Weidesheim
et le secteur de la Blies. Septembre-octobre 1939.
Rattaché à la commune de
Kalhausen en 1811, Weidesheim, petit hameau composé de
deux fermes, de quelques maisons, d'un château avec ses
dépendances et d'une chapelle avec ses cimetières,
l'un mennonite, l'autre catholique, est situé au confluent
du ruisseau d'Achen et de la Sarre. Ce lieu est un condensé
d'histoire. Au fil du temps, il a été le témoin
de multiples évènements et bouleversements, de l'antiquité
à une époque proche.
Ouvrons un chapitre méconnu de ce livre d'histoire et intéressons-nous
à ces premières semaines du début du 2e conflit
mondial. En septembre 1939, le cimetière du hameau a servi
de lieu de sépulture à 39 soldats français,
dont les 2 premiers pilotes de chasse français abattus
et le premier officier de l'arme blindée française
tué, tombés pour la plupart durant l'éphémère
offensive de la Sarre, devant soulager la Pologne lors de l'invasion
allemande du 1er septembre 1939.
Le recensement des sépultures laisse apparaître que
la plupart des inhumés sont d'origine bretonne, faisant
partie de la 21e Division engagée en Sarre à partir
du 9 septembre 1939.
A l'heure actuelle rien ne rappelle que les abords de la chapelle
de Weidesheim servirent pendant quelques années de cimetière
à des soldats français tués pendant les premiers
jours de la 2e guerre mondiale.
Vers la guerre.
Le 3 septembre 1939, vers 9 heures du matin, l'ambassadeur britannique
à Berlin adresse un ultimatum aux autorités allemandes
posant l'engagement de la Grande-Bretagne face aux Polonais. Si
l'Allemagne ne réagit pas, avant 11 heures, à l'injonction
britannique du 1er septembre concernant l'invasion de la Pologne,
l'état de guerre sera effectif entre la Grande-Bretagne
et l'Allemagne. Les autorités allemandes rejettent l'ultimatum
vers 11h30.
A 12h30, Robert Coulondre, l'ambassadeur de France à Berlin,
pose un ultimatum analogue à celui des Britanniques. Si
avant 17h00, l'Allemagne ne réagit pas en s'engageant à
évacuer ses troupes de la Pologne, la France tiendra ses
engagements vis-à-vis de Varsovie. Le ministre allemand
des affaires étrangères Von Ribbentrop répond
: "C'est la France qui sera l'agresseur", ce à
quoi Coulondre rétorque : "C'est l'histoire qui jugera".
La stratégie allemande de défense, mise en œuvre
quelques jours plus tard en Sarre, sera la traduction de cette
prise de position.
La guerre est déclarée,
les hostilités sont ouvertes.
Débute alors l'ultime acte d'un drame qui se joue depuis
l'armistice de 1918 et le traité de Versailles de 1919
(dénonciation par l'Allemagne du traité de Locarno
de 1925, réarmement et réoccupation de la Rhénanie
en 1936, annexion de l'Autriche en 1938, affaire des Sudètes
et démantèlement de la Tchécoslovaquie en
1938-1939, revendication de Dantzig ).
Un pacte de non-agression germano-soviétique avait été
signé le 23 août 1939, au grand désarroi des
Franco-Britanniques qui voulaient obtenir des Russes la constitution
d'un rempart commun contre les vues de l'Allemagne sur la Pologne.
Après l'abandon des tentatives de rapprochement franco-italien
en 1935, suite à l'affaire éthiopienne, cet accord
marqua l'échec de la politique française de l'encerclement
diplomatique de l'Allemagne mené pendant l'Entre-deux-guerres.
Du côté russe, les Allemands avaient les mains libres.
Mais arriva alors ce qu'ils voulaient éviter à tout
prix, l'ouverture d'un 2e front à l'Ouest. C'était
un risque calculé de la part de l'Allemagne, mais il sera
payant !
La situation
en Moselle et en Sarre-Palatinat.
Face aux rumeurs de guerre et aux bruits de bottes outre-Rhin,
dès le 20 août 1939, les permissions des militaires
sont suspendues; le 21 août, les officiers de réserve
et les troupes spécialisées sont appelés
sous les drapeaux. Le même jour, les Gardes Mobiles prennent
position sur les frontières. Le bataillon de Sarreguemines
couvre la zone de Sarreguemines à Rohrbach- lès-Bitche.
Les troupes arrivent sur la Ligne Maginot et le 25 août
l'effectif de guerre est en place. La mobilisation générale
est effective le 2 septembre à 0 heure.
En cas de conflit, un plan d'évacuation des civils était
constitué. Sur le territoire national, l'évacuation
est envisagée dès le 30 août, elle sera effectuée
sur ordre militaire après la mobilisation générale,
mais est lancée dès le 1er septembre à 17
heures et se prolonge jusqu'au 3 septembre. Cette mesure concernant
les frontaliers devait permettre aux armées de mener les
opérations de couverture (mesures permettant d'établir
un front solide à l'abri duquel l'armée mobilisée
peut se réunir).
Un plan particulier est mis en place le 26 avril 1939 pour le
secteur Sarreguemines- Bitche- Alsace- Bossue. Les communes situées
entre la frontière allemande et la ligne Maginot sont concernées
ainsi que les villages situés sur les zones arrière
des fortifications. Les localités sont évacuées
vers le sud- ouest. Ainsi le village de Kalhausen, situé
à l'arrière de la ligne, est évacué
en Charente sur les communes d'Aizeq, Benest, Pleuville, tandis
que les habitants du village de Schmittviller, situé à
2 km de Kalhausen, restent dans leurs foyers.
En Allemagne, une procédure analogue d'évacuation
des civils en cas de conflit est mise sur pied. Ainsi en Sarre
et au Palatinat 2 zones sont constituées, une zone rouge
et une zone verte. La zone rouge va de la frontière française
au " Westwall", elle est évacuée en totalité.
La zone verte englobe une bande de terrain de 20 km de large qui
peut selon l'évolution de la situation militaire être
évacuée.
Le 3 septembre 1939, une allocution radiodiffusée ordonne
l'évacuation de la zone rouge. Elle doit débuter
le 4 septembre à 0 heure, mais a démarré
bien avant cette date. Dès le 30 août, les hôpitaux
sont évacués, puis c'est le tour des prisons. Le
1er septembre avec l'aide du parti et de l'armée, la plupart
des frontaliers allemands refluent vers l'intérieur du
Reich.
Le 1er septembre, les routes menant en France sont minées,
le 2 les liaisons ferroviaires sont interrompues, le 3 la frontière
est fermée.
De l'hypothèse
Sarre à l'opération Sarre.
Ecartelée entre l'Allemagne, la Russie et l'Autriche, la
Pologne avait recouvré son indépendance en novembre
1918. Le 21 février 1921 était signée une
convention franco-polonaise garantissant les frontières
du nouvel état contre une agression de l'Allemagne et de
la Russie.
La menace allemande se précisa avec l'arrivée du
chancelier Hitler au pouvoir en Allemagne en 1933. Le rapprochement
escompté avec la Yougoslavie et la Roumanie n'ayant pas
porté ses fruits et en l'absence d'accord avec les Soviétiques,
pour les alliés franco-britanniques, la Pologne était
l'élément de base sur le front oriental en 1939.
Le 31 mars 1939, le premier ministre britannique Chamberlain déclare
à la Chambre des Communes que le gouvernement britannique
s'engage à soutenir la Pologne si son indépendance
nationale est menacée. Cet engagement est confirmé
par la déclaration française du 13 avril 1939, rappelant
la validité de l'alliance franco-polonaise signée
en 1921. L'état-major britannique pense que la Pologne
a une capacité de résistance de 3 à 4 mois.
(Les premières troupes britanniques ne débarqueront
en France que le 22 septembre 1939 ; le sort de la Pologne sera
alors déjà scellé). Pour soutenir l'allié
polonais, le général Maurice Gamelin, chef d'état-major,
signe à Paris le 19 mai 1939 avec le général
Kasprzycki, ministre de la guerre polonais, une convention militaire
d'assistance de la France en cas d'invasion de la Pologne par
l'Allemagne. Suite à un désaccord avec les Polonais
sur la neutralité de la ville de Dantzig, l'accord politique
qui entérina cette convention ne sera signé que
le 4 septembre, soit 3 jours après l'attaque allemande
! Cette convention porte sur deux points :
-l'aspect matériel : pour renforcer l'armée polonaise,
la France livre, en juillet 1939, 52 chars Renault R 35.
-le côté tactique : le général Georges,
commandant du théâtre d'opérations Nord- Est,
déclare le 31 mai 1939 : "Dans l'hypothèse
où le gros de l'effort principal allemand se porterait
sur la Pologne, il peut être demandé aux forces
françaises d'intervenir au plus tôt pour soulager
les forces polonaises en maintenant ou en attirant sur notre front
le maximum de forces allemandes".
Des déclarations d'intention, on passe aux plans d'action
qui dénotent bien le caractère plus que prudent
de la position de l'état-major français. Des plans
dont la finalité, en cas de crise, est de mobiliser, transporter
les armées et les disposer sur les frontières, sont
prêts. Ils sont rédigés et corrigés
en fonction des menaces éventuelles, ce sont les plans
de concentration. Dans ces plans sont inclues des hypothèses
qui peuvent être des opérations offensives. Ce sera
l'application de l'hypothèse R (pour Rhénanie) du
plan E du 9 juin 1938 modifié en janvier 1939, qui sera
appelée plus simplement l'hypothèse Sarre.
Dans ce cadre, le 24 juillet, le général Georges
adresse au général Prételat, chef du 2e Groupe
d'Armées, une instruction secrète et personnelle
en vue des opérations à conduire éventuellement
entre Rhin et Moselle.
L'EMA (Etat-major de l'Armée) prévoit une opération
ayant comme limite nord la Moselle à la frontière
luxembourgeoise et comme limite sud le massif des Vosges du Nord.
Dans un premier temps, il s'agit d'occuper les saillants de Cadenbronn
et d'Orenthal afin de s'assurer d'une position de départ
solide. Dès que l'autorisation de franchir la frontière
sera donnée, il faudra procéder à des reconnaissances
en vue de déterminer la puissance des forces allemandes
puis conquérir la ligne Spicheren-Breitfurt-Hornbach-Rolling
(12e jour de la mobilisation), enfin conquérir la rive
Ouest de la Sarre et nettoyer le Warndt (au 17e jour de la mobilisation).
Une fois cet objectif atteint, il s'agira de s'organiser sur le
terrain, d'échelonner en profondeur le dispositif, de ne
laisser au contact que les éléments indispensables,
d'agir par le feu de l'artillerie sur les pentes Nord de la Sarre
et de procéder à l'équipement offensif du
front afin de donner le change à l'ennemi en prévision
d'une opération de franchissement pouvant être prescrite
ultérieurement.
Au vu de la teneur de cette instruction, on peut douter de la
croyance de l'état-major français en la capacité
de résistance prolongée de l'armée polonaise.
Le général Gamelin déclare toutefois le 23
août, après l'annonce de la signature du pacte de
non-agression germano-soviétique, lors de la réunion
officieuse au ministère de la guerre à laquelle
participent Edouard Daladier, des ministres et chefs militaires,
que l'armée française est prête ( paroles
que Gamelin réfutera plus tard) et que l'armée polonaise
pourrait tenir tête à l'armée allemande jusqu'au
printemps 1940 et qu'à ce moment les forces anglaises seraient
à nos côtés. C'est à cette réunion
qu'est prise la décision de tenir nos engagements vis-à-vis
de notre allié polonais : mobiliser et intervenir en cas
d'une agression allemande. Pour sa part, le colonel Beck, ministre
polonais des affaires étrangères est convaincu que
les Allemands n'attaqueront que fin septembre.
Le général Gamelin ordonne la préparation
de l'opération par une directive du 1erseptembre où
il invite le général Prételat, commandant
le 2e Groupe d'Armées formé des 3°, 4° et
5° Armées, à organiser les opérations
préliminaires à l'hypothèse Sarre. Les moyens
prévus sont considérables.
Le premier septembre, à 4 h 45, les troupes allemandes
franchissent la frontière polonaise et le 3 septembre,
la France déclare la guerre. Le haut commandement français
est pris de court, les opérations de couverture battent
leur plein. Dès le 28 août, la 4e DINA (division
d'infanterie nord- africaine) arrive dans le saillant de Forbach
et l'avant-garde de la 11e DI (division d'infanterie) dans le
secteur de Sarreguemines. Tout s'accélère. D'après
le plan, les actions offensives ne devaient débuter que
le 12e jour de la mobilisation, mais le temps presse, les Allemands
ayant investi la Pologne avec des forces conséquentes et
progressant rapidement. Les troupes françaises ne sont
pas à pied d'œuvre, l'opération est reportée
plusieurs fois. Néanmoins, dès le 3 septembre, sans
autorisation, des reconnaissances sont entreprises en territoire
allemand dans le secteur de Bouzonville.
Les opérations de concentration se poursuivent. L'arrivée
en train de la 21e DI du secteur de Nantes s'échelonne
entre le 3 et le 5 septembre. Le débarquement s'effectue
dans la région de Fénétrange. Le 8 elle prend
en charge le secteur de Bliesbruck, Frauenberg. Son poste de commandement
est établi à Wittring. La 9e DIM (division d'infanterie
motorisée), la 23e DI, la 15e DIM prennent position entre
Gros-Réderching et Bitche. La 4e DIC (division d'infanterie
coloniale) qui n'est complètement rassemblée au
camp de Bitche que le 15, prend en charge le secteur de Liederschiedt.
L'approvisionnement en munitions n'est fait que le 10.
Afin de constituer des bases de départ solides, un premier
objectif consiste à réduire les saillants de la
forêt du Warndt et le saillant d'Auersmacher situé
entre les boucles de la Sarre et de la Blies. Dès le 4
septembre, avant le début officiel des opérations,
la 42e DI franchit la frontière et progresse de 6 km dans
le Warndt. Le 7, les objectifs sont pratiquement atteints, mais
les mines et les destructions entravent l'avance des troupes et
font des victimes.
Neuf divisions d'active, 3 bataillons de chars R 35 et un de FT
17 de l'autre guerre, prennent part à l'opération
lancée le 9 septembre. La 4e Armée, commandée
par le général Réquin et constituée
par 2 Corps d'armée ,le 20e Corps d'Armée du général
Hubert, formé par la 4e DINA du général Sancelme,
la 11e DI du général Aymes, la 21e DI du général
Pigeaud et le 5e Corps d'Armée du général
Bloch, formé par la 23e DI du général Jeannel,
la 9e DIM du général Richter, fournit l'effort principal
dans les secteurs de la Sarre et de la Blies.
Infographie Alain Behr.
A Sarreguemines, l'attaque débute le 9 septembre, à
partir de 3 h 50 du matin, par l'action de la première
compagnie du 1er bataillon du 170e RI (régiment d'infanterie)
de la 11e DI surnommée la Division de Fer. L'unité
traverse la Sarre, entre le pont-rail de Welferding et l'abattoir
(actuel parking du magasin Match), sur une flottille de radeaux
de sacs Habert à l'aide de cordes tendues entre les 2 rives.
Le sac Habert est constitué d'une enveloppe en toile imperméable
remplie de paille ou d'herbe sèche; son emploi est décrit
pour la première fois dans une notice de 1900. En 1939,
c'est un moyen de franchissement désuet. Avec cet équipement,
la traversée des bataillons du 170e RI dure jusqu'au début
de l'après-midi. Vers 5 heures du matin, le génie
allemand, alerté, avait fait sauter 5 ponts sur la Sarre
et la Blies. Un pont de bateaux, permettant aux chars légers
R 35 du 22e BCC (bataillon de chars de combat) de traverser, est
construit non loin du pont détruit de Hanweiler. Les moyens
modernes de franchissement du génie sont limités.
Le pont modèle 35 est un pont de bateaux composé
d'embarcations en duralumin et de travées métalliques,
mais il ne permet que le passage d'engins blindés pesant
moins de 18 tonnes. D'ailleurs le règlement du génie
de 1939 prône la construction de ponts de circonstances
en madriers. La plupart des ouvrages construits par les sapeurs
sont en bois. Un pont sera lancé sur la Blies à
Blies-Guersviller, un autre à Frauenberg ainsi qu'une passerelle
au niveau du moulin des Faïenceries. L'objectif est le saillant
d'Auersmacher. Les troupes françaises progressent en territoire
allemand sur une profondeur de 5 km et une largeur de 9 km. Il
y a peu de résistance de la part des Allemands. Les villages
vidés de leurs habitants sont déserts. Les opérations
militaires se caractérisent par une succession de bonds
en avant, les objectifs journaliers conquis sont mis en défense
pour résister à une éventuelle contre-attaque
ennemie puis la procédure est répétée
pour l'objectif suivant. L'avance est très prudente. La
ligne Bübingen, Hinterwald, Überwald, à proximité
de la ligne Siegfried, est atteinte le 12 septembre. La 11e DI
n'ira pas plus avant en Sarre.
Sarreguemines 2009.
Un obstacle sournois et meurtrier ralentit
l'avance des troupes françaises. Il s'avère que
les Allemands ont truffé le secteur de pièges mortels.
En coupant des fils tendus qui les gênaient, les fantassins
sont tués par une gerbe de billes d'acier qui fauchent
tous ceux qui se trouvent dans un rayon de 20 mètres. Les
véhicules motorisés et les chars sautent sur des
mines. Les Français viennent de faire connaissance avec
la "S-Mine", mine bondissante anti-personnel, et la
"Tellermine", mine anti-chars. En examinant les mines
intactes récupérées, l'état-major
français se rend compte que notre matériel est entièrement
surclassé dans tous les domaines : efficacité, facilité
d'emploi, piégeage. Le rôle des mines dans la guerre
moderne a pratiquement été passé sous silence
par les stratèges français. Un seul article dans
le règlement en vigueur en 1939, sur la manœuvre et
l'emploi du génie, leur est consacré. Il stipule
: "D'une façon générale, l'enlèvement
des mines antichars incombe au service de l'artillerie au même
titre que l'enlèvement des obus, bombes ou grenades non
éclatés". Aucune formation pratique n'est dispensée
dans les corps de troupe. Un sergent d'active du 137e RI, avec
4 ans de service, confronté aux mines en Sarre, dira :
" C'est en vain que je cherche dans ma mémoire
les cours faits sur les mines ou les pages relatives à
ces engins dans le Manuel du Gradé d'Infanterie ".
La mine allemande antipersonnel est alors purement et simplement
copiée par l'industrie française et une notice allemande
sur le piégeage est traduite et distribuée dans
les corps de troupe à partir du 30 septembre 1939. Les
soldats surnomment les mines "pièges à cons".
Un chiffre parlant : 10 032 mines antipersonnel et
2 141 mines antichars avaient été posées
par les Allemands sur un front de 10 km dans le secteur de la
34e Infanterie division à proximité de Sarrelouis.
Le 9 septembre, la 21e DI, arrivée de Bretagne, franchit
la Blies et progresse au nord de Bliesbruck. Elle bénéficie
du soutien du 20e BCC équipé de chars R 35 d'accompagnement
de l'infanterie. Un pont modèle 1935 de 18 tonnes est lancé
sur la Blies le 12. Le 13, l'avancée est de 7 km.
Dans le secteur d' Ormersviller près de Volmunster, l'offensive
débute en direction d'Utwiller le 9 septembre par une reconnaissance
du GRDI ( groupe de reconnaissance divisionnaire) de la 23e DI,
équipé de cabriolets Renault, Rosengard et Citroën
de réquisition ; au 13, les troupes françaises ont
pénétré en Allemagne de quelques kilomètres
seulement et occupent le saillant d'Orenthal ainsi que Brenschelbach,
Peppenkum, en Sarre.
Dans le secteur nord, l'offensive est déclenchée
le 7 septembre dans la région allant de Launstroff, à
10 km à l'est de Sierck-les-Bains, jusqu' à Creutzwald.
Elle se caractérise surtout par des reconnaissances, des
coups de main et quelques avancées en territoire ennemi.
Le dispositif allemand à l'Ouest est faible. L'effort est
porté sur la conquête rapide de la Pologne. La 1ère
Armée, commandée par le général Erwin
Von Witzleben, dispose de 17 grandes unités de valeur inégale,
dont 10 formées de réservistes. Il n'a aucun char
à opposer aux unités mécanisées françaises
et manque de canons antichars et d'artillerie. Tandis que les
Français avancent prudemment en raison des mines et pièges
disposés dans les portes, les fenêtres, les armoires,
les tiroirs et même dans les pompes servant à puiser
l'eau, les Allemands se retirent, menant un combat d'arrière-garde
et appliquant une directive du 1er août 1939, émise
par Hitler dont le point 3 stipule qu'il s'agit de s'opposer de
façon locale aux violations du territoire allemand et qu'il
est interdit de franchir la frontière. L'Allemagne ne veut
en aucun cas être responsable de l'ouverture des hostilités
à l'Ouest.
A partir du 12 septembre, l'offensive française est stoppée.
L'armée polonaise s'effondrant rapidement, elle n'a plus
lieu d'être et il n'est pas question de percer le "Westwall"
allemand, le béton ayant un effet dissuasif et les moyens
manquant : artillerie lourde de siège et obus de rupture.
Un essai de destruction sur un ouvrage près de Brebach,
fin septembre, se soldera par un échec. Le 17 septembre
la Russie attaque à son tour la Pologne.
Dans un premier temps, conformément à la note annexe
du 7 août 1939 de l'instruction du général
Georges, il est décidé de conserver le terrain conquis
et de construire une première ligne défensive en
Sarre, mais l'état-major français est prudent ;
en territoire ennemi, sans positions de défense solide,
le 2e GA est à la merci d'une contre-attaque allemande.
En effet, depuis le 14 septembre, des troupes allemandes sont
transférées de Pologne à l'Ouest et le 20,
l'aviation se renforce, dépassant l'aviation française.
En outre l'état-major craint une attaque contre le Grand-Duché
du Luxembourg, les nouvelles divisions formées de réservistes
ne sont pas prêtes et les divisions d'active sont éparpillées
des rives de la Moselle aux Vosges du Nord. Pour former une réserve
mobile en vue de contrer une éventuelle attaque allemande,
certaines divisions d'active sont relevées par des divisions
de type A (division de réserve pouvant être mise
en ligne au 4e jour de la mobilisation). Ce sera le cas de la
21e DI mise en réserve du GQG (Grand Quartier Général).
Le 30 septembre, le repli est décidé, il débute
le 4 octobre. Le général Gamelin est persuadé
que les Allemands envisagent à leur tour d'attaquer la
France. Des instructions concernant le repli éventuel des
avant-postes et premières lignes de défense situés
sur le territoire national, vers la ligne Maginot construite en
retrait de 15 à 20 km de la frontière, sont données.
Les ponts construits par le génie français sur la
Sarre et la Blies sont munis de charges explosives ou de substances
incendiaires destinées à les détruire en
cas d'intrusion allemande. Les unités gardant les ponts
ont ordre de percevoir du goudron à l'annexe du parc du
génie de Sarreguemines et de maintenir un stock d'essence
à proximité des ouvrages en bois. Des barrages antichars
de fortune construits en moellons, poutres de bois et machines
agricoles entassées sont édifiés à
l'entrée des villages où se situent les avant-postes
français. Le retrait français de la Sarre se fait
progressivement pour ne pas éveiller les soupçons
allemands et ne pas froisser l'opinion publique française
car l'outil de propagande avait exagéré l'importance
de cette opération. Cette période de retrait est
ponctuée par des coups de main, des escarmouches et des
duels d'artillerie.
A partir du 16 octobre, les Allemands attaquent et réinvestissent
la frange de territoire conquise par les troupes du général
Prételat. Le 17 octobre, l'arrière-garde française
rejoint le territoire national. Les derniers éléments
français sortent de Sarre le 24 octobre.
L'offensive allemande s'arrête sur les frontières,
mais la France est contrainte d'abandonner quelques localités
dans le secteur nord de l'offensive, dans le saillant de Forbach,
dans le saillant d'Orenthal et à la mi-novembre la ville
de Forbach.
Le cimetière
militaire de Weidesheim.
La liste des inhumés à Weidesheim en 1939 a pu être reconstituée entre autres grâce aux archives de la mairie de Kalhausen. La source principale est une liasse de feuillets provenant du "carnet de champ de bataille", indiquant le nom du décédé, son matricule, son grade, sa succession, le lieu d'inhumation et parfois le lieu et la cause du décès. Ces feuillets ont été servis par différents officiers d'administration de 1939 à 1940. En 1939, le poste de commandement du 133e RIF (régiment d'infanterie de forteresse) était situé à Kalhausen, c'est certainement grâce à cela que ces documents, rescapés de la débâcle de 1940, sont parvenus jusqu'à nous. Une autre source consiste en un échange de courriers en 1942-1943 entre le maire de Kalhausen occupant la fonction d' "Ortsgruppenleiter" de Kalhausen-Schmittviller et le lieutenant Robardet, où sont listées toutes les tombes de militaires, y compris celles de 2 aviateurs de 1914-1918 enterrés au cimetière communal du village. Une troisième source est le fonds Robardet avec la liste des inhumés au cimetière militaire de Petersruh (Hoste) en Moselle où les corps sont transférés en 1944.
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Nom prénom | Grade | Division | Régiment | Recrutement | Matricule |
|
|
LE HENAFF | 2e Cl | 21e DI | 137e RI 7e Cie 2e Bat | 17/09/1939 | Sarre Allemagne | ||
GUEDO Paul | 2e Cl | 21e DI | 137e RI 7e Cie | 1937 Vannes | 112 | 17/09/1939 | Sarre Allemagne |
LE CORRE Julien | 2e Cl | 21e DI | 137e RI 9e Cie | 1937 Lorient | 1448 | 21/09/1939 | Sarre Allemagne |
JOUAN Joseph | 2e Cl | 21e DI | 137e RI | 05/10/1939 | Sarre Allemagne | ||
BELGO Henri | 2e Cl | 21e DI | 137e RI | 05/10/1939 | Sarre Allemagne | ||
QUERE Rémy | 2e Cl | 21e DI | 137e RI 1e Cie | 1937 La Rochelle | 962 | 18/09/1939 | Sarre Allemagne |
GUYONVARCH Armand | 2e Cl | 21e DI | 137e RI | 1933 Lorient | 1306 | 14/09/1939 | Sarre Allemagne |
BARON Joseph | Sergent chef | 21e DI | 137e RI 11e Cie | 1932 Vannes | 1335 | 14/09/1939 | Sarre Allemagne |
BARANGER Alain | 2e Cl | 21e DI | 137e RI CA2 | 1938 Nantes | 880 | 01/10/1939 | Sarre Allemagne |
LE NY Jean | 2e Cl | 21e DI | 137e RI 2e Cie 1e Bat | 1934 Quimper | 10/09/1939 | Sarre Allemagne | |
POULIQUEM Samuel | 2e Cl | 21e DI | 137e RI 6e Cie 2e Bat | 1936 | 6097 | 19/09/1939 | Sarre Allemagne |
ROBIC Henri | 2e Cl | 21e DI | 137e RI | 1936 Lorient | 1243 | 19/09/1939 | Sarre Allemagne |
GLOAGUEN Guillaume | 2e Cl | 21e DI | 137e RI 3e Cie | 1938 Quimper | 10/09/1939 | Sarre Allemagne | |
GUILLAUME Jean | Sergent | 21e DI | 137e RI 5e Cie | Lorient | 27/09/1939 | Sarre Allemagne | |
JALLIFIER Gabriel | Capitaine | 21e DI | 137e RI | 1922 Brest | 13/09/1939 | Sarre Allemagne | |
CHOTARD Fernand | 2e CL | 21e DI | 65e RI | 1937 La Rochelle | 11/09/1939 | Sarre Allemagne | |
LE MORILLON Joseph | Canonnier | 21e DI | 35e RAD | 1931 Vannes | 256 | 15/09/1939 | Reinheim Sarre All. |
LE NAOUR Henri | Canonnier | 21e DI | 35e RAD | 1932 Quimper | 2215 | 15/09/1939 | Reinheim Sarre All. |
RAULT Louis Claude | Capitaine | 21e DI | 35e RAD | 1913 Lorient | 2138 | 15/09/1939 | Reinheim Sarre All. |
GUERIN Henri | MDL Chef | 21e DI | 35e RAD | 1931 Rennes | 211 | 16/09/1939 | Reinheim Sarre All. |
GUIBERT Marcel | 2e Cl | 21e DI | 35e RAD | 1934 Rennes | 1122 | 18/09/1939 | Sarre Allemagne |
DUCHENE Lucien | 2e Cl | 21e DI | 235e RALD | 1928 Vannes | 2985 | 14/09/1939 | Sarre Allemagne |
BATIFOIX Maurice | 2e Cl | 21e DI | 235e RALD | 1930 Périgueux | 3294 | 14/09/1939 | Sarre Allemagne |
MAZERDT Denis | 2e Cl | 45e DI | 85e RI | 15/10/1939 | Sarre Allemagne | ||
GUIBERT Auguste | 2e Cl | 45e DI | 85e RI | 15/10/1939 | Sarre Allemagne | ||
GRANGER Fernand | 2e Cl | 45e DI | 85e RI | 15/10/1939 | Sarre Allemagne | ||
BOULE Joseph | 2e Cl | 45e DI | 85e RI | 15/10/1939 | Sarre Allemagne | ||
ROYER Marcel | 2e Cl | 8e Génie | 1938 Troyes | 1207 | 14/09/1939 | ||
LACROIX Raoul | 2e Cl | 6e Génie | 1930 Niort | 227 | 18/09/1939 | ||
BEAUSSIER Henri | Sergent | 6e Génie | 1933 Angers | 11/09/1939 | |||
ROUSSEAU Martial | Sous-lieutenant | 21e DI |
507e RCC 20e Bat 3e Cie |
1935 Valenciennes | 09/09/1939 | Sarre Allemagne | |
ALBOND Antoine | 2e Cl | 45e DI |
504e RCC 10e Bat 2e Cie |
1933 Lyon | 3214 | 13/09/1939 | |
VANDEMINDE Arthur | Brigadier |
403e DCA 2e groupe |
1929 Seine 6e Bureau |
2209 | 19/09/1939 | ||
MOSNIER Jean | Cdt | 25e DIM | 16e RADA | 1908 | 15/09/1939 | Reinheim Sarre All. | |
VYANNE Roger | 116e RADA | 1932 Clermont Ferrand | 2926 | 13/09/1939 | |||
LEROY Maurice | 2e Cl | 174e RIMF | 1938 Seine | 14/09/1939 | Bebelsheim Sarre All. | ||
MONTEMONT Eugène | 2e Cl | 2e Bat de Travailleurs | 1922 Epinal | 1529 | Disparu le 19/12/1939 inhumé le 6/2/1940 | ||
GARNIER Jean | Sergent pilote | GC 1/3 | 2e escadrille |
1934 Seine 6e bureau |
1602 | 24/09/1939 |
Etting France |
BAIZE Marius | Sous-lieutenant | GC 1/3 | 3e escadrille |
1932 Seine 1er bureau |
631 | 21/09/1939 |
Bliesbruck France |
Mais que nous dit cette liste de noms
? Aussi complète soit-elle, sa lecture s'apparente à
une suite anonyme de noms gravés sur la plaque d'un monument
aux morts. Allons plus loin et voyons le parcours et la destinée
de quelques-uns de ces premiers soldats français tombés
durant le second conflit mondial.
De la
Bretagne à la Moselle.
La consonance des noms et les bureaux de recrutement laissent
apparaître l'origine bretonne de la plupart des décédés.
Une analyse plus détaillée des unités, dont
la 21e DI (Division d'infanterie), faisant partie de la 4e Armée
du général Réquin, nous apprend qu'elles
ont participé à l'offensive de la Sarre en septembre
1939.
Pourquoi des Bretons ? En temps de paix, l'armée de terre
française compte 20 divisions d'infanterie en métropole,
5 divisions de cavalerie et 8 divisions d'infanterie coloniale.
Seules 10 divisions d'infanterie sont d'active, dont la 21e. La
mise en place du dispositif s'étant faite avant la mobilisation
générale en temps de paix, ce sont uniquement des
divisions d'active qui ont été acheminées
sur le futur front de la Sarre. Après la mobilisation décrétée
le 1er septembre, l'effectif de l'armée de terre passe
progressivement à 86 divisions.
La 21e DI, commandée par le général de brigade
Pigeaud, est une division d'active de type Nord-Est dont le siège
est à Nantes.
Voici sa composition :
Trois régiments d'infanterie :
- le 48e RI ayant 2 bataillons à Guingamp, 1 à Landerneau.
- le 65e RI avec 2 bataillons à Nantes, 1 à Vannes.
- le 137e RI avec 2 bataillons à Quimper et 1 à
Lorient.
Deux régiments d'artillerie :
- le 35e RAD à Vannes. (Régiment d'artillerie divisionnaire)
- le 235e RALD à Vannes. (Régiment d'artillerie
lourde divisionnaire)
Un groupement de cavalerie :
- le 27e GRDI (Groupement de reconnaissance divisionnaire d'infanterie)
en provenance de Limoges et de Pontivy.
Ainsi que divers services : intendance,
santé, pionniers, radio… L'effectif théorique
est d'environ 16 500 hommes. La traction hippomobile est reine,
comme dans l'armée allemande d'ailleurs et près
de 5 000 chevaux dont un certain nombre issus de la réquisition
sont alloués à la formation. Les véhicules
automobiles affectés à la division sont en grande
partie issus de la réquisition de véhicules civils,
les véhicules légers ne manquent pas, mais le déficit
en camions se fait ressentir. A la mobilisation, la 21e division
est complète à 90% de ses personnels et matériels.
D'après le règlement une division de ce type couvre
12 km de front.
La situation économique de l'Entre-deux-guerres, les capacités
de production insuffisantes de l'industrie et les atermoiements
de l'état-major mettent un frein à la modernisation
des régiments ; comme beaucoup d'autres, le 137e RI est
équipé de mitrailleuses Hotchkiss modèle
1916, pesant 50 kg. Les fantassins sont dotés du fusil
Lebel de la première guerre mondiale communément
surnommé la canne à pêche, du fusil 07-15
et du mousqueton Modèle 1892 ; la fabrication en grande
série du fusil à répétition MAS 36
ne commence qu'en septembre 1939 mais jusqu'à l'armistice
de 1940 sa production ne dépassera pas 250 000 exemplaires.
Un nouveau modèle de mortier, le 60 mm, apparu en 1936,
de dotation récente, reste en caisse. Le nouveau canon
antichar de 25 mm arrive dans les unités, mais la dotation
régimentaire est insuffisante et les personnels ne sont
pas formés. Le régiment dispose d'un poste radio,
de téléphones de campagne mais au niveau de la compagnie,
les liaisons se font par coureur.
La situation démographique due à l'hécatombe
de 1914-1918 entraîne un déficit de recrutement.
Dans un régiment d'active, la part des réservistes
est en général de 35% ; au 137e, il semble que ce
chiffre fut de 50%. L'intégration se fait à la hâte
dès le 25 août 1939, jour où les classes de
la première réserve sont rappelées.
Comme les autres régiments de la 21e DI, le 137e RI se
prépare à faire mouvement. A Quimper, le régiment
embarque dans 5 trains à destination des positions de couverture
(front solide permettant à l'armée mobilisée
de se réunir). Le départ a lieu le 1er septembre,
vers 10 h. En cours de route, la nouvelle tombe : l'Allemagne
a envahi la Pologne et la mobilisation générale
est décrétée. Le voyage est interminable,
pour les hommes de troupe embarqués dans des wagons portant
la mention " chevaux en long 8, hommes 40 ". La destination
est inconnue, mais on se dirige vers l'est sans aucun doute.
Le 4 septembre, le convoi ferroviaire a atteint sa destination
: Fénétrange en Moselle. Les réfugiés
sont la première confrontation avec l'état de guerre.
Les militaires bretons voient des convois de chariots tirés
par des bœufs, où les civils mosellans ont entassé
en hâte quelques biens. A Kalhausen où l'ordre d'évacuation
est donné par la mairie dans l'après-midi du 1er
septembre, les villageois, surtout des agriculteurs, vaquent à
leurs occupations dans les champs. Ils n'ont que quelques heures
pour se préparer, 30 kg de bagages par personne sont autorisés.
Beaucoup de frontaliers sont déjà mobilisés
et c'est aux femmes et aux personnes âgées qu'il
incombe de s'organiser. Biens, animaux, récoltes…il
faut tout laisser. L'heure de départ est fixée à
20 h en direction de Réchicourt-le-Château où
les évacués vont embarquer quelques jours plus tard
dans des trains en destination des départements du sud-ouest.
Le 5 septembre, rassemblé sur le terrain de football de
Fénétrange, le 137e RI est harangué par le
colonel Mast, chef de corps, leur annonçant que la guerre
est déclarée depuis le 3 septembre et que le départ
vers la frontière allemande distante de 35 km est imminent.
Les déplacements se font de nuit, le départ a lieu
dans la soirée du 5. La troupe marche à pied en
colonne par trois avec un barda de plus de 30 kg ; une pause lui
est octroyée toutes les 50 mn. Les 3 bataillons empruntent
plusieurs itinéraires. Le 2e bataillon prend la direction
de Sarre-Union et fait étape à Domfessel. Il perd
une heure, bloqué à Diedendorf pour permettre le
passage du GRDI (groupement de reconnaissance divisionnaire).
Au petit matin du 6 septembre, trempés par la pluie et
transis de froid, les soldats campent dans une forêt au
lieu de granges où ils seraient à l'abri. On leur
explique que c'est pour échapper aux vues de l'aviation
d'observation adverse. La perception de la soupe se fait par petits
groupes. Beaucoup de réservistes ne sont pas habitués
à cette marche harassante. Le sac et le fusil sont lourds,
les pieds sont mis à mal par les brodequins neufs et certains
soldats se délestent d'une partie de leurs munitions. Le
premier bataillon est sur les lieux du cantonnement vers 1 heure
du matin tandis que le 3e bataillon arrive à 8 heures.
Dans son rapport du 6 septembre destiné à la division,
le colonel Mast rend compte de la marche très pénible
due au mauvais temps, à l'état déplorable
du réseau routier et à l'itinéraire très
encombré et il s'attend à un nombre important d'éclopés.
Le 3e bataillon du 137e RI a été retardé,
suite à des accidents et pannes de voiture. Les unités
hippomobiles des deux autres régiments de la 21e DI sont
à la traîne. A cause de la route rendue glissante
par la pluie, la montée du raidillon nord de Fénétrange
pour les fourgons lourdement chargés a entraîné
le doublement des attelages, ce qui implique un retard conséquent.
La destination prévue pour l'ensemble de la division au
6-7 septembre est la zone : Zetting, Wiesviller, Woelfling, Dieding,
Wittring, Weidesheim, Kalhausen, Etting, Achen.
Après avoir traversé de nuit Voellerdingen, Oermingen,
Kalhausen, l'étape suivante pour les bataillons du 137e
RI est la zone Achen-Wiesviller. L'arrivée est prévue
le 7 au matin. Dès leur arrivée, on leur ordonne
de creuser, en pleine nature, des trous individuels appelés
"trous Gamelin", car la frontière est proche.
Le PC régimentaire s'installe à Achen, tandis que
les 3 bataillons sont répartis entre Wiesviller, Achen
et la côte 344. Les hommes sont harassés. En voyant
ces villages abandonnés, les militaires sont frappés
de voir des animaux livrés à eux-mêmes, des
récoltes sur pied. L'autorité militaire autorise
la récupération de nourriture, volaille et bétail
laissés par les évacués. L'alcool trouvé
sur place aidant, certains Bretons se laissent aller à
commettre des exactions. Inquiets à juste titre, quelques
habitants de ces villages, incorporés dans des unités
voisines, viennent vérifier leurs biens et constatent que
des maisons sont fouillées et laissées dans un état
lamentable. Des cadres avec des photos de Mosellans en tenue allemande
de 1914 sont fracassés. En 1939, la destinée de
l'Alsace-Lorraine entre 1870 et 1918 n'était pas connue
de tout le monde.
La situation
à Kalhausen et à Weidesheim.
Pour la majorité des localités situées sur
l'axe d'approche et de sortie des différentes unités
engagées sur le front de la Blies, la situation est similaire
: les villages subissent le même sort.
Des habitants de Kalhausen sous les drapeaux, viennent inspecter
les lieux. Ainsi Pierre Stephanus, militaire servant au barrage
de Wittring, enfourche son vélo et vient vérifier
l'état de sa maison. Le village est investi par la troupe.
En arrivant à sa maison du "Hohleck", il constate
que la porte de la cave est ouverte et que des soldats français
sont en train d'apprécier son vin d'Algérie en tonnelet,
acheté juste avant l'ouverture des hostilités.
André Freyermuth, soldat au 133e RIF, maçon dans
le civil, venu voir l'état de sa maison, décrit,
dans une lettre envoyée à sa femme en Charente,
l'intérieur de leur demeure et particulièrement
le canapé où elle ne lui permettait pas de s'installer
avec ses vêtements ordinaires. C'est un fût de vin
amené par les nouveaux occupants de la maison qui désormais
trône sur le canapé !
Mais que faire ? C'est la guerre !
Le 4 octobre, à 7 h du matin, arrivant de Schmittviller
non évacué, le lieutenant Mallet de Loz du 85e RI
de la 45e DI, en route pour le secteur de la Blies, dans le cadre
de la relève de la 21e DI, entre avec sa compagnie dans
Kalhausen vidé de ses habitants.Voici sa réaction
: "Là nous avons la vision de ce qu'est exactement
la guerre. Les maisons sont inoccupées et leurs habitants
ont tout abandonné. Quelle désolation ! Ceux qui
sont passés avant nous ont tout saccagé, les photos
de famille gisent à terre, déchirées, les
tiroirs sont cassés, tout est en vrac. Quand on pense à
ceux qui habitaient là, des Français, comme nous,
on a un dégoût profond de la nature humaine".
L'état-major de la 21e DI a conscience qu'il existe un
problème de discipline au sein de certaines unités.
Une note de service fustige le comportement de certains militaires.
Les déplacements sans ordres sont réprimandés
et le respect des biens des civils est exigé.
Etant de garde avec quelques soldats dans
le village de Kalhausen, un caporal de la compagnie du lieutenant
Mallet de Loz, découvre un local avec une porte portant
l'inscription : "Défense d'entrer, danger de mort".
Intrépide, il entre dans la pièce et découvre
dans le fond des poules et des lapins que des soldats du génie
en poste dans la localité ont planqués là.
Ni vu, ni connu, quelques poules et lapins changent de main et
améliorent l'ordinaire de la compagnie.
Le lendemain, le lieutenant Mallet de Loz en profite pour inspecter
les environs : "J'ai découvert autour de l'église
de Weidesheim, le premier cimetière militaire créé
pour la région. Une trentaine de tombes, plusieurs officiers
du 137e RI en particulier. Cela vous fait vraiment quelque chose,
surtout lorsqu'on voit, à côté, les tombes
ouvertes, préparées pour ceux à venir. On
est tout de suite dans le bain en pensant que ce peut être
vous, le premier à profiter de ce lotissement d'un genre
spécial. Pourtant rapidement, l'impression cesse et le
fatalisme vous reprend".
Vision prémonitoire, quatre soldats de son régiment,
faisant partie de l'arrière-garde en Sarre seront parmi
les derniers à être inhumés à Weidesheim
en octobre1939.
Depuis le 29 août 1939, le 133e RIF (régiment d'infanterie de forteresse) sous le commandement du lieutenant-colonel Avenel du Secteur défensif provisoire Dagnan, sous-secteur de Kalhouse a établi son poste de commandement au village. L'activité principale de la formation est l'organisation défensive du terrain (construction de blockhaus, mise en place d'obstacles). Une compagnie du 1er bataillon prend ses quartiers à Weidesheim et à la gare de Kalhausen. Les militaires se transforment en terrassiers, maçons, charpentiers, poseurs de réseaux de barbelés...au détriment de l'entraînement militaire. Leurs armes sont la pelle, la pioche, la scie…et leurs officiers endossent le rôle de chef de chantier. Pierre Henri Teitgen, un lieutenant de 31 ans, agrégé de droit public et professeur, futur ministre sous la 4e République, prend ses quartiers dans une chambre au premier étage de la gare. Un autre juriste et futur ministre est en poste à Achen, il s'agit de François de Menthon, capitaine au 3e bataillon du 133e RIF. Faits prisonniers tous deux en 1940, ils s'évaderont et créeront le premier mouvement de résistance en zone libre, Liberté, opposé à Vichy, qui fusionnera plus tard avec le mouvement Combat. La salle à manger du chef de gare de Kalhausen sert de popote aux officiers, tandis que les hommes de troupe sont logés au hameau de Weidesheim dans des granges et dans l'ancien donjon. Par ordre de la division, le château (grande maison de maître) est réservé à l'installation d'un petit hôpital de campagne. Les 2 premiers blessés, dont l'un a les 2 jambes arrachées par l'explosion d'une mine, arriveront bientôt du front de la Blies. L'installation d'un poste de secours à Weidesheim explique le choix du cimetière comme l'un des lieux d'inhumation des tués de la 21e DI.
.
Cliquer pour agrandir la carte.
Offensive
sur la Blies.
Le poste de commandement de la 21e DI est installé à
Wittring le 7 septembre. Dans la nuit du 7 au 8 septembre, la
division prend position sur la Blies de part et d'autre de Bliesbruck.
A cet endroit le cours d'eau fait une boucle et ne délimite
plus la frontière. Situé en deçà,
le pont de pierre enjambant la Blies est intact. Une opération
de reconnaissance en territoire ennemi est planifiée pour
la nuit du 8 au 9. Cette mission consiste à tâter
les défenses allemandes et rapporter des mines. C'est le
drame : deux groupes font exploser des mines allemandes. Treize
hommes sont hors de combat, 7 décèderont dans la
journée et les jours suivants, dont le sous-lieutenant
Le Blond transféré à l'hôpital de Sarralbe.
Il y décède le 11 septembre et sera inhumé
à Sarralbe-Eich. Suite à l'intrusion des Français
en territoire allemand, les pionniers de la 6e ID (Infanteriedivision)
font sauter les ponts de Frauenberg et de Reinheim.
Le lendemain 9 septembre, la tête de pont est élargie
: à l'est la limite est Bliesmengen-Bolchen en Sarre, en
contact avec la 11e DI, à l'ouest la limite est Obergailbach,
en contact avec la 9e DIM. L'attaque est lancée au lever
du jour. Des unités de la 21e DI franchissent la Blies
à Bliesschweyen. La traversée du cours d'eau se
fait à l'aide de radeaux de sacs Habert. Reinheim est investi
par les unités du 137e RI arrivant du secteur de Bliesbruck.
En ce premier jour de l'offensive le danger représenté
par les mines est encore sous-estimé, l'équipe de
pionniers du 137e RI chargée de reconnaître les mines
et pièges ne comporte que 3 hommes, un sous-officier et
2 artificiers mis à la disposition des 2 bataillons d'infanterie
qui participent à l'attaque.
Des chars d'accompagnement de l'infanterie, des Renault R 35 du
20e BCC (bataillon de chars de combat) appuient les fantassins.
Cette unité avait été constituée le
23 août avec la dissolution du 507e RCC (régiment
de chars de combats) dont le 2e bataillon formera le 20e bataillon
de chars de combat. La mission des blindés de la 3e Cie
consiste à appuyer l'infanterie du 137e RI dans l'attaque
du Galgenberg au sud-est de Reinheim. En ce début du mois
de septembre, la vallée de la Blies est recouverte d'une
nappe de brouillard dense et les chars sont aveugles. Une explosion
retentit, quatre chars dont le"Glorieux" et le "Victorieux"
sautent sur des "Tellermine" allemandes et leur officier,
le lieutenant Martial Rousseau, les guidant à pied, trouve
la mort. Inhumé à Weidesheim, c'est le premier officier
de chars français mort sur le champ de bataille.
Les objectifs sont atteints sans mal. La résistance allemande
est molle, mais se durcit au niveau des points de passages obligés.
Les villages sarrois évacués dès le 1er septembre
sont vides, les militaires bretons sont frappés par ces
maisons propres, spacieuses, bien équipées, mais
parfois piégées par des mines, ce qui déchaîne
chez certains une véritable fureur destructrice : mobilier
et biens sont saccagés. A 18 heures, les objectifs sont
atteints. La zone conquise par la division passe à la lisière
nord de Bliesmengen-Bolchen, à la lisière nord du
Breiterwald, et à la ferme de Lohhof.
Pour seconder l'aviation d'observation et de réglage d'artillerie,
la 257e compagnie d'aérostiers, équipée de
ballons d'observation du même modèle que lors du
conflit précédent, est rattachée à
la division. Ce sont des proies faciles pour les aviateurs allemands.
La progression reprend lentement le 10, la ligne Walsheim, Medelsheim
est atteinte. Le 11, c'est au tour de Bebelsheim et Gersheim d'être
investis. Aucune réaction de l'ennemi, sauf quelques salves
d'artillerie. Le terrain détrempé et boueux complique
la tâche des colonnes de ravitaillement. La passerelle permettant
de franchir la Blies, construite à Reinheim, a du mal à
absorber le trafic routier.
Le 12, pour permettre la poursuite de l'avance, les sapeurs du
génie construisent un pont de 18 tonnes sur la Blies, permettant
aux blindés légers de passer à l'ouest du
cours d'eau. L'attaque reprend le 13, la limite extrême
de l'avance sera une ligne passant au sud d'Eschringen, au nord
de Wittersheim, à Erfweiler, au sud du Kahlenberg, au nord-ouest
de Bockweiler. Le capitaine de réserve Jallifier (inhumé
à Weidesheim), dans le civil surveillant-chef à
l'hôpital psychiatrique de Quimper, est tué par un
obus lors de l'attaque. Ballweiler est occupé en fin de
journée, la ligne Siegfried n'est plus qu'à 4 km
de distance.
Le 13 septembre en fin de journée, l'avancée de
la 21e DI est stoppée. Le 137e RI reçoit l'ordre
d'organiser solidement la position conquise et de la défendre
sans esprit de recul. Les avant-gardes se replient sur une position
à 800 m au sud d'Ormersheim, avec comme limites la lisière
nord de la forêt du Kirchenwald, la sortie nord de Wittersheim,
Rubenheim, Herbitzheim (en Sarre) et la forêt du Hochwald,
en liaison avec la 11e DI à gauche et la 9e DIM à
droite.
Depuis le 12 septembre, la résistance de l'armée
polonaise s'est effondrée, la situation est très
confuse, il n'y a plus de front continu. Très prudent,
le haut commandement français anticipe le redéploiement
allemand à l'ouest et le repli français est planifié.
Les unités installées en position défensive
mettent en place des réseaux de fil de fer barbelés,
la vigilance est de mise. Les Allemands envoient des patrouilles
pout tâter le terrain, de nuit surtout ; de jour, c'est
l'artillerie allemande, bombardant les villages conquis, qu'il
faut redouter. Le danger constitué par les pièges
n'est pas écarté : le 13 septembre, des mines attachées
aux arbres sont découvertes, ce qui rend leur détection
encore plus difficile et cause de nouvelles victimes.
Un depôt de mines anti-char
"Tellermine" déterrées par les pionniers français en Sarre.
(Photo extraite du journal Match 1939).
Le 14-15 septembre, un escadron à
cheval du 27e GRDI, (groupement de reconnaissance divisionnaire
d'infanterie) fait la liaison entre la 21e DI et l'unité
voisine, la 9e DIM qui fait mouvement vers ses positions sur la
rive droite de la Blies vers Bliesdalheim. Maurice Batifoix, un
cavalier du groupe de reconnaissance, est tué (il sera
inhumé à Weidesheim). Des hommes sont blessés,
victimes de tirs de l'artillerie allemande. N'étant d'aucune
utilité et ayant subi des pertes, les chevaux sont dirigés
haut le pied sur Woelfling, d'où une batterie d'artillerie
du 235e RALD dotée de canons de 155 réplique aux
tirs allemands. Le GRDI est composé d'escadrons mixtes
de cavalerie où les chevaux côtoient les véhicules
automobiles, dont la plupart sont issus de la réquisition
à l'exception d'un peloton moto. Les véhicules sont
disparates, usagés et souvent ne correspondent pas au tonnage
requis. Un certain nombre de véhicules n'ont été
livrés qu'au départ du régiment de Pontivy
vers la zone de concentration.
A Reinheim, où le poste de commandement du 137e RI est
établi depuis le 13 septembre, les explosions se succèdent.
Les spécialistes du génie nettoient le village des
pièges mortels dissimulés jusque derrière
les cadres accrochés aux murs, mais malheureusement certains
échappent à leur fouille. Les commandants des groupes
d'artillerie appuyant le 137e RI sont convoqués le 15 septembre
pour 16 h au PC du régiment du 16e RADA (régiment
d'artillerie divisionnaire automobile) situé dans la maison
des douanes sur la route de Bliesbruck-Reinheim. Le chef d'escadron
Mosnier, commandant le 1er groupe du 16e RADA et le capitaine
Rault, commandant le 3e groupe du 35e RAD (régiment d'artillerie
divisionnaire) sont en retard. C'est avec stupeur qu'on apprend
que leur voiture a sauté sur une mine après le passage
de la passerelle construite à côté du pont
détruit de Reinheim. Le corps du commandant Mosnier est
déchiqueté, le capitaine Rault est étendu
au sol, mort ainsi que Joseph Le Morillon, chauffeur du commandant
(tous inhumés à Weidesheim). Le lieutenant Coissac,
de l'état-major, conduisant la voiture ce jour, est commotionné.
Deux autres artilleurs décèdent le lendemain à
Reinheim, victimes des mines : il s'agit du maréchal des
logis-chef Henri Guérin et du canonnier Henri Le Naour,
tous deux de l'état-major du 3e groupe du 35e RAD (inhumés
à Weidesheim).
Le 8 septembre 1939, vers 22 h10, devant la menace d'une offensive
française, le génie allemand fait sauter le pont
de Reinheim.Après que Reinheim situé à 2
km de la frontière française ait été
investi dans la journée du 9 septembre 1939, le génie
français construit deux ponts de 4 tonnes, l'un à
50 m à l'est du pont détruit, l'autre à 100
m à l'ouest. Un passage pour l'infanterie est aménagé
sur les ruines du pont détruit, ainsi qu'une passerelle
au coude de la Blies à 400 m.C'est en traversant la Blies
à cet endroit, le 15 septembre 1939 que la voiture transportant
le commandant Mosnier, le capitaine Rault, le canonnier Le Morillon
et le lieutenant Coissac, artilleurs de la 21e DI, saute sur une
mine à la sortie du pont, entrainant la mort des trois
premiers. Ils sont inhumés à Weidesheim.
Le 15-16 septembre, les chars du 20e BCC
sont relevés par ceux du 10e BCC, dont un tankiste décédé
le 13 repose à Weidesheim, tandis que le PC divisionnaire
est transféré de Wittring à Sarreinsming.
A la date du 15 septembre la 21e DI déplore la perte de
329 hommes (tués, blessés, disparus).
Le 17 septembre, l'Armée Rouge envahit la Pologne dont
le sort est scellé. L'offensive ayant pour objectif de
soutenir la Pologne n'a définitivement plus lieu d'être,
mais le danger est toujours présent en Sarre. Dans l'après-midi
du 18 septembre, au cours d'une relève, un conducteur de
chenillette du 2e bataillon du 137e RI, Rémy Quéré
(inhumé à Weidesheim) est tué par une mine.
Les troupes de forteresse déchargent les divisions en ligne
de certaines tâches, ainsi le 3e bataillon du 133e RIF arrive
d'Achen, en renfort dans la nuit du 18 au 19 septembre, avec pour
mission la garde des passages sur la Sarre et la Blies.
Le 20-21 septembre la chasse allemande demeurée discrète
jusqu'alors se fait remarquer. Des escadrilles sont de retour
de Pologne, notamment l'I/JG 52 (groupe de chasse). Le général
Pigeaud décide d'octroyer une prime de 500 francs à
l'unité qui abattra le premier chasseur allemand.
La 21e DI reçoit l'ordre de repli pour être placée
en réserve. Elle est relevée par la 45e DI de type
A. La préparation débute le 1er octobre et le mouvement
se fait entre le 2 et le 4 octobre par deux itinéraires
: la route de Bebelsheim à Frauenberg et de Bliesherbitzheim
à Bliesbruck. Le temps est brumeux, les routes sont boueuses
et la marche est pénible. C'est le retour sur le territoire
national, ressenti comme une retraite. Après avoir vu tomber
tant des leurs sur cette terre allemande, certains Bretons auraient
pleuré de dépit. La fatigue se fait sentir après
un mois de campagne. Pour la plupart des Bretons le déplacement
se fait à pied, la 21e DI ne disposant pas de moyens de
transports organiques. L'itinéraire est le même qu'à
l'aller, direction Sarre-Union, Fénétrange puis
Lagarde. Après une marche harassante de 160 km qui durera
8 jours, sous la pluie et sur de mauvaises routes, la formation
se regroupe dans la zone Damelevières-Barbonville-Saffais,
au sud-ouest de Lunéville en Meurthe-et-Moselle, entre
le 8 et le 12 octobre 1939, et elle est mise au repos. Dans le
compte-rendu fait à la division, relatif aux mouvements
du 7 et du 8 octobre, le colonel du 137e RI relève l'état
d'épuisement des chevaux : "chevaux très
fatigués le 7 au matin…2 chevaux morts d'épuisement…3
chevaux fourbus, indisponibles pour plusieurs jours".
Pour l'ensemble de la division 200 chevaux périssent de
suite de maladie et d'épuisement lors de ce déplacement.
Le 2e bataillon du 65e RI, le 3e bataillon du 137e RI et deux
batteries du 3e groupe du 35e RAD sont laissés à
disposition du 15e GRCA (groupe de reconnaissance des corps d'armée),
groupe de reconnaissance divisionnaire du XXe corps d'armée,
en arrière-garde. A l'issue de sa mission, le 8 octobre
vers 18 h 30, le 3e bataillon du 137e RI comprenant 19 officiers,
830 hommes avec 15 tonnes de bagages et l'armement collectif embarque
dans des camions à Kalhausen et rejoint la zone de regroupement
de la division à Damelevières.
L'arrière-garde appelée Dare (Détachement
d'action retardatrice de l'est) passe sous le commandement de
la 45e DI dès le 13 octobre. Le 16, les Allemands contrattaquent
et rejettent les derniers éléments du Dare en France.
4 soldats du 85e RI faisant partie de la 45e DI, tués le
15, sont parmi les dernières victimes de l'offensive (inhumés
à Weidesheim). Leur unité est la dernière
à évacuer le secteur de la Blies.
Les aviateurs
du groupe de chasse 1/3.
Dès le début des opérations en Sarre, l'aviation
de renseignement française subit de lourdes pertes du fait
du matériel obsolète dont elle est équipée.
Dès le 9 septembre deux avions Bloch 131, avion standard
de reconnaissance, sont abattus, dont l'un à Bliesransbach.
Ces appareils sont trop lents et extrêmement vulnérables,
ce qui amène leur retrait des opérations de jour.
Les Mureaux 115 et 117, avions de reconnaissance et de réglage
de l'artillerie pour certains, sont dans le même cas : un
avion est abattu à Auersmacher le 10 septembre, un autre
à Grosbliederstroff le même jour, un autre se crashe
à Sarralbe, près du Haras, le 20 septembre. C'est
sur l'intervention du général Prételat, commandant
le 2e groupe d'armées, que les missions des Potez 25 et
Potez 390, autres modèles d'avions d'observation, seront
suspendues le 21 septembre. Malgré la protection des chasseurs
MS 406, ces appareils ont peu de chance de pouvoir effectuer leur
mission et le haut commandement décide de les remplacer
par des appareils plus modernes, les Potez 637, mais eux aussi
très vulnérables : un avion est abattu le 25 septembre
à 3 km de Sarralbe, un autre le 27 septembre à Tenteling,
à côté de Forbach. Après une vingtaine
de jours de mauvais temps, les journées du 20 et du 21
septembre vont être marquées par les premiers affrontements
sérieux entre la chasse française et la chasse allemande.
Dans le cadre du déploiement aérien, le groupe de
chasse 1/3, commandé par le commandant Thibaudet, rejoint
le 27 août 1939 le terrain d'opération de Velaine-en-Haye,
en Meurthe-et-Moselle, au nord de la route Toul-Nancy. Le terrain
d'aviation, distant de 80 km de la frontière allemande,
est vétuste, des travaux d'aménagement sont nécessaires.
Le groupe est rattaché à la 4e armée du général
Réquin, en charge de la zone allant de Saint- Avold à
Volmunster.
Les forces aériennes sont subordonnées au commandement
terrestre. Ce partage de responsabilités qui ne satisfait
personne entraîne des frictions et entrave le bon déroulement
des opérations.
Les missions incombant au groupe sont les suivantes : DAT (défense
aérienne du territoire) et chasse aux Armées. Les
missions DAT consistent, soit en la couverture directe sur un
point sensible, soit en la couverture orientée par radio
pour l'interception de la chasse ennemie (à partir du 2
octobre, la voiture-radio est installée à Neufgrange).
Ces missions sont peu efficientes, du fait du fonctionnement aléatoire
des postes de radio français de l'époque, privant
les chasseurs du guidage des équipes au sol. Les missions
de chasse aux Armées comprennent en outre la protection
des missions de renseignement et la chasse libre.
Le 21 septembre, sept chasseurs MS 406 du GC 1/3 (groupe de chasse)
effectuent une mission de protection au profit de deux avions
de reconnaissance, un Potez 390 du GAO 505 (groupe aérien
d'observation) et un Mureaux 115 du GAO 504. Ils sont interceptés
par des Messerschmitt ME 109 au-dessus de la vallée de
la Blies. A 16 h 15, l'avion du sous-lieutenant Baizé est
touché et s'enflamme. Il s'en extirpe, mais à cause
de l'altitude trop faible, son parachute n'a pas le temps de s'ouvrir
et se met en torche. Le pilote tombe sur la colline dominant Bliesbruck
en direction de Habkirchen. Inhumé à Weidesheim,
c'est le premier pilote de chasse français tué.
Il a été abattu par le "Hauptmann " Erich
Mix, un officier réserviste du I/JG 53 (Jagdgeschwader)
ancien pilote de 1914-1918. Un des avions d'observation, le Potez
390 numéro 50, touché par les tirs allemands fait
un atterrissage forcé entre Niedergailbach et Obergailbach,
entraînant la mort de l'observateur, le capitaine Léonard,
tandis que le sergent-chef Adaintre, le pilote, est indemne. Les
missions des Potez 390 sont alors suspendues.
Le Morane Saulnier 406 est l'avion
de première ligne en 1939 et 1940.
Il équipe les
premières unités début 1939, mais est déjà
périmé à sa mise en service.
Le sous-lieutenant
Baizé abattu à Bliesbruck et le
sergent Garnier
à Etting trouveront la mort aux commandes de cet appareil.
Tombe du sous-lieutenant Marius Baizé.
(Photo internet - Commune de Villié-Morgon)
Les opérations s'enchaînent. Le dimanche 24 septembre,
dans la matinée, cinq MS 406 décollent pour une
mission de couverture. A 10h50, ils aperçoivent 3 patrouilles
de ME 109, escortant sans doute un avion d'observation. Un combat
aérien tournoyant s'engage, le sergent Garnier, pilotant
le MS 406 numéro 270, touche un ME 109 qui rompt le combat,
son radiateur percé. Touché à son tour, au
niveau du moteur, le pilote français cherche à atterrir
dans un pré à Etting. Un autre ME 109 le poursuit
jusqu'au ras du sol et le mitraille au moment où il se
pose. On trouve le pilote assis dans son avion, la poitrine transpercée
d'une balle.
Le même jour, aux environs de midi, a lieu une deuxième
confrontation avec les ME 109. Lors d'une mission d'escorte d'avions
d'observation Mureaux du GAO I/520, deux patrouilles du GC 1/3
sont attaquées par des chasseurs allemands. Touché
par les tirs ennemis, le sergent-chef Combette réussit
à abattre un ME 109 qui s'écrase à 12 h 50
à Rimling. Un deuxième avion allemand est abattu
par le capitaine Gérard qui, touché à son
tour, évacue son avion en parachute. Le ME 109 s'écrase
à Niedergailbach en Allemagne.
A gauche, posant devant
son MS 406, le sergent-chef Combette du groupe de chasse 1/3 exhibe
la croix de l'avion allemand qu'il a abattu dans l'après-midi de 24 septembre 1939 et
qui s'est écrasé à Rimling.
(Photo extraite du journal Match 1939).
Les 2 pilotes allemands, ayant pu sauter
en parachute, sont indemnes et faits prisonniers. Le caporal Hesselbach
et le sous-lieutenant Kurt Rosenkrantz de l'I/JG 52 sont basé
à Biblis au nord de Mannheim. Lors d'un premier interrogatoire,
ils récusent le fait que leur groupe de chasse soit rentré
de Pologne, mais les services de renseignement français
ne sont pas dupes. Une partie de la chasse allemande se redéploie
vers l'ouest depuis la mi-septembre. En outre ils confirment l'absence
de deux avions de la mission du matin du 24 septembre, l'un probablement
abattu par Jean Garnier. Bien que non homologuée, une victoire
lui sera créditée.
Jean Garnier est le deuxième pilote de chasse tué
en opération. C'était un pilote prometteur ayant
fait partie de la patrouille de présentation du MS 406
au meeting international de Bruxelles en juillet 1939, il sera
inhumé à Weidesheim
Le groupe de chasse est à l'honneur
dans la presse en octobre (Match, Paris-Soir…) Le reporter
Joseph Kessel vient visiter le GC 1/3 et dans le numéro
de Paris-Soir du 29 octobre consacre un article à la chasse
française. Il cite le commandant Thibaudet relatant les
combats de septembre : "Cela a coûté la vie
à deux de mes hommes, un sous-lieutenant descendu en flammes
et un sergent poursuivi jusqu'au sol et tué lorsqu'il posait
son appareil". Pour des raisons évidentes de sécurité,
les noms des pilotes Marius Baizé et Jean Garnier ainsi
que celui du groupe ne sont pas cités dans l'article.
Jean Garnier sera victime d'un des défauts du MS 406 :
l'absence de blindage dorsal, défaut qui sera corrigé
en octobre par le montage d'un blindage, mais résistant
juste à une balle 7.7 mm. Malgré sa faible puissance
de feu, le manque de fiabilité de son poste de radio, le
manque de puissance et l'usure rapide de son moteur, le MS 406,
en voie d'obsolescence, reste l'avion de première ligne
en 1940, faute d'appareils modernes construits en nombre suffisant.
Baizé et Garnier seront les seuls tués du GC 1/3
en 1939.
Collection privée
Le sergent Jean Garnier
Cimetière de Weidesheim en 1939. A gauche, la tombe de Jean Garnier.
A partir de mars 1940 le GC 1/3 est rééquipé
d'avions modernes du modèle Dewoitine 520 et sera le premier
groupe opérationnel le 13 mai 1940. Durant la période
du 24 septembre 1939 au 16 juin 1940, le groupe enregistre 75
victoires au prix de 11 tués, 5 blessés et 5 prisonniers.
Cette photo est parue dans
le magazine Match du 26 octobre 1939.
Une partie du numéro est consacrée à la gloire
des aviateurs français, exhibant les trophées pris
sur les avions allemands abattus.
Par contre le commentaire original de la photo laisse songeur
sur les techniques françaises de déminage distillées
au grand public.
(Photo extraite du journal Match 1939).
Le "Gräberkommando"
Robardet ou groupe des morts.
Début octobre 1939, au moment du repli, le 137e RI exhume
ses morts enterrés hâtivement en Sarre pendant les
combats et les rapatrie sur le territoire national. C'est la tâche
des brancardiers, issus de la formation de la musique militaire.
A la déclaration de la guerre en 1939, la musique militaire
du 137e RI est scindée ; une partie du personnel rejoint
le corps des transmissions, tandis que l'autre partie devient
brancardiers.
Fin octobre 1939, les corps de la plupart des militaires tués
pendant l'opération Sarre reposent dans différents
cimetières situés dans les localités françaises
en bordure de la frontière. Ainsi 44 bretons des 65e, 48e
RI reposent à Frauenberg, 13 sont enterrés à
Sarralbe. 23 parmi les 39 de Weidesheim font partie de la division
bretonne. Dix-neuf corps de soldats appartenant au 65e RI sont
enterrés à Bebelsheim et à Wittersheim-Löchfeld
en Allemagne, d'autres sont enterrés à Bliesbruck,
Philippsbourg, Sarrebourg, Saint-Jean-de-Bassel. Cela donne un
total de 115 tués pour la 21e Division fin octobre :
- 31 tués au 137e RI.
- 55 tués au 65e RI.
- 20 tués au 48e RI
- 6 tués au 35e RAD.
- 2 tués au 235e RALD.
- 1 tué au 27e GRDI.
Au 15 septembre, le nombre des pertes était de 76 tués,
4 disparus, 249 blessés.
Le petit cimetière de Weidesheim, adjacent à la
chapelle, est exigu et très vite saturé. Le cimetière
mennonite le jouxtant, est mis à contribution. Finalement,
faute de place, un carré de tombes sera établi sur
l'esplanade, à l'avant du château.
C'est la période appelée "Drôle de guerre"
jusque mai 1940, puis l'orage éclate. Le 14 juin, les Allemands
sont à Paris, le 17 juin Metz est investi. La France est
défaite. Le 25 juin, les derniers ouvrages de la ligne
Maginot résistent encore, alors que la convention d'armistice
a été signée le 22 juin 1940.
Mi-juillet 1940, la frontière de 1870 entre l'Allemagne
et la France est rétablie. L'Alsace-Lorraine est annexée
au "Reich". Fin septembre 1940, les habitants de Kalhausen
sont de retour au village. La germanisation est mise en place,
ainsi la mairie se transforme en "Bürgermeisterei"
et c'est un "Ortsgruppenleiter" qui dirige les communes
de Kalhausen et de Schmittviller.
Le 10 décembre 1942, un courrier émanant du lieutenant
Louis Robardet, basé à Puttelange arrive à
la mairie de Kalhausen. Il s'agit de recenser toutes les tombes
de militaires français, polonais et anglais, ayant été
inhumés à Kalhausen et Schmittviller. S'en suit
un échange de correspondances entre la mairie et le lieutenant
Robardet, dont la dernière, avec des renseignements complémentaires,
est datée du 9 avril 1943.
Louis Robardet est originaire de Cernans dans le Jura. Lieutenant
de réserve, il est mobilisé en 1939 au 44e RI, fait
prisonnier en 1940 et envoyé dans un camp en Silésie.
En 1939-1940, il avait participé à la pose de mines
dans le secteur de Faulquemont. Avec le retour des réfugiés,
de nombreux accidents sont causés par l'explosion de mines
enfouies pendant la Drôle de guerre et il devient urgent
de procéder au déminage. L'article 7 de la convention
d'armistice du 22 juin 1940 stipule : "Tous les détails
sur les emplacements minés, les barrages de mines…
sont à remettre au Haut commandement allemand. Ces obstacles
devront être enlevés par les forces françaises
sur la demande des autorités allemandes".
Le lieutenant Robardet est transféré au camp de
Saint-Avold avec 8 autres prisonniers. Sa tâche consiste,
à partir de février 1941, à déminer
le Secteur Fortifié de Faulquemont où il était
stationné en 1939-1940. En travaillant sur les secteurs
de l'ancien champ de bataille de la Trouée de la Sarre,
il constate que beaucoup de combattants français tués
au printemps 1940 reposent sous quelques centimètres de
terre et n'ont pas de tombe digne de ce nom ; en effet le service
des sépultures français n'a pas autorité
pour exercer en Moselle annexée.
Grâce à son action, beaucoup de familles purent savoir
ce qu'il était advenu aux leurs, disparus dans les combats.
Ainsi la famille de Paul Stéphanus, originaire de Kalhausen
et marié à Grundviller, fut officiellement prévenue
en août 1942 par les autorités françaises
que son corps avait été retrouvé et inhumé
à Hoste. Lui, ainsi que 6 camarades du 41e RMIC (régiment
de mitrailleurs d'infanterie coloniale) avaient trouvé
la mort dans un blockhaus défendant la digue de Dieferding-Richeling,
non loin de Puttelange, lors de l'attaque allemande du 14 juin
1940. Les 7 corps furent sommairement inhumés à
proximité du lieu de leur dernier combat. Entre le 15 et
le 20 août 1941, l'équipe du lieutenant Robardet,
procéda au transfert des corps au cimetière de Hoste.
Avec l'accord de l'autorité militaire
allemande, le "Gräberkommando Robardet" procéda
à plus de 2500 exhumations dans le secteur de la Trouée
de la Sarre, dans la région de Sarrebourg, dans celles
de Dieuze et Grostenquin.
En 1940-1941, les Allemands érigent un cimetière
militaire à Hoste-Bas, dans un terrain en contrebas de
l'église pour les soldats allemands tués pendant
les combats des 14-15 juin 1940. Parmi eux se trouve le maire
de Landau (Palatinat), le "Gefreiter" (caporal) Fritz
Peters, un membre éminent du NSDAP (National Sozialistische
Deutsche Arbeiter Partei). En son souvenir Hoste-Bas et Hoste-Haut
sont rebaptisés Petersruh, ce qui signifie "lieu de
repos de Pierre".
Le 9 avril 1941, l'équipe du lieutenant Robardet y enterre
les premiers soldats français et polonais dans un carré
réservé. Petit à petit, les corps des soldats
français reposant dans les petits cimetières y sont
transférés. En mai 1943, les 30 corps de Sarralbe-Eich,
parmi lesquels on compte 13 Bretons sont exhumés et ramenés
à Hoste. Les corps de Weidesheim sont transférés
au mois de janvier 1944.
En 1948, le cimetière de Hoste est désaffecté
; les corps des militaires sont rendus aux familles ou transférés
à la nécropole nationale de Metz-Chambières
pour les soldats français, à Colmar pour les soldats
français musulmans, à Niederbronn pour les Allemands
et à Dieuze pour les Polonais. Des tombes éparses
sont encore visibles en 1960. Quelques bretons inhumés
dans un premier temps à Weidesheim reposent toujours en
Moselle, à Metz-Chambières.
Le général Réquin,
commandant de la 4e Armée en 1939, dans un ouvrage publié
en 1946, donne, pour l'offensive de la Sarre, le nombre de 98
officiers et 1750 hommes hors de combat du côté français
(tués, blessés et disparus). L'historien Henri Hiegel
dénombre 1854 hommes hors de combat. C'est sensiblement
le même total que celui donné par le général
Réquin, mais il précise le nombre de tués,
372 pour l'offensive. Rappelons que sur l'ensemble des forces
engagées en Sarre, d'après nos recherches basées
sur le fonds Robardet, la 21e DI eut 115 tués et que les
Bretons payèrent un lourd tribut, près de 1/3 des
victimes de l'offensive. Ce chiffre est corroboré par les
informations du journal de marche de la 21e DI. Le nombre des
victimes allemandes est de 198 morts et 53 prisonniers.
En conclusion.
L'offensive de la Sarre fut un échec, elle n'a pas atteint
son but : attirer des forces allemandes en Sarre pour soulager
les armées polonaises, mais dans les états-majors,
on se félicite en évoquant "les succès
brillants qui sont un heureux présage pour l'avenir".
(Citation d'un général).
Face à l'effondrement rapide de la Pologne, le haut commandement,
pris de court, a dû lancer l'offensive avant la mise en
place complète du dispositif prévu. Malgré
le fait que les opérations de couverture aient relativement
bien fonctionné (répétition de la mobilisation
partielle de 1938), cette opération a souligné l'impréparation
des forces armées françaises en 1939 en Sarre (absence
d'obus de rupture pouvant percer le béton, instruction
insuffisante dans le domaine des mines, insuffisance et vétusté
des moyens de franchissement du génie...) Le "Westwall",
ensemble de blockhaus et d'obstacles antichars, allant de la frontière
luxembourgeoise à la Suisse, construit une dizaine de kilomètres
en retrait de la frontière, n'avait pas la puissance de
la Ligne Maginot. Appelé aussi "Schutzwall "ou
encore par les Alliés "Ligne Siegfried", il n'a
pas été atteint, par contre il a pleinement joué
son rôle dissuasif bien que le haut commandement français
fut parfaitement renseigné sur sa valeur défensive
réelle. L'offensive a été stoppée
au bout de 5 jours, avant que les troupes ne l'atteignent. Dans
une note destinée au Service historique des Armées,
rédigée en 1972, le colonel Mast, chef de corps
du 137e RI, un des régiments de la 21e DI, explique que
le haut commandement, malgré ses demandes réitérées,
ne lui a jamais octroyé l'autorisation d'attaquer la position
fortifiée. L'armée française avait-elle les
moyens en septembre 1939 de poursuivre l'offensive ? On peut en
douter. Tandis que les nouvelles divisions françaises issues
de la mobilisation sont en train d'être formées et
équipées, les Allemands, sûrs de leur victoire
contre la Pologne, transfèrent rapidement sur le front
ouest des troupes et de l'aviation.
Le moral des unités combattantes a été affecté
par la retraite et les pertes inutiles en vies humaines. Débutera
alors ce que l'on appellera par la suite "la Drôle
de guerre" en français et "Sitzkrieg" en
allemand. L'opération Sarre ne tient pas une grande place
dans les manuels d'histoire et n'a pas vraiment eu d'incidence
sur le cours de la guerre, sinon de rappeler à nos stratèges
les carences de cette armée française que le général
Gamelin estimait prête en août 1939. Suite à
des problèmes de capacité de production industrielle,
à des prises de décisions erronées de l'état-major
au niveau du commandement, de l'organisation, de la tactique,
les efforts entrepris depuis 1936 pour faire de cette armée
un outil moderne, n'ont pas porté leurs fruits.
A l'heure actuelle, en sillonnant la région, quelques monuments
épars nous rappellent l'opération Sarre de septembre
1939. A Sarreguemines, à proximité du Moulin de
la Blies, un monument fait mention des premiers tués du
26e RI appartenant à la 11e DI surnommée Division
de Fer. A Erching, une stèle près de la frontière
allemande évoque les militaires du 95e RI faisant partie
de la 9e DIM, voisine de la 21e DI, tombés en Sarre en
septembre 1939. A la chapelle d'Ormersviller, une croix, faite
d'éclats d'obus ramassés à proximité,
surmonte un panneau, où se côtoient la langue française
et allemande, rappelant les opérations du 32e RI français,
de la 23e DI et celles du 127e régiment d'infanterie allemand.
La croix est dédiée au souvenir des morts des deux
nations ayant participé aux combats.
A gauche le monument dédié aux tués du 26e RI situé à Sarreguemines. A droite la croix fabriquée
avec des éclats d'obus suspendue dans la chapelle Saint Joseph à Ormersviller.
Bernard Zins. Avril 2009
Sources et bibliographie.
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de guerre en Moselle Tome 1, Editions Pierron, Sarreguemines,
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et la paix, Académie Européenne du livre, 1991.
PHILIPPE (Bernard), GC 1/3 Les rois du Dewoitine 520, Avions Hors
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Les grandes unités françaises, guerre 1939-1945,
Historiques succincts, Imprimerie Nationale, 1967.
Drôle de vie sur la ligne Maginot aquatique, Les amis du
pays d'Albe, 2000.
Sur le front en escadrille, Match, 1939.
L'armée allemande, Etat-major de l'Armée 2e Bureau,
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Archives de la mairie de Kalhausen.
Fonds Robardet.
SHAT, Vincennes.
SHD Air, Vincennes.
Témoignages divers.