du lieutenant Baillou : l’intendance de la 2e DB en acheta un grand
nombre dans une usine des Vosges en octobre 1944. Ils furent confectionnés à l’origine pour l’armée
allemande. Ce Sturmgeschütz III est du modèle G équipé d’un canon de 75 mm. Ce char pèse
24 tonnes, c’est un blindé d’appui-feu pour l’infanterie.Les Sherman du 12e RCA sont confrontés à
ces engins à Achen et Gros-Réderching. (AHK)
Les dernières victimes
Les dernières victimes à mettre au
compte de l'opération Nordwind dans la région trouvent la mort sur la
route de Lemberg vers Goetzenbruck, citée précédemment. Dans
l’après-midi du 18 janvier 1945, vers 16 heures, le véhicule Peugeot
402, conduit par Joseph Jost, est pris sous des tirs sur la route de
Lemberg vers Goetzenbruck. Les passagers sont le lieutenant de réserve
Aloyse Schilt et le capitaine de réserve Edouard Fogt de la résistance
locale en mission de reconnaissance. Deux occupants de la voiture
décèdent: Joseph Jost est tué d'une balle dans la tête, la poitrine
d'Aloyse Schilt est criblée de balles.
Edouard Fogt en réchappe et
parvient à atteindre les lignes américaines. Ils sont victimes d’une
méprise. L’auteur des tirs est un avant-poste américain pensant être
confronté à une patrouille allemande circulant dans un véhicule civil.
Aloyse Schilt est le curé du village de Kalhausen. Avant de prendre en
charge la paroisse le 26 octobre 1944, il est successivement, à partir
de 1941, curé de Montbronn, de Malaucourt-sur-Seille et de Manhoué,
près de Delme. Intrépide et volontaire, il est plusieurs fois inquiété
par la Gestapo du fait de ses prises de position antinazies dans ses
sermons.
Début décembre, devant l'église de
Kalhausen, une altercation entre le curé et un officier SS faillit
dégénérer. Un élève officier allemand, ancien séminariste, pris de
sympathie pour le curé, calme le jeu. Le 3 janvier, au plus fort de
l'opération Nordwind, Schilt échappe de justesse à la mort. En début
d’après-midi, accompagné de Jacques Laluet, le boucher du village, il
se rend dans une position française surplombant la vallée d'Achen. Sur
le chemin du retour, un obus tiré trop court explose sur le sol gelé.
Les éclats fusent, l’un traverse la soutane du curé et tue Jacques
Laluet, lui sectionnant l’artère fémorale.
Pendant la drôle de guerre, Aloyse Schilt occupe la fonction de chef
de section de mitrailleuses au 168e Régiment d’Infanterie de Forteresse
dans le Secteur Fortifié de Thionville.
Il tombe sous les balles d'un avant-poste américain le 18 janvier 1945.
(Archives municipales de Sarreguemines)
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Jacques Laluet,
le boucher de Kalhausen, une des victimes civiles lors de l'opération Nordwind. (AHK)
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Mythes
Si dans l'ensemble le déroulement
de l’opération Nordwind en Moselle-Est est bien connu, se pose le
problème des sources. Pour certains épisodes, elles sont incomplètes,
voire manquantes. Certains témoignages sont contradictoires et peuvent
ne pas refléter ce qui s’est réellement passé. Dès le 3 janvier, des
réfugiés arrivés d’Achen racontent à leurs hôtes de Kalhausen qu’un
combat à l’arme blanche opposant Américains et Allemands a eu lieu dans
une des dernières maisons du village en direction de Wiesviller
entraînant un bain de sang.
Les corps de trois soldats
allemands et d’une dizaine d’Américains sont effectivement relevés. La
consultation des sources allemandes aussi bien qu’américaines n’apporte
aucun élément probant. Un témoin oculaire, Raymond Jung a vu la scène
et réfute cette affirmation. Il n'y a pas eu de combat corps à corps,
ni d'exécution sommaire à l'arme blanche. Le décès des soldats est
imputable à l’éclatement d’un obus qui éventre la façade de la maison
où quelques SS gardent des soldats américains capturés le matin même
dans le blockhaus de la Ligne Maginot, situé non loin de là.
Que s'est-il passé la nuit du 3
janvier à Gros-Réderching ? A aucun moment, les comptes-rendus
allemands ne font état de l'utilisation d'un char Sherman capturé et
d'autres véhicules utilisés par des équipages allemands en uniforme
américain, relaté par les soldats français.
L'opération de cette nuit est à
mettre au compte d'un officier SS de la "Götz von Berlichingen" très
expérimenté et audacieux, un ancien de la division
"Das Reich" qui a fait ses armes en
Russie, puis sur le front Ouest. Le SS Sturmbannführer Wahl à la tête
d'un groupe de combat composée de 11 Sturmgeschütze de la
SS-Panzerjäger-Abteilung 17 de la SS-Panzeraufklärungs-Abteilung 17 a
pour mission de dégager les éléments de la SS-Panzer-Abteilung 17 et du
SS-Panzergrenadier-Regiments 38 pris au piège à Achen. C'est un succès,
il bouscule les troupes alliées à Gros-Réderching, détruit quatre chars
Sherman, pousse jusque Achen et regagne les lignes amies avec la
majeure partie des encerclés.
Le SS Sturmbannführer Kurt Wahl
(Photo internet)
En conclusion.
Le rapport allemand analysant l’échec de l’opération Achen paraît le 29 janvier 1945. Les points suivants sont soulignés :
-L'absence d'un certain nombre de blindés sur les positions de départ au moment de l’attaque.
-La faible combativité de certaines
unités composées de 30% de Volksdeutsche : Russes issus de minorités
germaniques, Polonais, Tchèques, quelques Lorrains.
-Le manque de réserves en hommes et matériel, des flancs non protégés.
-La détermination des Américains
disposant d’une puissante artillerie, de munitions à profusion, de
blindés et de la supériorité aérienne.
Un état de la 17. Panzerdivision
Goetz Von Berlichingen rapporte que 38 Américains ont été capturés
durant les combats de Gros-Réderching et d'Achen.
Du côté français, les points
suivants sont mis en exergue : ordonner l'attaque tardive d'un village
sans reconnaissance est à proscrire, mettre impérativement au point les
liaisons entre unités de nationalités différentes.... Les pertes
allemandes relevées dans le journal de marche du GTL font état de 200
tués ou blessés et de 62 prisonniers pour tout le secteur. Au final,
l'analyse du général de Langlade sur Nordwind en Moselle-Est est très
pertinente. :
« De Bitche à Sarreguemines, un
front de 35 km était tenu par un détachement de 2000 fantassins
(allemands NDLR) appuyé de deux douzaines de chars. Le tout commandé
par un enragé lieutenant-colonel (SS Standartenführer Lingner NDLR)
démuni de tout, sans réserves, n’ayant derrière lui que le vide
barométrique ! »
Bernard Zins.
(mise à jour août 2019)
Sources et bibliographie
DE LANGLADE (Paul), En suivant Leclerc, Robert Laffont, Paris, 1964
FONDE (Jean Julien), J'ai vu une meute de loups, Fernand Nathan, Paris, 1969
HOLZRITTER (Etienne) Hoffmann (Gaston), Au cœur de la tourmente; Gros-Réderching en janvier 1945
SALBAING (Jacques), Ardeur et réflexion, La pensée universelle, Paris, 1992
STÖBER (Hans), Die Sturmflut und das Ende, Munin Verlag, Osnabruck, 1987
WOLF T ZOEPF, MATAXIS (Theodore)
Seven Days in January: With the 6th SS-Mountain Division in Operation
Nordwind, Aberjona Press, 2001
63rd Infantry Division History, edited by the 63rd Div Assn Historian, 2006
Battle of the Vosges mountains, Combat Studies Institute, US Army Command and General Staff College, Fort Leavenworth, 1984
Kriegstagebuch Goetz von Berlichingen, Arbeits und Förderverein Für Bliesdalheimer Dorfgeschichte, 1995
"Der Freiwillige", Jahrgang 52, Heft 4, April 2006
Archives municipales de Kalhausen, Sarreguemines, Service Historique de la Défense Vincennes
Infographie Alain Behr
Interviews de Michel de Miscault, Robert Velut, Jacques Fenouillère, anciens de la 2e DB
Interview de Raymond Jung, Bernard Obry. Témoignages divers.
Remerciements à Jacques Fougeray, René Buchheit