La 2e DB à Kalhausen -2ème partie
KALHAUSEN
les années sombres
1939 – 1945
Document daté de décembre 1994 et mis à jour en août 2019
Claude Freyermuth
Préface
Pour la réalisation de ce document, je me suis fixé un triple objectif :
1) Mettre par écrit à l'occasion de la célébration du cinquantième
anniversaire de la libération de KALHAUSEN, les 10 et 11 décembre 1994,
les souvenirs de la période 1939/45 pour que les jeunes générations
n'oublient jamais ces événements.
2) Présenter un ouvrage d'une lecture simple, accessible à tous, retraçant la stricte réalité du vécu de nos aïeux.
3) Assurer un apport supplémentaire dans la caisse de la fabrique de
l'église en vue de la réfection intérieure de notre lieu de culte (le
bénéfice réalisé par cette opération sera intégralement destiné à cet
effet).
50 ans ont passé.
Les haines sont tombées.
Le temps efface les blessures.
L'entente et la paix se sont développées.
La génération de ceux qui ont vécu
la triste période de 1939 à 1945
arrive à bout de course,
ses rangs commencent à être clairsemés,
les souvenirs risquent de s'estomper,
il faut les sauver de l'oubli ;
les transmettre sans passion ni rancune
afin que les jeunes se rappellent du temps passé.
Sommaire
I) INTRODUCTION
A) Situation géographique
B) Contexte historique
II) L’EVACUATION DES HABITANTS DE KALHAUSEN
A) Annonce de l'évacuation et préparatifs du départ
B) Voyage vers l'inconnu
C) Installation des évacués
D) Vie quotidienne en Charente
E) Extrait des registres paroissiaux de la période d'évacuation
III) L’ARMEE FRANCAISE SUR LE FRONT DE LA LIGNE MAGINOT
IV) L’ARMISTISE DE 1940
V) VIE A KALHAUSEN D’AOUT 1940 A 1944
A) Retour au village natal
B) Administration de notre localité
C) Lente reprise d’une vie routinière
D) Expulsions
E) Malgré-nous, réfractaires et insoumis
F) Sacrifice suprême
G) Combattants de la liberté
H) Autres exilés
I) Déplacés dans notre village
VI) LA LIBERATION
a) Période pré-libératoire
b) Les libérateurs
c) La troupe U.S. cantonnée dans notre village
d) La libération de Kalhausen : le contexte historique par Bernard ZINS
e) Contre-offensive allemande et riposte de la 2ème D.B.
f) Opération Nordwind à Achen et Gros-Réderching par Bernard ZINS
g) Etape finale
h) Complément d'informations
VII) TEMOIGNAGES
VIII) CONCLUSION
ANNEXES
I) INTRODUCTION
a) Situation géographique du village de KALHAUSEN
KALHAUSEN est situé dans l'est
mosellan, à l'extrémité sud-ouest du "Bitcherland". 17 km séparent le
village de SARREGUEMINES qui est son chef-lieu d'arrondissement.
En 1939, KALHAUSEN compte 825 habitants dont 110 enfants scolarisés dans les trois classes de la localité.
On y trouve également :
- deux épiceries : Anne FABING / Jean-Pierre PEFFERKORN
- deux boulangeries : Ferdinand NEU / Nicolas FABING
- une boucherie : Nicolas MULLER
- deux quincailleries : Alex GROSZ / Madeleine LETT
- un forgeron : Léon LETT
- un charron : Paul KIHL
- un menuisier : Pierre LENHARD
- un sellier-bourrelier : Jean SIMON
- un cordonnier : Victor
SIMKOWIACK
- un tailleur d'habits : Jean KORMILZIN.
b) Le contexte historique
En 1933, Adolf Hitler devient le
chancelier de l'Allemagne, puis "Reichsführer" à la mort de
Hindenburg en 1934. En même temps, du côté français, on commence à
construire la ligne Maginot pour protéger la frontière du Nord-Est
contre une éventuelle attaque allemande. De nombreux ouvrages
(Simserhof à Bitche, Haut-Poirier à Achen, Welschhof à Singling…) et de
nombreuses casernes (Achen, Bining, Légeret…) sont occupés par les
troupes de forteresse.
D'autres troupes cantonnent dans la
plupart des villages environnants. A KALHAUSEN, c'est le 26e Régiment
d'Infanterie venu de Nancy qui prend ses quartiers pour un temps
indéterminé.
D'importantes manœuvres ont lieu dans toute la région à partir de 1936.
La cuisine du 26e R.I. à KALHAUSEN.
Au cours des années 1937/1938, un
film intitulé : "Sommes-nous bien défendus ?" est projeté dans les
salles de cinéma, dans le but de rassurer la population sur
l'efficacité du système de défense du territoire.
Le 11 mars 1938, Hitler débute sa campagne d'agrandissement du "Lebensraum" (l'espace vital) en annexant l'Autriche.
La France signe des alliances et des pactes de non-agression avec de nombreux pays.
Les habitants du village envisagent l'hypothèse d'une guerre imminente mais vaquent à leurs occupations habituelles.
L'équipe locale de foot en 1938/39
La
fête patronale juste avant-guerre
Mme WECKER Cécile près du manège
Le 24 septembre 1938, un ordre de
mobilisation générale rappelle les plus jeunes réservistes ; ils seront renvoyés dans leurs foyers quelques semaines
plus tard.
Le 30 septembre 1938, Daladier,
chef du gouvernement se rend en Allemagne pour rencontrer Hitler et
Mussolini : les accords de Munich signés entre la France, l'Angleterre,
l'Allemagne et l'Italie laissent les mains libres à Hitler pour envahir
la Tchécoslovaquie.
En avril 1939, les deux plus jeunes
classes de réservistes sont rappelées, pour de bon cette fois-ci. Le
1er septembre 1939 à l'aube, sans déclaration de guerre, les troupes
allemandes envahissent la Pologne liée à la France par un traité
d'assistance mutuelle.
La mobilisation générale est
décrétée pour le 2 septembre 1939 à minuit. Certaines personnes se
souviennent encore de ce fameux jour, lorsque les affiches de
mobilisation ont été apposées sur les murs de la mairie et de l'église
de notre localité.
La France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l'Allemagne le 3 septembre 1939.
II) L’EVACUATION DES HABITANTS DE KALHAUSEN VERS LA CHARENTE.
a) Annonce de la guerre et préparatifs de départ
Le vendredi 1er septembre 1939,
l'ordre brutal d’évacuation tombe, il est entre 15h et 16h. À la
mairie, le premier magistrat d'alors SIMON Jean, décachète
l'enveloppe barrée de rouge déposée là depuis des mois et dont le
contenu devait rester secret jusqu'au jour de l'évacuation pour
laquelle elle contient des instructions précises établies par les
autorités préfectorales.
Le tocsin sonne, puis par son de
cloche, l'appariteur BELOTT Jean communique la triste nouvelle à tout
le village. Les personnes encore occupées aux travaux des champs,
principalement à la récolte du regain, sont rappelées d'urgence.
C'est le branle-bas de combat dans
tous les ménages : 30 kg de bagages par personne sont autorisés ; on
fait le tri, les affaires qui semblent les plus importantes sont
fourrées dans des taies d'oreillers et des paniers.
Ceux qui ont des attelages
préparent les chariots et sellent les bêtes. L'on se regroupe, ceux qui
n'ont pas de chariot sont pris en charge par d'autres : familles, amis
ou voisins. On installe les personnes âgées et les bagages sur les
véhicules et le même soir, ce 1er septembre 1939, à 20 heures pour les
premiers et minuit pour les derniers, commence l'exode.
Sur la route de l’exode, telle que nos réfugiés l’ont connue.
(Photo internet)
b) Le voyage vers l'inconnu
Les chariots partent en direction
de RECHICOURT-le-CHATEAU, situé 15 km après Sarrebourg.
Afin de ne pas
gêner d'éventuels mouvements de troupes, l'on suit un itinéraire
spécial par des routes secondaires, via RAHLING, LORENZEN, DIEMERINGEN,
BERG, EYVILLER, HIRSCHLAND, RAUWILLER, DOLVING et KERPRICH-aux-BOIS.
Mais certains passeront par Sarrebourg, d'autres encore contourneront
l’étang de STOCK et arriveront à LAMGUIMBERG où ils rencontreront
Charles DEMMERLE, cantonné là, qui leur indiquera le chemin à suivre
pour se rendre à destination.
RECHICOURT sera atteint plus ou moins
rapidement selon que les attelages sont composés de chevaux ou de
vaches. En tête de convoi se trouve le curé, l'abbé Albert MICHEL,
alors âgé de 78 ans ; le maire et les membres de la commission
d'évacuation ayant ordre de rester provisoirement sur place.
Anecdote amusante : lors du passage
par SCHMITTVILLER, village non évacué, le curé de la paroisse l'abbé
SCHOLVING, pris de pitié pour les évacués et désemparé lui aussi leur
offre… de l'eau à boire dans la fraîcheur de la nuit.
Sept à huit jeunes avaient été
désignés pour rassembler le bétail et le conduire par SCHMITTVILLER et
RAHLING vers la vallée de l’EICHEL où les bêtes seraient prises en
charge par l'armée. Ils rejoindront le convoi plus loin.
En chemin on
se rend compte qu'il aurait mieux valu libérer les lapins, cochons et
autres animaux domestiques afin qu'il ne meurent pas de faim, c'est
pourquoi quatre jeunes retournent dans la localité pour ouvrir les
portes des clapiers, des poulaillers et des porcheries.
Durant le voyage, un appel est fait pour vérifier que tout le monde est bien présent.
La seule personne à avoir refusé de
quitter le village est PHILIPP Jean-Pierre. Cependant quelques semaines
plus tard, après avoir réussi à vendre son cochon aux militaires, il
est forcé de rejoindre ses compatriotes.
Les attelages lents passeront la
nuit du lendemain à HIRSCHLAND, près de FENETRANGE et lorsqu'ils se
remettront en route, ils essuieront un terrible orage. Les derniers
mettront trois jours pour parcourir les quelques 55 km séparant
KALHAUSEN de RECHICOURT.
Terrible épreuve que d'être jeté
ainsi sur la route de l'exode, devant abandonner tous ses biens et sans
rien connaître de la lointaine destination !
Les chariots sont surchargés de
passagers et de bagages, parfois jusqu'à 10 occupants par attelage. Il
est également à signaler que ce sont les domestiques de WEIDESHEIM qui
prennent en charge et convoient les objets de culte de la chapelle et
de l'église paroissiale (calices, ciboires, ostensoirs).
Arrivé à RECHICOURT, l'on
s'installe tant bien que mal dans les maisons, dans des granges ou bien
l'on passe la nuit à la belle étoile, dormant dans les meules de paille
ou sur les chariots en attendant la suite, l'embarquement dans le train
en direction de la Charente.
Quelques personnes ayant de la parenté en Meurthe-et-Moselle ou encore en Meuse préfèrent trouver refuge auprès des leurs.
Le jeudi 7 septembre, le reste des
Kalhousiens quitte ce premier lieu de ralliement. Ils laissent sur
place bêtes et chariots ; les personnes âgées sont installées dans les
wagons à voyageurs, les autres avec leurs bagages entassés dans les
wagons à bestiaux.
Imaginez le confort, les conditions
d'hygiène : on est si serré qu'on ne peut même pas se coucher !
Imaginez l'épreuve que doivent endurer les vieillards, les malades, les
jeunes enfants !
Cliquer sur la carte pour l'agrandir
Images de Charente telle que nos réfugiés l’ont trouvée en 1939
Le château de Pleuville
Le château d’Aizecq
Images de Charente en 1939
c) L’installation des évacués
Le vendredi de la semaine suivante,
après un long et pénible voyage entrecoupé de nombreux arrêts où des
équipes de la Croix-Rouge ravitaillent les voyageurs depuis les quais
des gares, le convoi ferroviaire arrive enfin à ANGOULEME.
Voilà qu'on annonce maintenant à
ces pauvres évacués fatigués par un long voyage, un changement
d'affectation : le village de VITRAC-SAINT-VINCENT prévu pour
accueillir les Kalhousiens a déjà été réquisitionné pour d'autres
réfugiés.
Le train est alors obligé de faire
une marche arrière de 40 km pour finalement entrer en gare de
RUFFEC. De là, pris en charge par des bus et des camions, les évacués
sont dirigés sur le village de BENEST où ils passeront ensemble la
première nuit d'exil.
Pour ce premier soir en Charente,
nos villageois sont invités à dîner dans les familles charentaises et
sont hébergés dans différents bâtiments (écoles, château et autres),
avant d'être le jour suivant répartis entre trois villages et leurs
hameaux : 258 personnes trouvent refuge à BENEST, 152 à AIZECQ et 112 à
PLEUVILLE. Les familles sont logées dans les maisons inhabitées en plus
ou moins bon état, situées dans le bourg ou les écarts distants de 1
à 2 km du centre-village.
La maison GROSS quittée en 1939
|
Celle attribuée en Charente
|
A PLEUVILLE, le château est à
nouveau habité à raison d'une famille par pièce. Néanmoins les familles
nombreuses ont quelques difficultés à trouver un toit, qui de surcroît
est souvent troué. On dort à même le sol, sur de la paille ; par la
suite, en confectionnera des lits de fortune. Souvent les nuits sont
agitées par un cri strident qui réveille les dormeurs : "une souris"
; les puces et cafards ne manquent pas non plus.
Pensez un instant à ces Charentais
sur lesquels se déverse ce flot de réfugiés venus de la lointaine
Moselle, dont certains ne parlent même pas le Français. La langue est
un obstacle à la communication pour les personnes d'un certain âge. En
effet, ne parlant que le dialecte, elles se voient contraintes de
s'exprimer par gestes afin de se faire comprendre. À cause de ce
dialecte germanique parlé par la majorité des réfugiés, les Charentais
les considèrent dans un premier temps comme les "Boches de l’Est",
mais ce préjugé tombera bien vite.
Durant les premiers jours, une
sorte de cantine est mise en place pour les évacués car faute
d'ustensiles de cuisine, les familles exilées ne peuvent préparer les
repas. Chaque famille viendra alors chercher les parts qui lui
reviennent.
En route pour aller chercher leur ration à la cantine.
Personnes ayant trouvé refuge au château de PLEUVILLE
d) La vie quotidienne en Charente
La vie s'organise tout doucement
malgré de nombreux problèmes d'adaptation dus à des conditions de vie
différentes. Les réfugiés lorrains vont souffrir pour commencer du
manque de confort des habitations charentaises : il n'y a souvent pas
l'eau courante, ni l'électricité, ni les toilettes. Les maisons ne sont
chauffées que par la grande cheminée de la salle commune. Et puis il a
d'autres habitudes alimentaires : la "chopine" * , ce grand verre de vin
rouge pouvant se boire à tout moment de la journée va remplacer la
bière et il faut apprendre à "faire chabrol" * c'est-à-dire à verser
une bonne rasade de vin rouge dans la soupe aux légumes avant de la
manger.
Les réfugiés ne chômeront pas
longtemps, la majorité d'entre eux ira travailler dans les différentes
exploitations agricoles des villages afin de combler le déficit de
main-d’œuvre provoqué par le départ des hommes au combat. D'autres
pourront exercer leur profession : quelques jeunes filles
confectionneront des uniformes pour les soldats français, même le
facteur retraité reprendra du service pour distribuer le courrier aux
gens de KALHAUSEN.
Travaux dans les champs
Le curé installé à BENEST dira la
messe tous les matins, ce qui étonnera beaucoup les Charentais plutôt
non pratiquants et l'institutrice continuera d'enseigner dans les
locaux du village d'accueil.
Les jeunes Kalhousiens à Pleuville
Une indemnité journalière de dix
francs sera versée à chaque réfugié. Ce maigre revenu, auquel
s'ajouteront des salaires tout aussi menus permettra d'acquérir
quelques ustensiles de cuisine et souvent un petit fourneau, ce poêle
cylindrique à trois pieds surnommé "poêle charentais" qui leur
servira à préparer les repas.
Une parcelle de potager sera même
gracieusement attribuée à certaines familles pour qu'elles puissent
produire elles-mêmes leurs légumes. Il y aura également des
distributions d'habits au profit des réfugiés mais cela créera quelques
rivalités entre différentes familles, toutes voulant les plus beaux
habits.
Certaines familles de cheminots
seront par la suite regroupées à RUFFEC. Les permissionnaires
venant essentiellement de la ligne Maginot, rendront visite à
leurs familles et leurs connaissances. Les jeunes de la classe 1919
seront incorporés dans l’armée française pendant leur exil en Charente
et même certains anciens seront rappelés sous les drapeaux.
Un journal intitulé "Le Lien" est
diffusé par l'abbé GOLDSCHMITT, curé de RECH-les-SARRALBE et
donne aux réfugiés des nouvelles sur les autres villages évacués.
Les bains dans la Charente où
d'ailleurs on lave également le linge, sont très appréciés des plus
jeunes. Une bonne coopération s'installe entre les Charentais et les
Mosellans, des liens d'amitié se nouent. La majorité des familles
accueillies en Charente y séjourne jusqu'après la signature de
l'armistice, le 22 juin 1940. Seules quelques familles de
fonctionnaires peuvent rejoindre la Lorraine avant cette date. Ainsi
les habitants de KALHAUSEN retrouvent pendant presque une dizaine de
mois une vie quasiment paisible à plus de 900 km de leur village
d'origine.
Les lavandières kalhousiennes au bord de la Charente
(Cliquez sur la photo pour l'agrandir)
Poème écrit en août 1987 par Geneviève, la fille de M. et Mme Guindant. Ils avaient accueilli très chaleureusement
la famille de Jacques Klein lors de leur arrivée en Charente.
Le poème nous a été remis par Bernadette la petite fille de Jacques Klein.
e) Extrait des registres paroissiaux de la période d'occupation
Des statistiques paroissiales, il
ressort que huit enfants sont nés en Charente, sept personnes y sont
décédées, et cinq mariages ont été célébrés.
a) Les naissances
:
1) Odette Jeanne FREYERMUTH le 02.11.1939
fille de FREYERMUTH Nicolas et de STARCK Frieda
2) Norbert FREYERMUTH le 15.11.1939 fils de Philippe FREYERMUTH et de Cécile DEMMERLE
3) Pierre STEPHANUS le
04.01.1940 fils de STEPHANUS Christian
et de BRUCH Rosa
4) Thomas Gilbert HERRMANN le
17.02.1940 fils de HERRMANN Joseph et de LANG Marie
5) René SELTZER le 07.04.1940 fils de SELTZER Jacques et de RIMLINGER Marie
6) Marie KREMER le 22.04.1940 fille de KREMER Pierre et de PEFFERKORN Louise
7) Jean-Marie LUDMANN le 14.05.1940 fils de LUDMANN Alphonse et de REINHARD Marguerite
8) Jean-Claude DIER le 28.06.1940 fils de DIER Florentine
Dans le même registre apparaît à la
date du 25.04.1940, la naissance de Jeanne Agnès ZINS, née à CHOLOY en
Meurthe-et-Moselle, fille de ZINS Paul et de DIER Mathilde.
Trois autres naissances sont survenues pendant cette période, mais ne figurent pas dans les registres paroissiaux.
- François
FREYERMUTH, né le 15. 02. 1940 à EPINAL (Vosges), fils de Laurent
FREYERMUTH et de Joséphine DEMMERLE.
- Marie-Louise
LOHMANN, née le 24. 08. 1940 à SAINT-GERMAIN de CONFOLENS (Charente),
fille de Paul LOHMANN et de Mathilde BELOTT.
- André BORNER, né le 19. 08. 1940 à LOUDREFING (Moselle), fils de André BORNER et de Marie FREYERMUTH.
b) Les décès
1) GROSZ Florian le 09. 09. 1939 (61 ans), époux de FRANZ Marie
2) KREMER Camille le 22. 09.1939, (6 mois), fils de KREMER Pierre et de PEFFERKORN Louise
3) METZGER Anne le 08. 12. 1939 (50 ans)
4) GROSZ Marie le 21. 12. 1939 (72 ans)
5) PEFFERKORN Mathilde le 07.02.1940 (54 ans), veuve de HERZOG Georges
6) DEHLINGER
Clémentine le 03.03.1940 (70 ans), veuve de LENHARD Henri
7) HERRMANN André le 23.07.1940 (74 ans), époux de GROSS Marie
Est aussi mentionné dans le
registre, le décès de BOHL Marie (64 ans) à MOURONS (Meurthe et
Moselle) le 21. 09. 1939, veuve de MULLER Auguste.
c) Les mariages
1) Alphonse LUDMANN et Marguerite REINHARD le 10.10.1939
2) Pierre DANNENHOFFER et Clémence PEFFERKORN le 30.10.1939
3) Jean-Gabriel GERARD et Marie MEYER le 30.12.1939
4) Jean RONDIO et Catherine FERNER le 14.03.1940
5) Thomas REBMANN et Marguerite LANG le 30.09.1940
Groupes de réfugiés en Charente
III) L'ARMEE FRANCAISE SUR LE FRONT DE LA LIGNE MAGINOT
Durant toute cette période, le
village de KALHAUSEN est occupé par les troupes françaises. Pendant
l'évacuation, les localités désertées sont placées sous l'autorité de
la commission de sauvegarde et occupées par la troupe. À KALHAUSEN,
l'état-major est installé dans l'ancienne maison LETT au centre du
village, l'aumônerie militaire dans la maison JUVING Henri, au bas de
la rue de la gare.
Parfois l'armée termine elle-même les récoltes. Les
pillages sont inévitables malgré les mesures prises (affichage d'avis
où les travaux forcés, puis la peine de mort sont requis contre les
pillards) et dus au calme qui règne sur le front, à l’ennui engendré
par l'inaction et l'indiscipline.
L'hiver 1939/1940 sera très rude.
Par roulement les soldats de la
ligne Maginot sont relevés tous les trois mois, tandis que les unités
d'intervalle placées entre les ouvrages se relaient pour consolider
certaines positions ou bien profitent de périodes de repos dans les
villages hors de la zone rouge.
Après une offensive française du 7 au
14 septembre 1939, puis le repli sur l'avant de la ligne Maginot, le "Sitzkrieg", guerre de position et d'observation, appelée aussi "drôle
de guerre" par les troupes françaises se met en place. De
nombreuses unités de nos forces sont faites prisonnières sans avoir pu
livrer bataille.
Trente-huit militaires français tués au front lors de l'offensive de septembre 1939 sont enterrés à WEIDESHEIM.
IV) L'ARMISTICE
L'armistice signé le 22 juin 1940 à
RETHONDES, coupe la France en deux et c'est la ligne de démarcation qui
délimite la zone occupée de la zone libre. Même nos réfugiés souffrent
de cette délimitation puisque les villages d'accueil se retrouvent de
part et d'autre de cette ligne. L'Alsace et la Moselle sont purement et
simplement annexées à l'Allemagne et sont incluses l'une dans le "Gau
de Baden" et l'autre dans le "Gau Westmark", c'est-à-dire la région
de la Marche occidentale. En plus un grand quart nord-est de la France
est classé en zone interdite ; les contrôles frontaliers sont instaurés
interdisant l'accès à toute personne de souche "étrangère".
V) LA VIE A KALHAUSEN D’AOUT 1940 à 1944
a) Retour au village natal
Début août 1940, les réfugiés de
PLEUVILLE, en zone libre, se mettent sur le chemin du retour, tandis
que les autres, ceux de BENEST et d’AIZECQ en zone occupée, n'entament
leur retour qu'en septembre. Le trajet, moins long qu'à l'aller se fait
dans des wagons voyageurs, donc dans de meilleures conditions.
La
famille PROSZENUCK reste en Charente de même que le cordonnier
SIMKOWIACK Victor.
Les familles KORMILZIN et SPIELEWOY d'origine russe,
après bien des difficultés au point de contrôle de Saint-Dizier, sont
quand même autorisées à revenir à KALHAUSEN.
Les Kalhousiens rapportent de
Charente tous ce qu'ils y ont acquis : fourneau, vélo, ustensiles de
cuisine, outillage, ce qui leur est d'ailleurs bien utile au retour. En
effet, que de changements à leur retour en terre natale ! Quelques
maisons de la rue de la Libération à hauteur de l'immeuble KOCH Jean
(actuellement DEMMERLE Jean) ont été soufflées ou fortement endommagées
lors du dynamitage de la rue par l'armée française battant en retraite
devant l'avance allemande.
Rue de la libération avant 1939
|
Cette même rue en 1940
|
Tout le village est entièrement
pillé, la plupart des biens abandonnés en 1939, ont disparu : plus de
lits, ni de draps, plus d'habits, plus d'ustensiles ménagers, plus de
matériels agricoles, même des fourneaux ont été volés. Les auteurs de
ces méfaits sont de trois catégories différentes :
1) Les soldats français occupant le
village après le départ de la population qui ont expédié à leur famille
tout ce qui pouvait servir et de surcroît ont détérioré gratuitement
beaucoup de biens. Les armoires, tables, chaises et même le parquet des
chambres ont souvent servi de combustible pendant l'hiver rigoureux de
1939/1940.
2) Les habitants des villages voisins ne faisant pas parti de la zone rouge et qui n'ont été évacués qu'au mois de mai 1940.
3) Les premiers réfugiés rentrés qui ont récupéré dans d'autres maisons de la localité ce qui leur manquait.
D'ailleurs ceux qui reviennent plus
tard font le déplacement jusque dans les villages du fond du
Bitcherland encore inhabités à ce moment, pour faire de même. Quelques
affaires peuvent être retrouvées, parfois en piteux état, éparpillées
en rase campagne.
Pour la première vague de
revenants, ceux du mois d'août, pendant quelques temps, la popote est
préparée par MULLER Marie, épouse SCHAEFFER à la boucherie, dans les
grands bacs qui normalement servent à faire cuire les saucisses.
À la fin septembre, notre village
est pratiquement repeuplé, mais sous domination nazie et les
Kalhausiens sont devenus sujets allemands. Vivre sous le joug du régime
nazi et dans les conditions précaires va leur demander beaucoup
d'efforts.
Afin de pouvoir reprendre leur
activité, les artisans, les agriculteurs, mais aussi toutes les
familles ayant subi des préjudices dus à la guerre, remplissent divers
dossiers afin que leurs dommages immobiliers, mobiliers, agricoles et
d'ordre commercial leur soient si possible indemnisés. Après examen des
dossiers, une distribution de bétail a lieu pour que les familles
puissent tant bien que mal subvenir à leurs besoins. D'autre part, bien
souvent, ils iront dans les villages non évacués pour se ravitailler en
nourriture auprès d'amis ou membres de la famille.
b) Administration de notre localité
Du point de vue de la municipalité,
le maire d'avant-guerre, SIMON Jean, réfugié à AIZECQ avait
établi la mairie à BENEST pendant la période d'évacuation.
Le registre
des délibérations où est mentionné en date du 30 juillet 1939 la
dernière réunion du conseil municipal avant l'exil, ne laisse
apparaître que deux délibérations de principe prises en Charente le 21
avril et le 16 juin 1940, délibérations qui ne sont même pas signées et
auxquelles n’ont assisté que quatre membres : SIMON Jean (Maire),
JUVING Henri, FREYERMUTH Pierre et STEPHANUS Victor.
Les conseillers
municipaux absents pour cause de mobilisation sont : GROSS Florian,
FREYERMUTH Laurent, LIST Pierre et NEU Jean-Baptiste. Ceux qui sont
restés en Moselle ou en Meurthe-et-Moselle sont : MULLER Rodolphe et
KARMANN Nicolas.
À son retour à KALHAUSEN, SIMON
Jean continue d'administrer la commune encore quelque temps, mais le
compte-rendu de la réunion du Conseil Municipal en date du 21 juin 1941
fait apparaître qu'il est remplacé par un certain REINHARD Georges
ayant la fonction d’ "Orstgruppenleiter" c'est-à-dire le dirigeant
d'un groupement local de communes. Cet homme est de souche
allemande, a une épouse de HOTTVILLER et habite au 20 rue de la
Montagne, actuellement la maison de M. et Mme KIHL Jean-Pierre.
Le 11 novembre 1941, un nouveau "Bürgermeister" est nommé en la personne de M. KARMANN Nicolas qui
demeurera à son poste jusqu'à la débâcle allemande. Le Conseil
Municipal, le "Gemeinderat" est formé, mais certains membres ne
perdurent guère dans leur fonction et des remaniements ont
lieu à
plusieurs reprises.
La "Bürgermeisterei" de KALHAUSEN
administre officiellement KALHAUSEN, HUTTING, WEIDESHEIM et
SCHMITTWEILLER. Le secrétariat de mairie est tenu par un véritable
nazi, un certain Walter THEURING, "Reichsdeutscher Beamter",
c’est-à-dire fonctionnaire du Reich allemand.
Des gendarmes allemands, appelés "Feldgendarmen" sont en poste à KALHAUSEN dès le retour des
réfugiés. Ils sont au nombre de six :
1) FATLER, chef de brigade, loge
dans la maison MALMASSON (actuellement la maison de Mme HITTINGER Marie
au 5, rue des Roses) avec sa femme et ses deux enfants. Il se déplace
généralement à vélo.
2) HESSE, loge avec sa femme et une fille chez MULLER Florian
(actuellement FABING Henri 1, rue des Fleurs). Il se déplace le plus
souvent à cheval.
3) SCHNEIDER, originaire d'Alsace, loge avec sa femme et ses cinq
enfants au presbytère où d'ailleurs est installé le bureau de la "Feldgendarmerie".
4) ERDEL, célibataire, loge chez BRUCH Jean-Pierre au 14, rue des
Jardins.
5) BOUR, originaire de la Moselle, loge avec sa femme et ses deux
enfants chez PEFFERKORN Marie (Christofels) rue de l’Abbé Albert, à
côté de la maison THINNES.
6) FLAUS Emile, originaire
de la région de Forbach, loge avec son épouse Emma chez STEFFANUS
Jacques (actuellement STEFFANUS Chrétien), 4, rue de la Libération.
Leur mission consiste à surveiller
la population des cinq villages de leur secteur et à y maintenir
l'ordre. Ainsi il est, par exemple, défendu d'écouter à la radio les
stations françaises ou anglaises. Seules les stations allemandes sont
autorisées.
Un "Ortstbauernführer", un responsable des agriculteurs pour le village, est nommé en la personne de LIST Pierre.
LERBSCHER Jean-Pierre accepte le
poste d'appariteur et agent de police locale ("Biddel") et exerce à
KALHAUSEN et SCHMITTWEILLER. Maintes fois, il étouffe ou arrange des
affaires afin d'éviter de graves désagréments à de nombreuses familles.
L'administration nazie exerce un
strict contrôle sur toute l'activité du village, et la germanisation
est imposée dans tous les domaines. Les noms des rues sont modifiés :
- ainsi la place de l'Eglise se
nomme "Platz des Führers".
- la rue vers Schmittviller et la rue de la Gare sont la "Adolf Hitler
Straβe".
- la rue des Roses et la rue des Fleurs sont la "Hermann Göring Straβe" appelées ainsi en l'honneur du maréchal, commandant en chef des
forces aériennes
allemandes.
- la rue des jardins, la rue de la montagne et la rue des mésanges sont
la "Joseph Bürckel Straβe" nommées ainsi en l'honneur du "Gauleiter", c’est-à-dire du dirigeant du "Gau Westmark".
- la rue des Lilas est la "Schulstraβe".
Certains noms de famille à consonance française sont aussi modifiés : MALMASSON devient MALMASSER.
Privation de libertés,
restrictions, rationnements, expulsions, répressions, déportations
d'opposants et exterminations sont les maîtres mots des occupants. Les
Allemands cherchent par tous les moyens à endoctriner la population,
maniant la carotte et le bâton, prônant l'intégration pacifique ou
exerçant des pressions. Des réunions d'information sont organisées,
l'enrôlement dans les associations hitlériennes proposé :
- la "Hitler Jugend"
ou Jeunesse
Hitlérienne pour les garçons de 10 à 18
ans.
- le D.B.M. "Bund Deutscher Mädel" ou cercle des Jeunes Filles
Allemandes pour les filles de 10 à 18 ans.
Certains iront dès quinze ans
faire une sorte de préparation militaire d'une durée de trois semaines
dans des camps appelés "Wehrtüchtigungslager".
Il ne reste à nos vaillants
villageois qu'une solution : plier sous le fardeau du régime hitlérien
et attendre des jours meilleurs.
L'histoire ne peut mentir et il
faut signaler que quelques personnes au niveau du village affichent une
certaine complaisance avec l'occupant et de rares éléments acceptent de
coopérer avec l'ennemi.
c) Lente reprise d'une vie routinière
La paperasserie abonde, l'on ne
peut rien se procurer sans les fameuses cartes de rationnement : "Karten" qui sont instaurées en 1941 pour toutes les denrées
alimentaires : pain, viande, matière grasse, cacao, etc… mais aussi
pour d'autres produits tels que charbon, détergents, savon, vêtements,
chaussures.
Les quantités attribuées sont variables en fonction de
l’âge, de l'état de santé, de l'activité, de la saison et de la
disponibilité des aliments. Au début le rationnement est limité au
pain, à la farine, à la viande et au sucre. Puis il est étendu au
beurre, à l'huile, au lait, à la marmelade, enfin à l'ensemble des
denrées alimentaires de même qu’aux pneus, à l'essence, à l’huile
lourde et au tabac.
À l'occasion des fêtes de Noël ou
de Pâques, des compléments de sucre, de beurre, de vin, d'alcool ou de
sucreries peuvent être accordés. Par la suite, apparaissent des
produits de remplacement (les "Ersatz"). Le beurre est remplacé par
du saindoux, puis par du suif et ensuite par du beurre synthétique à
base de charbon. L’huile de poisson additionnée à la graisse fait
aussi son apparition. Le pain subit également transformation : on
ajoute à la farine de l'amidon de maïs ou de pomme de terre, du son et
dans les cas extrêmes de la sciure. L'orge grillée remplace le café, la
saccharine le sucre. On fait même des œufs synthétiques à partir du
lait, le "Milei". Le miel est remplacé par de la mélasse de
betteraves et l’on consomme aussi des topinambours et des rutabagas.
En mai 1941, a lieu la restitution
du bétail selon le cheptel existant avant l'évacuation de 1939. Par la
suite, le recensement des bêtes et même des petits animaux de
basse-cour a lieu une fois par mois, tout est répertorié, quantifié,
afin de limiter au maximum le marché noir.
Tuer un cochon pour sa
propre consommation nécessite une autorisation, même les œufs doivent
être comptés. Pour les récoltes, un quota est en vigueur et tout
supplément doit être remis aux autorités allemandes, dans des centres
de ramassage. Lorsqu'une famille abat un port ou une vache avec
autorisation, elle ne perçoit plus de tickets de viande pendant une
période déterminée. Cependant il faut savoir que les personnes tuant
des cochons au noir ne sont pas peu nombreuses.
Les trafics et marchés
clandestins sont florissants à la campagne où les citadins échangent
argent épargné et objets manufacturés contre des denrées alimentaires.
Chacun se découvre soudain un cousin éloigné ou un oncle chez qui il
peut venir se ravitailler. On souffre beaucoup moins de pénurie à la
campagne, qu'à la ville.
La vie au village devient à nouveau
quelque peu routinière, seules les relations entre les habitants sont
modifiées. En effet, l'atmosphère de confiance a disparu. Les personnes
discutent bien moins entre elles après la messe ou lorsqu'elles se
croisent dans les rues, qu’au temps où la paix régnait encore.
Un recensement est effectué au village le 1er mars 1943 :
IMMEUBLES
|
POPULATION
|
KALHAUSEN
109 |
601
|
HUTTING 12 |
38
|
GARE
12 |
46
|
WEIDESHEIM
10 |
57
|
Ce qui fait un total de 742 âmes dont
270 hommes, 276 femmes et 196 enfants de moins de 15
ans.
Durant la période de 1942-1943,
deux des trois cloches de l'église Saint Florian quittent le village en
direction des usines d'armement allemandes.
Le 22 septembre 1942, des bombes
larguées par un avion en détresse viennent troubler le calme apparent.
L'une d'entre elles provoquera l'incendie de la maison JUVING Henri.
Durant la période d'occupation, à
WEIDESHEIM, des officiers allemands sont logés dans le château et ses
dépendances et à proximité sont installés des baraquements servant à
héberger des prisonniers russes qui travaillent dans l'usine
souterraine de WITTRING.
d) Les expulsions
Le 21 novembre 1940, FREYERMUTH
Pierre (père) est expulsé avec toute sa famille, suite à sa demande
vers la zone libre, près de PAU, non sans avoir auparavant crié "Vive
la France" au restaurant SIMONIN et après que ses fils aient chanté la
Marseillaise. Ils ne reviendront qu'en 1945.
Ce même jour, les familles
KORMILZIN et SPIELEWOY sont aussi expulsées. Les Allemands ne leur
laissent qu'une demi-heure pour rassembler leurs affaires. Ils iront
aussi s'établir dans la région de PAU.
DUCHE Guy, né à AVRIL en
Meurthe-et-Moselle, avait été adopté par la famille STEPHANUS Florian.
Arrêté une première fois par la Gestapo le 2 mai 1941, pour son
opposition ouverte envers l'occupant mais aussi parce qu'il était
considéré comme étranger de souche française puisque né hors du
département annexé, il prendra la fuite vers la zone libre via
SAINT-DIZIER et la Charente en compagnie de KLEIN Jean et de MULLER
Théophile. Après tout un périple il arrive en Tunisie et s'engage dans
l'armée française, au IV ème Régiment de Chasseurs d'Afrique. Il ne
reviendra à KALHAUSEN que le 22 août 1945 accompagné de sa jeune épouse
Fortunée et de leur premier enfant Gisèle.
Le 28 juillet 1941, le curé Albert
MICHEL est expulsé suite à un incident à l'église et sur intervention
personnelle de l’ "Ortsgruppenleiter" Reinhard. Il se fixera dans la
région de Nancy chez des proches mais aussi chez d'anciens paroissiens
ou auprès de leur famille établie dans cette région. Émile KIRCH curé
d’ACHEN, devient alors desservant de KALHAUSEN.
e) Les "Malgré-nous", les Réfractaires et les insoumis
Les années 1942-1944 voient
successivement l'incorporation de force dans la "Wehrmacht" des
différentes classes d'âge allant des plus jeunes de la classe 1927 à
celle des plus anciens des classes 1914. Seuls quelques exemptés
temporaires voient leur incorporation différée en fonction de leur
emploi ou de leur situation familiale mais ce n'est qu'un report car au
fil des mois de 1944, ils seront tous soumis à l'obligation de servir
dans l'armée allemande. Tous ces hommes incorporés de force, on les
appellera les "Malgré-nous".
Triste sort que de devoir servir dans les rangs de l'occupant !
Prestation de serment dans une caserne allemande
Les jeunes Alsaciens et Mosellans
n'ayant pas encore servi dans l'armée française rejoignent d'abord les
camps du Service du travail, le "Arbeitsdienst", comportant des
séances de maniement d'armes remplacées par des bêches, des exercices
de préparation physique et des temps de travaux d'intérêt général.
Enfin suit l'affectation dans un régiment, le plus souvent sur le front
russe, pour éviter les désertions. Les plus âgés sont incorporés
directement dans
la "Wehrmacht".
PEFFERKORN Victor en uniforme de l’ "Arbeitsdienst"
|
En uniforme de la "Wehrmacht"
|
Il décède en 1948 des suites de maladies contractées durant son service dans l'armée allemande.
La majorité des hommes répond à
l'ordre d'incorporation par peur de représailles que l'on pourrait
exercer sur eux et sur leur famille et qui se résument en deux mots :
arrestation, déportation en camp d'extermination.
Cependant quelques jeunes ne se
rendent pas dans les centres de recrutement et passent jusqu'à un an à
vivre dans la clandestinité, dans des conditions peu enviables, cachés
dans toutes sortes d'endroits : fenil, cave, étable, hangar, caches
secrètes, ils sont appelés "Insoumis"
Ils sont rejoints dans leur clandestinité par d'autres jeunes qui, une
fois enrôlés dans l'armée allemande, profitent d'une permission ou
même d'une évasion pour rejoindre leur famille et se terrer jusqu'à la
libération. Ces derniers sont les déserteurs de l'armée allemands
appelés "Malgré-nous et réfractaires".
Vivre terré dans un "repaire", la peur au ventre d'être découvert ou
dénoncé, partager l'angoisse de toute la famille, ce n'est pas évident.
Il faut trouver la force de garder l'espoir et survivre dans de telles
conditions. Cette force, ils la puisent dans la Foi. Oh ! Combien de
chapelets sont égrenés !
Liste des "Malgré-nous et réfractaires" :
les trois frères AMANN (Joseph, Arthur et Ernest), JUVING Léon, LIST Joseph, DEMMERLE Jean-Pierre et FABING Arthur.
AMANN Arthur sera le premier
déserteur à se cacher ; il reste dans la clandestinité plus d'un an,
ayant trouvé refuge chez la famille LANG Jean-Pierre (rue Abbé Albert).
Au quartier de la Gare deux "Malgré-nous" choisissent aussi de déserter les rangs allemands : ROHR
Albert qui se réfugie chez des proches à GROS-REDERCHING et BEHR
Camille qui après un temps passé au domicile familial, ira se mettre à
l'abri dans un recoin des galeries de la carrière de WITTRING.
Lors de
la contre-offensive allemande du 3 janvier 1945, il se retirera avec
les troupes américaines pour ne revenir que lorsque les positions
alliées seront consolidées.
Liste des Insoumis :
SCHEGEL Aloyse, MULLER Auguste,
DEMMERLE Florian, RIMLINGER Charles, LANG Pierre, KLEIN Jacques,
WEITTMANN Joseph, GASSER Charles et KIHL Jean-Pierre.
A HUTTING, aussi des insoumis vivent dans l'ombre, il s'agit de :
SAARBACH Georges, MULLER Bernard,
DEHLINGER Eugène, SOULIER Joseph, chef de gare à l’époque ainsi qu’un
certain GRAUSSER François de THIONVILLE.
Ils ont aménagé une bonne cachette
dans l’étable, sous la vache et cette planque leur a peut-être sauvé la
vie car en septembre 1944, suite à une lettre oubliée par négligence
chez des amis, les Allemands apprennent que des insoumis se trouvent à
HUTTING. Ils encerclent les quelques maisons et font une fouille
systématique mais sans résultat. Cependant plusieurs personnes sont
arrêtées pour complicité. DEHLINGER Lucie sera emprisonnée pendant
quelques jours à SARRE-UNION, tandis que HERRGOTT Raymond, MULLER Else,
DEHLINGER Eugénie, SPECHT Marie, SAARBACH Cécile et GRAUSSER Blanche
seront déportés au camp du STRUTHOF près de SCHIRMECK pour ne revenir
qu'après l'arrivée des Américains.
Après cette rafle, nos insoumis,
pris de peur, vont se cacher en forêt de HERBITZHEIM du côté de la "Waldhutte".
f) Le sacrifice suprême.
Malheureusement parmi les "Malgré-nous", 15 tomberont sur les différents champs de bataille. Ils
ont payé de leur sang la folie hitlérienne. Que de familles en pleurs,
de foyers brisés, d'enfants sans père !
Liste des "Malgré-nous" morts au combat ou portés disparus :
les frères Albert et Lucien
KLEIN
les demi-frères Henri KIHL et André ZINS
ASSANT Aloyse
BRUCH
Joseph
GROSS Joseph
GROSS Lucien
HOLTZRITTER Victor
LOHMANN Joseph
METZGER Nicolas
PHILIPP André
SCHEYDECKER Raymond
STEPHANUS Antoine
WENDEL Antoine
A cette liste, se rajoutent les noms de :
LENHARD Nicolas, mort en
camp
PEFFERKORN Victor, mort des suites de la guerre,
KORMILZIN Albert, seul Kalhausien à être tombé sous l'uniforme français.
LENHARD Nicolas, voulant se
soustraire au régime nazi et ainsi éviter l'incorporation dans l'armée
allemande, décide de se rendre chez son oncle à NANCY. Mais en passant
à METZ, où il se procure de faux papiers, il est arrêté et emprisonné
au fort de QUEULEU puis au STRUTHOF et ensuite envoyé dans le camp de
concentration de JOHANNGEORGENSTADT * dans l’Erzgeborge en Saxe.
Il doit
travailler dans un hangar d'aviation à raison de douze heures par jour.
Lorsque les Russes libèrent ce camp, Nicolas est très affaibli. Il est
transféré à l'hôpital de THERESIENSTADT* pour se reposer et y reprendre
des forces. Malheureusement, il décède sans avoir revu les siens et on
l'enterre dans une fosse commune.
Certains "Malgré-nous" sont faits
prisonniers par les Russes et passent par le camp de TAMBOV * où beaucoup
laisseront leur vie, terrassés par la dysenterie.
KLEIN Albert
|
HOLTZRITTER Victor
|
ASSANT Aloyse
|
METZGER Nicolas
|
ZINS
André
KIHL Henri
STEPHANUS Antoine
|
BRUCH Joseph
|
PHILIPP André
|
LENHARD Nicolas
|
KLEIN Lucien
|
GROSS Lucien
|
|
WENDEL Antoine
|
KORMILZIN Albert
|
|
g) Les combattants de la liberté.
N'oublions pas que pendant tout ce
temps des jeunes passent en zone libre. D'autres, issus de
familles expulsées, servent dans les rangs de l'armée française ou dans
le maquis.
Le seul résistant engagé dans le
maquis pour la durée de la guerre est FREYERMUTH Victor (habitant
actuellement à WOELFLING). En Charente, il franchit la ligne de
démarcation pour rejoindre les combattants de l'ombre. PROSZENUCK
Raymond rejoint aussi le maquis, mais par la suite s'engagera dans
l'armée française.
Les frères KORMILZIN se sont engagés dans l'armée française :
- Albert, d'abord
gendarme au Maroc, puis mobilisé au IV ème Régiment de Tirailleurs
Marocains, passe par la Sardaigne, participe à la libération de sa
patrie, mais tombe au champ d'honneur. Il est "Mort pour la France"
le 24 novembre 1944 à MULHOUSE.
- Joseph, engagé
volontaire le 1er août 1941 dans un Régiment de transmission à
CHATEAUROUX est affecté en septembre 1944 dans la brigade
Alsace-Lorraine. Il participera à la libération de l'Alsace, puis à
l'offensive alliée en Allemagne et restera sous les drapeaux jusqu'au 6
novembre 1946.
Une section de l'armée française
avec
KORMILZIN Joseph à
l’extrême
droite et SPIELEWOY Frédéric le troisième à partir de la droite.
DIER Jean, STARCK Alfred,
PROSZENUCK Théophile, SIMONIN Jacques et KORMILZIN Albert, tous nés à
la fin de 1919 ou au début de 1920, font partie du dernier contingent
mobilisé en mars 1940 par l'armée française et restent sous les
drapeaux pour combattre l'occupant.
KLEIN Jean, MULLER Théophile et DUCHE Guy s'engagent eux aussi dans les forces françaises.
Les trois frères FREYERMUTH
(Pierre, Jacques et Marcel) s'engagent le 1er septembre 1944 pour trois
mois dans les F.F.I. (Forces Françaises de l'Intérieur). Pierre et
Marcel sont blessés et retournent fin novembre dans leur famille,
tandis que Jacques opte pour l'aviation à La ROCHELLE.
h) D'autres exilés.
Durant la période d'occupation nazie, d'autres personnes sont contraintes de délaisser le village.
1) Les déportés pour opinions
politiques qui refusent de signer l'arrêté d'intégration dans la "Volksgemeinschaft", la communauté du peuple allemand.
Le 18 janvier 1943, ils sont
déplacés dans le "Sudetengau" * , région de Tchécoslovaquie appelée
Sudètes. Ils ne reviendront que le 18 juin 1945.
Il s'agit des familles FREYERMUTH
André, FREYERMUTH Émile, FREYERMUTH Chrétien avec deux enfants,
D’ANDREA Antoine avec deux enfants, KLEIN Auguste avec trois enfants,
GROSS Madeleine avec un enfant (en tout 19 personnes).
GROSS Madeleine est décédée à
FALKENAU en novembre 1943. La plupart de ces déportés doivent
travailler dans une usine fabriquant des détonateurs, les autres sur
divers chantiers.
2) Les jeunes garçons issus de
souche étrangère ou nés en dehors des départements annexés sont soumis
au S.T.O. (Service de Travail Obligatoire) en Allemagne : c'est le cas
de LAZZAROTTO Pietro (Pierre).
3) Les filles, essentiellement
celles nées en 1926, après avoir passé un conseil de révision sont
contraintes dans le cadre du "Reichsarbeitsdienst" ou
du "Hilfsdienst" d'aller travailler en Allemagne pendant la période
1942/43.
Le "Reichsarbeitsdienst", le
Service du travail, consiste pour les filles, après une période de
formation de six mois, à travailler dans des exploitations agricoles ou
à apporter une aide-ménagère à certaines familles.
Le "Hilfsdienst", le Service d'aide, consiste à travailler dans des usines d'armement.
LENHARD Marie-Thérèse, actuellement
veuve MULLER Oscar, favorisée par sa petite taille est employée
durant cinq mois dans le Baden-Würtemberg, dans le service extérieur du
camp de WALSHEIM * et ne fera que quatre semaines d’aide familiale.
LENHARD Marie-Thérèse en uniforme de l’ "Arbeitsdienst"
JUVING Gabrielle, actuellement
épouse LENHARD Nicolas, passe six mois près d’OSNABRÜCK *. Durant
cette période, cette ville est bombardée au phosphore et il y a de
nombreuses victimes.
SCHEGEL Marie, actuellement épouse RIMLINGER Charles, séjourne sept mois en Hesse.
LERBSCHER Bernadine, épouse DIER
Joseph, passe six mois dans un village, au pays de Bade. Lorsque du
coteau qui surplombe le village, elle aperçoit la Suisse qui brille de
mille lumières, l'envie de s'évader ne manque pas. Mais la peur d'être
reprise l'empêche de s’enfuir.
Sa sœur Joséphine, épouse
BAUER, habitant actuellement à OERMINGEN, passe un an près de STUTTGART *,
puis six autres mois au "Hilfsdienst" dans une usine d'aviation.
MOURER Lucie, épouse BERNHARDT,
habitant actuellement à SARREGUEMINES, passe aussi un an près de
STUTTGART dont un semestre
au
"Arbeitsdienst" et un autre au "Hilfsdienst" dans une usine fabriquant des pièces pour l'aviation.
4) D'autres encore sont contraintes
d'aller travailler au chemin de fer, dans l'administration, sur les
chantiers de reconstruction, mais dans notre région cette fois-ci : ce
sont principalement des personnes célibataires qui n'ont pas besoin de
rester au foyer pour aider leurs parents.
Laissez-passer d’une jeune Kalhousienne
contrainte de travailler aux chemins de fer allemands.
5) Des jeunes hommes, tel LENHARD
Jacques, après sa démobilisation, restent en zone libre afin d'échapper
au contrôle des Allemands. Son frère Nicolas passe clandestinement en
zone libre pour le même motif.
i) Des déplacés dans notre village.
Souvent, nos villageois ont aussi
un geste de partage envers des Russes et des Italiens qui viennent
demander l'aumône. Il s'agit de personnes déplacées de leur patrie,
pour servir la machine de guerre allemande. Ils sont installés pour la
plupart dans des baraquements à WEIDESHEIM et près de la carrière de
WITTRING, contraints de travailler dans l'usine souterraine à la
production d'air liquide, combustible utilisé par les fusées V2.
Pendant leur temps libre, ils vont dans les villages du secteur
chercher un complément à leur maigre nourriture.
Pendant quelque temps, des
prisonniers Serbes et des Français de la zone occupée sont mis à la
disposition des cultivateurs du village pour les aider dans les travaux
agricoles.
Dans le cadre du "Reichsarbeitsdienst" une vingtaine de jeunes étudiantes venues
d'autres contrées, telles que le bassin houiller, le Land de Sarre,
sont employées en tant qu’aides-ménagères dans les familles de la
localité. Elles occupent le logement au-dessus de l'école et les soirs
pour passer le temps, elles arpentent les rues du village en chantant
ou se rassemblent sous le marronnier à côté de l'église.
Quatre filles ukrainiennes trouvent également refuge dans des familles d'accueil du village de fin août 1944 au printemps 1945.
Des "Malgré-Nous" dans la "Wehrmacht".
Joseph LIST dans une unité motorisée.
Décédé en 1992, il a été l’époux de Cécile LEJEUNE.
|
Oscar MULLER dans une unité navale.
Décédé en 1988, il a été l’époux de Marie-Thérèse LENHARD.
|
VI) LA LIBERATION
a) Période pré-libératoire
Depuis des mois déjà, le couvre-feu
est imposé, les fenêtres sont fermées, les volets sont calfeutrés dès
le coucher du soleil. Bien souvent l'on y pend des couvertures, afin de
ne pas laisser filtrer le moindre rayon de lumière pour ne pas être
aperçu de l'extérieur à cause des risques de bombardements.
Veillée en famille pendant la période du couvre-feu,
on accroche des couvertures aux fenêtres.
De temps à autre dans le ciel
nocturne se déclenche une fusée lumineuse de la forme de petits sapins
de Noël. D'ailleurs dans le dialecte on les appelait "Dònnebämel", en
fait c'était le signal de déclenchement des bombardements par les
forteresses volantes alliées qui déverseront leurs tonnes de
bombes sur
des cibles plus ou moins proche : SARREGUEMINES, SARREBRUCK…
Mais l'espoir renaît : le 6 juin
1944, les alliés débarquent en Normandie et le 25 août 1944 en
Provence. Cependant, l'avancée des troupes alliées sera bien moins
rapide que ne l'espéraient nos villageois.
Les alertes aériennes sont
fréquentes. A deux reprises des bombes larguées par des avions
atteignent notre village, mais ne causent que des dégâts matériels.
La population se réfugie dans les
caves (voûtées de préférence car reconnues plus sûres). Il arrivera un
moment où les gens ne sortiront plus des caves, sauf pour nourrir les
animaux. Les matelas sont étalés directement sur les tas de pommes de
terre ou de betteraves.
Durant l'automne 1944, tous les
hommes, présents au village, sont réquisitionnés pour "Schanze",
c’est-à-dire creuser des tranchées anti-char.
Durant cette même période, quelques pro-nazis quittent le village.
Le 1er novembre 1944, lors d'une
attaque, seize bombes tombent sur WEIDESHEIM. Une des deux fermes
flambe et le toit de la chapelle est soufflé par l'explosion.
Fin novembre, les tirs d'obus se rapprochent, la débâcle est visible,
des régiments en retraite traversent notre région, la délivrance
approche. Mais une fois encore, nos paysans se font voler le bétail :
les Allemands en retraite, emmènent toutes les bêtes à cornes n'en
laissant qu'une par étable. Quelques personnes du village sont même
obligées d'encadrer le troupeau.
Dans l'après-midi du 1er décembre
1944, des obus meurtriers s'abattent sur le village. PEFFERKORN Aloyse
est tué dans la cour de sa maison et MULLER Joséphine (actuellement
veuve ASSANT) est blessée à la jambe et à l'épaule droite par un éclat
d'obus. Le jour même, la maison de PEFFERKORN Marie née REICH
(Christofels) à côté de THINNES est fortement endommagée. Elle ne sera
plus reconstruite par la suite. À sa place, se trouve maintenant le
commerce THINNES.
b) Les Libérateurs
Le 5 décembre, les derniers soldats
allemands traversent le village, il ne reste qu'un char "Panther",
qui se déplace continuellement d’un point du village à un autre tirant
de temps en temps un obus pour laisser croire aux Américains qui
arrivent en vue du village que l'occupant est encore présent en nombre.
Avant la tombée de la nuit, la première maison est libérée, il s'agit
de la maison JUVING Henri.
Première maison libérée, celle de Henri JUVING
(près du croisement : rue de la Gare – rue des Vergers).
Le 6 au matin, par un temps gris et
brumeux, un bataillon du 104éme régiment de la 26éme division
d'infanterie (appelée Yankee Division), soutenu par des hommes de la
C.C.B. (Combat Command 2) de la 4ème Division Blindée du 12éme corps
d'armée, (les deux unités appartenant à la 3ème U.S. Army du général
PATTON) * va investir KALHAUSEN.
Ils arrivent au village par le côté
sud-est venant de SCHMITTVILLER et d’OERMINGEN. Tout semble se passer
dans de relatives bonnes conditions : ils fouillent maison après maison se
laissant aller parfois à des exacerbations, puis s'installent dans les
maisons. Ils sont accueillis en héros, des drapeaux français sont
sortis de leur cachette et apparaissent aux fenêtres. Cependant nos
villageois devront encore rester terrés dans leurs abris car les
Allemands ripostent depuis ACHEN, ce qui n'empêche pas la progression
américaine.
HUTTING est libéré le même matin et
les unités U.S. avancent de concert vers WEIDESHEIM, où depuis un abri,
un allemand fanatique ne cesse de tirer avec sa mitrailleuse.
Les deux jeunes frères GEISLER,
René et Armand suivent depuis HUTTING la progression des soldats
américains vers WEIDESHEIM et seront blessés par des éclats d'obus.
Pour venir à bout de ce nid de
mitrailleuse, installé sur le côté est de WEIDESHEIM, il faut faire
appel à l'aviation qui finalement fait sauter ce verrou en détruisant
le bunker. Les allemands qui tiennent position au coin du "Grosswald"
se rendent sans opposer de grande résistance. Pour KALHAUSEN la
libération semble acquise.
Mais voilà que, dans l'après-midi,
se produit un grave incident : au moulin de KALHAUSEN, la "Welschmuhl" un officier américain est grièvement blessé et perd
connaissance. La troupe libératrice croit que le coup de feu vient de
notre village et a été tiré par un pro-nazi embusqué.
De suite, les
ordres fusent en vue d'une répression. Les Américains investissent à
nouveau les caves et sans ménagement font sortir les Kalhousiens criant "Raus aus Haus" (Sortez de la maison). Ils braquent leurs armes sur
la population terrifiée.
La plupart des villageois sont rassemblés dans
les granges FABING et ZINS à l'extrémité du village (rue de la
libération). La population est menacée : si le coupable n'est pas
retrouvé dans les plus brefs délais, il y aura des représailles. Il se
produit un véritable miracle : le blessé, entre-temps ramené au
village, reprend connaissance et déclare qu'il a été touché par des
tirs allemands venant du côté d’ACHEN.
Les Kalhausiens peuvent alors
rentrer chez eux : zigzagant entre les obus qui s'abattent en nombre,
ils rejoignent leurs caves jusqu'à la fin des tirs. Un
"ORADOUR-sur-GLANE" bis a été évité de justesse. Il faut comprendre la
réaction des Américains : ils ont subi tellement de pertes ces derniers
temps
et sont devenus très méfiants. Un petit rappel : rien que pour la
libération de SARRE-UNION, 85 soldats U.S. ont laissé leur vie.
La grange de Nicolas FABING
où une partie de la population a été rassemblée.
Un poste de secours provisoire est
installé par les Américains devant la maison STEFFANUS Jacques
(rue de la libération). Ils y soignent alors leurs blessés avant le
transfert vers l'hôpital de campagne qui plus tard sera aménagée dans
la maison JUVING Henri.
c) La troupe U.S. cantonnée dans notre village
Les Américains dorment et mangent
chez l'habitant. Pour que la communication puisse s’établir avec la
population, ils offrent des fascicules destinés à apprendre
l'américain. Ils distribuent des boîtes de conserve de légumes et de
viande, de la farine, du chocolat, du savon, du sucre, de la confiture,
du chewing-gum … En échange, les jeunes filles leur confectionnent des
tartes aux pommes ou lavent leurs habits.
Nos villageois n'osent trop y
croire, cette liberté dont ils ont si souvent rêvée et qu'ils ont si
ardemment souhaitée vient de leur être rendue. Les voilà redevenus
citoyens français, libres. La population est ébahie devant le matériel dont disposent les libérateurs.
Troupes U. S. stationnées à KALHAUSEN au 17, rue des roses.
Les Américains établissent leur
quartier général dans la maison METZGER (3, rue de la libération). Les
Insoumis et les "Malgré-nous et réfractaires" y sont convoqués pour
vérification d'identité. Malheureusement ceux qui ont passé un temps
dans la "Wehrmacht" (ils sont au nombre de 8, moins FABING Arthur qui
réussit à rester à KALHAUSEN en produisant son livre militaire de
sous-officier français) sont arrêtés et emmenés d'abord dans une
bergerie à OERMINGEN, pour finalement arriver dans un camp de
prisonniers à STENAY (près de Verdun). Ils dorment sous des tentes,
puis sont dirigés sur la région parisienne. Ils ne reviendront au
village qu'au printemps ou à l'été 1945.
d) La libération de Kalhausen : le contexte historique par Bernard ZINS
Le 6 décembre 1944, Kalhausen
retrouve sa liberté. La campagne militaire qui va durer de septembre à
décembre 1944, dénommée par les historiens américains The Lorrain
campaign, va conduire les XII et XX Corps de la 3ème armée du général
Patton de la Meuse à la Sarre et au-delà. Cette bataille va se
prolonger trois mois et être très meurtrière, entraînant 50 000 pertes
du côté américain (tués, blessés, disparus) et qui correspond à environ
un tiers des pertes américaines sur le théâtre d'opérations européen.
Après avoir libéré Sarre-Union, les 26th Infantry Division et
4thArmored Division reprennent l’attaque en direction de la Sarre. Le 6
décembre, la 11. Panzer Division de la 1ère armée allemande du général
von Wietesheim * , renforcée par quelques éléments de la 25. Panzer
Grenadier Division ont établi une nouvelle ligne de défense allant de
Weidesheim, le Grand Bois vers Achen, Singling et Bining, arcboutée sur
les ouvrages de la Ligne Maginot. La stratégie adoptée consiste à
établir une ligne de résistance avec une défense élastique qui permet
de conserver un potentiel offensif, préserver des réserves,
contrattaquer dès qu'une opportunité se présente, décrocher quand la
pression ennemie devient insupportable et constituer une nouvelle ligne
de défense.
Les prémices de la libération
Après que le général Patton ait été
informé le 23 septembre 1944 par le Haut Commandement allié de la
suspension de la progression vers la Sarre, seule l'activité des
chasseurs bombardiers du XIX Tactial Air Command, l'aviation de soutien
de la 3ème armée va maintenir la pression sur les arrières
allemands. L'objectif est de désorganiser les liaisons de la 1ère armée
allemande et perturber les flux logistiques, en vue de la reprise des
opérations militaires qui sera effective le 8 novembre. Dans
l'après-midi du 1er novembre, les escadrilles du XIX TAC vont effectuer
247 sorties.
Dans la région, les infrastructures ferroviaires du
secteur de Sarreguemines, Sarralbe avec Wittring comme centre de
gravité sont visées. Deux escadrilles du 358th Fighter Group basé à
Mourmelon-Le-Grand (Marne), larguent 16 bombes de 226 kg sur un site
considéré par les services de renseignement américains comme un dépôt
au sud-est de Sarreguemines et affirment avoir détruit 12 immeubles
avec pour conséquence un énorme incendie. En réalité ce sont les
bâtiments situés à Weidesheim près de la gare de Kalhausen qui ont été
visés.
La "Schantzleitung" (direction des travaux de terrassement) a
établi son siège au château et occasionne une activité intense. De tout
le pays de Bitche, des travailleurs sont amenés par camions, cars…pour
édifier des positions défensives dans le secteur de la gare. Le 5,
c'est au tour de la bifurcation ferroviaire Sarralbe-Mommenheim au sud
de la gare de Kalhausen d'être prise pour cible par l'aviation
américaine.
Les témoins qui observent ces
attaques depuis le sol désignent communément ces chasseurs-
bombardiers, par le terme "Jabo" (acronyme de Jagdbomber).
Arsène
Kirschner qui les dénomme "Rotschwäntze" (passereaux - le surnom du 358th
Fighter Squadron est Orange tails en référence à la couleur rouge des
dérives), est un jeune homme originaire du pays de Bitche, requis pour
travailler à l'édification de la "Vogensenstellung", un ouvrage de
défense destiné à contrer l'avance américaine. C'est essentiellement un
réseau de tranchées qui traverse bois et champs et s'étend de
Sarreguemines aux Vosges en passant par Phalsbourg.
Affecté à un
chantier situé à proximité de la gare de Kalhausen, sur la ligne
Sarreguemines-Sarrebourg, il est témoin de plusieurs de ces attaques
aériennes: "Internés au domaine de Weidesheim, nous creusions sous
haute surveillance près du pont ferroviaire de l'Eichel vers
Herbitzheim. Un train militaire allemand était en attente sur
l'ouvrage. Bientôt apparurent quatre chasseurs-bombardiers P47
Thunderbolt. Après avoir effectué un virage, ils effectuèrent trois
passes de tir et laissèrent le train désemparé. Nous avions eu de la
chance, nous étions protégés par les tranchées que nous avions
creusées. Une autre fois ils détruisirent un grand nombre de wagons
garés sur les voies; le château d'eau fut percé de part en part et le
bâtiment de la gare fut endommagé. Heureusement qu'ils n'avaient pas
largué de bombes, nous étions très près des voies. J'ai aussi été
témoin de l'attaque des fermes de Weidesheim, situées non loin de la
gare ".
L'artillerie américaine procède
sporadiquement à des tirs de harcèlement sur les positions arrière de
l'armée allemande. Le 1er décembre 1944, une salve d'obus s'abat sur le
village de Kalhausen. Les canons sont positionnés à proximité de
Sarrewerden près de Sarre-Union, à une dizaine de kilomètres de
Kalhausen.
Les forces en présence
Après la prise de Sarre-Union par
les Américains le 4 décembre, des éléments de la 11. Panzerdivision et
de la 25. Panzer Grenadier Division mènent un combat d’arrière-garde.
Une unité de cette division a pour mission de tenir une ligne de
défense - Weidesheim, Achen, Bining - sur les positions de la
ligne
Maginot.
Le 4 décembre 1944, le moment est venu pour les Américains de
la 3ème armée du général Patton de reprendre l’attaque en direction de
la Sarre. La 26th Infantry Division ainsi que la 4thArmored
Division sont en charge du secteur à l’est de la Sarre en direction de
Rohrbach-lès-Bitche. La 11. Panzerdivision de la 1ère armée allemande
du général Balck a été autorisée à se replier sur l’Eichel mais d'un
point de vue tactique cela n'avait pas de sens et le 6 décembre la
division rejoint une zone qui s'établit de Weidesheim vers Achen et
Bining.
Une ligne de défense est établie sur ces positions de la Ligne
Maginot qui sont pour les unités américaines le principal obstacle à
franchir avant de s’attaquer au "Westwall" (ligne Siegfried). Mais la 11.
Panzerdivision commandée par le Generalleutnant von Wietersheim
renforcée par quelques éléments de la 25. Panzer Grenadier Division ne
fait plus le poids face aux troupes du général Patton. D’après les
services de renseignements américains, cette unité dispose encore de 35
chars (en réalité une vingtaine) et d’environ 4000 hommes épuisés
et démoralisés, tandis que l’artillerie divisionnaire reste encore
assez efficace. La 11. Panzerdivision avait eu des pertes
importantes lors de la défense de Metz au mois de novembre 1944.
L'entrée des Américains à Kalhausen
Le 5 décembre au soir, toute la
26th Infantry Division est regroupée entre la Sarre et l’Eichel.
Le matin du 6 décembre, le 3ème bataillon du 104th Infantry
Regiment avec sa compagnie K en tête sous le commandement du
lieutenant-colonel Dellert, progresse péniblement sous un harcèlement
continuel du feu allemand en direction de Kalhausen, qui, d'après les
informations reçues la veille, serait aux mains de la 4thArmored
Division, alors
qu’en réalité cette dernière se trouvait toujours
engagée devant Singling.
La surprise est grande quand, à l'approche du
village, les sections sont accueillies par des tirs d'armes
automatiques. Très suspicieux, le commandement américain, rassemble la
majorité des habitants dans les granges Zins et Fabing, afin de
procéder à une fouille méthodique des maisons. L’affaire de Kalhausen
n’est pas une exception. La méfiance des troupes américaines envers les
Lorrains parlant allemand est observée très fréquemment (Rodalbe,
Berig, Rening, Insming, Francaltroff, Wiesviller, Remelfing,
Sarreinsming…).
Dans l'ensemble, les troupes américaines sont
accueillies froidement et souvent les civils sont considérés comme
hostiles et traités comme ennemis. Dans les états-majors, on attribuait
la réserve des civils aux souffrances endurées et à la peur du retour
des Allemands. Pour les autochtones, les premières vagues de
libérateurs sont prises pour des unités disciplinaires, or il n'en est
rien. Arrivée dans le secteur de Kalhausen, après huit semaines de
combat confrontée à un ennemi coriace la 26th Infantry Division est
usée, les GI's mal équipés face aux rigueurs hivernales sont à bout.
Richard D Courtney, de la Antitank Company du 3ème bataillon du 104th
Infantry Regiment, se souvient qu’à Kalhausen, les brodequins et les
guêtres de la troupe sont échangés contre des combat boots (rangers);
des effets neufs sont touchés. Peu après la formation est relevée par
la 87th Infantry Division.
D'autre part, la propagande allemande avait
annoncé dans la presse que les soldats de ces premières unités étaient
des repris de justice, ce qui est complètement faux. Associée à la
"chasse aux souvenirs" effectuée par certains GI's peu scrupuleux, une
légende qui a la vie dure est née. Ce comportement peu avenant des
troupes américaines envers les civils amène l'attaché militaire
français à l'état-major du général Patton à formuler une plainte, mais
cette situation de suspicion n'allait pas durer et les rapports entre
militaires américains et civils malgré la barrière de la langue, vont
devenir plus cordiaux.
Le 6 décembre 1944, les villageois
voient avec surprise des Américains noirs débarquer de leurs engins
blindés. Ils ont face à eux des éléments du 761st Tank Battalion. C’est
le premier bataillon de chars de l’US Army composé de gens de couleur.
A cette époque les USA mènent une politique ségrégationniste et ce
n’est que grâce à l’appui d’Eléanore Roosevelt, la femme du président
des Etats-Unis, que des noirs pourront intégrer des unités
combattantes.
Les soldats noirs étaient considérés comme des Américains
de seconde zone et étaient exclus des unités de combat. Très souvent
ils étaient intégrés dans les services de logistique. La mission de
cette unité de blindés est le soutien de la 26th Infantry Division. Le
761st Tank Battalion a été activé le 1er avril 1942 à Camp Clairbornre
en Louisiane, l’unité a débarqué à Omaha Beach en Normandie le 10
octobre 1944. Patton dira d'eux en 1945 : " Le bataillon blindé noir
attaché à mon commandement a vaillamment combattu à Bastogne. Les
soldats noirs sont de sacrés bons soldats et la Nation peut être fière
d’eux".
La résistance allemande à Weidesheim
Après avoir libéré le village, les
Américains progressent vers le Grand Bois pour donner l’assaut à
Weidesheim, mais c’est un échec. La compagnie L du 3ème bataillon du
104th Infantry Regiment est bloquée par les tirs ennemis. Une compagnie
du 110. Panzergrenadier Regiment, d’un effectif compris entre 30 et 50
hommes, est retranchée dans les blockhaus du hameau. Le 1er
bataillon du 104th regiment est lui aussi bloqué par le feu des
casemates au nord d’Achen.
Le 7 décembre, Etting, surplombant Achen,
est libéré par le 2ème bataillon du 104th Infantry Regiment. Mais avant
de s’en prendre à l’ouvrage du Haut-Poirier et aux casemates sur les
hauteurs d’Achen et de la coulée vers Wittring, il est nécessaire de
neutraliser les défenseurs de Weidesheim. Le lieutenant-colonel
Dellert, commandant du 3ème bataillon, décide alors d'y engager
également sa compagnie I. Cette dernière, après être passée par
Hutting, libéré peu avant par le 2ème bataillon du 328th Infantry
Regiment, suit la voie ferrée pour attaquer du sud. Arrivée à la route
de Weidesheim, non loin de la gare de Kalhausen, elle est à son tour
immobilisée par les tirs allemands qui proviennent d’un mortier
installé derrière le blockhaus, à l’arrière de la ferme Muller.
L’artillerie allemande soutient les défenseurs de Weidesheim et
occasionne des pertes dans les rangs américains. Dellert engage sa
réserve et fait appel au 2ème bataillon du 328th Infantry Regiment.
Finalement, le capitaine Leboeuf, venant de Kalhausen à la tête de la
compagnie K du 104th Infantry Regiment, après avoir suivi le ruisseau
d'Achen, coupant à travers champs, investit Weidesheim au pas de
charge. Au moins deux défenseurs allemands sont tués, les autres sont
capturés. La progression de Leboeuf a été si rapide qu'il a failli être
pris sous le tir de sa propre artillerie. Quelque temps plus tard, il
explique avec une pointe d'humour « qu'il commençait à faire nuit et
qu'il n'aimait pas combattre la nuit».
Bill Giesler est un soldat
américain de la 26th Infantry Division blessé lors de l'attaque du
Grand Bois ou Grosswald, le 7 décembre 1944. Le secteur est entre les
mains d’une compagnie du 110e Panzergrenadier Regiment de la 11.
Panzerdivision. Cette unité allemande défend fanatiquement Weidesheim
et ses alentours.
Il relate les faits: "Vers 9h00 du matin, nous
avancions en contrebas d’une forêt (le Grosswald) près d’un village
nommé Kalhausen. L’officier de renseignement du bataillon a vu ce qu’il
pensait être des corps à 200 yards de nous (environ 180 m). Il m’a
envoyé, moi et un camarade, pour voir si c’étaient bien des corps. En
fait c’étaient des débris. Un obus d’artillerie avait explosé là-bas.
En revenant, un sniper allemand a ouvert le feu sur nous et j’ai été
touché au bras, mon copain a décampé et je me suis couché près d’une
haie. Quand la balle m’a touché, étrangement, je n’ai senti aucune
douleur, puis je n’avais plus de sensation dans le bras. La balle a
fracassé 3 inches d’os (5 à 6cm) puis j’ai rampé tout doucement.
J’étais très fatigué, je tenais mon bras. Il n’y a plus eu de coup de
feu. Je suis retourné dans nos lignes aidé du cuisinier de la
compagnie. Nous avons descendu la colline, traversé un petit ruisseau
(le ruisseau d’Achen) et sommes remontés vers le village où nous avons
trouvé un médecin. A la tombée de la nuit, j’ai été évacué vers Dieuze.
J’ai passé les 14 mois suivants dans divers hôpitaux ".
L'attaque de la Ligne Maginot
Pour contraindre les troupes
allemandes qui occupent la Ligne Maginot à la reddition, le
commandement américain fait appel à l'aviation et à une arme d'un
nouveau genre, testée la première fois le 17 juillet 1944 près de
Coutances (Manche) contre des bâtiments camouflés. Le 8 décembre, dans
la matinée, seize chasseurs-bombardiers P47 du 510th Fighter Squadron
attaquent les forts de la Ligne Maginot entre Wittring et Achen. Les
appareils larguent des bombes à fragmentation ainsi que 16 bidons d'une
contenance de 6800 litres de napalm, une substance très inflammable.
Les résultats sont jugés décevants, les projectiles ont mis le feu à
une zone loin de leur cible. Finalement le 9 décembre, l'infanterie
appuyée par un char du 761st Tank Battalion se rend maître des
ouvrages, pas du tout adaptés à contrer un ennemi qui attaque par
l'ouest et qui peuvent uniquement servir d'abri. C'est la fin des
opérations militaires dans le secteur.
Conclusion
La normalité semble être presque de
retour, mais dans l’après-midi du 24 décembre 1944 arrivent les
premiers réfugiés en provenance de Bliesbruck dans le sillage des
troupes de Patton, appelées en urgence dans les Ardennes, suite à
l’offensive "Wacht am Rhein" *. La tête de pont américaine dans la proche
Sarre est évacuée. La contre-offensive von Rundstedt dans les Ardennes
va porter un coup d'arrêt aux ambitions du général Patton. La 3ème
armée qui a pénétré dans le territoire allemand jusque Walsheim en
Sarre opère un mouvement de repli vers la Blies pour se diriger ensuite
vers le Luxembourg. La relève américaine est assurée par la 7ème armée
commandée par le général Patch. Un détachement de troupes de service,
composé essentiellement de musiciens et d'infirmiers, appose les
premiers graffitis à l’école du village.
Bernard Zins août 2019
Sources et bibliographie
Archives municipales de Sarreguemines, 82X6, 82X8
Témoignages de Joseph Pefferkorn, Arsène Kirschner, Bill Giesler
Ninth Air Force, April to November 1944, Army Air Force Historical Studies, October 1945
COLE (Hugh M), The Lorraine Campaign, Center of Military History, Washington DC, 1997
COURTNEY (Richard D), Normandy to the Bulge, University Press, Southern Illinois, 1997
A KALHAUSEN la vie reprend, on fête
Noël et la Saint-Sylvestre. Pourtant, au matin du 1er janvier des
nouvelles peu rassurantes mettent les Américains en alerte : Hitler
vient de déclencher une opération de contre-attaque baptisée "Nordwind".
e) Contre-offensive allemande et riposte de la 2ème D.B.
Le 3 janvier 1945, au matin, les
Allemands sont de retour à ACHEN. La panique s'installe parmi la
population, les habitants des villages frontaliers fuient devant
l'avancée allemande. Une partie des Kalhausiens se joint à eux et les
voilà repartis pour un nouvel exode, laissant tout sur place,
n'emmenant parfois que ce qui tient dans une charrette tirée à bras
hommes. Le reste de la population locale se terre à nouveau dans les
abris.
Arrivés au-delà de la crête de la "Hapreit", sur la route d’OERMINGEN, les fugitifs rencontrent des
unités de la 2ème Division Blindée de l'armée Leclerc : il s'agit du
4ème escadron et d'un peloton de T.D. (Tanks destroyers), des
chasseurs de chars armés de tubes 76,2). Ces hommes de la 2ème D. B.
sont surnommés "La Meute". Ils prennent position et, voyant ces gens
qui fuient, tentent de les rassurer en leur disant : « N'allez pas trop
loin, on les aura ».
D'ailleurs immédiatement "La Meute" se met en mouvement et va se porter au secours de l'infanterie U.S.
bloquée à ACHEN où la contre-attaque allemande est stoppée non sans
avoir causé de nombreuses victimes dans la population civile et dans
les rangs U.S. Au soir du 3 janvier, la 2ème Division Blindée
s’installe à KALHAUSEN. Nos Kalhausiens qui ont fui un éventuel retour
des Allemands, vont pour certains jusqu'à OERMINGEN pour d'autres plus
loin, jusqu'à BISTROFF-sur-SARRE.
Malgré l'arrêt de l'offensive
allemande, certains attendront une huitaine de jours pour revenir au
village, mais définitivement cette fois-ci, car l'ennemi ne pourra plus
jamais reprendre pied sur le territoire de notre commune.
Dans l'après-midi du 3 janvier,
LALUET Jacques est tué par un éclat d'obus allemands alors qu'il se
trouve dans le "Hohléck" (la rue des jardins), en face de l'actuelle
maison BOUR Lucien en compagnie de l’abbé SCHILT Aloyse. Ce jeune
prêtre curé réfugié de MALLAUCOURT, originaire de
SAINT-LOUIS-Les-BITCHE, assurait le service religieux dans la paroisse
depuis le 26/10/1944.
Une triste constatation sur le sort
tragique des deux victimes civiles de la guerre. La première,
PEFFERKORN Aloyse, est tuée par le premier obus tiré par les
libérateurs tant attendus, tandis que la deuxième victime, LALUET
Jacques, est tuée par un des derniers obus allemands tirés sur notre
village.
Il est vrai que l'arrivée de la
2ème D.B. est tout à fait providentielle car sans eux, les Allemands
auraient pénétré bien plus en avant durant leur contre-offensive,
l'état-major américain prévoyant de les laisser revenir jusqu'à
SARREBOURG. "La Meute" restera une quinzaine de jours à KALHAUSEN.
Elle profitera même de quelques matinées ensoleillées pour filmer des
scènes de guerre dans un mètre de neige, scènes qui en réalité ne sont
que des entraînements de tirs sur des carcasses de chars allemands.
f) Opération Nordwind à Achen et Gros-Réderching par Bernard ZINS
(Paru en 2015 dans la revue de la Shal, section de Bitche)
En 1945, Nordwind est la dernière
offensive allemande sur le territoire français. En Moselle-Est, les
opérations militaires s'essoufflent au bout de quelques jours, mais
pour beaucoup de soldats américains inexpérimentés, débarqués depuis
peu en Europe, ce sera un baptême du feu terrible. Des éléments de la
2e Division Blindée du général Leclerc, engagés à leurs côtés, vont
être confrontés à un adversaire très déterminé. A l'issue des
engagements, un spectacle de désolation s'offre aux yeux des habitants
des villages touchés par les combats: maisons soufflées par les
explosions, cheptel décimé...
Le contexte général.
Le 16 décembre 1944, à 5h30 du
matin, Hitler déclenche l’opération Wacht am Rhein, plus connue
sous le nom de Bataille des Ardennes. L’objectif est de reprendre le
port d’Anvers par lequel transitent la majorité des approvisionnements
destinés aux armées alliées. Considéré comme calme, destiné à
l'entraînement et au repos des troupes, le secteur des Ardennes est
défendu par des forces dérisoires : quatre divisions d'infanterie. De
gros moyens sont mis en œuvre par les Allemands : 10 divisions
blindées, 200 000 hommes prennent part à l’assaut. A ce moment,
l'effort allié se situe dans la Ruhr et dans la région de la Sarre.
Devant l’urgence de la situation, les forces du général Patton engagées
en Sarre stoppent leurs opérations et volent au secours des unités
engagées dans les Ardennes. A partir du 19 décembre, la 3e armée
américaine fait un virage de 90° et se dirige vers le Luxembourg. La
portion de territoire allemand conquise ainsi que les villages lorrains
libérés sont abandonnés et un no man’s land se crée, vite réoccupé par
les Allemands.
En fin d'après-midi du 24 décembre,
les premiers réfugiés en provenance de Bliesbruck arrivent à Kalhausen
dans le sillage d’une colonne américaine. La population ne comprend pas
pourquoi les Américains reculent et les abandonnent! Ces convois de
blindés et de véhicules de la 87th Infantry Division, entrés en Sarre
quelques jours plus tôt, se dirigent vers un point de rassemblement
situé à Munster (Moselle). La prochaine étape est Reims; leur objectif
est la ville de Bastogne encerclée par les forces du maréchal von
Rundstedt.
La 7e armée du général Patch prend la relève des troupes
envoyées vers le nord. Les lignes du nouveau front sont très étirées
(135 km). La 44th Infantry, Division, commandée par le général Dean,
arrive dans le secteur vers le 20-21 décembre et s’installe en position
défensive. Le secteur tenu par l’unité s’étend le long de la Blies
jusqu’à Bliesbruck, suit la ligne de chemin de fer, passe devant
Niedergailbach, Obergailbach, Guiderkirch. La Century Division flanque
la 44th sur sa droite vers Bitche, tandis que la 103rd est déployée à
l’ouest de Sarreguemines. Un plan de retrait est prévu en cas
d’offensive ennemie majeure.
Vers le 22 décembre 1944, Hitler se
rend compte que l’offensive en Belgique n’aboutit pas et commence à
planifier l’opération Nordwind. L’objectif est de détruire la 7e armée
américaine en la prenant en tenaille. Une attaque doit percer le front
dans le secteur de la Ligne Maginot, entre Sarreguemines et Rimling,
une autre attaque a pour objectif le débouché des vallées de Wingen et
Niederbronn. D’autres forces allemandes doivent traverser le Rhin au
nord de Strasbourg et celles de la poche de Colmar établir la jonction
avec les troupes engagées dans le secteur Nord, ainsi l’Alsace serait à
nouveau allemande et le drapeau à croix gammée flotterait à nouveau sur
la cathédrale de Strasbourg.
Le 25 décembre 1944, le plan est approuvé
par Hitler. Une série de réunions avec les officiers généraux a lieu le
28 décembre. Finalement dans la soirée, le groupe est conduit au
quartier général à l’Adlerhorst * dans le Taunus (Land de Hesse) où
Hitler tient une conférence. L’accent est mis sur l’importance de cette
offensive pour la poursuite de la guerre. Des promesses relatives à
l’attribution de moyens aux unités concernées par l’opération sont
faites. Pour donner le maximum de chances à la réussite de l'opération
et bénéficier de l'effet de surprise, le Generaloberst Blaskowitz,
commandant en chef de l'Heeresgruppe G (groupe d'armées G), interdit
toute reconnaissance des zones d'attaque. Les communications radio sont
bannies, les ordres doivent être écrits et transmis par messagers.
Seuls les officiers généraux, les commandants de division et leurs
aides connaissent les détails du plan.
Dès le 26 décembre, malgré les
précautions allemandes, le service G2 (service de renseignements) de la
7e armée américaine soupçonne l’imminence d’une offensive. Le 27
décembre, le général Eisenhower annule les ordres pour la réduction de
la poche de Colmar. Aussitôt, la 2e DB (Division Blindée du Général
Leclerc) est mise à disposition de la 7e Armée du général Patch. Des
photos aériennes mettent en évidence la préparation de positions
d'artillerie dans le secteur de Bitche, des patrouilles relèvent des
concentrations de troupes inhabituelles... Quarante-huit heures avant le début
de l'offensive, le service G2 de la 7e Armée déclare qu'une attaque
serait imminente dans le secteur de Bitche-Sarreguemines.
En cas d’une attaque massive
allemande, un plan de repli stratégique est prévu par les Alliés en
direction des Vosges. Il concerne la 7e Armée de Patch et la Première
Armée Française. Le 1er janvier 1945, l’ordre est donné et doit être
effectif le 5 janvier 1945. De Gaulle réagit promptement : hors de
question d’abandonner Strasbourg et l’Alsace.
Le 3 janvier a lieu une
conférence au sommet entre de Gaulle, Eisenhower et Churchill. Au
moment de la conférence, les Allemands sont arrêtés à Achen et la
situation militaire dans les Ardennes s’améliore. A Wingen-sur-Moder où
est engagée la 6. SS Gebirgs Division Nord, unité très expérimentée qui
a combattu en Carélie sur le front de l'Est, la situation est devenue
précaire pour les Américains. Eisenhower se range toutefois à l’avis
émis par de Gaulle et fait suspendre le mouvement de retrait.
Préparatifs et ordres allemands pour l’opération Nordwind dans la région de Sarreguemines
L’attaque est prévue le 31 décembre
1944, à 23 heures. Les instructions pour la mission Achen, "Aufgabe Achen" (nom que donneront les Allemands plus tard à
Nordwind au niveau local) sont données le 29 décembre. Le XIII SS
Infanterie Korps doit pousser vers Rohrbach. Les missions des unités
sont les suivantes :
- La 19.
Volksgrenadierdivision attaquera entre Habkirchen et Bliesbruck,
traversera la Blies, tiendra le secteur des fermes du Viesing et
poussera jusque Zetting.
- La 36.
Volksgrenadierdivision attaquera, en direction d’Achen, les forts de la
Ligne Maginot et continuera vers le Sud. L’objectif est d’être maître
de la Ligne Maginot le 1er janvier au matin.
- La 17. SS
Panzergrenadierdivision Götz Von Berlichingen percera les lignes
alliées à l’Ouest d’Erching, traversera la Ligne Maginot, puis, avec
l’aide d’un groupe blindé, avancera vers Diemeringen et Drulingen.
Arrivée des renforts américains et du détachement de la 2e DB.
Des renforts américains issus de la
63rd Infantry Division, les 253rd Infantry Regiment et 255th Infantry
Regiment sous l'appellation de Task Force Harris, sont acheminés dans
la nuit du 31 au 1er janvier 1945 depuis Haguenau en Alsace vers les
secteurs de Hambach, Siltzheim, Wittring et Achen. Les soldats de ces
régiments, rattachées au XV Corps, récemment arrivés en Europe, sont
inexpérimentés et mal entraînés; ils n'ont jamais connu le combat.
Le
matériel lourd est encore aux Etats-Unis. Un certain nombre de ces
hommes proviennent d'unités antiaériennes dissoutes, de l'Army
Specialized Training Program (programme destiné à fournir des
ingénieurs et des techniciens pour l'armée US) dont les effectifs ont
été réduits... Ces unités doivent stopper les Allemands au cas où les
premières lignes américaines seraient enfoncées. Une grande confusion
règne lors de la recherche et de l'installation des positions de
combat. Le terrain n'est pas familier, le sol gelé ne permet pas de
creuser des positions de combat.
Achen, janvier 1945.
Ces soldats américains, issus de régiments de la 63rd Infantry Division
récemment débarquée en Europe, vont connaître le baptême
du feu lors de l'opération Nordwind. (Collection 63rd Div assn historian)
Mis en alerte le 29 décembre 1944,
le GTL (Groupement Tactique Langlade), formé de différentes unités de
la 2e Division Blindée du général Leclerc, prend position le 2 janvier
dans des localités de l’Alsace Bossue et dans quelques villages du pays
de Bitche. Un détachement conduit par le capitaine Fonde du 2e RMT
(Régiment de Marche du Tchad) quitte Bourgheim en Alsace, le 30
décembre 1944, à 13 heures. La colonne traverse Molsheim, Saverne,
Phalsbourg, puis est dirigée sur Mittelbronn, sans connaître sa
mission.
Une halte est faite à Baerendorf, dans le Bas-Rhin. Beaucoup
de soldats français sont frappés par le contraste existant entre les
villages alsaciens relativement opulents et les villages lorrains plus
modestes. La population de ces derniers semble plus réservée à leur
égard. Ce sentiment ne les quittera pas durant leur court séjour en
Moselle-Est.
La mission du GTL est de stopper toute infiltration
ennemie sur la ligne Wittring, Achen, Bining. Le 2 janvier au matin, le
sous-groupement Minjonnet *, dont fait partie Fonde, reçoit ses ordres :
rejoindre Kalhausen, Oermingen, Dehlingen par Wolfskirchen et
Sarre-Union. Il fait très froid ( -17°), certains half-tracks
(véhicules semi-chenillés) ne démarrent pas; de l’eau contenue dans
l’essence a gelé dans les canalisations. Des lampes à souder sont
utilisées pour dégeler. Instruction est donnée de maintenir les moteurs
chauds en les faisant tourner à intervalle régulier de jour comme de
nuit.
A Postroff, le sous-lieutenant de
Miscault *, commandant un peloton de chars du 4e escadron du 12e RCA * (Régiment de Chasseurs d’Afrique), est lui aussi confronté aux rigueurs
climatiques. Parmi les cinq chars Sherman sous ses ordres, deux sont du
modèle M4A3, équipés d’un moteur à essence Ford V8 de 500 CV, tandis
que les trois autres sont des M4A2 équipés de moteurs diesel.
A
l’origine, seuls la 2e DB, l’Armée Rouge et les Marines américains dans
le Pacifique sont équipés de ce modèle de char, fonctionnant avec du
carburant diesel. Pour remplacer les matériels perdus, la 2e DB perçoit
les mêmes modèles de chars que les divisions blindées américaines en
Europe, équipés de moteurs à essence. Dans les unités, le panachage
d'engins utilisant deux sortes de carburant va poser de gros problèmes
de maintenance. Lors d’une révision par manque de pièces détachées, les
réchauffeurs sur les chars équipés diesel du peloton n’ont pas pu été
remontés. Pour démarrer ces engins par temps froid, le sous-lieutenant
de Miscaut n'a qu'une solution : les démarrer en les tirant avec les
chars Sherman équipés de moteurs à essence. Etre débrouillard et savoir
improviser sont des qualités essentielles dans les unités de la 2e DB.
L’attaque allemande.
En alerte depuis le 29 décembre,
les Américains ont retiré leurs avant-postes et organisé des
patrouilles. L’attaque débute le 31 décembre 1944, vers 23 heures.
L'objectif initial du XIII SS Infanterie Korps est la prise de Rohrbach
et l'ouverture d'un passage suffisant pour permettre le déploiement de
la 21. Panzer-Division et la 25. Panzer-Grenadier Division vers la
Plaine d’Alsace. Aucune préparation d’artillerie n'a lieu, mais très
vite les Allemands se rendent compte que l’effet de surprise escompté
n’a pas lieu. Le commandant en chef de la 7ème armée américaine, le
général Alexander Patch *, s'est rendu le soir même à Fénétrange, au
poste de commandement du XV Corps (44th Infantry Division, Century
Division, 103rd Infantry Division) et a ordonné aux commandants de
faire annuler toutes les festivités, car cette nuit une attaque
allemande est attendue.
Cette inscription paraphée par trois soldats américains
de la 44th Infantry Division a été apposée le soir
même du déclenchement de l'opération Nordwind sur un mur
de l'école de Kalhausen.
Les troupes américaines de la 44th
et de la Century situées en première ligne se battent avec acharnement,
mais cèdent du terrain sous la pression ennemie. La bataille fait rage
sur les hauteurs d’Obergailbach et autour des fermes de Morainville et
de Brandelfing. Pour enrayer l’avance allemande, l’artillerie
américaine effectue des tirs de barrage qui se révèlent très efficaces.
De l'infanterie soutenue par des chars Sherman bloque l'avance
allemande au sud du bois de Bliesbruck. Un régiment de la Century
Division contient la poussée ennemie à l'ouest de Rimling.
Alors que la bataille est engagée,
un calme trompeur règne à Achen. Dans une lettre datée du 2 janvier,
Philipp L Baker, un lieutenant américain du 255th Infantry Regiment,
âgé de 23 ans, exprime son ressenti à Achen: « J’ai passé le premier
jour de l’an dans un village français en partie démoli. La messe avait
été célébrée, les gens sortaient de l’église. Ils avaient l’air
pathétiques en descendant la rue encombrée de matériel militaire,
jeeps, camions, chars, canons et de soldats américains. Leurs habits
étaient vieux, mais en bon état. La silhouette de leur église en partie
détruite se découpait dans le ciel hivernal. J’avais le son de leurs
chants en tête, s’en dégageait une impression de tragédie et d’espoir
qu’il sera difficile d’oublier ». C’est la dernière lettre écrite par
cet officier tué le lendemain à Achen.
Un sous-officier et quelques hommes
du 1er Régiment de Marche des Spahis Marocains, l’unité de
reconnaissance de la 2e DB, sont détachés à Achen pour faire la liaison
avec les troupes américaines. En soirée, à l’issue de la patrouille
vers Woelfling, ils rapportent aux civils que tout est calme et qu’il
ne faut pas s'inquiéter. Toutefois, l’incertitude sur l’issue des
combats donne lieu à des mouvements de panique. A Schmittviller, le
chauffeur d’un camion GMC benne son chargement composé de
ravitaillement dans la rue et prend le large.
Dans la nuit du 2 au 3 janvier, les
lignes américaines sont percées. Les forces allemandes atteignent la
voie ferrée Sarreguemines-Bitche. La route nationale 410 est coupée.
Gros-Réderching est à nouveau occupé. La situation est très confuse.
Dans la matinée, c’est au tour d’Achen d’être investi par la
Stossgruppe Kaiser, composée d’éléments du 38. SS Panzergrenadier
Regiment et d’éléments de la 17. SS Panzer Abteilung. Le 2
janvier, un peu avant minuit, le groupement Kaiser estimé à 150 hommes,
soutenu par trois blindés Sturmgeschütz s’avance venant de
Gros-Réderching en direction d’ Achen, par la vallée du ruisseau
d’Achen.
Le 3 janvier vers 4h30, la lisière Nord d’Achen est atteinte.
Surpris par la soudaineté de l'incursion allemande, les occupants du
blockhaus de la ligne Maginot près de la route de Wiesviller n'ont pas
le temps de réagir et sont capturés. Vers 9h, Achen insuffisamment
défendu est entre les mains allemandes.
L'avancée allemande à la date du 3 janvier 1945
(Infographie Alain Behr)
Comme dans les villages
environnants, de nombreux déserteurs et réfractaires à l’armée
allemande sont cachés dans les fenils et greniers. Charles Rimlinger de
Kalhausen, caché chez Petri à Achen, raconte : « Le 3 janvier très tôt,
je trayais l’unique vache qui nous restait, les autorités allemandes
ayant réquisitionné le cheptel. Il y avait des bruits inhabituels. Dans
l’obscurité, je vis des fusées de signalisation. Ayant été soldat
allemand, je compris tout de suite. Ils étaient de retour.
J’enfourchais mon vélo, mais dans le village, je fus arrêté par des
soldats américains. Ils n’avaient pas compris ce qui se passait ; après
quelques palabres, ils me laissèrent repartir. Je repris mon vélo. Près
du pont, j’entendis les balles siffler et je partis en direction
de Kalhausen. Un camion GMC venant de la petite route d’Etting
s’encastra dans la maison d’en face. Le chauffeur fut tué. D’autres
rafales de mitrailleuses claquaient, je vis les impacts de balles non
loin de moi, me jetai dans le fossé et traînai mon vélo comme je pus.
Au Val d’Achen, je réveillai les gens, ils n’avaient pas pris
conscience des évènements. Arrivé à Kalhausen, depuis les hauteurs, je
vis les maisons d' Achen en feu. »
Réveillés par la famille Jung, les
Spahis qui ont patrouillé la veille en direction de Woelfling, quittent
précipitamment le village et rejoignent in extremis le détachement du
GTL à Kalhausen. Peu après, un convoi de véhicules américains cherche à
évacuer Achen. Deux camions avec leurs remorques, chargés d’explosifs
et de munitions de la antitank company du 255th Infantry Regiment, sont
stoppés par un char allemand au croisement de l’actuelle rue du Haut
Poirier et de la rue de Wiesviller.
Le "Sturmgeschütz" ouvre le feu et
incendie un véhicule. Depuis l'étage d'une maison voisine, un soldat
américain met le tank en joue avec un bazooka, mais l'engin antichar ne
fonctionne pas. A cause du froid, la pile électrique nécessaire à la
mise à feu est déficiente. Dans un grand fracas, les munitions
explosent et soufflent tout le quartier. Par chance, il n’y a qu’un
blessé à déplorer parmi la population civile réfugiée dans les caves.
Les chauffeurs des camions, légèrement blessés, ont pu quitter les
véhicules et se mettre à l’abri.
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A droite, une vue des dégâts occasionnés à Achen au matin du 3 janvier 1945 par les tirs d’artillerie et l’explosion
de 2 camions américains chargés de torpilles Bangalore, de munitions et de mines.
A gauche, une photo du même pâté de maisons, datant d'avant-guerre.
Ces bâtiments étaient situés face au croisement de l'actuelle
rue du Haut-Poirier et de la rue de Wiesviller. (Collection privée et Ecpad)
Les deux bataillons du 255th
Infantry Regiment de la Task Force Harris rejetés d'Achen, prennent
position de part et d’autre de la petite route reliant Achen à
Gros-Réderching qui est l’unique voie de communication vers l’arrière
pour les Allemands. Ces unités se regroupent vers 9h45 entre Singling
et le ruisseau d’Achen, protégées par l'artillerie tirant sur Achen
depuis Oermingen. Les Américains se réorganisent et vers midi, la
souricière se referme sur les Allemands. Coupés de leur ravitaillement
et de leurs renforts, ils n’ont pas les moyens de poursuivre leur
avancée.
Les blindés français du 4e escadron
du 12e RCA, en alerte à Oermingen, se dirigent sur Kalhausen. Ordre
leur est donné de bloquer toutes les voies de communication. Un peloton
de chars est positionné sur les hauteurs d'Etting, d’autres chars
surveillent la coulée entre Etting et Schmittviller. Des renforts sont
acheminés à Oermingen. Vers 9 heures, le sous-groupement Minjonnet
reçoit l’ordre de contre-attaquer et de nettoyer Achen. Il est
aussitôt annulé, en raison de la confusion possible entre troupes amies
et ennemies à cet instant. Quelques Allemands montent jusqu’au
cimetière d'Etting. Arrêtés par les chars français, ils refluent. Un
blindé allemand fait une reconnaissance jusqu’à la Oligmühle, puis fait
demi-tour. Les fantassins de la compagnie du capitaine Fonde reçoivent
l’ordre de s’installer sur les crêtes dominant le village de Kalhausen.
Le sol est gelé, impossible de creuser des trous. Depuis peu, un
contingent de jeunes recrues inexpérimentées a rejoint la compagnie.
Connaissant la réputation de l'adversaire, l'encadrement ne cache pas
son inquiétude. De loin, ils voient les premiers villageois d'Achen
fuir la zone des combats.
Le Bigorre est le char de
l’aspirant Catala. On retrouve souvent cette photo dans les ouvrages
relatant l’épopée de la 2e DB, ceci sans explications ou fantaisistes.
Cette photo a été prise au "Làngenéckerkritz", au niveau du croisement
Kalhausen, Oermingen, Schmittviller, Ritterstròss bien après la fin des
combats. Le char s’engage sur le chemin de terre en direction d’Etting.
Il est du type Sherman M4A2, avec un canon de 75 mm, équipé d’un
jumelage de moteurs diesel développant une puissance de 410 cv. Ce
modèle n’est pas utilisé par l’armée américaine en Europe. Ecpad
Achen est repris
Vers 11h30, de nouvelles
instructions sont transmises aux Français. L’ordre est donné de prêter
main-forte aux Américains, la 1ère section du lieutenant Salbaing * de la
7e compagnie ainsi que 2 pelotons de chars du 4e escadron sont
désignés.
Michel de Miscault, chef de peloton, raconte : « Le 3 janvier
au matin, nous vîmes un petit détachement US, automitrailleuses M8 et
quelques véhicules à roues traverser à vive allure Kalhausen vers
l’Est. Le peloton Dufour fut envoyé en observation sur la crête qui
nous séparait du village d’Achen. Vers 12 heures, je reçus l’ordre
d’aider le commandant d’un bataillon US à reprendre le village d’Achen.
Mon chef de corps (le Chef d’Escadron Gribius) me rejoignit au PC de ce
bataillon, mais il m’interdit de m’engager avec la totalité de mon
peloton. J’ai donc envoyé le MDL/C (Maréchal des Logis-Chef) Quéffelec
avec son groupe de 2 Sherman. Il fut malheureusement tué ainsi que le
maréchal des logis chef de Vaumas. »
Peu après 12 heures, l’attaque
démarre, les blindés français appuient les Américains qui progressent
de maison en maison. Dans l’après-midi, les chars du peloton de
Miscault démolissent deux Stumgeschütz qui apportent leur soutien aux
unités allemandes. Le compartiment moteur des blindés est touché. Les
tirs fusent de toute part. Un tankiste SS est abattu lors d'une
tentative visant à récupérer la radio du char devant la maison Jung, en
passant par la fenêtre de la maison. Un tireur embusqué américain
interdit aux SS de traverser la rue devant la maison de Joseph
Rimlinger. Des mitrailleuses mises en batterie sur les lignes de crêtes
surplombant les rues transversales du village tirent sans discontinuer.
A la nuit tombée, les troupes
françaises rejoignent Kalhausen et laissent aux Américains le soin de
parachever le nettoyage et la reconquête d’Achen. Les Allemands
retranchés dans l’extrémité nord du village reçoivent l’ordre de
décrocher et se replient en direction de Gros-Réderching. Le
Hauptsturmführer Toni Eichner, à la tête du III.Bataillon du 38.
Panzergrenadier Regiment, raconte : « Le village était toute la
journée sous le feu ennemi, les communications radio étaient
difficiles, nos munitions étaient presque consommées, les renforts ne
suivaient pas. L’opérateur radio fit une crise de nerfs, il nous fut
possible de traverser les lignes américaines au cours de la nuit ».
Appuyés par le 3e Sturmgeschütz intact, les SS percent l’encerclement
et parviennent à rejoindre leurs lignes en franchissant la nationale
Sarreguemines - Rohrbach au nord de Gros-Réderching.
Alors que le 3 janvier les combats
se poursuivent à Achen, le général de Langlade donne l’ordre au
lieutenant-colonel Massu de reprendre Gros-Réderching par l’est. Parti
aux alentours de 14h de Rahling, le sous-groupement progresse par la
vallée de l’Altkirch en pleine tempête de neige, n’arrive que vers 16
heures de l’après-midi. L’infanterie et les chars investissent le
village par le sud et l’est après un vif combat près du cimetière et
aux lisières sud. A la tête du 2ème peloton du 12ème
R.C.A., le lieutenant Rives Henrys chargé de l’action principale, est
grièvement blessé d’une balle dans la nuque, dans la tourelle du char "Maurienne". *
Le nettoyage du village est entrepris par 2 sections de la
6ème compagnie de 2ème R.M.T. du capitaine Langlois mais l'unité
ne parvient pas à se rendre complètement maître des lieux. De nombreux
foyers de résistance subsistent et sont renforcés d’une manière
continuelle par des éléments retraitant d’Achen. Pour cette raison, le
général De Langlade demande avec insistance à ses homologues américains
de la 44th Infantry Division de relever au plus vite le sous-groupement
Massu dont l’infanterie n’est pas assez nombreuse pour tenir le
village.
Un char Hetzer lance-flamme de la Flamm Kompanie 353 à court de carburant,
abandonné dans la grange de la maison Schmitt à Gros-Réderching.
Le jet enflammé a une portée de 50 mètres. Ces engins devaient contribuer au succès
de Nordwind en perçant la Ligne Maginot dans le secteur d'Achen.
Seuls 20 exemplaires de ce modèle ont été construits.
(Collection mairie de Gros-Réderching)
Le commandement américain donne
suite, mais les liaisons radio et le manque de coordination avec les
troupes américaines vont faire échouer l'opération. Le second bataillon
du 71th Infantry Regiment chargé de cette mission rapporte que dans
l'obscurité et la confusion, des chars français les ont pris sous leur
feu, les obligeant à faire demi-tour.
Du côté français, il est rapporté
que le 4 janvier vers 1 heure du matin, ce n’est pas la relève
américaine attendue qui entre à Gros-Réderching, mais ce serait un
groupement SS vêtu d'uniformes américains, utilisant l’itinéraire
prévu, appuyé par un char Sherman arborant l'étoile américaine!
La confusion est totale. En désespoir de cause, le lieutenant-colonel
Massu fait évacuer les rescapés français sous un tir de barrage
d’artillerie. Le bilan de cette nuit est lourd et fait état de 4 chars
français détruits ainsi que de 10 tués. Le capitaine Langlois est
capturé. Le village est de nouveau entre les mains allemandes.
Par un froid glacial, le 4 janvier
vers 6h30, à la demande des Américains, le tandem infanterie-blindés du
12e RCA, commandé par le lieutenant Salbaing et l’aspirant Catala
reprend la direction d’Achen. Les Français sont accueillis par des
Américains croyant dans un premier temps entendre des blindés ennemis.
Certains embrassent les chars. Le nettoyage final commence, il ne reste
que des Allemands isolés qui se rendent pour la plupart. Une douzaine
de prisonniers sont faits, pour la plupart des SS tchèques et polonais.
Vers 10h, le dernier point de résistance est un blockhaus de la ligne
Maginot. Vers 17h, les Français retournent sur Kalhausen.
L’offensive allemande est endiguée, Gros-Réderching est repris le 5
janvier.
Comme son frère Henri, Hubert de Hautecloque s’engage dans la 2e DB.
Ils sont les fils aînés du général Leclerc. Leclerc est le nom de guerre
que le capitaine de Hautecloque prend en Angleterre, en juillet 1940.
Après la victoire de 1945, Leclerc de Hautecloque sera le
patronyme familial pour lui et ses descendants. Hubert de Hautecloque
est photographié au Làngenéck (rue de la libération) au niveau du jardin Muller.
Il est âgé de 17 ans et porte le grade de brigadier.
L’équipage de 5 hommes du char Sherman Bordelais II
du sous-lieutenant de Miscault, dont il fait partie, loge chez Nicolas Lenhard. (Ecpad)
Robert Velut, du 4e escadron du 12e
RCA, se souvient: « J’ai été volontaire avec quelques autres pour aller
rechercher le corps du MDL/C Quéffelec qui était un ami, tué la veille
(3 janvier). Son char était le "Saintonge" un Sherman M4A2. Au cours
d’une reconnaissance à pied, il avait été tué par une grenade. Les
Allemands tiraient toujours sur Achen. C’était un spectacle désolant,
les maisons étaient en feu, les tas de fumier étaient répandus sur la
route qui n’était plus qu’un sentier. Partout des cadavres d’hommes et
d’animaux mêlés. Ça et là des vaches blessées, pour achever l’une
d’elles, l’arrière écrabouillé, je dus lui tirer 7 balles dans la tête.
Nous avons enfin trouvé notre copain étendu. Sous le feu ennemi, nous
avons salué sa dépouille et l’avons mis à l’abri dans l’attente d’un
moment de calme. »
Le MDL/C Quéffelec, originaire de Benodet dans le
Finistère, est inhumé au cimetière de Kalhausen par le curé Schilt.
Après-guerre, son corps est transféré en Bretagne
Jean Queffelec, chef de char du 12ème RCA
Le maréchal des logis-chef Jean
Queffelec, chef de char du 12ème RCA, a été tué à Achen, le 3 janvier
1945. Engagé en 1938, il a fait partie du 507ème régiment de char, puis
19e BCC sous les ordres du colonel de Gaulle. Jean Queffelec a déjà
effectué un séjour en Moselle-Est en 1939-1940 pendant la drôle de
guerre dans le secteur Sarreinsberg, Althorn, Goetzenbruck. (AHK)
Le capitaine Jean Julien Fonde
Le capitaine Jean Julien Fonde,
commandant la 7e compagnie du 2e régiment de marche du Tchad (2e RMT),
pose devant son PC à Kalhausen. Des câbles téléphoniques courent depuis
le bâtiment. En remerciement de l’aide apportée à Achen les 3 et 4
janvier, un officier américain cède à Fonde un central téléphonique de
campagne ce qui permet au capitaine de rester en contact avec ses
hommes répartis dans les maisons du village. (Ecpad)
Le chef du 2e char, le maréchal des
logis-chef de Vaumas, voulant remplacer Quéffelec tué par une grenade,
est blessé par balle, le chef d’escadron Gribius, voulant suivre de
près l'action, bloqué à Achen, le transporte dans une maison voisine
qui prend feu. Il aura toutes les peines du monde à faire évacuer le
blessé par les Américains. De Vaumas décède des suites de sa blessure à
l’hôpital américain de Dieuze, le 10 janvier 1945.
Les civils dans la tourmente
Dès le 3 janvier et les jours
suivants, des civils originaires de Bliesbruck, Woelfling, Wiesviller,
Gros-Réderching, Achen quittent la zone de combat et trouvent refuge à
Kalhausen et dans les villages environnants. 292 hommes, femmes,
enfants, originaires des villages pris dans la tourmente de l’offensive
Nordwind sont officiellement enregistrés par la mairie de Kalhausen
pour la journée du 3 janvier. (Ce chiffre est à prendre avec
précautions, puisque des réfugiés de Bliesbruck enregistrés à la
journée du 3 janvier sont présents à Kalhausen depuis le 24 décembre
1944.)
D’autres sinistrés suivent dans les jours à venir. La présence
d’une compagnie de la 2e DB rassure les gens et stoppe le flux de
réfugiés. Les soldats français leur garantissent que l’offensive
allemande est jugulée. Dans beaucoup de maisons, les propriétaires
doivent se contenter de 2 pièces habitables. En plus des réfugiés, le
village abrite une compagnie de la 2e Division Blindée jusqu’au 18
janvier, ainsi que des soldats américains.
Des réfugiés de Gros-Rédeching se dirigent vers Achen.
Ils empruntent le même chemin que les SS de la 17. SS Panzergrenadierdivision
Götz Von Berlichingen quelques jours plus tôt. En arrière plan la Walckmühle. (Ecpad)
Bernard Obry, de Wiesviller, dont
la famille a trouvé refuge à Kalhausen le 3 janvier 1945, se souvient
de cette journée: « J’avais 10 ans à l’époque. Le bruit s’était propagé
que les Allemands étaient de retour. Nous sommes partis, mes parents,
mes frères et sœurs (nous étions quatre enfants), ainsi que mes
grands-parents dans une voiture tirée par un attelage de chevaux. Nous
y avons entassé ce que nous avons pu, y compris deux cochons venant
d’être tués. Il faisait très froid. Mon père a pris la route menant à
Achen. Arrivés sur les hauteurs avant la descente vers le village, nous
avons été stoppés par la police militaire américaine. C’est là que nous
avons compris qu’il se passait quelque chose à Achen, une bataille avec
des chars à ce qu’on nous a dit. Refoulés, nous n’avions plus qu’à
faire demi-tour et revenir à Wiesviller. Mon père a décidé alors de
passer par Wittring en empruntant la route s’appelant actuellement rue
de la libération. Arrivés sur les hauteurs avant la descente vers
Wittring, nous avons été face à un nouveau barrage établi par la police
militaire américaine. Un soldat nous arrêta, mais mon père, excédé,
continua son chemin. Le policier militaire braqua son pistolet sur la
tempe de mon père, pour finalement ranger son arme et nous laisser
passer. La route était verglacée. Dans la descente vers Wittring, la
voiture fit un tête-à-queue. Plus de peur que de mal, il n’y eut pas de
blessés. Nous avons poursuivi notre chemin par Weidesheim. Arrivés à la
patte d’oie en contrebas de Kalhausen, nous sommes montés vers le
village. C’est là que nous avons entendu la déflagration d’un obus.
Nous avons appris un peu plus tard que Laluet, le boucher du village,
avait été tué dans l’explosion. Arrivés sur la place du village, nous
avons cherché à nous loger. Finalement, c’est la famille Neu habitant
la rue menant à Oermingen qui nous a accueillis. Nous ne sommes
retournés chez nous que vers la fin mars. »
La percée allemande vers Rohrbach a
échoué, cependant l'Armeegruppe G a encore une carte à jouer dans le
secteur nord de l'opération Nordwind. A l'instar de ce qui a été tenté
dans le pays de Bitche, l'objectif allemand consiste à créer un couloir
où pourraient s'engouffrer la 21. Panzerdivision et la 25.
Panzergrenadierdivision. L'action se déroule dans la zone de 16 km
comprise entre la Century Division à l'est de Bitche et Neunhoffen dans
le Bas-Rhin où commence le secteur tenu par la 45th Division.
La Task
Force Hudelson, composée d'unités de reconnaissance mécanisées et
d'infanterie motorisée cède du terrain le 1er jour de l'attaque, ce qui
permet à la 6. Gebirgs Division Nord d'atteindre Wingen-sur-Moder. La
plaine d'Alsace pourrait être atteinte via Ingwiller. Conscients des
enjeux, les Américains défendent âprement la route de
Lemberg-Goetzenbruck. Le 7 janvier, la reprise de Wingen marque la fin
de la première phase de l'opération Nordwind. Le centre de gravité de
la bataille se déplace vers Wissembourg et atteint son paroxysme à
Hatten-Rittershoffen où 2000 soldats allemands et 1200 Américains vont
laisser leur vie. Sur ordre de Hitler, l'offensive est stoppée le 25
janvier.
Le capitaine Fonde et le lieutenant Baillou sont photographiés
devant le Sturmgeschütz abandonné par les Allemands
dans un bosquet en contrebas de la route menant de Kalhausen à Oermingen.
Notez le gilet en peau de lapin du lieutenant Baillou : l’intendance de la 2e DB
en acheta un grand nombre dans une usine des Vosges en octobre 1944.
Ils furent confectionnés à l’origine pour l’armée allemande.
Ce Sturmgeschütz III est du modèle G équipé d’un canon de 75 mm.
Ce char pèse 24 tonnes, c’est un blindé d’appui-feu pour l’infanterie.
Les Sherman du 12e RCA sont confrontés à ces engins à Achen et Gros-Réderching. (AHK)
Les dernières victimes
Les dernières victimes à mettre au
compte de l'opération Nordwind dans la région trouvent la mort sur la
route de Lemberg vers Goetzenbruck, citée précédemment. Dans
l’après-midi du 18 janvier 1945, vers 16 heures, le véhicule Peugeot
402, conduit par Joseph Jost, est pris sous des tirs sur la route de
Lemberg vers Goetzenbruck. Les passagers sont le lieutenant de réserve
Aloyse Schilt et le capitaine de réserve Edouard Fogt de la résistance
locale en mission de reconnaissance. Deux occupants de la voiture
décèdent: Joseph Jost est tué d'une balle dans la tête, la poitrine
d'Aloyse Schilt est criblée de balles.
Edouard Fogt en réchappe et
parvient à atteindre les lignes américaines. Ils sont victimes d’une
méprise. L’auteur des tirs est un avant-poste américain pensant être
confronté à une patrouille allemande circulant dans un véhicule civil.
Aloyse Schilt est le curé du village de Kalhausen. Avant de prendre en
charge la paroisse le 26 octobre 1944, il est successivement, à partir
de 1941, curé de Montbronn, de Malaucourt-sur-Seille et de Manhoué,
près de Delme. Intrépide et volontaire, il est plusieurs fois inquiété
par la Gestapo du fait de ses prises de position antinazies dans ses
sermons.
Début décembre, devant l'église de Kalhausen, une altercation
entre le curé et un officier SS faillit dégénérer. Un élève officier
allemand, ancien séminariste, pris de sympathie pour le curé, calme le
jeu. Le 3 janvier, au plus fort de l'opération Nordwind, Schilt échappe
de justesse à la mort. En début d’après-midi, accompagné de Jacques
Laluet, le boucher du village, il se rend dans une position française
surplombant la vallée d'Achen. Sur le chemin du retour, un obus tiré
trop court explose sur le sol gelé. Les éclats fusent, l’un traverse la
soutane du curé et tue Jacques Laluet, lui sectionnant l’artère
fémorale.
Pendant la
drôle de guerre, Aloyse Schilt occupe la fonction de chef de section de
mitrailleuses au 168e Régiment d’Infanterie de Forteresse dans le
Secteur Fortifié de Thionville. Il tombe sous les balles d'un
avant-poste américain le 18 janvier 1945.
(Archives municipales de Sarreguemines)
|
Jacques Laluet,
le boucher de Kalhausen, une des
victimes civiles lors de l'opération Nordwind. (AHK)
|
Mythes
Si dans l'ensemble le déroulement
de l’opération Nordwind en Moselle-Est est bien connu, se pose le
problème des sources. Pour certains épisodes, elles sont incomplètes,
voire manquantes. Certains témoignages sont contradictoires et peuvent
ne pas refléter ce qui s’est réellement passé. Dès le 3 janvier, des
réfugiés arrivés d’Achen racontent à leurs hôtes de Kalhausen qu’un
combat à l’arme blanche opposant Américains et Allemands a eu lieu dans
une des dernières maisons du village en direction de Wiesviller
entraînant un bain de sang.
Les corps de trois soldats allemands et
d’une dizaine d’Américains sont effectivement relevés. La consultation
des sources allemandes aussi bien qu’américaines n’apporte aucun
élément probant. Un témoin oculaire, Raymond Jung a vu la scène et
réfute cette affirmation. Il n'y a pas eu de combat corps à corps, ni
d'exécution sommaire à l'arme blanche. Le décès des soldats est
imputable à l’éclatement d’un obus qui éventre la façade de la maison
où quelques SS gardent des soldats américains capturés le matin même
dans le blockhaus de la Ligne Maginot, situé non loin de là.
Que s'est-il passé la nuit du 3
janvier à Gros-Réderching ? A aucun moment, les comptes-rendus
allemands ne font état de l'utilisation d'un char Sherman capturé et
d'autres véhicules utilisés par des équipages allemands en uniforme
américain, relaté par les soldats français.
L'opération de cette nuit est à
mettre au compte d'un officier SS de la "Götz von Berlichingen" très
expérimenté et audacieux, un ancien de la division
"Das Reich" qui a
fait ses armes en Russie, puis sur le front Ouest. Le SS
Sturmbannführer Wahl à la tête d'un groupe de combat composée de
11 Sturmgeschütze de la SS-Panzerjäger-Abteilung 17 de la
SS-Panzeraufklärungs-Abteilung 17 a pour mission de dégager les
éléments de la SS-Panzer-Abteilung 17 et du
SS-Panzergrenadier-Regiments 38 pris au piège à Achen. C'est un succès,
il bouscule les troupes alliées à Gros-Réderching, détruit quatre chars
Sherman, pousse jusque Achen et regagne les lignes amies avec la
majeure partie des encerclés.
En conclusion.
Le rapport allemand analysant l’échec de l’opération Achen paraît le 29 janvier 1945. Les points suivants sont soulignés :
-L'absence d'un certain nombre de blindés sur les positions de départ au moment de l’attaque.
-La faible combativité de certaines
unités composées de 30% de Volksdeutsche : Russes issus de minorités
germaniques, Polonais, Tchèques, quelques Lorrains.
-Le manque de réserves en hommes et matériel, des flancs non protégés.
-La détermination des Américains
disposant d’une puissante artillerie, de munitions à profusion, de
blindés et de la supériorité aérienne.
Un état de la 17. Panzerdivision
Goetz Von Berlichingen rapporte que 38 Américains ont été capturés
durant les combats de Gros-Réderching et d'Achen.
Du côté français, les points
suivants sont mis en exergue : ordonner l'attaque tardive d'un village
sans reconnaissance est à proscrire, mettre impérativement au point les
liaisons entre unités de nationalités différentes.... Les pertes
allemandes relevées dans le journal de marche du GTL font état de 200
tués ou blessés et de 62 prisonniers pour tout le secteur. Au final,
l'analyse du général de Langlade sur Nordwind en Moselle-Est est très
pertinente. :
« De Bitche à Sarreguemines, un front de 35 km était tenu
par un détachement de 2000 fantassins (allemands NDLR) appuyé de deux
douzaines de chars. Le tout commandé par un enragé lieutenant-colonel
(SS Standartenführer Lingner NDLR) démuni de tout, sans réserves,
n’ayant derrière lui que le vide barométrique ! »
Bernard Zins, mise à jour août 2019
Sources et bibliographie
DE LANGLADE (Paul), En suivant Leclerc, Robert Laffont, Paris, 1964
FONDE (Jean Julien), J'ai vu une meute de loups, Fernand Nathan, Paris, 1969
HOLZRITTER (Etienne) Hoffmann (Gaston), Au cœur de la tourmente; Gros-Réderching en janvier 1945
SALBAING (Jacques), Ardeur et réflexion, La pensée universelle, Paris, 1992
STÖBER (Hans), Die Sturmflut und das Ende, Munin Verlag, Osnabruck, 1987
WOLF T ZOEPF, MATAXIS (Theodore)
Seven Days in January: With the 6th SS-Mountain Division in Operation
Nordwind, Aberjona Press, 2001
63rd Infantry Division History, edited by the 63rd Div Assn Historian, 2006
Battle of the Vosges mountains, Combat Studies Institute, US Army Command and General Staff College, Fort Leavenworth, 1984
Kriegstagebuch Goetz von Berlichingen, Arbeits und Förderverein Für Bliesdalheimer Dorfgeschichte, 1995
"Der Freiwillige", Jahrgang 52, Heft 4, April 2006
Archives municipales de Kalhausen, Sarreguemines, Service Historique de la Défense Vincennes
Infographie Alain Behr
Interviews de Michel de Miscault, Robert Velut, Jacques Fenouillère, anciens de la 2e DB
Interview de Raymond Jung, Bernard Obry. Témoignages divers.
Remerciements à Jacques Fougeray, René Buchheit
Le 18 janvier 1945, la 2ème
Division Blindée quitte notre village par un temps très froid et des
bourrasques de neige pour aller faire barrage aux Allemands près de
WASSELONNE. Le passage de "La Meute" est même mentionné sur la carte
des différents combats livrés par la 2ème D.B. au cours
de cette
horrible guerre.
À la mi-janvier, le maire du
village est destitué de ses fonctions suite à l'intervention de l'abbé
SCHILT. Ce dernier est, en fait, un responsable de la résistance du
secteur. L'abbé SCHILT est "mort pour la France" le 18 janvier 1945,
tué d'une balle dans le cœur, près de LEMBERG, en voulant revoir son
pays natal. Il a été victime d’un tir fratricide de la part d’un
Américains qui croyait avoir affaire à une patrouille allemande. Dans
son rapport, il s’en excusa de suite, mais l’irréparable venait d’avoir
lieu. Certains Kalhausiens se souviennent encore de lui, puisqu'ils
l'attendaient pour qu'il dise la messe ce matin-là. Malheureusement, il
ne viendra pas.
Les villages frontaliers étant
encore le théâtre de combats, des gens évacués hors de la zone de
combat ne peuvent regagner leur maison et un grand nombre d'entre eux
demeurent à KALHAUSEN. Certains y séjournent en tant que réfugiés
pendant trois mois.
g) Étape finale
Les alliés progressent et vont de
victoire en victoire sur le front Ouest tandis que les Russes font de
même sur le front Est. L'étau se resserre autour d'Hitler qui se
suicide le 30 avril 1945. L'amiral DÖNITZ engage des négociations à
Reims le 5 mai 1945 et le 8 mai, à 15 heures, la capitulation sans
condition de l'Allemagne met fin à la guerre en Europe.
Au soir du 8 mai, jour de la
victoire alliée, un mannequin représentant Adolf Hitler est conduit en
procession dans tout le village avant d'être brûlé sur un bûcher à la
grande joie de tous ou presque.
Ce même soir, alors que les cloches
sonnent pour la libération, le premier "Malgré-nous" revient au
village, c'est PEFFERKORN Victor.
Le dimanche 26 août 1945, une
grande fête de la libération est organisée. Toutes les maisons sont
décorées de croix de Lorraine et de drapeaux français.
La maison GROSS, rue des
jardins
(anciennement TAESCH Aloyse)
h) Complément d'informations
Au niveau de la paroisse, après la
mort de l'abbé SCHILT, c'est l’abbé SCHOVING, le curé réfugié de
BLIESBRUCK, qui lui succède jusqu'au 12 avril 1945.
Le 15 mai 1945, c'est le retour de
l'abbé ALBERT, de son exil de la région nancéenne, mais il décède le 14
juin 1945 à 23 heures et sera enterré le 18 du même mois. Il était âgé
de presque 83 ans.
La paroisse fête le retour de l’abbé Albert MICHEL
|
|
Le 11 septembre 1945, c'est l'arrivée de l'abbé Nicolas ICHTERTZ.
À la mairie, l'arrêté préfectoral
du 29 mars 1945 officialise la nomination du conseil d'administration
provisoire. La présidence en revient à GROSS Florian.
Ce nouveau conseil se réunira pour
délibérer officiellement le 22 avril 1945 (première séance inscrite au
registre des réunions du Conseil Municipal).
Les premières élections d'après-guerre ont lieu le 23 septembre 1945. GROSS Florian est élu maire.
La deuxième guerre mondiale prend fin le 2 septembre 1945 avec la capitulation du Japon.
Pour les 57 nations engagées dans
ce conflit, le tribut payé est effroyable : environ 55 millions de
morts dont 580.000 pour la France soit 1,1 % de la population et pour
KALHAUSEN, avec ses 20 victimes (dont une décédée des suites de la
guerre) le quota est de 2,4 %.
Les G. I. et la jeunesse
Marie-Louise FREYERMUTH actuellement
épouse de Pierre FREYERMUTH
et André FREYERMUTH actuellement
époux de Denise HOFFMANN
en compagnie d’un soldat U.S
devant le 21, rue des roses.
|
Camille WENDEL en compagnie d’un soldat
américain devant le 9, rue des fleurs.
Décédée en 1971, elle a été la première
épouse d’Aloyse SCHLEGEL
|
VII) TEMOIGNAGES
M. DEMMERLE ERWIN
« Au moment des faits, j'avais 14
ans et j'habitais rue des mésanges. Les Allemands envoyaient les jeunes
de mon âge en Allemagne et les faisait travailler dans des usines afin
de soi-disant y acquérir un métier, mais en réalité pour pallier au
manque de main-d’œuvre. Ces usines étaient souvent soumises aux
bombardements des avions alliés. Pour échapper à cet enrôlement et
aussi pour compenser la pénurie de main-d’œuvre dans le village (car
beaucoup de jeunes avaient été enrôlés de force dans l'armée allemande)
je travaillais comme aide chez le boulanger du village, FABING Nicolas
dit "Bägger Niggel".
En ce début d'après-midi du 1er
décembre 1944, la dernière fournée de pain est en train de cuire. D'un
seul coup, les vitres volent en éclat, suite à un grand bruit
assourdissant et de la fumée monte de la maison voisine. Un obus envoyé
sur le village par les Américains vient de s’abattre dans la cour des
PEFFERKORN. Malgré les consignes de mon patron, je franchis les
quelques mètres me séparant du lieu d'impact de l'obus et découvre
PEFFERKORN Aloyse recroquevillé et grièvement blessé au thorax : il
était sorti avec un panier pour chercher du bois. Quelques instants
après, les soldats allemands viennent lui porter secours mais ils ne
peuvent empêcher sa mort : c'est la première victime civile de la
guerre pour le village.
Le 5 décembre, j'observe depuis la
cave MOURER (rue des mésanges) le passage des derniers allemands. Un
des soldats, d'un âge certain, arrive, chancelant, au bout du rouleau ;
les personnes retranchées dans la cave MOURER lui demandent des
nouvelles sur l'avancée des libérateurs et il leur répond qu'ils
arriveront d'un moment à l'autre. Sur ce, nos villageois, pris de pitié
pour cet homme vaincu physiquement et moralement, lui proposent de le
prendre en charge et même de lui procurer des vêtements civils et de le
cacher. Dans un premier temps, il accepte, puis après un moment,
entrouvrant la porte, il aperçoit les sept derniers fantassins qui
passent ; il décide de rejoindre le groupe qu'il suit à grande peine.
Le dernier char allemand, après des manœuvres de diversion, quitte le
village, mais pas d'Américains en vue.
Le 6 décembre, au matin, je vais
rejoindre BECKER Auguste qui habite dans le haut de la rue de la
montagne afin de l'aider à nourrir ses chèvres et ses volailles. Jetant
un coup d'œil par la porte de l’étable, j'aperçois la tête d'un Noir
qui émerge de la tranchée antichar creusée à quelques pas de la maison.
Mon cousin WECKER Jean et moi, nous sortons de la maison, chacun
agitant un mouchoir et criant de joie. Mais notre élan est vite stoppé
car l'Américain nous met en joue et nous regagnons précipitamment
l'intérieur. Ensuite, une à une, des têtes émergent et les hommes, le
doigt sur la détente, sorte de la tranchée et investissent les maisons
: il est entre huit et neuf heures du matin.
En face, chez BOUR Jean, les
Américains entrent par l'arrière et lorsqu'ils sortent par la porte de
devant, un obus allemand tiré depuis la côte d’ACHEN vient exploser
devant eux et tue un G.I. J'ai aussi été marqué par
l'incident qui a conduit au rassemblement de la population dans les
granges ZINS et FABING où l'on a frôlé un véritable carnage. »
M. LALUET GASTON
« Je me souviens que la boucherie
de mes parents avait été réquisitionnée par les Allemands pour
l'abattage des bêtes et la confection de saucisses destinées à l'armée
allemande. Mon père ne pouvait exercer que deux jours par semaine. Je
me rappelle aussi qu'en octobre ou début novembre 1944, alors que
j'avais six ans, je promenais, en compagnie de ma cousine SCHAEFFER
Hélène et de HERRMANN Colette, le landau dans lequel dormait mon petit
frère Hubert âgé de quelques semaines. Sans que l'alerte aérienne ait
été donnée, voici qu'arrivent des avions de chasse alliés, venant de
l'est et se dirigeant vers la gare. Quelle n’est pas notre stupeur ! Un
des avions ouvre le feu et mitraille notre petit groupe. Heureusement
personne n’est touché, mais les impacts de balles sont visibles sur les
pavés devant la maison de même que dans le voisinage.
Je me rappelle bien la Libération
puisque mon grand-père s'appelait Nicolas et on lui avait confectionné
une bassine pleine de petits gâteaux pour l'occasion. Mais ce fut la
dizaine d'Américains qui après avoir investi la maison, eurent le droit
de savourer ces biscuits que ma famille leur avait offert en signe
d'amitié. Mon oncle me demanda de m'adresser aux Américains pour avoir
un peu de chocolat ; je suivis ses conseils et répétai la phrase que
mon oncle m'avait apprise : « Have you chocolate ? » et effectivement
ils me donnèrent du chocolat, certes un peu dur et recouvert de cire,
mais du chocolat, le premier que j'eus la joie de goûter.
Je me rappelle aussi la fin
tragique de mon père. Le 3 janvier 1945, les allemands ont réussi par
une contre-attaque à revenir jusqu'à ACHEN, mais ils ont à nouveau été
mis en déroute par l'arrivée de la 2ème D.B. En ce début d'après-midi,
l’abbé SCHILT vient au magasin de la boucherie et demande à ma mère
s'il peut voir mon père avec lequel il entretient des contacts
fréquents. Mais mon père était sorti par derrière afin de se rendre
dans le "Hohléck"
(rue des jardins). Sur ce, notre jeune abbé va
rejoindre mon père qui est en pleine discussion au milieu de la rue
avec BRUCH Jean-Pierre, LAUER Charles et STEPHANUS Pierre. Après s'être
mêlé à eux l'abbé SCHILT demande mon père s'il veut bien l'accompagner
à la "Rutsch" pour aller aux nouvelles : il y a là, en position un
char de la 2ème D.B. qui pourrait leur fournir des renseignements sur
le front. Mon père refuse une première fois et la discussion continue.
L'abbé réitère sa demande une deuxième fois, puis une troisième. Après
tant d'insistance mon père finit par accepter. Ensemble, ils vont donc
auprès de ce char recueillir les dernières nouvelles des mouvements des
troupes. L'abbé SCHILT est intéressé à plusieurs titres : en tant
qu'officier français, en tant que responsable d’un réseau des
résistants, mais il aurait aussi aimé rendre visite aux siens à
SAINT-LOUIS-les-BITCHE.
Il est entre 14 h et 15 h lorsque
nos deux amis, après avoir été aux renseignements s’en retournent vers
le village. Mais, ils sont à peine arrivés à hauteur de l'actuelle
maison BOUR Lucien (rue des jardins), qu’un obus allemand tiré depuis
ACHEN explose sur le sol fortement gelé du talus longeant la rue.
Surpris, les deux hommes n'ont pas le temps de réagir, les éclats
fusent, l'un d'entre eux traverse la soutane de l'abbé SCHILT sans le
blesser mais vient frapper de plein fouet la cuisse de mon père et lui
arrache la jambe. Voyant qu’il gît à terre, grièvement blessé, perdant
son sang en abondance, l'abbé appelle du secours dans la maison
PEFFERKORN (Schummàchersch) et revient auprès du blessé. Plusieurs
personnes sortent de leur abri et accourent mais constatent leur
impuissance. Il n'y a pas moyen de poser un garrot, et en quelques
instants, vidé de son sang, mon père s’éteint.
L'abbé SCHILT se sentait coupable
de la mort de mon père mais le pauvre ne devait pas longtemps survivre
à son ami Jacques puisque, dans la nuit du 17 au 18 janvier 1945 il fut
tué près de LEMBERG, par un tir fratricide d’un Américain le confondant
avec un allemand, alors qu'il voulait rejoindre son village natal.
Cette virée nocturne à bord d'une jeep en compagnie d'un certain JOST
de SARREGUEMINES fut fatale à ces deux résistants. »
LA ROUTE DE LA LIBERTE POUR UN
OFFICIER EVADE PASSE PAR KALHAUSEN
Blanche Behr
Une centaine de généraux, d’amiraux
et d’officiers français sont détenus dans la forteresse de
KOENIGSTEIN-an-der-ELBE * construite sur un pic rocheux de 42 m. Pourtant
dans cette forteresse, ils n'ont qu'une idée en tête : s'évader.
Durant la détention, certains se
mettent à l'apprentissage de l'allemand dont il faut maîtriser la
langue s'ils veulent réussir leur coup. Avec la complicité de codétenus
qui gardent les ficelles de leurs colis, une corde de 45 m de long et
tressée. Des plans d'évasion sont élaborés ; tout est soigneusement
préparé avec des complicités extérieures, qui devait servir de guide
jusqu'en zone libre. L’officier est pris en charge par son guide. Ils
passent à travers l'Allemagne grâce à leurs faux papiers. Cependant, un
moment il y a une rupture dans le dispositif et on ne saura jamais
pourquoi. Toujours est-il que le 19 avril 1942, le périple de cet
officier passe par KALHAUSEN et c'est grâce au témoignage de Mme BEHR
Blanche, née LETT que nous allons reconstituer une partie du puzzle.
« Ce 19 avril, mon père, Léon LETT,
aidé par Florian LOHMANN est en train de planter des pommes de terre au
lieu-dit "Krischetter" où il possède également un petit lopin de
terre planté de vignes avec une cabane pour ranger les outils. Florian
veut entrer dans la cabane mais n'arrive pas à ouvrir la porte qui
semble bloquée de l'intérieur. Il va alors en informer mon père qui
vient s'en rendre compte. Ce dernier donne un grand coup de pied dans
la porte qui cède. Quelle n'est pas sa surprise ! Devant lui se dresse
un homme de forte stature et brandissant un bâton, prêt à se défendre.
De suite, papa joue l'apaisement et
arrive à détendre l'atmosphère en lui faisant comprendre qu'il faut
refermer la porte pour ne pas être entendu par d'autres villageois
affairés dans les champs alentour. L'homme se présente comme étant Léon
LAFONT, un évadé français de la forteresse de KOENIGSTEIN et devant
rejoindre au plus vite la gare de BENESTROFF où le chef de gare,
résistant-passeur avec comme signe de reconnaissance, un béret sur la
tête, l’attend afin de le faire monter dans un train à destination de
l'Alsace. Cela paraît convaincant et mon père lui promet aide et
assistance, puis le laissant sur place, il rappelle Florian et ils
rentrent tous deux à la maison.
Mon père m'envoie (j'avais 10 ans à
l'époque) apporter à cet évadé un vélo, de la nourriture et d'autres
vêtements. Puis mon père et Florian enfourchent leur vélo en prenant
soin d'emmener des ustensiles agricoles : faux, fourches et râteau.
Revenus auprès de leur évadé, ils lui passent le râteau et les voilà
qui ressemblent à un bon trio de paysans. Ils s'élancent sur la route
d’OERMINGEN et passent devant l'actuel centre de détention qui à cette
époque était un hôpital militaire allemand avec des gardes à l'entrée.
Ils sifflent la chanson de Lili MARLENE " Vor der Kaserne, vor dem
groβen Tor,… "
Tout semble bien se passer : par un chemin forestier, ils rejoignent
KESKASTEL où ils font halte chez une connaissance, FEUERSTOSS
Théophile, qu'ils persuadent de se joindre à eux et ils arrivent
effectivement sans encombre à BENESTROFF. L'homme de liaison (du réseau
Metz) attend avec le béret sur la tête. Il prend en charge l’évadé et
c'est dans un grand coffre en osier qu'il est hissé à bord du train.
D'autres résistants des chemins de fer se chargeront de la suite.
Avec la fierté d'avoir accompli
leur "mission", nous trois patriotes entament leur retour. Se
relayant pour convoyer le vélo supplémentaire et laissant Théophile à
KESKASTEL, nos deux Kalhausiens rejoignent le village via HERBITZHEIM
et la gare. Arrivés au croisement de la rue de la gare/rue des vergers,
alors que la nuit est bien avancée, ils entendent le bruit des sabots
d'un cheval : c'est le gendarme HESSE qui patrouille encore. Ils
jettent alors le troisième vélo dans le fossé et, prenant chacun le
sien sur le dos, ils longent la "Bannhéck", cette haie qui sépare le
banc de KALHAUSEN du ban de WEISDESHEIM, et rejoignent leur domicile à
travers champs. Après avoir déposé sa bicyclette, mon père retourne
récupérer le vélo abandonné et peut rentrer chez lui sans encombre.
Mais le gendarme allemand a flairé quelque chose et ne cesse de
patrouiller à cheval dans le village.
Papa se couche et vraisemblablement
un rai de lumière va guider HESSE qui tel une furie se met à cogner
contre la porte d'entrée de notre maison. Mon père attend quelques
instants puis, faisant celui que l'on vient de tirer d'un profond
sommeil, va s'enquérir des raisons de ce vacarme : pour toute réponse,
le gendarme lui demande d'ouvrir la porte sur le champ et de lui prêter
un vélo, voulant signifier par là qu'il a bien reconnu celui qui a pris
la fuite à l'entrée du village. Papa s'exécute, l'allemand passe sa
main sur les selles des quatre vélos entreposés dans la remise et
emmène celui dont la selle est encore tiède. Le lendemain, HESSE ramène
le vélo, sans autre explication, ne pouvant imaginer à quoi il a servi.
Pour mon père les ennuis ne sont
pas terminés, quelques jours plus tard, vraisemblablement suite à une
indiscrétion d'un familier, la Gestapo encercle de nuit notre maison et
procède à une fouille minutieuse mais sans résultat. Faute de preuves,
elle ne peut importuner plus longtemps ma famille qui, il est vrai, est
passée très près de la déportation.
Deux autres perquisitions par la
Gestapo nous seront imposées plus tard : une, lorsque mon oncle JACOBI
Nicolas s'était réfugié à Dieuze (sa femme, ma tante Berthe, avait
été incarcérée à SARREGUEMINES), la seconde, lorsqu'un de mes oncles
paternels, Joseph, a adopté le statut des réfractaires et s’est caché
au moulin de DIEDING. »
NB : Pour la famille LETT,
l’officier qu’ils avaient convoyé, ne pouvait être autre que le Général
GIRAUD, puisque le 20 avril, la radio allemande diffuse un avis de
recherche concernant ce Général et de plus par après sur photo, ils
pensaient l’avoir identifié. Cette certitude était restée ancrée dans
la famille et pouvait très bien être plausible, cependant selon les
historiens qui ont reconstitué le parcours du Général GIRAUD, ce
dernier ne serait pas passé par ici. Alors qui était cet officier qui
avait bénéficié de l’aide de nos patriotes au péril de leur vie ?
Mystère.
Nicolas Jacobi, malgré-nous et réfractaire
Voici une partie de l’épopée
vécue durant la deuxième guerre mondiale par Nicolas JACOBI né le 1er
janvier 1915 à Achen (57) et décédé le 24 décembre 1999 à Kalhausen
(57).
Cette épopée est mise en forme par son fils Gérard.
Nicolas Jacobi
«
Pendant l’occupation allemande, j’ai d’abord travaillé dans une
fabrique de chaussures en Allemagne et ce jusqu’à ce que les déportés
(de Kalhausen), dont ma femme Berthe, soient revenus de la Charente.
C’est là, en me rapprochant au plus près de ma famille, que j’ai trouvé
du travail à la faïencerie de Sarreguemines en tant que menuisier.
Le 25 août 1942 a été décrétée l’incorporation de force dans la Wehrmacht : les Alsaciens nés à partir de 1908 et les Lorrains (1)
nés à partir de 1914 étaient concernés. Né en 1915, j’ai dû me rendre
sur le front russe en passant par la Pologne, comme la plupart de mes
camarades.
Quatre mois ont
passé là-bas, où j’ai combattu aux côtés des soldats allemands. En
décembre 1943, j’ai été blessé à Zhytomyr * en Ukraine, par des éclats
d’obus au niveau des jambes.
Au retour, on
m’a transporté vers un lazaret (établissement de guérison et de
quarantaine) en Pologne où j’ai passé Noël 1943. C’est là qu’on m’a
offert un petit sapin en carton compressé que je sors depuis chaque
année à Noël en guise de souvenir. De la Pologne, en passant par
l’Allemagne où tous les lazarets étaient pleins de soldats allemands
blessés et où il n’y avait plus de place, on m’a transporté vers la
Lorraine pour finalement m’installer au lazaret de Phalsbourg (collège
Saint-Antoine occupé par l’armée allemande). J’y ai passé trois mois.
Photo du petit sapin de noël, en carton compressé,
précieusement conservé par Gérard Jacobi le fils de Nicolas.
Après un mois
de récupération, j’ai dû retourner dans l’armée allemande mais c’était
impossible à cause des bombardements intenses sur Sarreguemines et
alentours. Je me suis donc réfugié dans un bunker en forêt de Rémelfing
et j’y ai passé la nuit du 1er au 2 mai 1943. Le lendemain, j’ai décidé
de ne pas retourner dans l’armée allemande, en somme de déserter.
Je me suis
caché pour la première fois chez une tante à Créhange. Comme celle-ci
vivait dans la peur à cause de moi, un ami m’a conseillé de partir
rejoindre un autre déserteur à Boucheporn, dans les environs de
St-Avold, qui lui était seul. J’y suis allé mais déjà la Gestapo
(police secrète allemande) commençait à chercher les déserteurs dans le
secteur.
J’ai
compris alors qu’il ne fallait pas rester à cet endroit et à la
première occasion, j’ai pris le train en direction de Dieuze pour aller
me réfugier à nouveau dans ma famille proche, chez la belle-mère de mon
frère. C’est là que je suis resté pendant 8 mois, me cachant durant le
jour dans une petite cavité creusée de la maison vers le jardin et
sortant la nuit pour prendre l’air.
A 100 mètres environ de cette maison qui était située un peu en dehors
de Dieuze, se trouvait une caserne occupée par des soldats allemands.
Quand les soldats américains ont commencé à se rapprocher, les
Allemands du casernement ont réquisitionné cette maison pour la prendre
comme avant-poste.
La belle-mère
de mon frère dû donc la quitter et trouver une solution pour continuer
à me cacher. Elle est allée en ville chez une amie pour lui expliquer
les faits. Cette femme a accepté de nous héberger…mais il fallait
quitter la maison sans que je ne sois vu.
J’ai alors eu
l’idée de me coucher, recroquevillé au fond d’une petite charrette à
quatre roues. Par-dessus, la belle-mère de mon frère a mis des draps,
un matelas et pour finir encore des valises. Elle m’a tiré de là avec
tout ce nécessaire pour prendre la route. Ça et là quelques soldats
allemands sont même intervenus pour aider à pousser la charrette et
cela sans me voir. Heureusement pour moi, car je transpirais de peur
qu’ils ne me découvrent. Arrivé à destination, je suis encore resté
caché quelques mois chez l’amie en question et ce jusqu’à la Libération.
Pendant ce
temps, ma femme Berthe a été interrogée plusieurs fois par la Gestapo,
qui la menaçait de me faire fusiller si j’étais capturé. Mais Berthe
n’a jamais révélé ma cachette et a toujours déclaré que j’avais rejoint
le front russe.
Berthe Jacobi née Lett.
Pour
soustraire des informations aux familles, les Allemands avaient pour
habitude de prendre une personne de la famille en otage. Le 1er juillet
1944, la Gestapo est ainsi venu chercher ma femme pour l’emprisonner à
la prison de Sarreguemines jusqu’au 2 septembre 1944. Ce jour-là, elle
fut libérée en même temps que d’autres prisonniers par les Allemands,
qui craignaient l’arrivée des soldats américains.
Nous nous sommes retrouvés à la fin de la guerre, tous les deux sains et saufs. »
________________
(
1)
L'Alsace
et la Moselle occupées ont fourni 1 % du contingent total des forces
armées allemandes, soit 134 000 hommes, dont 103 000 Alsaciens et 31
000 Mosellans. Parmi les 134 000 hommes qui furent appelés par le
Troisième Reich, environ 30 % furent tués ou portés disparus, 30 000
blessés et 10 000 invalides.
(Source : Jean-Luc Vonau, « Le procès de Bordeaux. Les Malgré-nous et le drame d’Oradour ». La Nuée Bleue, Strasbourg 2003.)
Mme FABING MARIE-ELISE,
née JUVING SOUVENIRS DE GUERRE
« Le 22 septembre 1942, vers 23 h,
je suis tirée du sommeil avec toute ma famille par l'explosion de
bombes larguées par un avion en détresse. Une première bombe au
phosphore explose tout près et des centaines de fragments s'abattent
sur notre maison, rue de la gare et sur les alentours. La grange et les
étables sont immédiatement la proie des flammes. Autour de la maison,
tout brûle : les prés, au-delà de la route, à l'arrière de la maison,
jusqu'au fond de la vallée où coule le ruisseau d’ACHEN, et même sur le
coteau vers la forêt du "Großwald".
Une seconde bombe explose au
lieu-dit "Hohrbruch" et creuse un profond cratère. Pour nous, c'est
la panique lorsque nous nous apercevons que la maison flambe. Nous
sautons du lit et ensemble cherchons à sortir du brasier, mais il y a
des flammes partout. En pyjama et chemise de nuit, nous quittons la
maison, passons par la cave et nous nous réfugions sur le coteau en
face d’où nous subissons ce spectacle de désolation. Choqués, nous
allons nous réfugier dans un bunker à côté de l'actuelle maison BELOTT,
rue des vergers, pour revenir par la suite à la "Welschmuhl". Pendant
ce temps, le corps local des sapeurs-pompiers arrive sur place et tente
d'intervenir avec ses faibles moyens de l'époque. Certains rentrent
dans l'habitation, tentent de sauver les meubles et d'autres effets en
les jetant par la fenêtre. Or, comme les fragments de phosphore brûlent
tout autour de la maison, tout ce qui passe par la fenêtre prend
aussitôt feu.
Ce jour-là, KLEIN Rémy se distingue
tout particulièrement par son courage puisqu'il grimpe sur le toit et
scie la panne faîtière ; la charpente des dépendances s'effondre, mais
la partie habitation est partiellement préservée. Les vaches et les
chevaux sont épargnés mais les cochons, les poules et les lapins
périssent dans l'incendie. Nous logerons dans la cave pendant tout
l'hiver car la maison ne sera habitable qu'au printemps 1943, malgré la
réfection du toit pour Noël.
Je garde un très mauvais souvenir
du gendarme HESSE, pavoisant du haut de son cheval noir, véritable
sadique, toujours à la recherche du moindre indice, mettant les gens
sous pression, harcelant la population. Un jour, pour impressionner ma
famille, il n'hésite pas à rentrer dans le couloir de la maison
d'habitation, assis sur son cheval, puis en ressort en marche arrière.
Je me remémore les
bousculades des villageois sur le tas de charbon fraîchement déversé
par des camions, chacun ayant peur de ne pas avoir sa ration malgré la
possession des tickets de rationnement. Cela se terminait parfois en
véritable scène.
Je me rappelle aussi de ces huit
Serbes qui avaient trouvé refuge sur notre fenil, dans le tas de
paille. Des soldats allemands étaient venus à leur recherche, la
baïonnette au bout du fusil. Ils transpercèrent la paille, mais
repartirent bredouille. Un des Serbes avait eu les vêtements déchirés
et la chair légèrement écorchée par un coup de baïonnette, mais n'avait
pas bronché. Sachant que ce lieu était peu sûr maintenant, ma sœur
Gabrielle et mon cousin Jean LEININGER accompagnèrent les Serbes
jusqu'à HUTTING, leur expliquèrent la route à suivre et leur remirent
une carte afin qu'ils puissent se rendre à DIEUZE chez mon oncle qui
servait de relais sur le chemin de la zone libre.
Je me souviens aussi d'un
après-midi de début août 1943. Nous sommes affairés, mon père et moi, à
charger une charrette de gerbes d'avoine au lieu-dit "Hiddingerbérsch"
près de la forêt. Un avion de chasse se met soudain à nous mitrailler.
Nous nous réfugions à la lisière du bois derrière de gros arbres.
L'avion revient à la charge à plusieurs reprises mais sans nous
atteindre. À la fin août 1943, un train de voyageurs est aussi attaqué
sur la voie de chemin de fer entre HUTTING et OERMINGEN. Là non plus,
pas de blessés, les voyageurs ont le temps de sortir du train et de se
mettre à l'abri derrière le ballast, changeant rapidement du côté à
chaque nouveau piqué des avions.
J'ai aussi été témoin oculaire du
bombardement de l'actuel centre de détention d’OERMINGEN, alors
transformé en hôpital militaire allemand. Mon père, ma sœur et moi,
nous nous sommes plaqués au sol dans un sillon, pour nous protéger.
Le 15 mars 1944, je fus accréditée
à me servir de la grande bascule devant notre maison et fus la seule à
pouvoir assurer officiellement la pesée. Or de nombreux camions
allemands chargés de matériaux divers à destination de l'usine
installée dans la carrière souterraine de WITTRING venaient y effectuer
des opérations de pesée. Pour la manipulation de ces matériaux, les Allemands employaient des prisonniers russes.
Certains d'entre eux étaient
présents sur les camions lors des pesées et profitaient de ces moments
de halte pour essayer d'assouvir leur faim en s'appropriant une
betterave pour la manger. Prises de pitié face à un tel spectacle, ma
sœur et moi avons imaginé un stratagème. Tandis que je retenais les
soldats allemands à l'intérieur en faisant traîner volontairement les
choses, ma sœur en profitait pour passer par la grange et remettre
quelques vivres à ces pauvres prisonniers.
Toute ma famille vécut aussi des
moments de forte angoisse à cause d'un jeune homme, FABING Arthur, dont
j’étais tombée amoureuse. Ce dernier, après avoir été blessé au front
russe, revint au village, décida de ne plus rejoindre son unité et se
cacha chez nous. Nous lui avions aménagé plusieurs caches qui furent
bien utiles puisqu'un jour, la Gestapo a encerclé puis fouillé toute la
maison. C'est grâce à ma sœur Gabrielle, qu'Arthur n'a pas été
découvert puisque dans un effort surhumain, elle réussit à faire
glisser la grosse marche en pierre de l'escalier qui fermait la cache.
Le 1er novembre 1944, depuis notre
maison, j'ai observé les avions alliés lâcher des bombes sur
WEIDESHEIM. Ce sont essentiellement les étables, les écuries et les
dépendances qui ont été atteintes et malgré l'immense nuage de
poussière provoqué par l'explosion, j'ai pu voir les poutres de la
toiture projetées dans les airs. Les avions avaient en réalité raté
leur cible puisque c'était un train chargé de matériel militaire qui
était visé.
Arrive le temps de la libération.
Dans la nuit du 3 au 4 décembre
1944, les Allemands qui sont cantonnés dans notre maison, la quittent à
pas feutrés et, au matin, il n'y a plus âme qui vive. Durant la journée
du 4 décembre les derniers groupes d'Allemands passent à pied, venant
de SARRALBE. Parmi eux, un très jeune soldat s'adresse à mon père et
s'enquiert de la distance jusqu'à Pirmasens, car dit-il, « Je
suis originaire de là-bas et si j'arrive à atteindre ma ville, je
n'irai pas plus loin et je me cacherai. »
Dans la nuit du 4 au 5 décembre,
les Américains déclenchent un tir de barrage sur le carrefour, mais les
obus manquent leur cible et atterrissent derrière notre maison, en
contrebas vers le ruisseau. Ces tirs, à raison d'un toutes les deux
minutes, chronométrés par mon père, durent pratiquement toute la nuit.
Il n'y a heureusement ni dégâts, ni blessés.
Le 5 décembre, au crépuscule, un à
un, les Américains arrivent par le coteau d'en face venant d’OERMINGEN,
et investissent notre demeure qui devient ainsi la première maison
libérée du village. Notre famille est contrainte pour des raisons de
sécurité de passer la nuit dans la casemate à côté de la maison. Nous y
resterons aussi terrés le 6 décembre et grâce aux meurtrières, nous
pourrons suivre l'attaque de WEIDESHEIM. Au matin, des renforts en
fantassins arrivent ; un char prend position devant notre maison et
tire en direction d'un abri bétonné d'où un allemand fanatique ne cesse
de tirer. Les fantassins américains avancent en ligne, par bonds
successifs et font appel à l'aviation qui réussit à faire sauter ce nid
des mitrailleuses. D'ailleurs, plusieurs semaines après, le corps de
l'allemand, recroquevillé et gelé, est encore étendu près des restes de
l'abri.
Les Américains réquisitionnent
notre maison et installent l'aumônerie et un hôpital de campagne dans
la partie habitation. Dans les dépendances sont installées des
cuisinières électriques (fonctionnant sur les accus et servant à faire
la popote pour plusieurs unités). Par moment, cette cuisine est
transformée en cinéma et déjà sur grand écran sont projetés des films
couleurs pour la distraction de la troupe.
Au moment de la contre-offensive
allemande de fin décembre 1944, notre famille accueille dans la cave,
une trentaine de réfugiés de BLIESBRUCK dont l’abbé SCHOVING. Ils y
resteront trois mois, entassés dans ce refuge sauf le curé qui pendant
le dernier mois s'installe au presbytère. Tout ce monde ne peut
survivre que grâce à l'aide américaine. Ils leur fournissent
quotidiennement le matin, un grand seau de cacao, des crêpes épaisses
et un seau de conserves de fruits et à midi, des saucisses, des
haricots, du pain blanc en barre. Ils leur distribuent également du
chocolat, des chewing-gums, des cigarettes et des produits pour faire
la lessive. Pendant ce temps, des unités d'un régiment d'artillerie
américaine prennent position à HUTTING (entre les maisons et le chemin
de fer). Avec leurs canons à gros calibres, ils envoient des déluges
d'obus sur les villages encore sous l'emprise allemande, tel
BLIESBRUCK, … »
M. LAZZAROTTO PIERRE :
UN JEUNE HOMME PARTI AU S.T.O.
« Je suis né en 1925 à HOMECOURT et
j'ai été accueilli dans mon jeune âge par la famille DEMMERLE Charles
de KALHAUSEN. Âgé de 14 ans en 1939, j'ai vécu l'exode en Charente avec
les habitants du village. Au retour de la Charente, en 1940, je
travaille au village, puis à ETTING dans une entreprise en bâtiment qui
répare les dommages de guerre. En septembre 1943, je suis convoqué au "Arbeitsamt" car je dois partir au S.T.O. (Service du Travail
obligatoire).
N'ayant pas répondu à la
convocation, je suis arrêté le 3 décembre 1943 par le gendarme HESSE.
Je passe une journée à la "« prison" du village située au sous-sol de
l'actuelle école mixte N°2 (rue des lilas). Durant la nuit, je réussis
à m'évader, brisant la porte de la "cellule" et arrachant un barreau
à la fenêtre. Je retourne dans ma famille, mais tout le monde me
persuade par peur de représailles, de réintégrer ma « cellule ».
Le
lendemain, je suis emmené à SARREGUEMINES où je passe huit jours
derrière les barreaux. Pendant mon interrogatoire par la Gestapo, je
profite d'un moment d'inattention de mes gardiens pour prendre
connaissance du motif de ma convocation : "il incite les jeunes à
parler le français". Je me rappelle bien la scène qui me valut ce
motif, car un soir, je jouais aux cartes avec des copains au café
SIMONIN. Un certain METZINGER de Sarreguemines y tint une réunion
d'information. Après la réunion, ce dernier vint au comptoir et observa
notre groupe car nous parlions français entre nous. D'ailleurs, un de
mes copains, FABING Roger lui fit même un bras d'honneur. Derrière
nous, au mur, était accroché le portrait de Hitler. Ce même FABING
Roger avait pour habitude de verser le fond de son verre par-dessus son
épaule en plein sur le "Führer".
Donc, de SARREGUEMINES, je suis
transféré à SARREBRUCK par wagon cellulaire pour être ensuite conduit à
FRANKENTHAL puis à LUDWIGSHAFEN où je dois scier du bois en tant que
détenu. Sorti de prison, je me rends à "l’Arbeitsamt" où je rencontre
deux hommes et une femme très compréhensifs : je ne serai pas envoyé
dans une usine mais à la campagne car je suis, soi-disant, trop jeune
(j'ai pourtant 19 ans). Le soir, on m'offre une pomme et du pain ; il
me sera également permis de passer la nuit à "l’Arbeitsamt". Le
lendemain, la femme après m’avoir demandé si j'ai de l'argent, me donne
cinq tickets alimentaires pour aller acheter du pain. Je n'ose pas
refuser. De retour, lorsque je veux remettre les pains à la femme, elle
me fait comprendre qu'ils sont pour moi et elle m'offre même le café.
Le 17 décembre 1943, je suis donc
affecté dans une entreprise de travaux en bâtiment à FÜẞGÄNHEIM
(village situé entre LUDWIDSHAFEN et BAD DÜRKEIM dans la vallée du
Rhin). Lorsque le patron apprend que je parle allemand, un grand
sourire illumine son visage car les autres ouvriers du S.T.O. sont tous
originaires de la région parisienne et ne comprennent donc pas un mot
d'allemand ; je peux donc servir d'interprète. La principale activité
de l'entreprise est la réfection des toitures de ferme pour pouvoir
stocker les récoltes.
Nous ne sommes pas vraiment
surveillés mais plutôt assez libres : nous dormons dans une cité
ouvrière (à dix dans deux pièces), distante de 1,5 km de notre lieu de
travail. Le week-end, nous pouvons nous rendre au cinéma ou aller
danser ; une semaine sur trois, une permission nous est accordée.
Lorsque nous travaillons sur place, nous prenons le repas dans un
restaurant où les soldats allemands d'un poste de la "Flack", la
D.C.A. allemande, mangent également, mais ces derniers ont droit à
moins de nourriture que nous (car ils ne sont pas travailleurs de
force), ce qui nous amuse bien. Lorsque nous travaillons dans des
fermes, le patron nous remet une gamelle et comme les cultivateurs nous
offrent toujours un casse-croûte conséquent, nous donnons notre gamelle
à ceux qui restent sur place. Je reçois régulièrement des lettres
venant de KALHAUSEN et contenant des tickets de pain, ce qui me permet
de manger correctement.
Pendant l'hiver, nous devons
creuser des tranchées mais dès que le contremaître, déjà un peu âgé,
tourne le dos, nous nous cachons au fond de la tranchée pour ne pas
être exposés au vent. Un de mes camarades allemands, ancien communiste, me communique souvent les informations écoutées à la radio anglaise.
Au début de l'année 1944, je fais
une demande de passeport (que j'obtiens car je suis encore
ressortissant italien à ce moment-là) ; là on se rend compte que je
suis mobilisable, mais heureusement, quelques jours plus tard,
SARREBRUCK est bombardé et les papiers perdus.
Le 19 mars 1945, les Américains attaquent et le lendemain, c'est la retraite allemande dans la débâcle.
Le 21 mars, c'est la libération et
nous reprenons la route en direction de notre village d'origine.
Malheureusement, nous sommes arrêtés et fouillés à DEUX-PONTS, où nous
logeons dans une caserne. Dans ce même camp, se trouvent d'autres
prisonniers, des hommes du Général BADOGLIO (général italien qui s'est
retourné contre Mussolini). Ainsi, si les Américains avaient voulu me
créer des problèmes, j’aurais pu dire que je faisais partie de ces
hommes. Mais tout se passe bien et on me transfère de DEUX-PONTS
jusqu'au bureau de rapatriement de SAINT-AVOLD, d’où je rallie
KALHAUSEN à pied»
M. DEMMERLE NICOLAS
« J'ai 11 ans à l'époque et je me
rappelle particulièrement de ce 6 décembre 1944, puisque c'est aussi le
jour de ma fête. Retranché avec mes parents dans la cave de FREYERMUTH
Pierre (père de Théo, angle rue de la gare/rue des jardins), j'aperçois
les premiers soldats américains vers 9 h. C'est une patrouille de
reconnaissance de trois hommes : ils arrivent par le "Lòngenéck"
(l'actuelle rue de la libération), vont jusqu'à la boucherie et
reviennent
sur leurs pas.
Quelques instants après, de
nombreux fantassins font leur apparition, puis des chars. Mais
voilà qu'un des soldats se dirige vers notre maison et avec la crosse
du fusil, tente d'enfoncer la porte. Mon père sort de l'abri et montre
la clé à bout de bras pour éviter qu'on lui défonce la porte.
L'Américain, par deux fois, le met en joue.
Mon père, paniqué, parvient quand
même à le raisonner : il accepte finalement de se laisser ouvrir la
porte et investit la maison. Mon père avait eu, ce jour-là, des sueurs
froides car il pensait sa dernière heure venue. »
M. WEITTMANN JOSEPH :
UN INSOUMIS QUI NE CONNUT PAS
LE STATUT DE MALGRE-NOUS
« Je suis né le 28 novembre 1914 et
j'ai effectué mon service militaire dans l'armée française de 1935 à
1937. Par la suite, j'ai travaillé dans la mine à PETITE-ROSSELLE. A la
mi-août 1939, je suis rappelé sous les drapeaux dans le 153ème Régiment
d'Infanterie à ROHRBACH qui prend ses quartiers le 25 août 1939 à la
caserne du VAL d’ACHEN. Par le bon vouloir de mon capitaine, un échange
est effectué avec les soldats cantonnés à KALHAUSEN et je peux
retourner dans mon village. Trop tard, l'évacuation a eu lieu la
veille. Je reste cependant cantonné une dizaine de jours dans mon
village ; je peux dormir dans mon lit, tout est encore en place dans
notre maison.
Puis vient une période de mobilité : mon unité change souvent de
cantonnement : SARREBOURG - HOMMARTING – puis le fin fond du
Bitcherland – RATZVILLER (j'ai même droit à une permission pour passer
les fêtes du Nouvel An 1940 en Charente, avec ma famille et ma fiancée
évacuées) et c'est l'inévitable retraite vers le DONON où je suis fait
prisonnier le jour de l'Armistice, le 22 juin 1940.
Emmené dans un camp de prisonniers
à STRASBOURG et libéré quelques jours après, je me rends à pied à
RATZVILLER où j'ai lié connaissance avec la famille JUNG durant mon
cantonnement dans ce village. Après quelques jours, le mal du pays
m'étreint, j'enfourche un vélo et avec quelques provisions je reviens à
KALHAUSEN. Tout est désert, de plus, il ne reste rien dans notre
maison. Je couche sur de la paille et le lendemain, je retourne à
RATZVILLER. Je fais souvent la navette entre RATZVILLER et KALHAUSEN
uniquement pour satisfaire mon attrait pour mon village natal.
Août 1940. Vient le temps des
mirabelles. Comme les arbres dans mon verger croulent sous les beaux
fruits dorés, je décide avec la fille de ma famille d'accueil de
RATZVILLER de les cueillir pour les mettre en bocaux. Arrivé à
SCHMITTVILLER, j'apprends que les miens sont rentrés de Charente. Je me
mets rapidement en selle pour aller les retrouver et les aider à se
réinstaller.
La vie reprend tout doucement son
cours, je me remets à la tâche et pendant quelques mois, je suis
embauché dans le service de reconstruction comme maçon pour exercer
dans la région de DIEUZE. Comme la mine offre à nouveau des débouchés,
je réintègre le puits de MERLEBACH. Entre-temps, le 11 novembre 1940,
je convole en justes noces avec Marie LIST. Mon père quitte ce monde le
5 août 1942 et ma mère quelques mois après, s'installera chez mon frère
Pierre à NEUFGRANGE. En mai 1942, une petite fille vient égayer notre
foyer ; la vie va son petit train, non sans quelques difficultés
imposées par les nazis.
Au fil des mois, différentes
classes de mosellans sont soumises au service militaire dans les rangs
des Fridolins puisque en Moselle annexée, nous sommes considérés comme
sujets allemands. Au lieu d'être incorporé en juillet 1943, je
bénéficie d'un report puisque "réclamé" par la mine. Mais le 8
septembre 1944, le facteur, FREYERMUTH Nicolas, vient me prévenir qu'un
ordre d'incorporation est arrivé à la poste, ainsi que celui de KLEIN
Rémy, mais qu'il ne les remettrait que le lendemain : cela nous
laisserait un temps de réflexion au cas où nous voudrions entreprendre
quelque chose. Je vais alors me concerter avec KLEIN Rémy dont la
décision est catégorique : « Je ne partirai pas ! » D'ailleurs, il
trouvera une parade en s'ébouillantant un pied de telle façon qu'il ne
peut être incorporé mais il en gardera des séquelles durant toute sa
vie. Moi, je suis indécis par peur d'éventuelles représailles contre ma
petite famille.
Le 10 septembre, je décide de
donner suite à la convocation. Accompagné de ma femme et de mon enfant,
je me rends à la gare de KALHAUSEN et je fais mes adieux. Je prends un
billet pour SARREGUEMINES où je dois me présenter pour le recrutement.
Arrivé dans la cité des faïences, le cœur gros, je vais d'abord rendre
visite à ma demi-sœur Anne qui habite au Blauberg. Elle trouve les
bonnes paroles pour me persuader de ne pas partir : « Bientôt les
allemands seront vaincus : les alliés approchent ». Je m'installe chez
eux mais au troisième jour, mon beau-frère, craignant pour les siens,
aimerait me voir partir. Il faut me cacher ailleurs.
Le dimanche suivant, ma nièce, qui
veut m'accompagner, prend deux billets de train pour OERMINGEN.
Descendre du train en gare de KALHAUSEN présenterait un trop gros
risque. À la nuit tombante, nous arrivons à pied à KALHAUSEN venant de
la gare d’OERMINGEN et nous nous rendons chez mes beaux-parents (rue de
la libération) où ma femme s'est d'ailleurs réfugiée par crainte des
bombardements. Quelles ne furent pas sa surprise et sa joie de me
revoir ! Très vite, on échafaude un plan pour me cacher : démonter une
partie du plafond en bois de l'étable afin de permettre un accès au
fenil, en plein dans le tas de foin, y créer une cache suffisamment
spacieuse pour une personne et percer un trou dans le mur pour
l'aération. Tout cela est rapidement réalisé et je rejoins ma cachette,
ne pouvant la quitter que pour faire mes besoins, à la nuit tombée. Le
repas m'est apporté après que ma femme ou ma belle-famille se soit
assurée que la voie est libre : un coup frappé avec un manche de balai
ou de fourche est le signal que je dois dégager une planche du plafond
pour qu'on puisse me faire parvenir la nourriture.
Pendant tout ce temps, mon épouse
est retournée dans sa maison, ne revenant que de temps à autre ou bien
quand il y a une alerte aérienne. Elle a juste été importunée une fois
par les gendarmes qui l'ont questionnée sur la disparition de son mari,
mais sans plus. Il n’y eut pas d'autres recherches. Mais ne voilà-t-il
pas que six semaines après, mon beau-frère KLEIN Jacques refuse lui
aussi de rejoindre la « Wehrmacht » : il faut agrandir la cachette et y
vivre à deux. Or, un soir, j'ai envie de revoir toute ma famille : je
sors de mon trou et je rejoins les miens dans leur logement pour une
heure. J'ai à peine réintégré mon abri que quelqu'un frappe à la porte.
On n'a jamais su qui a ainsi effrayé ma famille, mais la crainte d'être
découverts s'installe alors en nous. Il faut changer d'air. La nuit
suivante, nous la passons sur le fenil de KOCH Jean sans que celui-ci
le sache et la nuit d'après, par un grand détour autour du village,
nous rejoignons de nouveaux quartiers : la vieille maison attenante à
la mienne, dans la rue des roses et qui m'appartient aussi. Il est à
signaler que depuis quelque temps, un soldat allemand s'est installé
dans mon logement et mon épouse doit lui faire la popote. Il n'est pas
question d'attirer son attention par la préparation de trop grandes
quantités de nourriture.
Il y a dans cette vieille maison,
un tas de charbon et notre belle-sœur Madeleine, qui habite avec son
époux LIST Jean et ses enfants, au 4 rue des roses, vient souvent se
ravitailler ici. Au second jour de notre nouvelle cachette, nous voyons
notre belle-sœur venir au ravitaillement de chauffe. Je ne vous dis pas
sa tête, lorsqu'elle nous voit derrière le tas de charbon. Remise de
ses émotions, c'est elle qui désormais nous fournira le petit déjeuner.
Pour les autres repas, il faudra nous débrouiller. Un gros jambon était
encore au fumoir. Profitant de l'absence de l'allemand, ma femme le
fait cuire et nous l'apporte. Le menu ne variera guère : jambon midi et
soir. Au bout de quelques temps, nous sommes très amaigris au point que
mon épouse ne garde guère espoir que je survive à cette épreuve. Nous
faisons alors le vœu, ma femme et moi, de faire ériger un calvaire si
cette période trouve une fin heureuse.
Combien de temps faut-il encore
tenir jusqu'à l'arrivée des Américains ? Peu de temps après, le 1er
décembre 1944, un obus tombe dans la cour de la maison PEFFERKORN
située à cinquante mètres à peine de nous. PEFFERKORN Aloyse est tué.
Il faut trouver un abri plus sûr. Le 2 décembre, mon beau-frère LIST
Jean, nous emmène à nouveau chez ses parents dans la rue de la
libération. La première nuit, nous la passons dans la porcherie et les
jours suivants, je me crée une cachette dans le tas de betteraves
entreposées dans l’étable tandis que mon beau-frère s'installe dans le
râtelier à foin. Le 6 au matin, les Américains font leur apparition au
village et nous sortons de notre cachette.
En début d'après-midi, alors que
nous nous tenons dans la cage d'escalier de la cave, un Américain nous
en fait sortir brutalement en nous poussant dans la rue. Nous devons
alors rejoindre la population qui commence à être rassemblée par les
libérateurs dans l'ancienne grange FABING. Nous éprouvons une grande
frayeur au moment où nous devons sortir dans la rue car un Américain
lance deux grenades dans la cave. Elles y explosent, mais grâce à la
solidité d'un mur de séparation, la dizaine de femmes et d'enfants qui
y sont entassés, sont épargnés. Ils sortiront tous abasourdis et seront
eux aussi dirigés vers la grange FABING, d'où tout le monde sera libéré
le soir même, à notre grand soulagement. »
M. PEFFERKORN JOSEPH
SOUVENIRS DE CLASSE
« En 1942/1943, exerçait en tant
qu'instituteur, un Allemand du nom de WAHL. C'était un nazi pur et dur,
faisant parti des "S.A." les Sections d'Assaut dont les membres
étaient encore appelé "Gold Fasanen" à cause de leurs uniformes. Au
programme scolaire classique se rajoutait une heure d'instruction
politique par jour. Celle-ci servait essentiellement à endoctriner les jeunes en vantant les mérites du système nazi.
En préambule à cette instruction
politique, les enfants avaient à recopier dans leur cahier le "Wehrmachtbericht" (communiqué de l'armée allemande) paru dans le
journal de la veille. De plus, les enfants devaient connaître les "Sondermeldungen" (communiqués spéciaux de la radio allemande) sur
l'invasion de la Russie que l'instituteur commentait tous les matins.
Une carte murale de l'Europe était
accrochée dans la salle de classe, de petits fanions y étaient piqués,
représentant les unités allemandes sur le front russe et un fil rouge
indiquait la ligne du front. Chaque jour cette carte était mise à jour
par l'enseignant et permettait ainsi de suivre l'avancée des Allemands.
Lorsque les troupes allemandes
arrivèrent en vue de STALINGRAD, en automne 1942, elles se heurtèrent à
une forte résistance russe. Et l’instituteur fanatique ne cessait de
répéter : « Und STALINGRAD wird fallen, der Führer hat es gesagt » (Et
STALINGRAD tombera, le Führer l’a dit.) Les Allemands ne purent jamais
occuper entièrement la ville. Pire, ils y furent encerclés et la VIème
Armée allemande du général VON PAULUS, réduite à 91 000 hommes,
capitula le 1er février 1943. Comme tout vrai nazi, il était raciste et
croyait en la supériorité de la race arienne caractérisée par les yeux
bleus et les cheveux blonds. Il essaya par la suite d'impressionner les
élèves par des médisances sur les Américains.
Un matin, à la rentrée des classes,
l'inscription "Vive la France" figurait au tableau ; il se la fit
traduire par un élève, mais cela en restera là puisqu'un autre élève
avait profité d'un moment d'inattention de sa part pour effacer la
phrase. Bien sûr, il essaya de faire la morale aux jeunes et finit par
déclarer : « Je sais bien ce qu'ils ont dans leur tête, ces Français !
»
L’instituteur WAHL avec un groupe d’élèves de KALHAUSEN
De gauche à droite : au premier rang : Marie-Louise DIER, Monique PHILIPP,
au second rang : Marie WEIDER, Hedwige LERBSCHER, Ilse HESSE (fille d’un Feldgendarme en poste au village),
au troisième rang : Mathilde HOFFMANN, Frieda AMANN, Marie-Thérèse PEFFERKORN, Anne KLEIN.
Souvenirs de la libération :
Après la libération, des
unités U.S. étaient stationnées au village. La cour de l'école était
pleine de véhicules. Trois hommes étaient affectés aux tours de garde,
mais au lieu de remplir leur rôle de sentinelle, ils se mettaient
autour de notre table pour jouer aux cartes, au "Schwartz Peter".
Lorsque tonnaient les canons et
qu'il n'y avait pas de danger les Américains disaient : « Ist gut ».
Dans la nuit de la Saint-Sylvestre 1944, des bruits d'obus qui
explosaient se firent entendre. Les soldats américains qui avaient
l’ouïe fine se mirent à répéter : « Nicht gut ». Ils avaient détecté
que les obus venaient de la direction opposée. C'était le début de
l'opération "Nordwind". Quelques instants après, un autre militaire
vint rappeler les sentinelles. Ce fut immédiatement l'état d'alerte et
rapidement la cour d'école se vida, tous les hommes présents durent
remonter au combat. »
Mme JUNG MARIE, née MULLER
(Oswald’s Marie)
« Un jour, en compagnie de
FREYERMUTH Clémentine, je revenais du moulin d’ACHEN où nous avions
cherché de la farine, bien sûr au noir. Voilà qu'arrive sur son cheval
le gendarme HESSE. Clémentine prend peur, mais je garde mon calme. Du
haut de sa monture, sur un ton ironique, le gendarme nous demande ce
que nous avons dans le sachet ; je lui réplique d'un air serein : « Le
meunier M. ASSANT, a préparé la même chose pour vous ». Il me lança un
malicieux sourire et passa son chemin.
Un jour, BRUCH Jean-Pierre, chez
qui logeait le gendarme ERDER, voulut tuer un cochon au noir. Mon père
Henri, m'emmène avec lui chez les BRUCH, accompagné d'autres jeunes. Le
scénario était prêt : pendant que les hommes tueront le cochon dans la
porcherie, les jeunes seront quelque peu bruyants afin d'étouffer
certains bruits ; ils joueront aussi aux cartes en y faisant participer
le gendarme. Ainsi fut dit, ainsi fut fait ; aucun incident ne vint
troubler le déroulement de cette opération clandestine.
Je me souviens très bien du décès
de Clémence, la femme de FREYERMUTH Chrétien puisque nos maisons
étaient mitoyennes. Le couple FREYERMUTH Chrétien et ses deux enfants
Albert et Clémentine (appelée Mendine) faisaient partie des déportés
politiques qui avaient été assignés à résidence à TREBENDORF dans les
Sudètes. Leur fille aînée Marie était avec son jeune époux MOURER
Joseph revenue habiter le domicile parental, principalement pour
s'occuper des bêtes laissées par les parents au moment de leur
expulsion.
Or, voilà que Clémence en proie au
mal du pays, revient clandestinement au village. Selon ses dires, elle
compte rester une quinzaine de jours ; son séjour doit passer inaperçu,
sauf pour nous, ses voisins qui sommes en très bons termes avec eux.
C'est aussi à cette période que s’abat la fièvre aphteuse sur un
certain nombre de bêtes à cornes et nous faisons partie de ceux qui ont
l’étable infectée. Un grillage est dressé devant les maisons pour une
mise en quarantaine et pour qu’il n’y ait pas de contact en théorie
avec autrui.
Mais notre voisine ne résiste pas à
cette mesure et le soir, à maintes reprises, elle passe sous le
grillage et vient faire la causette avec nous. Elle prolonge quelque
peu son séjour et malheureusement tombe malade (problèmes cardiaques).
Son état va en s'empirant et finalement, il faut se résoudre à appeler
un médecin. Le Dr HESSEMANN de ROHRBACH vient à son chevet et établit
une ordonnance. Je suis désigné pour aller à vélo, le lendemain matin,
chercher les médicaments à ROHRBACH. Je n'ai pas à faire le trajet car
durant la nuit, sa fille vient nous annoncer le décès de sa mère.
Le lendemain matin, le 26 octobre
1943, très tôt, se pose un tout autre problème : comment annoncer aux
autorités locales le décès de cette personne qui était censée se
trouver en Tchécoslovaquie. Il faut faire vite car il est de coutume de
sonner le glas au moment de l'angélus du matin. Je suis chargée de
cette mission. Je vais donc trouver STEPHANUS Florian qui cumule les
fonctions d'organiste, de sacristain et de secrétaire de mairie. Il est
tout étonné et me demande depuis quand Clémence est revenue au
domicile. Je lui réponds : « Six semaines » et il réplique : « Et moi
qui passe tous les jours devant leur maison lorsque je me rends à la
mairie, à aucun instant je n'ai remarqué sa présence ».
En fait, ce sera STEPHANUS Florian
qui s'occupera des formalités et le jeune couple MOURER ne sera pas
inquiété. FREYERMUTH Chrétien et ses deux enfants seront autorisés à
revenir pour quelques jours afin d'assister à l'enterrement présidé par
l'abbé KIRCH.
Je me rappelle aussi de deux déserteurs, SCHLEGEL Aloyse et JUVING Léon.
SCHLEGEL Aloyse avait répondu à
l'ordre d'incorporation et à ce titre avait donc d'abord été affecté au
"Reichsarbeisdienst" à METZ d'où il s'est enfui pour revenir au
village à vélo. J'étais sur le pas de la porte, lorsque je le vis sur
un vélo descendre en trombe le haut de la rue de la montagne et
s'engouffrer dans la rue des mésanges où il alla se terrer dans la
maison BELOTT Henri (actuellement D’ANDREA Noël).
Son père prit peur à cause
d'éventuelles représailles et voulut renvoyer Aloyse à METZ. Il
l’accompagna même à SARREGUEMINES et le vit monter dans le train.
Aloyse ne fit que passer par le wagon et ressortit de l'autre côté et
lorsque son père revint à la maison, il ne peut que se résigner puisque
Aloyse était déjà retourné dans sa cachette.
C'est sa mère, SCHLEGEL Clémence
qui assurera son approvisionnement alimentaire. Pour brouiller les
pistes, elle disait : « Je vais amener le repas à LOHMANN Baptiste »
(maison accolée à BELOTT Henri).
Quant à JUVING Léon, après avoir
été blessé lors de son service dans la Wehrmacht, il décide de ne plus
rejoindre son régiment. Il avait trouvé refuge dans la grange de GROSS
Florian. Pour lui amener à manger, les sœurs de Florian, Marie et
Cécile, devaient traverser la cour qui séparait la maison d'habitation
de la grange. Elles cachaient la nourriture dans un seau qui d'habitude
servait à aller nourrir les cochons. Elles ne risquaient ainsi pas
d'éveiller les soupçons.
Un soir, j'aperçus JUVING Léon un
grand chapeau sur la tête et un manteau jeté sur les épaules, qui
passait devant notre maison en longeant les murs pour se rendre à
l'épicerie PEFFERKORN Jean-Pierre (rue de la montagne, actuellement la
maison de DEMMERLE Martin).
Après la
guerre, je lui rappelai cette anecdote et il fut très étonné car il ne
pensait pas que quelqu'un l’avait remarqué. Il est vrai que certains
réfractaires jouaient gros lorsqu'ils quittaient leur repaire ».
M. AMANN JOSEPH
« Revenu de Charente, je fus
réquisitionné pour effectuer des travaux de reconstruction du 10
septembre 1940 au 20 novembre 1941, date à laquelle je reçus l'ordre
d'aller travailler à la "Reischsbahn" (les chemins de fer allemands).
Le 12 juin 1943, je fus incorporé dans l'armée allemande à GIESSEN
près
de la frontière polonaise. Chargé de la lutte contre les terroristes,
je fus blessé à POZNAN *.
Des permissions sur place étaient
accordées aux soldats allemands ; en contrepartie ceux-ci devaient
déposer à la caserne, durant leur temps d'absence, un vélo ou une
moto, suivant la distance où ils voulaient se rendre. En aucun cas une
permission pour KALHAUSEN ne pouvait être accordée. Je demandai donc
d’aller à KAISERSLAUTERN et obtins satisfaction, le 18 août 1944. Je
pris le train pour KAISERSLAUTERN où une connaissance me procura de
faux papiers. Je montai dans un second train jusqu’à HOMBOURG ; le
voyage dura trois jours et trois nuits au cours desquels je changeai
régulièrement de compartiment et de wagon. Grâce à un cheminot de
BLIESBRUCK, je pus atteindre SARREGUEMINES par un troisième
train. Finalement, je rejoignis KALHAUSEN à travers champs, passant par
SARRALBE car tous les ponts sur la Sarre avaient été dynamités.
Arrivé à destination, je ne trouvai
que ma mère. Elle me dissimula alors dans la cave de notre habitation,
mais cette cachette était peu sûre, car un officier de gendarmerie
logeait dans la maison. Un jour, il y eut une alerte aérienne, je dus
fuir de la cave, me cacher dans un clapier, avant de rejoindre, non
loin de la maison un blockhaus vide. Lors d’une autre alerte, je ne pus
quitter la cave et dus me cacher sous une grande caisse en bois, sur
laquelle vint s'asseoir le soldat allemand quelques instants plus tard.
Huit jours après ma désertion, les
gendarmes vinrent rendre visite à ma mère qui les accueillit au
rez-de-chaussée. Ne voyant rien et me connaissant pour avoir eu recours
à mes services de coiffeur, ils ne jugèrent pas nécessaire de fouiller
toute la maison et s'en allèrent ; heureusement pour eux, car je me
tenais dans la cage d'escalier, le pistolet-mitrailleur à la main.
Par la suite, je changeai souvent
de cachette, allant de fenil en fenil. Un jour, alors que je me
trouvais sur un fenil à l'insu de son propriétaire, la fermière
ramassant des pommes dans le foin, passa sa main sur mon visage sans me
remarquer. Dès que j'eus les habits civils, j’enterrai uniforme, fusil
et grenades dans le jardin de la maison.
Lors de la retraite allemande, je
profitai du désordre pour capturer et tuer une vache blessée, en
compagnie de mon frère, également déserteur et d'une tierce personne ;
ainsi, nous n’eûmes pas de problème d'alimentation pendant un certain
temps.
Arrive ensuite le 6 décembre 1944,
les Américains libèrent le village ; l'appariteur passa et annonça que
les personnes cachées devaient sortir de leurs abris et se rassembler
sur la place du village. Se croyant sauvés, les déserteurs suivirent
les consignes données. Mais ils furent arrêtés par les Américains et
emmenés au camp de prisonniers de STENAY (via OERMINGEN, BENESTROFF),
où ils rejoignirent des déportés et des collaborateurs. Je fus
interrogé huit jours durant à REIMS (il faisait tellement froid que les
détenus se chauffaient les mains avec des allumettes), puis transféré
dans un camp de démobilisation à LAON. De là, je sortis libre le 4
juillet 1945. Je passai par PARIS, VERSAILLES et enfin NANCY, où
j'entrai en contact avec un douanier qui, en échange d'un peu de lard
et de jambon, accepta de me raccompagner jusqu’à KALHAUSEN ».
M. LENHARD JACQUES
SOUVENIRS DE GUERRE PAR SA FILLE
BLANDINE
« Mon père fut incorporé le 2
septembre 1937 dans la Marine Nationale à TOULON, pour accomplir les
deux années de service militaire obligatoire. En 1937, au lieu d'être
libéré, il fut maintenu sous les drapeaux. Au mois de septembre 1939,
il obtint une permission pour se rendre dans sa famille réfugiée en
Charente où il fut le premier militaire à visiter les évacués depuis le
début du conflit.
Mon père en permission en Charente
Voyant les conditions de vie
précaires des évacués, il décida de chercher un petit logement à TOULON
afin que sa mère et sa tante puissent l'y rejoindre au plus vite.
L'appartement fut difficile à trouver et ce ne fut qu'au mois d'avril
1940, que l'installation à TOULON eut lieu.
Après l'armistice du 22 juin 1940,
il fut démobilisé dès le 3 juillet, car sa famille se trouvait à TOULON
même. Étant titulaire des PTT avant 1937, il se présenta au receveur de
la poste de TOULON Principal pour être embauché. Le receveur signala
son cas à la Direction des PTT de la Moselle repliée à AGEN. Vers le 20
juillet, cette dernière télégraphia au receveur que mon père devait
rejoindre PERIGUEUX en vue du rapatriement.
N'ayant nullement cette intention,
il s'y rendit quand même mais ne prit pas le convoi spécial du 15 août
1940 à destination de l'Alsace-Lorraine. Cependant, il profita de
l'occasion pour remettre, à un ancien collègue, une lettre destinée à
son frère Nicolas, dans laquelle il écrivait
: « J'ai encore le costume
gris de papa ; il me serre de trop, dois-je te l'envoyer ? » (tous deux
étaient orphelins de guerre 1914/18, leur père ayant été tué sous
l'uniforme allemand). Il voulait lui signifier par là qu’il devait
venir le rejoindre dans la zone libre.
Après une affectation à VICHY, au
moment de la création des cartes interzones, il retourna à TOULON le
1er juillet 1942. Durant ces deux années d'absence, sa mère et sa tante
étaient restées seules à TOULON où elles ne se débrouillaient pas trop
mal avec le peu de français qu'elles connaissaient.
Avant l'arrivée des troupes
allemandes, le 26 novembre 1942, la flotte se saborda ; mon père en fut
très peiné. Ce ne fut qu'à partir de cette date que des problèmes de
ravitaillement allaient apparaître. Seuls les fruits et légumes qui
constituaient alors la principale nourriture, pouvaient encore être
acquis dans les campagnes à raison d'un kilo par-ci et d'un autre
par-là. Ce dont mon père souffrait le plus, fut le manque de pain : la
ration journalière était consommée au petit déjeuner, les autres repas
se faisaient sans pain.
Deux oranges constituent le
maigre repas de mon père
|
Ma grand-mère et ma
grand-tante à TOULON
|
À cette difficulté matérielle,
s'ajoutait la hantise des bombardements américains. Le 11 mars 1943,
lors du premier bombardement, 105 forteresses volantes déversèrent
plusieurs centaines de tonnes de bombes qui allaient exploser dans
l'arsenal et dans de nombreux quartiers de la ville (une bombe tomba
même sur la poste tuant un collègue de mon père).
Le 29 avril 1943, un second
bombardement eut lieu, causant d'énormes dégâts mais faisant moins de
victimes civiles que le premier, car la population s'était dirigée en
plus grand nombre dans les abris.
Fin 1943 – début 1944, les
bombardements devinrent plus fréquents, les alertes presque
quotidiennes, durant la semaine précédant le débarquement en Provence
(15 août 1944). Pendant plusieurs jours, ce fut un va et vient
continuel entre l'abri et l'appartement ; toute la nuit avant la
libération de la ville (intervenue le 28 août), on entendit des tirs
ininterrompus de mitrailleuses. Au lever du jour, le calme revint, les
troupes allemandes avaient quitté les lieux abandonnant leurs morts
allongés le long des rues.
Les soldats français et américains,
ayant libéré avec le concours des F.F.I., tout le Midi de la France,
les denrées alimentaires réapparurent peu à peu sur le marché. Comme
l'armée alliée progressait très rapidement vers le Nord-Est, mon père
quitta TOULON le 27 novembre avec un laissez-passer jusqu'à METZ, où il
arriva le 8 décembre.
Le 2 janvier 1945, il fut chargé
d'ouvrir le bureau de poste de DELME, encore désert. En attendant le
retour des habitants expulsés en Dordogne, il remit en état le bureau
très endommagé avec l'aide du facteur. Désigné pour effectuer
l'ouverture du bureau de ROHRBACH-les-BITCHE le 10 mai 1945, il était
présent à KALHAUSEN deux jours avant, lorsque le mannequin d'Hitler fut
brûlé.
Au mois d'août 1945, en compagnie
de son frère Nicolas revenu au pays depuis le mois de mai, il retourna
à TOULON pour rapatrier enfin sa mère, sa tante et le peu de bien
qu'elles possédaient. »
Mme PROSZENUCK MATHILDE Née WECKER
« Je me souviens très bien de
Kathia, cette jeune Ukrainienne, qui avait trouvé refuge au sein de
notre famille. Elles étaient quatre filles à s’être évadées d’un camp
de SARREGUEMINES en août 1944. Après avoir erré, elles se
cachèrent dans la forêt du "Muhlenwald" et ce fut SCHLEGEL Aloyse,
lors de son évasion qui les aperçut. Il en fit part à mon frère Jean et
à son cousin DEMMERLE Erwin qui, après consultation de leurs parents,
allèrent les recueillir.
Elles furent hébergées par nos
familles et par des voisins. Mes parents, Auguste et Cécile,
accueillirent donc Kathia, les parents d'Erwin, Henri et Anne, prirent
Maria. Soura trouva un gîte dans la famille LOHMANN Nicolas et Donnia
chez BOUR Jean.
Il fallut les protéger d'une
éventuelle rafle des nazis ; elles s'intégrèrent très bien dans les
familles au point d'appeler leurs protecteurs « papa et
maman ». Elles
se réjouirent avec nous de l'arrivée des libérateurs, mais vécurent à
nouveau des moments d'angoisse lorsque les Allemands tentèrent une
contre-offensive en janvier 1945. Elles nous quittèrent au printemps
1945 en vue d'un éventuel rapatriement.
Kathia n'était guère enthousiaste
pour le retour, car disait-elle : « Nous étions sa famille, chez eux
c’était très pauvre ». Elle et ses amies promirent de nous donner de
leurs nouvelles, mais nous avons espéré en vain. Que sont-elles
devenues ?
Lors de la libération, le 6
décembre, nous étions avec plus d'une vingtaine de personnes du
voisinage, terrés dans la cave voûtée de la maison LOHMANN Florian,
actuellement habitée par HERRMANN René, dans la rue des mésanges.
Mathilde LOHMANN, dont le mari Paul
était à la guerre, s'y trouvait aussi. Quelques jours auparavant, le 27
novembre 1944, dans cette même cave, elle avait mis au monde la petite
Irma. Or, dans l'après-midi du 6 décembre, lorsque les Américains
firent sortir les gens des caves pour les rassembler dans le haut de la
rue de la libération, un soldat, le doigt sur la détente, se présenta
et nous donna l'ordre évacuer les lieux.
Pour Mathilde et son bébé, pas
question de bouger de l'endroit ! Ne voulant pas les laisser seuls, le
grand-père BELOTT Henri, s’assit sur le lit avec la ferme intention de
ne pas céder aux injonctions de l'Américain qui commençait à s'exciter.
Ma mère qui était aussi la tante de la jeune maman s'exclama : « Si le
Opa doit partir, alors moi je resterai ! » Finalement après bien des
palabres, le grand-père eut le dernier mot et put rester dans la cave
avec sa fille et sa petite fille. »
JOSEPH HOFFMANN
« En 1942, j'avais 21 ans. Arrive
l'ordre d'incorporation dans la "Wehrmacht". Ne voulant pas faire
courir de risques à ma mère et à ma famille, je pars donc, à
contrecœur, et me voilà enrôlé de force dans l'armée des occupants.
Après six mois de "Reichsarbeitsdienst", je suis envoyé au front russe à MINSK (à l'ouest
de MOSCOU près de VILNA) et je vais subir dix mois d'enfer sous le
déluge des tirs d'obus. J'ai vraiment vu les horreurs de la guerre, la
brutalité et, pire, la bestialité humaine. J'ai vu la fierté des S.S.
(les " Schutz Staffel", ou escadrons de protection) après leurs
forfaits et quels forfaits !
Un jour, dans une forêt, ils ont
cloué au sol des jeunes filles russes vivantes et pas de n'importe
quelle manière : en leur traversant le sexe avec un bâton. Ils les ont
laissées pendant un temps dans leurs terribles souffrances avant de les
achever.
J'avais le dégoût des Allemands et
pourtant je devais participer aux combats. Au cours d'une bataille, je
suis blessé. Lorsque je reprends connaissance, je dois me rendre à
l'évidence que je suis le seul rescapé de toute la section. Je suis
fait prisonnier par les Russes et considéré comme Allemand. C'était
vraiment le comble !
Quelque temps après, ma condition
d’Alsacien-Lorrain est reconnue et je rejoins l'immense camp de
prisonniers à TAMBOV,* à 450 km au sud-est de MOSCOU. En réalité,
ce camp est situé dans la forêt de RADA à 20 km de TAMBOV. Il était
composé d'une centaine de baraques semi-souterraines, des espèces de
bunkers en bois. Il y a là, plus de 10 000 prisonniers et parmi eux
approximativement 7000 "Malgré-Nous" dont près de la moitié mourra.
Nous sommes trois de KALHAUSEN à
avoir séjourné dans ce sinistre lieu : FABING Roger qui en réchappa
comme moi et GROSS Lucien qui contracta la dysenterie et que personne
ne reverra.
Pour ma famille, officiellement,
j'avais été porté disparu. Comprenez l'angoisse, le désespoir d’une
mère à qui parvient une telle nouvelle : elle en perdit pratiquement le
sommeil, et pourtant se raccrocha à un mince espoir, priant de plus
belle, soutenue par toute la famille.
Pendant ce temps, j'essayais de
survivre. Je croyais avoir tout connu, hélas, non ! Mais là, en Russie,
je connus la faim. C'était bien pire que le plus mauvais des
traitements. On nous servait une "soupe à l'eau" ne contenant presque
rien. J'eus la chance de pouvoir parfois trouver des épluchures ou
ramasser des tomates sur un fumier et ainsi améliorer mon ordinaire
puisque, affecté au Commando de bois, je pouvais sortir du camp. Je
devais parcourir plusieurs kilomètres à pied et ramener à dos d'homme
le bois pour le chauffage et la cuisine.
Un autre mal me rongeait : la
nostalgie du pays natal. Pour meubler le temps, quelques
divertissements étaient proposés tels que des matchs de football, mais
le cœur n'y était guère. L’on s’entraidait autant que possible.
Nous avons encore souffert du
froid, et paradoxalement aussi des grosses chaleurs qui pouvaient
régner en cet endroit, en été. Je me souviens que parfois, sous une
chaleur torride, on nous servait des harengs salés et nous n'avions
rien à boire !
Un jour d'été 1944, on nous a
emmenés à une marche de propagande pour montrer aux autorités de la
Russie et à des diplomates étrangers invités, le bon traitement réservé
aux prisonniers dans les camps russes. Il est vrai que, pour une fois,
nous avons eu droit à une petite ration supplémentaire.
Malgré tout, j'ai eu la chance
immense de pouvoir revenir à KALHAUSEN en automne 1945, mais je ne
pesais plus que 40 kg. Cette période m'a profondément marqué,
moralement mais aussi physiquement puisque depuis la guerre je souffre
de rhumatismes et aussi de troubles pulmonaires. »
Note de l'auteur :
Il est à signaler aussi que : JUNG
Joseph originaire de ROUHLING, époux décédé de MULLER Marie, domiciliée
au 4, rue de la montagne ; NOLL Roger originaire de SARRALBE, habitant
le quartier de la gare et HITTINGER Jean originaire de SCHMITTVILLER,
époux décédé de KLEIN Marie, domiciliée aux 5, rue des roses, sont
également passés par le sinistre camp de TAMBOV.
VIII) CONCLUSION
Le 8 mai 1945, la guerre se termine
enfin. Quel soulagement pour la population qui commence à revivre !
Tout le monde se remet à l'œuvre pour panser les blessures engendrées
par ces années sombres.
KALHAUSEN n'a pas été épargné par
cette triste période, en effet 15 % des habitations ont été détruites,
toute la population a été marquée physiquement et moralement, mais
surtout notre village a payé un lourd tribut en vies humaines : 19
personnes manquent à l'appel dont 15 "Malgré-nous", un engagé dans
l'armée française, un mort dans un camp et deux victimes civiles.
La vingtième personne décédera en 1948 des suites d'une maladie contractée durant le conflit.
À la date du 1er juin 1945, KALHAUSEN compte 750 habitants dont 25 réfugiés.
Tous les hommes, toutes les femmes
ayant apporté leur témoignage ici, sont unanimes : la guerre fut une
période difficile de leur vie et elles ne souhaitent à personne d'avoir
à subir les épreuves qu'elles ont vécues (exode, bombardements,
prisons, pénuries alimentaires…).
Les événements des années sombres
1939 - 1945 doivent rester dans toutes les mémoires et il faut espérer
qu'elles ne se reproduiront plus jamais.
En ces journées des 10 et 11
décembre 1994, fêtant le cinquantième anniversaire de la libération,
nous voulons rendre hommage à toutes ces vies sacrifiées, afin de
faire barrage à la dictature et à la barbarie et nous voulons remercier
le ciel d'avoir retrouvé un régime de libertés auquel aspirent encore
tant de peuples de nos jours.
Pour perpétuer ce précieux
héritage, peut-être avons-nous aussi à apporter notre contribution à
toutes celles et ceux qui veulent se tourner résolument vers un avenir
fondé sur l'Entente et la Paix. Dans cette optique, demandons à
notre Père commun de nous guider dans cette voie.
Quelles traces de ces années sombres reste-t-il 50 ans après ? Bien peu !
Quelques-uns de ceux qui ont vécu
durant cette rude période, nous en content encore les moments forts.
Parmi nous, vivent encore quelques personnes qui ont connu les épreuves
de l'internement dans un "KZ" (camp de concentration) : DIENER
François, RAUSCH André et SCHMITT Jacques.
Il nous reste quelques documents,
quelques photos ou cartes. Des collectionneurs nous présentent
pêle-mêle toutes sortes d'objets rappelant cette période tourmentée.
Des casemates ayant fait partie de
la ligne Maginot sont encore en place sur le territoire de la commune.
Les dernières traces de balles ou d'éclats d'obus, longtemps visibles
sur les murs de l'église viennent d'être effacées par la nouvelle
parure dont elle a été dotée, l'année dernière.
Sur les murs de l'ancien logement
au-dessus de l'école de la rue des lilas, sont encore gravés des noms
et des adresses de soldats U.S. de passage dans notre localité. La
majorité d'entre eux était originaire du New Jersey, de l’Indiana et de
Boston.
De temps à autre, un engin explosif est encore mis à jour sur le ban communal. Le danger persiste cinquante ans après.
Derrière l'église, face à la rue de
l'Abbé ALBERT, veille le monument aux morts, nous rappelant le prix du
sacrifice consenti par notre village. Une croix érigée par la famille
LALUET marque dans la rue des jardins, l'emplacement où Jacques a été
tué. La croix de la famille WEITTMANN, rue des roses, rappelle aussi ces
moments d'épreuves.
Et d'oublions pas que demeurent
encore les liens tissés, par nos aïeux lors de l'exode en Charente et
que KALHAUSEN est depuis le 31 août 1986 officiellement jumelé avec le
village d'accueil de BENEST.
Cérémonie de jumelage à KALHAUSEN, le 31 août 1986
La croix de la famille LALUET
|
La croix de la famille WEITTMANN
|
SOURCES D’INFORMATIONS
Pour la constitution de cet
ouvrage, j'ai partiellement reproduit un document élaboré par LENHARD
Sébastien en juin 1992, intitulé « Destinée des habitants de KALHAUSEN
durant la seconde guerre mondiale ». Il l'avait lui-même composé à
partir de quelques témoignages et des ouvrages suivants :
- La drôle de guerre en Moselle –
H. LIEGEL (Pierron)
- L'arrondissement de Sarreguemines – J. ROHR (Pierron)
La majorité des informations et photos, je les ai recueillies auprès des témoins du temps passé dont :
- les membres du Club de l'Amitié, lors d'une de leurs réunions,
- les familles des victimes,
- puis par des contacts personnels auprès de :
M. et Mme AMANN
Ernest
M.
et Mme AMANN
Joseph
M. et Mme DEMMERLE
Erwin
M. et Mme KORMILZIN
Joseph
M. et Mme PROSZENUCK
Marcel
M. et Mme STEFFANUS
Chrétien Mme BEHR
Blanche, née LETT
Mme BENHARDT Lucie, née MOURER
Mme DIER Ernestine, née LERBSCHER
Mme FABING Elise, née JUVING
Mme HITTINGER Marie, née KLEIN
Melle HOFFMANN Marie
Mme JUNG Marie, née
MULLER
Mme KLEIN Anne, née LIST
Melle KLEIN
Anne
Mme HECKEL Marie, née
STEFFANUS
Mme LENHARD
Elisabeth, née GROSS
Mme MULLER
Marie-Thérèse, née
LENHARD
Mme NOËL Marie, née
HERRGOTT
Mme RIMLINGER Marie, née
SCHLEGEL
Mme TAESCH Cécile, née
GROSS
M. DEMMERLE
Nicolas
M. FREYERMUTH
Pierre
M. KLEIN
Camille
M. LALUET
Gaston
M. PEFFERKORN Joseph et ses
sœurs
M. WEITTMANN
Joseph
- Mademoiselle LENHARD Blandine et Monsieur NUSSBAUMER Edgar m’ont aussi fourni des renseignements de même que
- Monsieur CABOZ René, historien à METZ.
- Quelques autres données ont été
puisées dans les ouvrages empruntés à Monsieur LIST Étienne, maire, et
à Monsieur FISCHER André, président de l'Amicale des Sapeurs-Pompiers :
Opération
Nordwind
F. RITTGEN
(Pierron)
J’ai vu une meute de loups J-J. FONDE
(Pierron)
La bataille de la Moselle R. CABOZ
(Pierron)
- Monsieur KUFFLER Gérard m'a été d'une aide très précieuse pour l'élaboration de cet ouvrage.
- Monsieur BORNER André a assuré la reproduction des photos.
- Je voudrais remercier toutes celles et ceux qui de près ou de loin ont contribué à cette réalisation.
- Je ne voudrais surtout pas oublier les deux secrétaires :
- Mademoiselle DELLINGER
Blandine
- -
- Mademoiselle KUFFLER Marie Noëlle
qui ont traité les textes sur ordinateur.
- Un grand merci aussi à mon épouse
Marie-Antoinette et à ma fille Manuella qui m'ont permis de disposer du
temps nécessaire à l'élaboration de
cet ouvrage en palliant mon
manque de disponibilité.
- La majorité des documents reproduits en annexe provient des archives communales de KALHAUSEN.
Après avoir parcouru ces pages,
certains seraient tentés de dire : « Il aurait fallu insérer tel ou tel
fait ». Je suis bien conscient que chaque témoin de ces événements
pourrait réaliser son propre ouvrage car il a vécu cette période de
façon différente en fonction de son âge, de sa situation familiale ou
professionnelle, de l'endroit où il se trouvait au moment des faits, ou
encore de ses affinités politiques ou religieuses.
ANNEXES
Avant l'exode, une fiche d’identité
a été remise à chaque
habitant
avec ordre de la mettre autour du cou.
Carte d'identité d’une réfugiée établie à BENEST.
Les frères Marcel et Jacques FREYERMUTH
et les frères Joseph et Albert KORMILZIN
durant leur exil au Pic de GER.
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Une partie de la famille KORMILZIN
durant leur séjour à PAU.
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Les sœurs GROSS Cécile,
Elisabeth et Hélène en Charente.
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Lucien KLEIN en Charente.
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Groupe de mineurs dont FREYERMUTH Chrétien, déplacé dans le Nord à LENS
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Les conscrits de la classe 1919,
fêtent le conseil de révision en Charente
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Cette même classe au départ pour
l’armée en gare de BENEST
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DES PERMISSIONNAIRES EN CHARENTE
LIST Jean auprès de ses frères Pierre et Nicolas
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Les frères GROSS Aloyse et Jacques
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Groupe de réfugiés en Charente
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Jeunes Kalhousiennes durant l'exil
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La famille GROSS : toutes ces personnes
sont réparties dans deux pièces
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Maison attribuée à la famille KLEIN Jacques
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L'abbé KIRCH, curé d’ACHEN,
rend visite aux réfugiés de KALHAUSEN
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L'Adjoint au Maire d'AIZECQ
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Lors de la fête de la libération Georgette KLEIN
(épouse SPIELEWOY Frédéric) a accepté le rôle de Jeanne d’Arc
Il y avait foule à la fête de la libération
Le jeune couple DUCHE avec leur fille
Gisèle après les cérémonies de la fête de la libération
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FREYERMUTH Emile avec les
personnalités lors de la fête de la libération
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CARTES POSTALES DE BENEST
L’abbé Albert MICHEL a trouvé refuge
dans la première maison à gauche de la grand rue.
CARTES POSTALES DATANT DE LA PERIODE D’OCCUPATION
Le "Lòngenéck" (rue de la Libération)
après le dynamitage de 1940
L'ancien café-restaurant KIHL – ASSANT rue de la Gare
Des courriers émanant de la Préfecture, en vue d’une éventuelle
évacuation ont été retrouvés, mais l’ordre d’évacuation
contenu dans une enveloppe cachetée, barrée de rouge
n’a pas pu être trouvé dans les archives de la mairie.
Document élaboré en mairie en 1939,
attribuant les diverses
responsabilités
pour les membres de la commission d’évacuation.
Le Maire était retiré à
AIZECQ.
La Mairie était installée à BENEST.
DOCUMENT RARE
Laissez-Passer remis au poste de
frontière de
SAINT-DIZIER
à la famille GROSS Jacques à son retour de Charente.
Demande d’indemnités établie pour les réfugiés revenus de leur exil en Charente.
ADRESSES
:
l’on peut constater les changements des noms des rues suite à la
germanisation.
Les noms de famille à consonance française ont été modifiés lors de l’annexion.
Ordre de recenser les étrangers
Etait considérée comme étrangère toute personne n’étant pas de nationalité allemande ou née dans les départements annexés.
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Questionnaire relatif au recensement des étrangers.
Traduction : le Maire REINHARD
invite la population à une réunion
au restaurant SIMONIN pour une
campagne d’informations en faveur de la "Hitlerjugend".
Traduction :
AVIS A LA POPULATION
Pour éviter aux habitants du
village des désagréments au cours d’éventuels déplacements en Alsace,
je conseille à tous les intéressés de ne pas porter de béret basque.
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Deux anecdotes :
Pour effectuer quelques achats,
WEITTMANN Joseph, le béret sur la tête, se rend dans une quincaillerie
à DIEMERINGEN. Le commerçant de tendance pro-nazie lui ordonne de
retirer le béret et refuse de le servir.
AMANN Joseph, employé à la "Reichsbahn" (Chemin de fer allemand), portait aussi un jour un béret
lors d’un déplacement professionnel à DIEMERINGEN. En quittant un
restaurant où il était allé se désaltérer, il se fait apostropher par
un habitant de DIEMERINGEN qui lui arrache le béret de la tête et le
jette à
terre.
Joseph sans demander d’explication, poursuit son chemin. Dorénavant, il
portera la casquette de la "Deutsche Reichsbahn" pour ne plus avoir
d’histoire.
Un avis émanant de la mairie pour le recrutement de pompiers volontaires,
sinon sera effectué un recrutement d’office.
Réponse de la mairie suite à l’avis de recherche du "déserteur" de la Wehrmacht :
JUVING Léon
Tracts largués par les avions de la ROYAL AIR FORCE.
La commission communale de LORENTZEN
responsable du bétail adresse un courrier au Maire de KALHAUSEN
afin
qu’il fasse le nécessaire pour que les Kalhousiens récupèrent les 60
têtes de bétail qu’ils ont dû abandonner
dans la vallée de l’Eichel
lors de l’évacuation. Cela ne put se réaliser ainsi,
puisque la lettre est datée du 29 avril 1940
et que les Kalhousiens ne
reviendront de Charente qu’en août et septembre 1940.
Formulaire à remplir durant la
période d’occupation afin de pouvoir faire moudre
des céréales et
obtenir des cartes pour s’approvisionner en pain.
Exemple de cartes de rationnement :
La première donne droit à 11,5 kg
de farine de
seigle.
La deuxième à une paire de "chaussures" (genre de sabots dont la
partie supérieure est en tissu).
Carte des campagnes de la 2ème D.B.
Les cartes de ravitaillement
étaient en vigueur durant la
guerre
mais aussi dans la période qui suivit.
Jumelage de nos deux communes fêté
à
BENEST
le 23 août 1987.
Mise à jour d’Août 2019
En décembre 1994, le 50e anniversaire de la Libération avait été
fêté avec faste avec la participation d’une grande partie de la
population. La Municipalité avait organisé un défilé comprenant : le
corps local des sapeurs-pompiers, un détachement d’une douzaine de
militaires du 4e Régiment de Cuirassiers (basé à Bitche), une douzaine
d’amateurs d’anciens véhicules militaires avec leurs engins (Jeep, Dodge…), l’amicale des
mineurs, une section d’anciens combattants d’Alsace Bossue, les
scolaires et la population. Après un recueillement au Monument aux
Morts et après avoir sillonné les rues du village, ce fut le point
d’orgue à la salle polyvalente où sur deux jours, était organisée une
exposition de photos et de matériel militaire.
Une des jeeps sur la place du village, à son bord :
le conducteur : Pascal Muller d'Oermingen
l'accompagnateur : Claude freyermuth
La Jeep de Camille ZINS (assis sur
le pare-choc côté droit,
à gauche son camarade Ervin DEMMERLE) en
exposition à la salle des fêtes.
Le 08 mai 1995, avait été célébrée une messe avec exposition des portraits des victimes de cette horrible guerre.
En décembre 2004, pour commémorer
le 60e anniversaire de la Libération, la Municipalité avait organisé en
collaboration avec des témoins de 1944, une conférence en la salle
polyvalente destinée essentiellement aux scolaires, mais bon nombre
d’adultes étaient aussi présents. C’est d’ailleurs suite à cet
évènement, qu’une poignée d’habitants passionnés d’histoire locale, a
créé l’Association Historique de KALHAUSEN sous le sigle "AHK".
Depuis, l’ "AHK" a organisé bon
nombre d’expositions de photos et de souvenirs de l’époque, de même
que des visites au 1er étage de l’école pour admirer les graffitis des
soldats libérateurs. Donc, même 75 ans après les faits,
la mémoire reste bien vivante et ce malgré la disparition de la plupart des témoins de l’époque.
Un grand merci à Bernard ZINS,
historien local, qui a bien voulu intégrer deux textes retraçant les
comptes rendus historiques de la Libération et de l’Opération "Nordwind".
Claude Freyermuth
octobre 2019.