Historique Weidesheim

WEIDESHEIM

II. De l'Epoque médiévale jusqu'au siècle des Lumières

Nous n'avons malheureusement aucune information sur le domaine avant le 14e siècle. Tout ce que nous pouvons affirmer est qu'une petite seigneurie a succédé à l'établissement gallo-romain car il existe quelques vestiges de l'époque mérovingienne: "des vestiges d'époque mérovingienne auraient été découverts au nord de Weidesheim. Le mobilier serait déposé à Strasbourg (Musée archéologique de Strasbourg)".(9)

1.L'origine du nom

Pour l'origine du nom de Weidesheim, il est possible de se référer au Dictionnaire étymologique des noms de lieux du département de la Moselle établi par Henri et Charles Hiegel (10): voici ce qu'ils écrivent sur Weidesheim: "Weidesheim, Waidesheim, Wedingesheim 1332 (Jungk p. 341; Burg, p.178), Wediesheim 1336 (Heemann, t. I, p.149) , Wedengisheym 1346 (RL. P. 1187; Herrmann, t. I., p. 171), Wedingesheim 1350 (Herrmann, t. I., p.662), Wedegesheim 1385 (Chatelain, Histoire du comté de Créhange, dans J.G.L.G.A., 1892 (II), p.76) Wedigesheim1444 (Pöhlmann, Die Herrenvon Bitsch, p. 123), Wedeshem 1475 (Pöhlmann, p.137), Viedirgesheim, XVe s. (Dorvaux, p. 30), Weidesheim 1506 (Bo. P. 282), Wedesheim im Westrich 1606 (Bo.), Weitzheim 1750 (Bo.), Weidesheim 1869 et 1871, du nom d'homme germanique Widuco, Veduco, Widugo, Widigo (Fö. , t. I., col. 1491, 1564 et 1569; Morlet, t. I., p. 222), changé en Wido (Fö., t. I., col. 1564) et germ. Heim."

Nous nous permettons d'avancer une autre hypothèse concernant le nom de Weidesheim. Dans le langage populaire francique le lieu est appelé "Wetzum".
Il existe plusieurs familles ayant un nom proche comme les Witztum d'Egersberg (une famille noble alsacienne d'origine thuringeoise, citée par Gérard Henner lors d'une conférence en novembre 2000).
Pöhlmann, (Die Herren von Bitsch p. 123) cite un Hans Hirschhorn, Viztum von Neustadt a. H. Or l'origine probable de ces patronymes provient du latin "Vice Dominus" c'est-à-dire représentants d'un seigneur suzerain sur un domaine. Il s'agit de vassaux ou de chevaliers administrant une seigneurie pour un puissant personnage. Par dérive onomastique
(11), il nous semble possible de passer de "Vice Dominus" à "Wetzum". Néanmoins, l'explication donnée par Henri et Charles Hiegel est plus vraisemblable.



9. Carte Archéologique de la Gaule, La Moselle p.532 op cit.
10. Henri Hiegel, Charles Hiegel, Dictionnaire étymologique des noms de lieux du département de la Moselle, Sarreguemines, 1986, pp.366-367
11. L'onomastique est la science de l'étymologie des noms propres.

2.L'époque médiévale

Dès 1170, un Bitis Castrum (château de Bitche) apparaît dans un document où Frédéric Ier se dénomme lui-même comme " Dominus de Bites " (Seigneur de Bitche).
Même si nous n'avons aucune preuve écrite, il est possible que Weidesheim ait été dès cette époque un fief vassal de la seigneurie de Bitche.
Néanmoins, il est probable que le domaine ait eu des contacts assez fréquents avec le couvent de Herbitzheim distant de 6 kilomètres à peine, voire des liens de vassalité pour certaines terres.

Dans la seconde moitié du 12e siècle, vers 1150-1170, plusieurs documents font état de la seigneurie de Bitche et nous permettent de nous faire une idée de son importance territoriale. Ainsi, vers 1150, le duc de Lorraine Mathieu Ier (1139-1176) envoie une lettre au comte Volmar de Sarrewerden, sur le point d'entrer en guerre contre Simon Ier de Sarrebruck et Volmar de Blieskastel. Matthieu Ier demande au comte de Sarrewerden de respecter les limites ainsi que les habitants de sa seigneurie. Dans cette lettre écrite en lettres gothiques, mais en latin, les limites de cette seigneurie sont établies avec le nom de 16 localités. Les frontière Est et Sud-Est sont décrites plus sommairement: "depuis Pirmasens jusqu'à Oermingen". Un village disparu sur le ban de Lorenzen, sur la rive droite de l'Eichel, Wersingen en fait partie. (12)
Au 13e siècle, la seigneurie de Bitche était le seul territoire du duc de Lorraine à se trouver dans le domaine linguistique allemand et du fait du morcellement des possessions des comtes de Zweibrücken, elle se trouvait géographiquement isolée. Le comte Eberhard II de Zweibrücken proposa alors un accord d'échange au duc de Lorraine. Cette transaction se fit par deux traités: celui du 13 mai 1297 et celui du 1er juillet 1302.



12. Carl Pöhlmann Abriss der geschichte der Herrschaft Bitsch Zweibrücken, 1911

La première mention directe de Weidesheim date de 1346. Une famille noble portant ce nom possède à cette époque un château qui fut détruit en 1380. Le conflit opposait le comte de Bitche et Henri III de Sarrewerden. Le domaine est dès cette époque proche d'une frontière entre deux seigneuries rivales. Cette position a apporté de très nombreux problèmes frontaliers: conflits sur les limites territoriales entre les communautés avec parfois des combats sanglants et des procès qui se sont succédés durant plusieurs siècles. [Thilloy Ruines du comté de Bitche]. Thilloy cite le château sous de nom de "Wedengesheim"

Vue sur le donjon, avec à droite la tour d'escalier.

¨Parmi les plus importants fiefs du comté de Bitche-Zweibrücken, se trouve une part du château et du village de Weidesheim[…] à proximité immédiate de la gare de Kalhausen et de l'embouchure de l'Eichel dans la Sarre.
"Weidesheim était fief avec droits de haute justice et château de la seigneurie de Bitche, en 1346 dans les mains d'une famille noble de ce nom, qui s'éteignit en 1406 semble-t-il avec Petermann de Weidesheim. La succession se fit avec les seigneurs de Créhange et les Schelm de Sarrewerden. Le château semble avoir été détruit en 1380 dans les conflits entre les comtes de Sarrewerden et ceux de Bitche."
(13)
"Jusqu'ici les données semblent fiables. Par contre, concernant les 15e et 16e siècles, des documents manquent et certains sont faux comme par exemple le fait que les seigneurs de Fénétrange auraient été copropriétaires alors qu'en réalité il s'agissait du seigneur de Huntingen" (Hutting probablement ?)
(14). En effet il faut lire "Huntingen" au lieu de "Finstingen".
Le premier acte concernant le fief seigneurial avec mention du château date du 8 avril 1444. Frédéric le Vieux reçoit ce jour-là, du comte Frédéric de Deux-Ponts-Bitche comme fief authentique, un tiers du château et du domaine de "Wedisgesheim", près de la Sarre.
A partir de cette date, la famille de Bitche-Gendersberg n'aura de cesse d'obtenir l'ensemble de la seigneurie soit par achat ou par héritage.



13. Das Reichsland Elsass-Lothringen" Tome III page 1187
14. Carl Pöhlmann, Die Herren von Bitsch gennant Gentersberg, Kaiserslautern 1933, cité dans l'acte N°172 pages 159-160.

Simon de Bitche Gentersberg l'ancien et ses descendants choisirent le château de Weidesheim comme résidence principale. Il ne se refusa aucune dépense pour acheter les autres parts des propriétaires de Weidesheim et ainsi être le seul détendeur de la maison.


cliquez pour agrandir la charte

Copie d'une charte de 1480, précisant les droits de Simon de Bitche-Gendersberg sur la seigneurie de Weidesheim


En l'an 1481, Simon Wecker, comte de Zweibrücken, seigneur de Lichtenberg et de Bitche, arbitre sur une requête formulée par les héritiers Sommer sur une partie de leurs propriétés de Weidesheim et sur la construction du château par Simon de Bitche dit de Gentersberg. L'arrangement stipule que la part des Sommer soit payée par Simon à 100 florins. "A Thomann von Rode appelé Sommer et ses héritiers Enders von Ulingen appelés Lützelstein, Hugels Hansen von Walschbronn et Sybille Sommer, en contre partie, Simon de Bitche pourra à partir de ce jour disposer du château de Weidesheim avec ses dépendances et achever les constructions pour en user lui et ses héritiers".
Simon de Bitche acheta dès le 5 septembre 1481 la moitié du quart de cette propriété au nobles Von Husen, (famille qui n'a rien de commun avec les d'Hausen présents au 18e siècle) mais le document s'est perdu, ou bien n'était-ce qu'une promesse d'achat?. En tout cas, le 17 avril 1485, un autre acte d'achat est concrétisé pour la moitié de la part appartenant à une branche des d'Husen, Wendelin de Salmbach, Lutzen Peters, fils de Oberbach, sa femme, une fille de Gerhard von Husen, la propriétaire, et sa belle mère Anna. L'autre moitié appartenait à une parente, Agnès von Husen. Les trois quarts de cette part furent achetés par Simon le 24 mai 1491 pour 55 florins.



Le donjon.

 

Enders von Ulingen appelé Lützelstein aurait encore eu, à part la propriété vendue en 1491 à Simon de Bitche, d'autres parts sur Weidesheim, que sa fille aurait vendues pour 40 florins à Henri de Huntingen ce que fit aussi Johann von Rode appelé Sommer.
Sur cet achat par Heinrich de Huntingen, Simon de Bitche demanda son droit de préemption. Le 27 avril 1506 le Comte Reinhard de Zweibrücken-Bitche jugea sur cette dispute de propriété et demanda que les deux protagonistes jouissent ensemble de cette propriété et que Simon de Bitche paye la moitié de cet achat à Henri de Huntingen. Mais le 1er juillet 1513 Henri de Huntingen vend cette part avec profit à Simon de Bitche.
Ce que la famille de Weidesheim possédait devait de nouveau être partagé. Jean de Bitche racheta à ses deux beaux-frères leurs parts, mais qui semblent être inégales. En effet Hans von Sanct. Ingbrecht eut seulement 66 florins17 ½ tr, pour sa part, alors que Werner Gailing von Altheim reçu 100 florins. Suite à cette dernière transaction Jean de Bitche-Gendersberg fit dresser un acte de propriété le 17 novembre 1550.
Hans von Sanct Ingbrecht ne reçut pas la même indemnité que Werner Gailing von Altheim car il ne vendit pas toute sa part d'héritage sur Weidesheim. Dix-huit ans plus tard, le 23 septembre 1568, Hans von St. Ingbrecht vendit ses parts des forêts de Weidesheim à Anstatt de Bitche et à ses frères.

Du château remanié à partir du milieu du 15e siècle, il reste la tour qui s'apparente au type allemand du "Turmburg" : un haut bâtiment, de plan massé, présentant quatre niveaux d'ouvertures (15). Le château fut transformé à la fin du 15e siècle par Simon le Vieux, seigneur de Bitche dit Gentersberg et il fut encore modifié au 16e siècle par ses successeurs (16).



15. Le pays de Bitche (Moselle), Metz : Éditions Serpenoise, ("Images du patrimoine", 80), p. 65.
16. HIEGEL Charles, "Hanviller, château de Gentersberg" et "Kalhausen, château de Weidesheim", dans J. CHOUX, Dictionnaire des châteaux de France. Lorraine : Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Vosges, Paris : Berger-Levrault, 1978, p. 111 et p. 128.



La tour.

 

Sur la façade sud-est, une tourelle d'escalier polygonale a été rajoutée sans doute au 16e siècle. Les façades et la tourelle sont percées de fenêtres à linteau trilobé. La tour comporte plusieurs éléments défensifs comme la bretèche au-dessus de l'entrée et plusieurs archères. Les dépendances remaniées en bâtiments agricoles sont dotées de trois canonnières doubles datant également du 16e siècle. Le château a donc été adapté à l'usage des armes à feu.

Trois canonnières doubles, faisant partie du système défensif, sont encore visibles dans les dépendances.

 




Les canonnières doubles.

 

Nous ne savons malheureusement rien du destin du château durant la Guerre des Paysans en 1525: le couvent de Herbitzheim, situé en amont sur la Sarre, a été pillé et utilisé comme base par une forte bande de paysans. Nous ne savons pas si Weidesheim a été attaqué à cette occasion.

Notez la bretèche au-dessus de la porte d'entrée de la cave. La tour d'escalier à gauche est un rajout du 16e siècle.


La tour d'escalier à gauche.



Les marches de l'escalier portent les marques des tâcherons.

La tour recèle un petit trésor sous la forme de peintures murales découvertes au cours du 20e siècle.

Ilona Hans-Collas, membre correspondant de l'Académie nationale de Metz est la première à avoir étudié ces peintures et à les replacer dans leur contexte historique. Les paragraphes qui suivent, reprennent une partie importante de son article publié en 2007 dans les Mémoires de l'Académie Nationale de Metz.(17)

Ces peintures assez dégradées se rapportent à la famille de Bitche-Gendersberg. Elles sont situées au premier étage, dans la partie haute de la salle rectangulaire. Il s'agit certainement d'une salle d'apparat. Les peintures étaient recouvertes d'un badigeon qui les a protégées; elles sont néanmoins en assez mauvais état. Elles encadrent une fenêtre du côté droit. La peinture à gauche de la fenêtre représente trois blasons avec trois cartouches portant les noms des seigneurs de Weidesheim:



Peintures murales dans la salle "d'apparat".




Peintures murales.


Dans le premier cartouche, il est possible de déchiffrer:

Irmengard
maucheim
eir von zwei
brucken

confirmant la généalogie donnée par Carl Pöhlmann.



17. Ilona Hans-Collas "Les décors peints du XVIe siècle dans les demeures messines et lorraines : reflets de la vie artistique et des courants humanistes de ce temps", Mémoires de l'Académie nationale de Metz, CLXXXVIIIe année, série VII, t. XX, 2007, p. 191-215.

Il s'agit de la première femme de Jean de Bitche-Gendersberg, d'une fille du comte de Zweibrücken décédée au plus tard en 1541.
"La dernière ligne se termine par un signe (nœud) marquant une alliance. Ce cartouche est surmonté d'armoiries: d'azur à trois fers à cheval 2 et 1 sommé d'un casque à grille fermée. Notez que les cimiers reproduisent les armoiries correspondantes.
Le second cartouche comprend le texte suivant:

"Hans von Bitsch
genannt
Gentersperg"


Il est surmonté d'un écu de sable au massacre de cerf d'or à une molette d'argent (étoile) entre les deux ramures, sommé d'un casque à grille fermée avec le cimier du motif de l'écu.
Le personnage central est donc Jean IV de Bitche-Gendesberg, mort avant le 16 août 1563. Sa première femme appartient à une famille à laquelle il est déjà lié:son arrière grand-père Frédéric l'ancien avait épousé en 1432 Gutta Mauchenheimer von Zweibrücken; la sœur de Frédéric, Else, a épousé Cunz Mauchenheimer.

Jean s'est remarié avec Margarethe Faust von Stromberg. Il apparaît vraisemblable que la troisième partie a été rajoutée lors de ce remariage: on remarque que les lettres du cartouche sont légèrement plus grandes que les précédentes, et que l'artiste a dû adapter la taille du cartouche à l'espace qui lui restait à côté de l'ouverture de la fenêtre.
Donc pour le troisième cartouche, on peut compléter le texte grâce à l'écu qui le surmonte:

"Marg[areta]
geborne [Faust]
von Strombe[rg]"


Les armoiries qui surmontent ces lignes se lisent ainsi: échiqueté d'or et de gueules de 4 tires, sommé d'un casque à visière fermée, cimier à bonnet échiqueté de 2 tires entre deux pennons adossés, bordés chacun de deux rangs de 4 billettes en fasce; molette (étoile) entre les pennons."




Cliquez pour agrandir le tableau

Généalogie des Bitche Gendersberg.
voir: Carl Pöhlmann: Die Herren von Bitsch gennant Gendersberg

Au moins cinq lignes de texte sont présentes en-dessous des cartouches mais elles n'ont pas encore pu être déchiffrées.



Peintures murales.


D'autres cartouches, à droite de la fenêtre, comportent des textes en vieil allemand (Frühneuhochdeutsch). La lecture de ces inscriptions est assez difficile.
Un texte comporte un contenu très moralisateur: il exhorte à ne pas mépriser son prochain, à ne pas lui nuire et à porter un regard critique sur soi-même.
Voici la lecture qu'en donne Ilona Hans-Collas:

"Veracht nie mich und die meinen bescham zuvor dich und die.
Deinen .. an dich und nicht mich thu(e) (ich) unrecht (so) (hiete) dich be..n.
nicht der genug ist ob du schon gleich was woll (gestellt) bist (deiner Laune)
nicht wie du mich (siest) wer weiß ob du selber from bist laß (dich deine)
zung nicht betrugen deiner neig…(entschluß uberlegen soll) der zung
und in allen laß an gott und deine(n) naechsten …en laß ich …
eur thue di[ch] (unrechten) so wirt was selber du …(preisen was)…"



Peintures murales.


"Sur le mur sud, une scène montre une femme devant un ours qui joue de la cornemuse. Deux cartouches contenant les textes explicatifs se situent de part et d'autre de la scène. Grâce à une gravure allemande, extrêmement proche de la peinture murale, le sens de l'image et le contenu du texte, plutôt difficile à déchiffrer sur la peinture, peuvent être reconstitués." Selon Ilona Hans-Collas:
Le texte à gauche :

"Den Pererm kan ich machen
dantzen : mit wunder seltzamen
krammantzen : bald ich im den
Ring bring in die Nasen : so fur
ich in mit mir alle Strassen und mach
mit im [me]in Affenspiel er mu[sz]
mir dantzen wie ich wil."

Voici une proposition de traduction moderne pour ce texte:

"L'ours, je peux le faire danser
lui faire exécuter des tours étonnants
lui mettre un anneau dans le nez
L'emmener sur toutes les routes
lui faire faire des singeries
il doit danser selon ma volonté"

Le texte à droite :
"Ich armer [Ba]er
waß zei[g] ich mich
das ich also laß dr[e]-
beb [mich] ich muß
mein [da]ntz m[i]r
selber [pf]eiffen ma(n)
thut mir offt in die
[w]olle greiffen."

"Pauvre de moi, ours
Comment je me montre
Comme un ours apprivoisé
Je suis obligé
De jouer moi-même
La musique pour ma danse
L'on m'attrape souvent
Par ma fourrure"

"La gravure sur bois qui a permis l'identification de la scène et des inscriptions peut être datée de 1543 ." (18)



18. M. GEISBERG, The german single-leaf woodcut : 1500-1550, édition revue et corrigée par W. L. Strauss, New York : Hacker Art Books, 1974, t. IV, p. 1543. Cette gravure sur bois (appartenant à la catégorie appelée en allemand Flugblatt ou Einblattdruck, en anglais single leaf cut), est conservée au cabinet des estampes, Schlossmuseum, à Gotha (Inv. Nr. : 39,38 (ancienne cote : Xyl. II. 175)) ; le graveur est inconnu. (Note rédigée par I. Hans-Collas)


"Le texte placé à droite de l'image gravée, en réalité, un dialogue entre les deux protagonistes de la scène, n'est que partiellement repris sur la peinture murale. Ce texte rimé, un poème narratif, comprend trente vers : quinze vers pour la femme intitulée "meneuse d'ours" (Die Berndreyberin) et quinze vers pour l'ours (Der Ber spricht)
(19). La planche gravée est signée en bas du texte du nom de son éditeur, Anthony Formschneyder (20), alors que le texte peut être attribué au poète allemand Hans Sachs (né à Nuremberg en 1494 et mort dans cette même ville en 1576), dont l'œuvre est considérable (21). Tous les genres littéraires qu'il aborde dégagent une morale, simple et pragmatique, sur la coexistence paisible de l'homme avec ses semblables."
"Ces premiers vers de chacune des figures du poème de Hans Sachs suffisent pour rendre la scène compréhensible : la femme dit qu'elle "peut faire danser l'ours, lui mettre l'anneau dans le nez pour l'emmener sur les routes", tandis que l'ours se plaint de devoir faire la musique pour sa propre danse."
Nous pouvons très bien imaginer que lors d'une cérémonie de mariage, les seigneurs de Weidesheim aient fait appel à une troupe de gens du voyage qui peuvent avoir amené un ours dressé. Un tel spectacle a peut-être été donné au château.
Ilona Hans-Collas cite un exemple d'une troupe de gens du voyage à Metz en 1504.
(22)
Il paraissait véritablement extraordinaire pour le peuple de cette époque de dresser un animal sauvage pour réaliser des tours. Ces gens du voyage étaient souvent originaires de "Honguerie" (Hongrie). Sur l'image, le plantigrade semble porter une coiffe, le rendant peut-être plus "humain" ou plus ridicule. Car l'on joue sur deux tableaux: il s'agit à la fois de présenter un spectacle humoristique avec un ours, mais aussi, dans le contexte des œuvres de Hans Sachs, de se moquer des contemporains souvent amenés à "faire l'ours pour quelqu'un". C'est-à-dire être au service d'un personnage en se faisant mener par "le bout du nez" ou comme le veut l'expression employée ici: "se faire mettre un anneau dans le nez".
L'ours considéré dans la mythologie européenne ancienne comme le roi des animaux a perdu ce statut au profit du lion, devenant une figure que l'on peut ridiculiser d'autant plus facilement que le plantigrade a une silhouette anthropomorphe.
Les seigneurs de Weidesheim connaissaient donc des textes de Hans Sachs, leur contemporain; ses poèmes les ont inspirés pour demander à un artiste d'illustrer ce qui était vraisemblablement une salle d'apparat. Cette salle évoque à la fois leur famille avec les blasons, leur attachement aux valeurs chrétiennes avec le texte de morale et offre un divertissement avec la montreuse d'ours.



19. A. v. KELLER, E. GOETZE, Hans Sachs, t. 22, Tübingen : Bibliothek des litterarischen Vereins in Stuttgart, 1894, p. 281-282 (le poème est daté du 3 mai 1543).
20. Antony Formschneider der Ältere, également connu sous le nom de Antony Corthois, était né à Montauban (France) vers 1500 et mort après 1560 à Heidelberg. En 1535, il arrive à Augsburg où il prend le nom de sa profession comme nom de famille. Il est éditeur et imprimeur à Augsbourg, à Francfort sur le Main et à Heidelberg (H. Gier, J. Janota (ed.), Augsburger Buchdruck und Verlagswesen von den Anfängen bis zur Gegenwart, Wiesbaden : Harassowitz Verlag, 1997, p. 1222).
21. Plus de 6000 titres dont environ 4200 "Meistergesänge", environ 1800 poèmes narratifs ("Spruchgedichte"), 80 Jeux de Carnaval ("Fastnachtsspiele"), 63 tragédies, 65 comédies et 5 dialogues en prose (Bibliotheca Augustana : http://www.fh-augsburg.de).
22. J. F. HUGUENIN, Les chroniques de la ville de Metz, recueillies, mises en ordre et publiées, pour la première fois, Metz : Lamort, 1838, p. 645-647. Le chroniqueur cite également l'exemple d'un mariage fêté à Metz lors duquel un tel spectacle fut donné dans une salle. (Notes rédigées par I. Hans-Collas.)




Peintures murales.

Au milieu du 16ème siècle de nombreux documents attestent que la famille Bitche Gentersberg vivait à Weidesheim.
Ainsi, le comte Jean de Nassau-Sarrebruck s'engage le 19 mai 1559 à s'acquitter à Weidesheim des dettes qu'il devait à Jean de Bitche-Gentersberg.
Catherine de Bitche-Gentersberg célèbre son mariage à Weidesheim le 8 juin 1574 avec Veit Schöner von Straubenhard.
Le 22 juin 1582,
(23) les Sieurs Anstett Hansen et Jean Henry de Bitche-Gentersberg firent appel au duc Charles de Lorraine et de Bar, pour un litige de limite entre les terres de la seigneurie de Weidesheim et le ban d'Achen. Le duc envoya une commission pour régler l'affaire en la personne du Sieur Guillaume Crantz de Geispolsheim, grand Bailli dans la Lorraine Allemande, ainsi que le sieur Gall Tuschlin, docteur en droit et conseiller de son altesse sérénissime. La commission définit les limites en faisant poser des bornes entre la limite des bans en commençant par le pré au-dessus du moulin d'Achen, remontant le chemin jusqu'au petit ruisseau dit "Weinbach" jusqu'au lieu dit "Klinchen ou Brücken" ensuite en remontant jusqu'au four à chaux pour aller jusqu'à la fontaine appelé "fontaine noire" et descendre le petit ruisseau jusqu'au fossé profond qui descend et qui sépare le ban de Weidesheim de celui de Wittring et d'Achen.
Et le 21 octobre 1601 l'intendant de la Cour de Justice Impériale confirme aux frères Anstadt et Jean l'administration civile des biens du domaine de "Wetzen".
(24)

En tout cas les nobles de Bitche-Gentersberg devinrent propriétaires peu à peu des trois quarts de Weidesheim, d'après le registre des censes de Bitche de 1570.

Image ancienne du donjon.